La plupart des collègues avec lesquels j’ai discuté en dehors de cet hémicycle depuis que nous avons commencé d’étudier ce texte – qu’ils s’apprêtent ou non à le voter – m’ont dit à peu près la même chose : avait-on vraiment besoin de se mettre dans cette galère ?
Le Gouvernement n’est absolument pas demandeur. Il a d’ailleurs donné un avis de sagesse sur quasiment tous les amendements pour bien montrer qu’il n’est pas concerné et qu’il n’est pas lié…
Les deux principaux groupes du Sénat vont donner une consigne de vote favorable, sous un prétexte bizarre, rappelé par notre collègue Daniel Reiner et par le président de la commission des affaires étrangères et de la défense : il faudrait voter une résolution moins ridicule que celle de l’Assemblée nationale pour montrer que le Parlement français n’a pas totalement disjoncté…
Les sénateurs membres de ces groupes vont voter par discipline, en se demandant pourquoi on leur propose cette gymnastique inutile, qui, de toute façon, ne liera pas le Gouvernement.
Pour moi, c’est une drôle d’idée de penser qu’on peut atténuer un mauvais coup par une erreur !
Si nous pensons que la résolution votée à l’Assemblée nationale la nuit, à la sauvette, par un genre d’entourloupe que nous connaissons tous est une aberration – je pense que nous sommes une majorité ici à le penser –, il vaudrait beaucoup mieux laisser l’Assemblée nationale à ses errements.
L’extravagance même du texte l’a spontanément discrédité, sans qu’il obtienne la notoriété souhaitée par ses auteurs.
Au lieu de cela, le Sénat, même si la rédaction proposée est beaucoup moins choquante en apparence, va nous associer à cette démarche et contribuer à lui assurer une publicité qu’elle ne méritait pas.
Surtout, même s’il est plus modéré – et je salue évidemment cette modération –, notre texte, qui prévoit, d’une part, une levée conditionnelle de certaines sanctions, d’autre part, une levée – je le répète – inconditionnelle des autres aura un effet évident : demain, les journaux européens titreront que le Parlement français demande la levée des sanctions.
C’est sans doute ce que veulent certains ; je ne pense pas que ce soit le cas de la plupart de ceux qui vont, quand même, tout à l’heure, voter ce texte.