Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 8 juin 2016 à 14h30
Ratification de l'accord de paris adopté le 12 décembre 2015 — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’adoption de l’accord de Paris, lors de la COP 21, a suscité dans le monde un réel enthousiasme, tant cet accord apparaît, sur certains points, plus ambitieux que ce qui était attendu : je pense par exemple à l’inscription de 1, 5°degré Celsius comme objectif de limitation de la hausse des températures mondiales, objectif qui témoigne, six ans après Copenhague, de la prise de conscience planétaire de la gravité de cette crise.

Il faut ici le redire avec force, stabiliser le climat n’est pas un enjeu environnemental périphérique ; c’est tout simplement éviter un XXIe siècle de crises alimentaires et migratoires qui déboucheraient inévitablement sur des guerres civiles et des affrontements guerriers. Le drame syrien nous dit déjà l’inéluctable de cet enchaînement, si nous continuons de faire passer nos intérêts de court terme avant notre intérêt bien compris de long terme.

Le sommet international des ministres de la défense sur les thèmes climat et défense a d’ailleurs reconnu comme un risque stratégique à part entière le changement climatique. Je tiens à souligner que son organisation était la première recommandation du livre vert de la défense, publié sur l’initiative de ma collègue Leila Aïchi.

Aujourd’hui, tout le monde s’affirme en faveur, la main sur le cœur, d’une action climatique en général, mais ce consensus ne survit guère aux intérêts particuliers…

En France, le lobby de l’aviation continue de refuser une taxation du kérosène, voire demain une taxation du carbone, et certains rêvent même encore de nouveaux aéroports…

Les transporteurs routiers sont prêts à bloquer le pays si l’on favorise par trop les transports de marchandises par rail ou canal.

L’industrie automobile met en avant les enjeux d’emploi pour refuser des normes d’émissions trop drastiques et les éleveurs bovins ne veulent même pas que nous comptabilisions les émissions de méthane entérique.

Bref, le climat n’est encore, pour beaucoup, qu’une priorité totalement théorique !

Madame la ministre, notre premier défi est bien de convaincre, et de convaincre encore, de l’urgence absolue d’une action résolue et coordonnée à toutes les échelles, du local à l’international, en passant par le niveau européen.

À ce propos, je me dois de vous faire partager mon inquiétude, après avoir discuté avec des collègues parlementaires slovaques, à Bratislava, dans le cadre justement d’une conférence d’échanges sur le bilan de la COP 21.

La Slovaquie présidera l’Union européenne durant la COP 22 et ne prévoit pourtant de ratifier l’accord de Paris qu’à la fin de 2017, après la conclusion des négociations sur la répartition de l’effort européen dans le cadre du paquet énergie-climat. Leurs réticences sont explicites et claires : hors de question, pour eux, de menacer leurs propres intérêts économiques – charbon ou sidérurgie.

Or, vous le savez, madame la ministre, la négociation s’annonce particulièrement délicate. Qui plus est, elle aura lieu, au second semestre 2017, potentiellement sous présidence britannique…

Après des déclarations communes en faveur d’une ratification rapide de l’accord en provenance des États-Unis, de la Chine ou de l’Inde – vous venez d’en parler –, l’Europe, travaillée par ses propres lobbys du charbon, de la sidérurgie ou de la construction automobile, peut perdre son leadership climatique acquis dans les années 1990 et 2000.

Il appartient donc à la France de poursuivre son action pour une ratification rapide. Les parlementaires français peuvent être utilement mobilisés pour aider à la dynamique européenne, et je salue nos collègues Hervé Maurey et Jérôme Bignon, qui n’ont pas ménagé leurs efforts en ce sens et restent mobilisés. Hervé Maurey l’a dit, l’Union interparlementaire peut être un outil intéressant à notre disposition.

Le climat représente à la fois des engagements des États et de l’action concrète des collectivités, des entreprises et des citoyens. Sans l’action concrète de ceux que nous appelons, dans le langage onusien, les acteurs non étatiques, aucun État n’atteindra les engagements qu’il s’est fixés.

En tant que porte-parole pour le climat de la principale organisation mondiale de collectivités territoriales, je peux redire ici notre détermination à poursuivre notre mobilisation et à tenir les engagements que nous avons nous-mêmes pris, notamment lors du sommet Climat et territoires à Lyon en juillet 2015 – nous y étions ensemble – ou à la mairie de Paris pendant la COP 21.

L’accord de Paris offre un cadre opérationnel de suivi et de renforcement de l’action non étatique – ce n’est pas uniquement une déclaration d’intentions ! La COP 22 devra le préciser et renforcer l’accès aux financements, qui reste la clé de la réussite de cette mobilisation mondiale, en liant tout particulièrement les enjeux de climat et de développement.

Le sommet Climate Chance, principal sommet mondial des acteurs non étatiques, qui se tiendra à Nantes du 26 au 28 septembre prochain et dont nous dévoilerons demain le programme, sera d’ailleurs une étape importante pour avancer sur la question de la définition des outils financiers les plus pertinents.

Il s’agira aussi, à travers la vingtaine de coalitions thématiques transversales qui seront présentes à Nantes et qui continueront leurs travaux ensuite, de mesurer réalité et potentiel de ces actions afin de préparer la réévaluation, dès 2018, des contributions volontaires, qui sont encore bien trop faibles aujourd’hui. C’est un point absolument essentiel.

Nous savons aujourd’hui que l’agrégation de ces contributions volontaires nous place dans le scénario d’une augmentation de 3 degrés Celsius. En tant qu’acteurs non étatiques, notre ambition est de contribuer, le plus rapidement possible, dès la première réévaluation de 2018, à ce que les États mettent sur la table des propositions plus ambitieuses.

Madame la ministre, la route est encore longue avant que nous puissions vraiment dire que nous avons garanti, à nos enfants et petits-enfants, un XXIe siècle vivable.

La COP 21 a suscité un réel espoir, et nous n’avons d’autres choix que de l’entretenir et de le concrétiser.

La ratification unanime par le Sénat de l’accord de Paris est une étape nécessaire sur ce long chemin : le groupe écologiste la votera bien évidemment.

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