Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, mes chers collègues, la thématique que nous abordons aujourd’hui en séance publique est éminemment sensible d’un point de vue politique, diplomatique, mais aussi économique.
Les positions des uns et des autres concernant le sujet des sanctions de l’Union européenne à l’encontre de la Russie et la vision des relations entre notre pays, l’Union européenne et la Russie sont malheureusement très largement caricaturées. C’est pourquoi Simon Sutour et moi-même avons souhaité vous soumettre la proposition de résolution européenne la plus équilibrée et la plus réaliste possible. Elle fait suite au rapport d’information que nous avions rédigé au mois de juin 2015.
N’oublions pas, chers collègues, que l’équilibre diplomatique qui a été trouvé sur le continent européen au moment de la chute du mur de Berlin et de la réunification allemande résultait d’une volonté commune des Américains et des Soviétiques. Une partie des accords de 1989, même s’ils ne sont pas écrits, doit permettre de comprendre la situation actuelle. Dans ce cadre, la France a un rôle particulier à jouer. Nous pouvons être à la fois les garants de l’intégrité territoriale de l’Ukraine par la défense des accords de Minsk et les initiateurs d’une reprise de relations, que je qualifierai de « normales », avec la Russie. C’est tout l’enjeu du texte que nous examinons.
L’objectif principal de cette proposition de résolution est bien d’essayer de dénouer la crise ukrainienne rapidement, pour relancer les relations entre l’Union européenne et la Russie.
Les positions du Gouvernement et de l’Union européenne sont identiques et lient la levée des sanctions visant la Russie à l’application des accords de Minsk.
Nous savons que le Président de la République – à qui je veux rendre un hommage particulier, tant son implication a été majeure – et la Chancelière allemande ont joué un rôle décisif dans la conclusion de ces accords. Nous avons une feuille de route et il faut nous y tenir, d’autant que sa mise en œuvre n’est pas aisée, même si des avancées sont constatées depuis le 12 février 2015. Y renoncer, ne serait-ce que partiellement, serait un très mauvais signal adressé aux protagonistes.
Notre objectif ultime doit être de dénouer la crise ukrainienne le plus rapidement possible. Chacune des parties y a intérêt.
L’Ukraine, parce qu’elle a un besoin urgent de réformes d’envergure, économiques et politiques, et ne peut légitimement pas avancer avec un conflit dans ses provinces orientales. À ce titre, je rappelle l’initiative du président Larcher sur la contribution du Sénat dans la mise en œuvre du volet politique des accords de Minsk relatif à la décentralisation.
La Russie, parce que son économie pâtit des sanctions européennes.
L’Union européenne, parce ses relations avec la Russie sont gelées. Or des relations confiantes et solides sont indispensables pour relever les défis communs, tels que la lutte contre le terrorisme, la sécurité internationale, la situation au Proche-Orient, et aboutir au partenariat stratégique que nous appelons de nos vœux. Je rappelle en outre que ces sanctions ont un impact sur le PIB européen : 0, 3 % en 2014, contre 0, 4 % en 2015, soit, pour ceux qui aiment les chiffres, l’équivalent du plan Juncker. Pour être franc, cette diminution du PIB européen est due aussi bien au ralentissement de l’économie russe qu’aux sanctions.
Les États membres, enfin, parce qu’ils souffrent à la fois des opportunités perdues sur le marché russe et des effets des contre-sanctions russes, comme le montre la crise de la filière porcine en France.
Le dispositif de cette proposition de résolution consiste en une levée progressive et différenciée des sanctions sous conditions. Ainsi, le régime de sanctions à l’encontre de la Russie pourrait être modifié selon le schéma suivant.
D’abord, les sanctions économiques sectorielles seraient progressivement allégées en fonction de progrès significatifs et ciblés dans la mise en œuvre des accords de Minsk.
Ensuite, et selon les mêmes conditions, les sanctions diplomatiques et politiques feraient l’objet d’une réévaluation. Ainsi, la suppression de l’exigence de visas de court séjour pourrait de nouveau s’appliquer. Néanmoins, nous avons écarté cette idée.
Enfin, le Gouvernement pourrait appeler nos partenaires européens à lever les sanctions individuelles visant les parlementaires russes, qui constituent un obstacle au dialogue politique. Je rappelle que la présidente du Conseil de la Fédération – l’équivalent du Sénat – ne peut se rendre ni en France ni dans le reste de l’Europe.
Naturellement, l’allégement de ces sanctions européennes doit s’accompagner de mesures identiques du côté russe. Le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale est aussi frappé par ces sanctions, ce qui n’est pas admissible. Nous pensons plus particulièrement, bien sûr, aux sanctions sanitaires. Il serait envisageable de parvenir à un allégement progressif de l’embargo sanitaire dans les pays qui ne présentent pas de cas de fièvre porcine africaine, ce qui est le cas de la France.
Cette proposition de résolution européenne n’a pas la prétention de tout régler. Elle constitue une étape dans le chemin du rétablissement des relations normales entre l’Union européenne et la Russie. Il est essentiel que le Parlement et le Gouvernement puissent s’exprimer avant le Conseil européen des 28 et 29 juin prochain.
Sans tomber dans la caricature, nous pouvons débattre sereinement de ce sujet et adopter cette proposition de résolution, comme l’ont fait la commission des affaires étrangères et celle des affaires européennes.