Madame la ministre, contrairement au sentiment que le débat général a peut-être pu donner, beaucoup de sénateurs socialistes s’interrogent sur ce texte, en particulier sur ses finalités.
S’il s’agit de servir l’emploi, on peut se poser de nombreuses questions. En effet, l’étude d’impact, qui consacre seulement deux lignes au sujet, ne nous éclaire pas beaucoup. Adhère-t-on à l’idée selon laquelle le code du travail pèserait plus lourdement que les charges sociales sur les entreprises et mettrait en difficulté leur capacité à se développer ?
C’est très exactement le contraire du raisonnement que la gauche et le mouvement syndical ont toujours défendu. La gauche a toujours considéré que seule la loi pouvait protéger le salarié en lui fournissant des garanties, et que si la négociation devait tenir toute sa place, les principes devaient être fixés et déclinés par le législateur. C’est le vieux principe : « Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit. »
Pour ma part, avec beaucoup d’autres élus socialistes, je reste fier de ce que représente le code du travail. Je ne suis pas dans le « code du travail bashing », comme on le dit aujourd'hui. Je me revendique au contraire de cette somme d’efforts, de luttes, de compromis, mais aussi de ruptures qui ont progressivement permis de construire notre droit social et notre droit du travail.
Si l’objectif est de créer de l’emploi en diminuant les garanties apportées aux salariés, nous ne pouvons pas y souscrire.
S’agit-il ensuite d’encourager la négociation collective ? Mais quelle négociation collective ? L’article 1er, qui, dans la rédaction initiale du Gouvernement, énonce les principes fondamentaux du droit du travail, ne vise en effet qu’à rappeler de manière très vague quelques principes généraux et à soumettre tout le reste à la négociation.
Comme le disait l’ancien responsable de FO André Bergeron, pour qu’il y ait une négociation, il faut qu’il y ait du grain à moudre. Mais quel grain les partenaires sociaux pourront-ils moudre, puisque tout ce qui était acquis dans la législation du travail devra être renégocié ?
J’aimerais comprendre quelle logique pousse le Gouvernement, pourtant censé envisager l’entreprise dans un esprit d’équilibre entre le patronat et les salariés, à s’engager dans une telle démarche.
Je remarque aussi que le timing est extraordinaire ! L’article 1er met en place une commission qui travaillera et remettra ses conclusions après la présidentielle et les législatives.
On peut imaginer que cette majorité reste aux responsabilités ; certes, elle ne fait rien pour cela, mais cela peut arriver… Mais, en cas de victoire de la droite, nous aurons donné à ceux qui veulent totalement remettre en cause les principes du code du travail une base et une légitimité extraordinaires pour le faire ! Une fois la commission mise en place, ils n’auront plus qu’à en cueillir les fruits. Merci pour les salariés et le droit du travail !