Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant tout chose, je veux répéter ici ce que nous avons déjà exprimé en commission, à savoir que le groupe socialiste et républicain n’a pas vraiment souhaité l’examen d’une proposition de résolution relative au régime de sanctions de l’Union européenne à l’encontre de la Fédération de Russie. Même dépourvue de caractère contraignant, cette résolution serait un signal politique envoyé aux protagonistes de la crise ukrainienne et serait donc sujette à interprétation par les parties prenantes, comme l’a été la résolution portée par M. Mariani à l’Assemblée nationale, résolution qui, elle, va clairement à l’encontre des efforts de la France en faveur de la résolution de la crise.
L’Assemblée nationale a adopté le 28 avril dernier une résolution européenne proposant ni plus ni moins qu’une levée des sanctions à l’égard de la Russie sans attendre la fin du processus de Minsk, au seul motif de la relation historique que la France entretiendrait avec la Russie. Comme si les relations que l’on pouvait avoir avec un État, fût-il un partenaire de longue date, fournissaient matière à excuser les graves violations du droit international…
Bien évidemment, telle n’est pas l’intention des auteurs de la présente proposition de résolution puisque, cela a été rappelé par les rapporteurs, il s’agit aussi d’amender la position de l’Assemblée nationale, que nous sommes nombreux à juger aussi excessive qu’outrancière.
Nous savons les efforts de la France, qui, avec l’Allemagne, joue un rôle essentiel dans cette crise, celui de pays médiateur et donc de puissance de paix.
Comme cela a été dit par plusieurs d’entre vous, la situation demeure complexe. Si, comme l’ont rappelé les rapporteurs, quelques progrès ont été constatés, je rappelle tout que même que, ces derniers jours, plusieurs soldats ont péri lors d’accrochages sur la ligne même de contact. On ne peut pas dire que cela soit très encourageant. La vigilance reste donc de mise.
Cette démarche s’inscrit, nous le comprenons, dans le cadre de la préparation du Conseil européen des 28 et 29 juin prochain, qui abordera la question du régime de sanctions à l’endroit de la Fédération de Russie.
Dès le 19 mai, Mme Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, a déclaré que les sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie par l’Union européenne seraient sans doute reconduites en juillet compte tenu de l’application plus que mesurée des accords de Minsk.
C’est aussi dans ce contexte que le président Poutine a effectué une visite en Grèce, ajoutant ainsi à la division des Européens sur cette question, à l’approche d’un Conseil européen. On sait l’Italie très dépendante du gaz russe et l’on connaît le penchant de la Hongrie pour un allégement du dispositif.
On le voit, cette résolution, qui fait déjà en France quelques vagues dans la presse, fera également l’objet d’une instrumentalisation de part et d’autre.
Ce contexte motive la position constante défendue par notre groupe depuis le début du processus engagé pour sortir de la crise, qui épouse totalement celle de l’exécutif. Celle-ci repose sur le triptyque que vient de rappeler Didier Marie autour de la nécessaire vigilance, de la fermeté avec l’application de l’intégralité des accords de Minsk qui reste à ce jour le mantra d’une sortie de crise et doit conditionner la levée ou non des sanctions, et naturellement du dialogue.
Ce dialogue, je le souligne à mon tour, n’a jamais, tant s’en faut, été interrompu avec Moscou. Il a été maintenu par le biais de divers canaux, d’abord par le Conseil de sécurité, dont la gestion des crises internationales est la raison d’être, ou encore l’OSCE, qui joue un rôle essentiel dans le suivi des accords de Minsk, mais aussi par l’OTAN. On le sait peu, mais, alors que le 1er avril 2014, en réponse au rattachement – plus exactement à l’annexion – de la Crimée à la Russie, l’OTAN avait mis un terme à la coopération avec la Russie et suspendu dans le même temps le conseil OTAN-Russie, une session de ce conseil s’est pourtant tenue le 20 avril dernier.
Si nous sommes d’accord pour estimer que la situation demeure très compliquée, il reste que les hommes de bonne volonté doivent s’efforcer de trouver les voies de sortie de la crise. C’est cette attitude que nous avons adoptée en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur cette résolution proposée par la commission des affaires européennes.
Comme nous l’avons exprimé en commission, le texte initial nous semblait perfectible sur plusieurs points.
D’abord, il nous a paru qu’il manquait en effet une condamnation plus ferme de l’annexion de la Crimée, le terme « regrettant » étant trop faible. Un amendement a donc été proposé par notre groupe, qui rejoint d’ailleurs dans son esprit celui de notre collègue Claude Malhuret.
Enfin, s’agissant de la levée des sanctions contre les parlementaires, et bien qu’étant partisans du dialogue, nous avons estimé que le terme « sans délai » était une injonction un peu excessive. Nous savons bien que ce sont ces parlementaires qui ont autorisé le recours à la force sur le territoire d’un État souverain.
Il n’est pas possible que les sanctions individuelles soient levées sans délai, dans la mesure où il sera bien évidemment nécessaire de procéder à une étude au cas par cas. On sait aussi que certains parlementaires russes font aujourd’hui l’objet de mandat d’arrêt international de la part de Kiev.
Autant certaines missions parlementaires en ces contrées gênent, par leur incongruité, l’action diplomatique de la France et paraissent peu opportunes, autant nous pensons que la poursuite d’un dialogue parlementaire peut être utile, à l’exemple des réceptions de délégations ukrainiennes ou russes ici même au Sénat ou du déplacement du président du Sénat en Russie.
Nous voterons donc cette résolution telle qu’elle a été amendée par le Sénat, car elle exprime, différemment de celle de l’Assemblée nationale, la position du Parlement français.