Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 8 juin 2016 à 22h00
Répression des abus de marché — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, nous examinons ce soir les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à réformer le système de répression des abus de marché.

Comme vous le savez, nous sommes en effet parvenus à un accord, le 17 mai dernier, avec nos collègues de l’Assemblée nationale sur un texte que nous avions largement anticipé, grâce à des travaux qui avaient conduit Claude Raynal et moi-même à déposer deux propositions de loi identiques sur ce même sujet en novembre dernier.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions de la proposition de loi : elles consistent essentiellement à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015, en mettant en place une procédure d’aiguillage entre la voie de répression administrative et la voie de répression pénale des abus de marché. Ces dispositions ont déjà été largement présentées et commentées en première lecture dans cet hémicycle. Je me contenterai donc de reprendre les conclusions auxquelles nous sommes parvenus sur les onze articles qui restaient en discussion.

Le texte issu de la commission mixte paritaire, qui comporte en définitive huit articles, prend en compte de nombreux apports de notre assemblée.

Ainsi, à l’issue d’un débat, la commission mixte paritaire a adopté l’article 1er A dans la rédaction du Sénat, qui renforce et sécurise les incriminations pénales en matière d’abus de marché. Nous avons en effet créé, pour les délits boursiers, une circonstance aggravante de bande organisée, portant la peine d’emprisonnement applicable à dix ans.

Nous avons ajouté que le parquet pouvait, dans un tel cas, mettre en œuvre des moyens d’enquête renforcés – par exemple, des interceptions téléphoniques – au stade de l’enquête préliminaire, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention. Nous avons également précisé dans ce même article, afin de garantir la proportionnalité des peines, que l’amende pour les personnes morales responsables pénalement devait être le quintuple du montant exprimé en valeur absolue pour les personnes physiques, soit 500 millions d’euros, ou dix fois le montant de l’avantage retiré.

Le dispositif d’orientation des poursuites, qui constitue l’article 1er de la proposition de loi, a aussi été adopté dans une rédaction améliorée et précisée par le Sénat. Il s’agissait de déterminer les différentes étapes de la concertation entre le parquet national financier et l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, et d’encadrer ces étapes par des délais, afin de rendre la procédure plus rapide et plus efficace.

Le texte adopté par la commission mixte paritaire retient aussi un article additionnel 2 bis que nous avions introduit et qui étend le champ de la procédure de composition administrative de l’Autorité des marchés financiers aux abus de marché, alors que cette possibilité est aujourd’hui limitée aux manquements professionnels. Cette extension permet d’assurer un parallèle avec la procédure pénale, où une comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité est possible. Je note d’ailleurs que des dispositions inspirées du même esprit figurent dans le projet de loi dit « Sapin II », que nous examinerons prochainement.

Enfin, la commission mixte paritaire a retenu un ajout du Sénat à l’article 4 pour garantir que, dans l’hypothèse où l’AMF choisirait de ne pas exercer les droits de la partie civile, elle ait la possibilité d’être présente à l’audience pour éclairer, si besoin, le tribunal correctionnel sur les points techniques d’un dossier.

L’aboutissement de toute commission mixte paritaire nécessite de parvenir à des compromis et nous éprouvons bien évidemment quelques regrets, comme celui de ne pas avoir convaincu nos collègues députés de reprendre les dispositions que nous avions introduites pour renforcer la coopération entre le parquet national financier et l’AMF au stade de l’enquête, en instaurant notamment des obligations réciproques d’information. Il est regrettable que persistent encore des réticences à une véritable coopération entre ces deux instances, alors même que la procédure d’aiguillage la rend absolument nécessaire.

De même, chacun a constaté que la dualité des ordres de juridiction posait question en matière de recours contre les sanctions prononcées par l’AMF : dans le cadre d’une même affaire d’abus de marché où un professionnel des marchés financiers et un non-professionnel seraient condamnés par l’AMF, le recours contre cette sanction relève, dans le premier cas, du Conseil d’État et, dans le second cas, de la cour d’appel de Paris. Notre commission des lois avait proposé d’unifier ce contentieux et la commission des finances l’avait suivie : il faudra peut-être revenir sur ce sujet.

De même, toujours sur l’initiative de la commission des lois, le Sénat avait adopté un article additionnel autorisant l’accès de l’AMF aux données de connexion des opérateurs téléphoniques sur autorisation du juge des libertés et de la détention, afin de sécuriser une procédure juridiquement très fragile. Il nous a été dit qu’une réflexion plus générale était en cours : nous espérons qu’elle pourra aboutir rapidement compte tenu des enjeux qui s’y attachent.

Le Gouvernement a déposé un amendement à l’article 5 qui reproduit exactement un amendement adopté à l’Assemblée nationale, ayant pour objet d’assurer des coordinations techniques dans le code monétaire et financier concernant l’outre-mer. J’y suis tout à fait favorable et je vous propose donc d’adopter le texte de la proposition de loi tel qu’issu des conclusions de la commission mixte paritaire, avec l’amendement déposé par le Gouvernement.

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