Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous examinons cet après-midi aborde un sujet d’actualité éminemment complexe et sensible. Et c’est justement la raison pour laquelle je tiens, tout d’abord, à saluer l’approche de conciliation adoptée lors de l’élaboration de ce texte.
En ouvrant la réflexion aux commissions des affaires européennes et des affaires étrangères, mais aussi à la présidence du Sénat ainsi qu’au ministère des affaires étrangères, vous êtes parvenus à un texte qui, tout en soulevant un certain nombre de questions, a rassemblé en commission.
Sur la forme, ce texte s’inscrit de plain-pied dans la diplomatie parlementaire à laquelle nous sommes particulièrement attachés ici.
En effet, au travers de cette initiative, vous invitez le gouvernement français à une reprise du dialogue ainsi qu’à un allégement progressif et partiel du régime des sanctions applicables à l’encontre de la Russie, conditionné par la mise en œuvre des accords de Minsk II. Vous appelez également à une réciprocité de ces engagements du côté russe.
L’approche est donc radicalement différente de celle qui a été défendue par la proposition de résolution adoptée par l’Assemblée nationale le 28 avril dernier, qui demandait le non-renouvellement et la levée immédiate des sanctions européennes dans leur ensemble ; ce point doit être souligné.
En outre, vous l’avez rappelé, le régime des sanctions européennes trouve son origine dans l’annexion illégale de la Crimée par la Russie et la violation de l’intégrité du territoire d’une puissance souveraine.
Le groupe écologiste condamne fermement cette violation du droit international, et il était impératif que cela apparaisse dans cette proposition de résolution, même s’il est vrai que le terme « regrettant » figurant à l’alinéa 5 reste faible, eu égard au contexte.
Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur l’attitude du régime russe à la fois sur son territoire au regard des droits de l’homme, mais également au niveau de son voisinage. Cette proposition de résolution ne peut constituer un blanc-seing pour la Russie.
Face à cette situation, si les sanctions européennes ont constitué, au moment où elles ont été prises, un signal fort et une manifestation indispensable de la fermeté européenne, elles n’ont pas eu jusqu’à présent tous les effets escomptés. Leur utilité à ce moment-là ne peut pas être remise en cause. Mais, force est de constater que, près de deux ans après le début du conflit, la situation est aujourd’hui gelée et que nous nous trouvons dans une impasse diplomatique.
Alors que le Conseil européen du 19 mars 2015 conditionne la levée des sanctions à une application intégrale des accords de Minsk II, leur mise en œuvre, plus d’un an après, est loin d’être satisfaisante, et ce malgré tous les efforts déployés par les médiateurs : la situation sécuritaire sur le terrain demeure précaire, avec des violations répétées du cessez-le-feu ; les réformes politiques en Ukraine n’ont pas particulièrement avancé ; la question de la Crimée se pose toujours et la Russie contrôle encore près de 400 kilomètres de frontières communes.
Certes, quelques avancées récentes permettent d’équilibrer légèrement ce bilan, mais elles restent bien minimes face à la situation réelle sur le terrain.
Celle-ci ne saurait perdurer, et nous devons, par la voie diplomatique, impulser une relance du processus de résolution.
Plus encore, sur le plan international, alors que nous traversons une période de grande instabilité, notamment dans notre voisinage proche et éloigné, l’Union européenne peut-elle se passer d’un partenaire tel que la Russie ?
Face aux défis multidimensionnels auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés, à la fois sécuritaires, diplomatiques et humanitaires, nous devons placer notre action dans le cadre d’une coalition internationale la plus large possible.
Force est de constater que la Russie est un interlocuteur incontournable sur la scène internationale et constitue un partenaire dans notre engagement au Moyen-Orient dans la lutte contre Daech. Il paraît donc nécessaire de multiplier les échanges, afin de répondre à ces enjeux communs.
Je me permets ici de citer un passage du livre intitulé Qui est l’ennemi ? du ministre de la défense : « Face à cette menace, dont l’ambition et les canaux sont mondiaux, il nous faut suivre une stratégie elle-même mondiale qui puisse associer tous ceux – et ils sont nombreux – qui se retrouvent désignés par Daech comme ses ennemis, mais aussi, plus largement, tous les membres des Nations unies. » Dont acte.
Une fois cela dit, je ne souhaite pas non plus laisser entendre que seules les sanctions européennes ont un impact sur nos relations avec la Russie. En effet, non seulement la Russie a violé le droit international, mais elle a également mis en place un certain nombre de mesures de rétorsion au travers, notamment, d’embargos sur les produits alimentaires. Et la persistance de cette situation se fait au détriment direct des populations et des entreprises des deux côtés.
Le volume des échanges entre l’Union européenne et la Russie a été divisé par deux et, en un an, les exportations alimentaires européennes vers la Russie ont chuté de 29 %.
C’est pourquoi il était important que la réciprocité des engagements du côté russe soit explicitement intégrée au dispositif de la résolution, notamment en ce qui concerne l’embargo décidé antérieurement à la crise ukrainienne et qui pénalise grandement nos agriculteurs.
Dans l’état actuel du texte, tout en saluant la démarche de conciliation qui a été entreprise, tout en rappelant l’objectif final de s’acheminer vers une mise en œuvre effective et complète des accords de Minsk II et tout en reconnaissant l’impasse diplomatique dans laquelle nous sommes, la majorité du groupe écologiste, avec des divergences de points de vue, s’abstiendra.