Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, voilà des mois que la situation dans l’est de l’Europe et les relations de l’Union européenne avec la Russie préoccupent le Sénat. De fait, l’examen de la présente proposition de résolution fait écho à certaines de nos discussions antérieures : je pense aux débats préalables à un Conseil européen ou à la ratification d’accords d’association, qui ont chaque fois fait ressortir la difficulté à trouver une position équilibrée, tant les situations sont complexes et les torts, souvent, partagés.
Pour ma part, je considère que tout doit être entrepris pour restaurer les liens d’amitié et de confiance entre l’Union européenne et la Russie. Pour autant, on doit à ses amis de dire la vérité. Il faut donc rappeler que les opinions européennes ont été profondément choquées par certaines opérations en Tchétchénie comme par la guerre éclair de Géorgie. Depuis des mois, c’est à l’évidence la situation ukrainienne qui inquiète les Européens, après l’annexion par la force de la Crimée, en violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et en méconnaissance du principe fondamental d’intangibilité des frontières. Personne ne conteste cela, en tout cas pas les auteurs de la proposition de résolution.
Face à cet état de fait, condamné par la communauté internationale, les sanctions européennes prennent tout leur sens, même si, comme il a été rappelé, l’embargo russe pèse sur les puissances agricoles de l’Union européenne, à commencer par la France.
Les Ukrainiens ont fait le choix de la démocratie, de l’économie de marché et de l’Europe. L’Europe doit les aider à s’y tenir et veiller à ce que leur révolution ne soit pas détournée au profit de quelques-uns.
La relation Union européenne-Russie postérieure à la guerre froide, pourtant prometteuse, s’est compliquée sous le double effet d’un élargissement rapide à l’Est, mésestimant l’environnement régional, et du Partenariat oriental de l’Union européenne, censé asseoir la stabilité des contours orientaux de celle-ci, mais qui a conduit à une sorte d’impasse en plaçant les anciens pays du bloc soviétique devant un choix cornélien : l’Union européenne ou la Russie.
De plus, en permettant d’intégrer l’acquis communautaire, Bruxelles a entretenu l’ambiguïté sur le devenir des pays du Partenariat oriental et fait craindre à la Russie d’être marginalisée par les normes.
À ce contexte européen s’ajoutent les activités intenses de l’OTAN, au demeurant compréhensibles, pour élargir le cercle de ses membres aux pays d’Europe centrale et orientale, voire au Caucase.
Tous ces bouleversements ont été perçus par Moscou comme autant d’immixtions dans son « étranger proche » ; des immixtions auxquelles, il faut bien le dire, la Russie a parfois surréagi.
Reste que la Russie ne gagnera rien à provoquer l’Europe ; à cet égard, il faut être clair. Quant à l’Europe, à bien des égards, elle n’a rien à gagner non plus à affaiblir la Russie.
Malgré des investissements importants, notamment dans le domaine de la défense et de l’énergie, la Russie demeure un pays fragile. La volonté de la faire entrer de plain-pied dans le XXIe siècle ne suffit plus. Son économie marque le pas, plombée notamment par la baisse des cours des hydrocarbures. En somme, alors que les heures les plus sombres pour elles paraissent passées et qu’elle n’est plus tout à fait la puissance pauvre décrite par les experts, il semble que la Russie demeure une puissance fragile, bien qu’elle ait su de nouveau se doter du solide outil diplomatique et militaire qui a souvent fait sa force au cours de l’histoire.
Aujourd’hui, il ne me paraît pas responsable de laisser perdurer des situations d’extrême tension qui peuvent dégénérer. Les conditions d’une désescalade avec la Russie doivent être trouvées.
Je considère, pour ma part, que cette proposition de résolution traduit une vision équilibrée ; elle doit être comprise comme un signe en faveur d’une relation renouvelée avec la Russie, mais un signe conditionné, étant entendu que chacun devra faire un pas. Voilà pourquoi je voterai la proposition de résolution, qui me paraît en tout point conforme à l’esprit des accords de Minsk !