Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si la proposition de résolution de notre collègue promeut un allégement progressif des mesures restrictives et des sanctions économiques visant la Russie, je regrette qu’elle ne demande pas tout simplement leur levée immédiate. Car, du point de vue économique autant que géostratégique, les conséquences de ces sanctions sont un désastre.
À la suite des mesures prises par l’Union européenne lors de la crise ukrainienne, la sanction russe ne s’est pas fait attendre : depuis le 7 août 2014, fruits, légumes, viandes, poissons, lait et produits laitiers ne peuvent plus être importés en Russie.
Selon Eurostat, au premier trimestre 2015, nos exportations agroalimentaires vers la Russie ont chuté de 33, 6 %. La France exportait vers la Russie 70 000 tonnes de porc, soit un cinquième de la consommation dans ce pays. L’interdiction de l’exportation de porc vers la Russie a, selon l’interprofession nationale porcine, coûté 500 millions d’euros de février à août 2014.
Cette situation est absolument dramatique pour nos agriculteurs ; c’est même, je le dis, un véritable coup de poignard de l’Union européenne et de notre gouvernement. Et le temps joue contre nous ; le terrain perdu sera difficile à reprendre. Il est illusoire de croire que la production française arrivera, une fois les sanctions levées, à récupérer la totalité des marchés perdus, d’autant que d’autres pays comme l’Allemagne et ses grands groupes agroalimentaires, en particulier Tönnies, groupe leader en Europe, peuvent s’engouffrer dans la brèche.
De plus, les Russes saisissent l’occasion de cet embargo pour développer leur propre production.
Rappelons, par ailleurs, que ce sont 1 200 entreprises françaises qui sont présentes sur le territoire russe, créant près de 100 000 emplois indirects en France par les projets russes de la France.
Pour parachever ce tableau, on constate que, pendant que nos agriculteurs se suicident, les Américains continuent de commercer avec la Russie : les échanges entre ces deux pays ont même augmenté de 7 %. « Cocus et contents ! »
« L’Europe est aussi précieuse à un Russe que sa Russie ; chaque pierre y est douce à son cœur », disait Dostoïevski. Alors, il est temps, mes chers collègues, de reconsidérer nos relations et notre géostratégie, et de saisir l’occasion d’envoyer un signal positif à la Russie, alliée historique de la France.
Car les sanctions dont nous débattons relèvent en réalité d’une logique idéologique : Bruxelles a saisi au bond la crise russo-ukrainienne pour jeter l’opprobre sur Moscou. À grands coups de « bien-pensance » béate et de recours au droit international à géométrie variable, l’Union européenne méprise l’histoire et le droit à l’autodétermination.
Pourtant, la Crimée s’était exprimée sans hésitation en 1991 sur ses attaches avec la Russie, avant même l’indépendance de l’Ukraine.
Avant 1989, il était naturel d’être les alliés des États-Unis. Maintenant que la menace soviétique n’existe plus à l’Est, l’OTAN est devenue un instrument d’assujettissement des nations occidentales par Washington.
La France doit en sortir pour retrouver sa liberté et reprendre son rôle à la tête d’une grande Europe des nations. Une Europe de « l’Atlantique à l’Oural » conforme au désir du général de Gaulle, qui savait, même à l’époque du communisme, que, derrière l’URSS, il y avait la Russie.
Dans un contexte économique difficile, il serait judicieux de favoriser et de développer nos échanges avec un pays détenant 20 % des richesses naturelles mondiales. Revenir sur ces sanctions est une nécessité absolue.