Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quand les choses fonctionnent bien, cela va vite ! Nous avions pu constater, lors de la première lecture de ce texte au Sénat, que la distance qui nous séparait de l’Assemblée nationale était relativement faible. C’est donc sans réelle surprise que la commission mixte paritaire est parvenue à trancher les derniers points en discussion. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
C’est l’article 1er qui a concentré l’essentiel du débat et nous nous félicitons que la rédaction retenue soit proche de celle que nous avions adoptée au Sénat.
En effet, toute cette réforme repose sur le mécanisme d’aiguillage entre l’Autorité des marchés financiers et le parquet national financier.
Il nous paraissait donc important que la loi puisse en indiquer précisément le contenu, plutôt que de tout renvoyer au niveau réglementaire.
Pour autant, mes chers collègues, nous ne devons pas nous leurrer sur notre propre pouvoir de législateur.
Le succès, ou l’échec, à venir de cette nouvelle architecture de répression des abus de marché ne tiendra pas qu’à la qualité de notre travail. Il reposera avant tout et surtout sur la manière dont s’en saisiront l’AMF et le PNF.
En particulier, la pertinence du principe selon lequel le silence vaut acceptation ne repose que sur l’hypothèse que le PNF est en mesure de se prononcer dans les deux mois. Certes, il a très récemment affirmé pouvoir respecter ce délai. Mais qu’en sera-t-il demain ?
Le parquet national financier est une jeune institution, dont l’action est évidemment appelée à se développer et se développe à la fois quantitativement et qualitativement.
La récente procédure engagée contre Google, d’une ampleur inédite, de même que celle qui pourrait l’être à propos de l’attribution de la Coupe de monde de football au Qatar ou d’autres affaires témoignent, s’il le fallait, de l’extrême complexité et de la très importante lourdeur de certains dossiers dont il a la charge.
Or, alors même que ces grands dossiers sont encore embryonnaires, le PNF n’a pas toujours les moyens de fonctionner correctement.
Dans l’étude d’impact du projet de loi portant son instauration, en 2013, le Gouvernement avait estimé nécessaire la création de vingt-deux postes de magistrat – il n’y en a eu que quinze – et de dix postes de juge d’instruction supplémentaires – pour l’heure, il n’y en a pas encore eu !
À l’époque, les ratios maximaux de dossiers par magistrat et par juge – très théoriques ! – avaient été estimés, respectivement, à huit et quinze. Ils sont aujourd’hui de vingt-sept et soixante.
À ce rythme, rien ne nous garantit donc que d’ici à quelque temps, le PNF sera toujours à même de tenir le délai de deux mois. Si tel n’était pas le cas, cela ferait alors tomber toute l’architecture que nous prétendons construire par cette proposition de loi.
Il incombe évidemment au Gouvernement d’allouer au parquet national financier les moyens qu’il avait lui-même définis et de les adapter à l’évolution de la situation.
Il est également de notre responsabilité, mes chers collègues, ne serait-ce que par cohérence envers ce texte, de veiller durablement aux moyens d’action du PNF. Nous devrons y être particulièrement attentifs lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.
Au-delà de ce point particulier de mise en œuvre, nous pouvons globalement nous réjouir de la volonté de coopération très nette dont font preuve les deux institutions en jeu, l’AMF et le PNF, là où nous aurions pu redouter que ne se développe une forme de concurrence plus ou moins agressive.
Je regrette néanmoins que l’article 2 ter, qui formalisait cette coopération, n’ait pas été retenu. Toutefois, c’est évidemment l’esprit d’un travail réussi de commission mixte paritaire que de trouver un compromis – compromis rendu urgent par la date butoir qu’a fixée le Conseil constitutionnel.
Pour conclure, j’aimerais relever que ce travail constitue à mon sens une belle démonstration de l’intérêt du bicamérisme, encore très récemment attaqué, semble-t-il, à un très haut niveau.