Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons, en cette douce soirée de printemps bienvenue, les conclusions de la commission mixte paritaire sur les propositions de loi réformant le système de répression des abus de marché.
Sur ce sujet technique passionnant et très important, députés et sénateurs se sont accordés sur la rédaction d’un texte commun. Il est vrai que le législateur dispose de peu de temps pour adopter cette réforme, rendue inévitable et urgente par la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 qui entraîne l’abrogation du système actuel à compter du 1er septembre 2016.
La première lecture nous a donné l’occasion d’aborder les principaux enjeux liés à la répression des abus de marché : adaptation des procédures répressives au droit européen en vertu du principe non bis in idem ; relèvement significatif des plafonds de sanctions pour mieux dissuader les acteurs susceptibles de commettre des délits boursiers ; organisation de la coopération entre l’Autorité des marchés financiers, chargée de la répression administrative, et le parquet national financier, chargé de la répression pénale ; question des moyens matériels, humains et technologiques alloués à chacune des deux autorités ; organisation, activité et indépendance de l’AMF et du parquet national financier.
La proposition de loi supprime la possibilité de cumuler poursuites administratives et pénales et la remplace par un « aiguillage » en amont entre les deux voies. Rappelons que la réforme ne devrait pas bouleverser la pratique dans la grande majorité des cas, puisque le cumul des poursuites était rarement appliqué, la sanction administrative étant généralement privilégiée.
Toutefois, dans les cas où l’AMF et le parquet national financier pourraient s’estimer tous deux compétents pour exercer des poursuites, c’est le procureur général près la cour d’appel de Paris qui arbitrera en faveur de l’un ou de l’autre. En pratique, cette procédure pourrait renforcer la prééminence de l’AMF dans la répression des abus les plus courants.
En effet, l’Autorité des marchés financiers dispose de moyens – un budget annuel de 80 millions d’euros – significativement plus importants que ceux qui sont alloués au parquet national financier, ainsi que de l’avantage d’être composée, pour partie, de professionnels fins connaisseurs du secteur. Par ailleurs, force est de constater que, jusqu’à présent, des peines d’emprisonnement sont rarement prononcées à l’encontre des auteurs de ce type de délit. Cependant, compte tenu des évolutions actuelles et des révélations qui se sont accumulées depuis la crise financière de 2008, cette situation sera peut-être amenée à changer.
De fait, les plafonds des sanctions sont significativement relevés : jusqu’à 100 millions d’euros d’amende, au lieu de 1, 5 million d’euros ou 150 000 euros, selon les cas, pour une personne physique et jusqu’à cinq ans d’emprisonnement au lieu de deux ans actuellement. Espérons que l’AMF et le parquet national financier sauront utiliser avec pertinence ce spectre de sanctions élargi.
À côté des sanctions administratives, qui ont pour objectif de frapper au porte-monnaie – c’est sans doute le bon endroit –, la voie pénale conserve toute sa pertinence. Les efforts du jeune parquet national financier, dont nous avons auditionné la responsable, Mme Houlette, il y a quelques semaines, doivent être encouragés.
Le texte de la présente proposition de loi résulte d’un compromis fructueux entre les versions de l’Assemblée nationale et du Sénat, il faut le rappeler et s’en féliciter.
L’article 1er bis et l’article 4 bis ne font que transposer les dispositions des textes européens, notamment le règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014.
Le texte a, en revanche, conservé certaines rédactions du Sénat, notamment à l’article 1er, cœur du dispositif, et à l’article 2. Il a également conservé l’article 2 bis, introduit par la Haute Assemblée, qui élargit aux abus de marché le champ de la composition administrative, c’est-à-dire de certaines procédures de conciliation applicables par l’AMF.
En définitive, si ce texte n’épuise pas le très vaste sujet de la régulation financière, il apporte une réponse rapide, concrète, opérationnelle à un vide juridique et offre la possibilité de prononcer des sanctions plus sévères. Nous ne manquerons pas de retrouver ces sujets lors de l’examen du projet de loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, dans quelques semaines, sans doute au début du mois de juillet.
En conclusion, j’ai le plaisir de confirmer que les membres du RDSE voteront en faveur du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.