Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, allons à l’essentiel : avec la disparition de l’URSS et la chute du rideau de fer est apparue la possibilité d’une Russie démocratique avec laquelle la France pourrait renouer les liens d’alliance et d’amitié qui sont de tradition entre nos deux peuples.
La disparition de l’URSS a aussi permis l’affirmation et la reconnaissance internationale d’une nouvelle nation slave de 50 millions d’habitants, la République d’Ukraine, avec laquelle la France se doit aussi d’entretenir des rapports suivis qui répondent d’ailleurs à une tradition culturelle dont témoigne, par exemple, à deux pas du Sénat, l’église ukrainienne à Saint-Germain-des-Prés et le square Taras-Chevchtenko, du nom d’un grand intellectuel ukrainien.
La vie politique, parfois tumultueuse de l’Ukraine, a été marquée par la volonté affirmée d’une partie au moins de son peuple de se rapprocher de l’Union européenne, voire d’y adhérer comme l’avaient fait ses voisins polonais et slovaques.
Cette volonté s’est exprimée avec force lors des événements dits du Maïdan, qui ont entraîné la fuite du président Ianoukovitch et la mise en place d’un nouveau gouvernement dirigé par le président Porochenko.
C’est alors que la Russie a réagi en soutenant des mouvements sécessionnistes dans le Donbass, en autorisant, le 1er mars 2014, le recours à la force sur le territoire ukrainien et en annexant, le 20 mars 2014, la Crimée, jusqu’alors territoire reconnu internationalement comme territoire ukrainien, et ce après un référendum considéré comme dépourvu de validité par les Nations unies.
Pour la première fois en Europe, un pays de notre continent s’autorise au XXIe siècle à annexer une partie du territoire d’un autre État européen et à agir militairement, directement ou indirectement, sur le territoire de cet État. On croyait définitivement révolus de tels actes, qui sont d’une gravité particulière. J’y songeais voilà exactement un an en entendant le canon tonner aux abords du port ukrainien de Marioupol, où je me trouvais alors.
L’Union européenne, et plus particulièrement l’Allemagne et la France, a évidemment réagi. L’Union a édicté des sanctions diplomatiques et économiques auxquelles la Russie a répondu en édictant le 7 août 2014 des sanctions, dont un embargo sur les produits alimentaires européens.
La France, l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine réunies en format « Normandie » ont signé des accords le 12 février à Minsk. Ces accords ont sans doute permis de diminuer la violence des affrontements militaires, mais on continue tout de même, mes chers collègues, à mourir actuellement sur le front du Donbass.
Peut-on accepter que la situation se transforme en conflit gelé ? Certainement pas. La diplomatie doit poursuivre son action dans la perspective des prochains rendez-vous diplomatiques. Je ne cache pas avoir été très choqué par l’initiative prise par certains de nos collègues à l’Assemblée nationale, qui ont déposé et fait adopter en catimini un texte déséquilibré qui tend à supprimer les sanctions qui touchent la Russie avant d’avoir obtenu d’elle la moindre avancée réelle.
Certes, le texte que propose aujourd’hui au Sénat la commission des affaires européennes se veut plus équilibré. Toutefois, il n’en comporte pas moins un glissement sémantique, comme l’a souligné à juste titre M. Malhuret, qui affaiblirait considérablement la position de notre pays et de l’Union européenne dans les discussions avec la Russie.
Ne nous y trompons pas, mes chers collègues : nous sommes tous à la recherche de rapports équilibrés, de rapports d’amitié, avec la Russie et avec l’Ukraine. Néanmoins, il n’est sans doute pas le moment de donner le sentiment que le mot appeasement, cher à Neville Chamberlain, est aussi un mot du vocabulaire de notre diplomatie. Nous savons que cet apaisement-là nous avait conduits au déshonneur.