Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée examine aujourd’hui pour la deuxième fois la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché, qui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire le 17 mai dernier, ce dont je me réjouis.
Cette proposition de loi participe pleinement à l’objectif de modernisation de la vie économique que s’est fixé le Gouvernement, notamment avec le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui est actuellement discuté par l’Assemblée nationale – ce qui explique l’absence de Michel Sapin parmi vous ce soir –, avant qu’il ne vous soit transmis dans les semaines à venir.
Adapter la répression des abus de marché au développement des marchés financiers est absolument indispensable pour mettre la France en conformité avec le « paquet » européen sur les abus de marché et éviter ainsi que de nouvelles pratiques frauduleuses n’échappent au pouvoir de sanction de l’AMF ou du juge pénal.
Cependant, la proposition de loi ne se limite pas à une telle adaptation, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, car elle apporte également une réponse pragmatique à la décision du Conseil constitutionnel de mars 2015 qui a invalidé la double poursuite et la double sanction, administrative et pénale, des abus de marché.
Comme vous le savez, cette réponse repose sur la concertation entre l’AMF et le parquet national financier avant tout engagement de poursuites. Cette concertation permettra de déterminer, au cas par cas, quelle voie de poursuite et de sanction est la meilleure. En cas de désaccord entre les deux institutions, il reviendra au procureur général près la cour d’appel de Paris d’envoyer l’affaire soit devant l’AMF soit devant le juge.
Je me réjouis que ce mécanisme, qui constitue le cœur de la proposition de loi, ait fait l’objet d’un consensus entre les deux assemblées, entériné par l’accord obtenu en commission mixte paritaire le 17 mai dernier. En effet, il présente deux avantages importants.
Tout d’abord, il préserve le bon fonctionnement de la phase de détection des abus de marché et d’enquête. Dans la situation actuelle, c’est l’AMF qui, dans la très grande majorité des cas, détecte les opérations d’initiés ou les manipulations de cours grâce à la surveillance continue des marchés qu’elle effectue en s’appuyant, notamment, sur des systèmes très sophistiqués de suivi des variations de cours et de volume du marché.
Dans certains cas, moins fréquents, le parquet national financier peut également découvrir lui-même certains faits susceptibles de constituer des abus de marché. Chaque institution mène ensuite sa propre enquête et doit pouvoir continuer à le faire. Ce point est très important, car tant l’AMF que le parquet national financier appliquent des logiques et disposent de moyens d’enquête distincts et parfois même complémentaires.
Ensuite, la proposition de loi permettra de continuer à réprimer de manière efficace et adaptée les abus de marché, en laissant à l’AMF et au parquet national financier le soin de décider, au cas par cas, quelle est la meilleure voie de poursuite. La plupart des affaires devraient continuer à être traitées par la voie administrative qui permet d’infliger de manière rapide des sanctions pécuniaires importantes. Ce mode de répression est particulièrement adapté aux marchés financiers, en permanence soumis à des innovations technologiques qu’il convient, lorsqu’elles sont de nature à porter atteinte à l’intégrité du marché, de sanctionner rapidement afin de bloquer leur essor et d’envoyer un message clair aux investisseurs et aux épargnants.
En France, les marchés financiers fonctionnent de manière sûre et robuste, toute manipulation y est rapidement et sévèrement sanctionnée. Dans les cas les plus graves, une peine privative de liberté que seul le juge pénal est à même d’infliger peut se justifier : la voie pénale devrait bien sûr être alors choisie.
Il semble donc que la proposition de loi soumise aujourd’hui à l’examen de votre assemblée, fruit d’un travail parlementaire approfondi qu’il convient de saluer, atteint pleinement l’objectif que ses auteurs s’étaient fixé et auquel le Gouvernement souscrit sans réserve, à savoir réformer de manière ambitieuse et pragmatique notre système de répression des abus de marché, qui risquait l’obsolescence et une fragilisation juridique.
Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, que le Gouvernement avait déposé un amendement de coordination concernant les départements et collectivités d’outre-mer. Bien sûr, j’insiste sur la nécessité d’un vote conforme, compte tenu des délais qui nous sont impartis par la décision du Conseil constitutionnel, mais vous nous avez rassurés sur ce point en indiquant que le Sénat, après l’issue positive d’une commission mixte paritaire, pouvait adopter un texte identique à celui adopté par l’Assemblée nationale. Cette soirée conclut un parcours parlementaire long, mais qui montre bien la complémentarité qui peut exister, sur certains sujets, entre l’ensemble de la représentation nationale et le Gouvernement.