Or la résolution propose exactement le contraire. En l’adoptant, le Sénat proposerait la levée des sanctions, conditionnelles pour certaines et inconditionnelles pour d’autres, c’est-à-dire l’opposé de la feuille de route, laquelle prévoit que les sanctions ne seront levées que lorsque les conditions contenues dans les accords de Minsk seront intégralement respectées.
On prétend ne proposer que des changements progressifs, partiels et sous condition de progrès sur le terrain. Les auteurs de cette résolution ont bien compris que la position caricaturale du texte Mariani à l’Assemblée nationale est tellement scandaleuse qu’elle est contre-productive et ils savent qu’elle ne passera pas au Sénat.
Ils proposent donc un changement « minime » pour ne pas choquer, pour ne pas effrayer, mais ce changement n’est pas minime, il est majeur ! Il s’agit de l’abandon de la ligne de Minsk. Une fois qu’on aura cédé sur quelques points mineurs, il sera si simple de tout détricoter, ce n’est qu’une question de temps.
D’ailleurs, c’est exactement ce qui est indiqué dans l’exposé des motifs : « Cette proposition de résolution ne constituerait qu’une première étape. En effet, les relations de l’Union européenne avec la Russie sont trop stratégiques pour être retenues indéfiniment en otage d’un débat récurrent sur les sanctions. » Cette phrase est un tour de passe-passe, un renversement inacceptable de la charge de la preuve. Les relations entre l’Europe et la Russie ne sont pas l’otage d’un débat récurrent sur les sanctions, elles sont l’otage de la présence des troupes russes en Ukraine et de l’annexion de la Crimée !
Le drame de cette résolution est qu’elle capitule devant Poutine. Si elle était suivie par la France, et si j’étais Poutine, je me dirais : « Ça y est, c’est fait, comme toujours, ils sont en train de céder, de reculer sans que j’aie eu besoin de bouger le petit doigt. »
Contrairement à ce que croient les auteurs de cette résolution, les dictateurs ne s’arrêtent que devant les obstacles et non devant les barrières levées ni devant les ventres mous. Les Européens, notamment nos parents, ont payé au XXe siècle assez cher pour que nous sachions tous cela aujourd’hui. Nos parents avaient l’excuse de la surprise et de l’incompréhension ; nous ne l’avons plus. Adopter cette résolution reviendrait à s’agenouiller une nouvelle fois devant les dictateurs, ce serait une grave erreur !