Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accord de Paris, adopté le 12 décembre dernier, est incontestablement historique, et c’est pourquoi nous allons le ratifier sans tarder.
Je retiens à son sujet quatre objectifs qui me paraissent essentiels : contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels et s’efforcer de la limiter à 1, 5 degré ; placer l’adaptation au cœur des priorités des États, afin de renforcer la résilience aux changements climatiques ; construire un cadre de transparence visant à renforcer la confiance entre les parties ; mettre en œuvre une clause de révision qui engage les parties à actualiser et à faire progresser leurs engagements nationaux tous les cinq ans – s’ils restaient en l’état, les engagements pris se solderaient par une élévation de la température de l’ordre de 3 degrés, et ne permettraient pas de contenir l’élévation sous le seuil des 2 degrés.
On peut assurément parler d’un accord universel, ambitieux et équitable, construit à partir d’une démarche bottom-up innovante et efficace. La démarche inverse avait connu quelques succès, mais ils restaient insuffisants pour aboutir à l’accord que l’on qualifie aujourd’hui d’historique.
Pour autant, il nous faut désormais nous projeter dans les mois et les années à venir. Évidemment, beaucoup reste à faire. L’opinion publique est convaincue que l’accord de Paris entrera en application le lendemain du jour où il sera ratifié. En réalité, il entrera en vigueur à partir de 2020. D’ici là, nous restons sous le régime du protocole de Kyoto, dont nous avions prolongé l’application en votant le projet de loi autorisant la ratification de l’amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997, que j’avais eu l’honneur de rapporter. Il n’en demeure pas moins qu’il faut préparer l’après-2020, car, si l’accord a été souscrit, le rendre efficace prendra du temps.
Votre détermination sur le processus de ratification traduit l’optimisme que l’on vous connaît, madame la ministre, avec un résultat indiscutable en la matière. À ce stade, dix-sept parties ont déjà ratifié l’accord et la France sera effectivement le premier grand État membre du Conseil de sécurité des Nations unies à le ratifier.
Certaines évolutions sont cependant inquiétantes. La possibilité d’un Brexit soulève des questions sur le calendrier. Les positions prises par certains pays amis comme la Pologne, la Slovaquie ou la Tchéquie suscitent aussi des inquiétudes.
Se posent également des questions sur la future répartition de l’effort européen entre les États membres. Tant que ce problème ne sera pas réglé, certains pays pèseront de tout leur poids dans la négociation en s’abstenant de ratifier l’accord.
Aux États-Unis, le positionnement du candidat républicain Donald Trump fait peser une inquiétude sur la mise en œuvre future de l’accord, et je ne parle pas des débats juridiques passionnés qui se tiennent aux États-Unis sur les pouvoirs respectifs des États et de l’État fédéral américain, une question sur laquelle se penche actuellement la Cour suprême. Là aussi, nous aurions besoin d’éléments d’information, afin d’être éventuellement rassurés sur ces zones d’ombre.
Sur le fond, plusieurs points présents dans l’accord appellent encore des précisions et des négociations pour pouvoir être mis en œuvre.
La question des contributions nationales est importante. Je participais ce matin à un colloque à l’UNESCO avec la Plateforme Océan et Climat où Jean Jouzel a de nouveau évoqué le problème de l’évolution des contributions nationales pour tenir l’objectif des 2 degrés.
L’adaptation au changement climatique et le mécanisme des pertes et préjudices figurent parmi les enjeux centraux des négociations avec les pays en développement.
Le financement de l’accord de Paris, évoqué par le rapporteur, est fortement lié à cette capacité d’adaptation. Il s’agit, d’ici à la COP 22, d’établir la feuille de route permettant la mobilisation des 100 milliards de dollars. Nous en parlons depuis longtemps ; il va être temps d’organiser de façon précise leur financement et, surtout, de le crédibiliser.
En plus de ces sujets qui devront être traités pour rendre l’accord de Paris opérationnel, certaines problématiques laissées en marge de celui-ci doivent désormais faire l’objet de négociations. Je pense notamment à l’instauration d’un prix mondial du carbone et, son corollaire, à l’inclusion des transports aériens et maritimes dans l’effort de lutte contre le changement climatique. Je n’entrerai pas dans le détail, mais la fixation d’un prix réel du carbone est essentielle pour inciter les entreprises et les ménages à faire des efforts pour modifier leurs comportements.
Autre sujet pour l’heure non traité, l’océan revendique aussi sa part dans l’évolution du regard que l’on porte sur les accords climatiques – je le dis à dessein en ce 8 juin, Journée mondiale de l’océan.
Vous avez joué un rôle absolument déterminant, madame la ministre, sur ce sujet. Votre conseiller spécial Gilles Bœuf l’a redit ce matin à l’UNESCO : la mise en valeur des océans et leur capacité à capter le carbone constituent un sujet central.
Jean Jouzel nous a rappelé que le rapport intermédiaire du GIEC sur les océans ne serait publié qu’en 2018, pour la COP de 2024. Nous attendons tous ce rapport avec beaucoup d’intérêt et nous devons développer la prise en compte des océans, compte tenu de leur importance dans le mécanisme du climat pour les années qui viennent.
Je profite également de l’examen de ce projet de loi pour rappeler que tous ceux qui s’intéressent à ces questions auront la chance de se retrouver demain matin à l’occasion du colloque organisé sur l’initiative du président du Sénat et du président Hervé Maurey. Vous en serez, madame la ministre, l’un des hôtes de marque, aux côtés de votre homologue marocaine Mme El Haite.
Je veux redire également que le groupe de travail relatif aux négociations internationales sur le climat et l’environnement constitué au sein de notre assemblée, qui avait permis l’adoption à l’unanimité par le Sénat d’une résolution pour favoriser la COP 21, s’est remis au travail, avec un ordre du jour assez chargé jusqu’à la préparation de la prochaine COP.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis très favorable sur la ratification de l’accord de Paris, même si elle considère que celui-ci ne constitue qu’un premier pas dans cette année remplie de défis. C’est un signal important pour maintenir la dynamique lancée à Paris, mais nous devrons tous rester mobilisés pour passer désormais de la décision à l’action.