Intervention de Mireille Jouve

Réunion du 8 juin 2016 à 14h30
Ratification de l'accord de paris adopté le 12 décembre 2015 — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Mireille JouveMireille Jouve :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis vingt ans que sont menées des négociations climatiques multilatérales, les occasions n’ont pas été nombreuses de se féliciter d’un réel engagement de la communauté internationale face à la menace du réchauffement climatique.

Aussi, ne boudons pas notre plaisir face à l’accord adopté le 12 décembre 2015 à Paris en marge de la COP 21 et signé le 22 avril dernier à New York, car il s’agit tout de même du premier texte universel qui vise à « contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 degrés Celsius ». Comme l’ont rappelé nos collègues Leïla Aïchi, Éliane Giraud et Cédric Perrin, dans leur très bon rapport, le dérèglement climatique serait susceptible de causer des dommages de l’ordre de 1 000 milliards de dollars par an en 2050 ! Il y avait donc urgence à s’accorder sur un plan d’action qui soit à la fois partagé et audacieux.

Il faut, de ce point de vue, souligner le travail effectué par l’ensemble de la diplomatie française depuis près de deux ans pour tirer les leçons des échecs du passé – je pense à la COP 15 de Copenhague, bien sûr – et associer au mieux les États au processus. Rappelons tout de même que 175 États ont apposé leur signature, faisant de l’accord de Paris celui qui a réuni le plus grand nombre de signatures d’un accord international dans l’histoire !

Appelés à soumettre à la conférence une contribution nationale à l’effort de réduction des gaz à effet de serre – et non en leur imposant les décisions d’en haut –, les États, sous le regard de leurs opinions publiques respectives, ont été mis en situation de se responsabiliser pour tendre vers un objectif soutenable et ambitieux pour la planète.

Le point clé de l’accord réside naturellement dans le maintien du réchauffement « bien en dessous du seuil de 2 degrés » et si possible sous celui de 1, 5 degré. Même si ce volontarisme peut sembler affaibli par l’absence d’objectifs chiffrés à long terme, il n’en demeure pas moins supérieur aux engagements publiés par les États au début de la Conférence, qui permettraient seulement de limiter l’élévation de la température moyenne à environ 2, 8 degrés.

En outre, il faut saluer la différenciation des efforts demandés aux pays, en fonction de leur responsabilité historique dans le changement climatique et de leur niveau de richesse – opposition récurrente entre Nord et Sud. Ce système d’équité devrait conduire à ce que les 100 milliards de dollars par an d’aide promise par les pays du Nord d’ici à 2020, afin d’aider ceux du Sud à faire face aux conséquences du dérèglement climatique, ne soient qu’un niveau plancher, appelé par conséquent à augmenter.

Enfin, même si l’on peut regretter l’absence de contrainte juridique – taillée sur mesure pour éviter un passage devant le Sénat américain – ou de réelles sanctions en cas de non-respect des engagements, la mise en place d’un cadre de transparence, donnant une image claire des mesures prises et des résultats obtenus par chacun, devrait empêcher les États de se soustraire à leurs objectifs – on peut légitimement l’espérer.

En outre, et c’est un point crucial, les engagements concernant les contributions nationales de réduction des émissions de gaz à effet de serre seront revus tous les cinq ans à partir de 2020. Il reviendra alors aux Parlements nationaux et, plus largement, aux peuples, de rappeler les dirigeants oublieux à leurs responsabilités.

Restent toutefois quelques limites que l’enthousiasme ne doit pas conduire à passer sous silence.

La possibilité de retrait pour un pays, sur simple notification « dans un délai de trois ans après l’entrée en vigueur de l’accord », laisse planer un risque, celui d’un effet boule de neige semblable aux divers désengagements qu’on avait pu déplorer après la signature du protocole de Kyoto en 1997.

Au demeurant, plusieurs aspects du réchauffement climatique ont été laissés de côté. Je pense, notamment, aux transports aériens et maritimes, qui représentent tout de même plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre. Il faudra à un moment se colleter avec ce sujet, sachant que le secteur maritime doit d’abord mettre en place un dispositif de mesure des émissions qu’il rejette avant même de s’interroger sur leur limitation.

Il faut se réjouir d’avoir fixé des objectifs ambitieux tout en demeurant lucide sur le chemin restant à parcourir. En effet, en privilégiant l’institution d’obligations de moyen plutôt que de résultat, il reste à transformer la feuille de route en plan d’action crédible, car les engagements actuels des États ne suffisent pas à passer sous la barre des 2 degrés.

En étant à l’origine de la COP 21, la France se devait de montrer l’exemple en ratifiant au plus vite cet accord – conformément à ce qui est prévu, l’accord entrera en vigueur trente jours après avoir été ratifié par cinquante-cinq pays représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre. Puisse notre pays entraîner dans son sillage l’ensemble des pays industrialisés, car seuls seize pays ont ratifié l’accord à ce jour, démontrant que, au-delà des bonnes intentions, tout reste encore à faire pour être au rendez-vous de l’histoire.

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