Séance en hémicycle du 13 juin 2016 à 22h45

Résumé de la séance

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  • l’égalité

La séance

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La séance, suspendue à vingt heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.

Photo de Jacqueline Gourault

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Je vous rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Titre ier

Refonder le droit du travail et donner plus de poids à la négociation collective

Chapitre Ier

Vers une refondation du code du travail

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’amendement n° 180 rectifié, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann, MM. Durain et Néri, Mme Yonnet et MM. Masseret et Cabanel, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À l’échelle de chaque zone d’emploi, et pour une durée de trois ans, le ministre en charge du travail et de l’emploi désigne un commissaire en charge de la coordination de toutes les politiques de l’emploi, d’insertion, de formation et d’aide à la création d’entreprises, menées sur le territoire concerné.

Le commissaire local à l’emploi assure sa mission dans le cadre de conventions conclues avec Pôle emploi et toutes les collectivités territoriales concernées. Il a autorité sur le service public de l’emploi défini à l’article L. 5311-2 du code du travail.

Sur la base de critères objectifs, il recense les zones d’emploi dont l’état du marché du travail justifie la mise en œuvre du plan d’urgence triennal décrit au II. La liste de ces zones est ensuite arrêtée par décret en conseil des ministres.

II. – Le plan d’urgence mentionné au I inclut les conditions de mise en œuvre des dispositions figurant aux III et IV et destinées à accélérer le retour à l’emploi des chômeurs de longue durée.

III. – Chaque demandeur d’emploi de plus de six mois a droit à un bilan de compétences. Chaque demandeur d’emploi de plus d’un an bénéficie d’une formation destinée à favoriser son retour à l’emploi et de l’ensemble des moyens mobilisables pour lui permettre d’atteindre cet objectif.

Il devient, à ce titre, stagiaire de la formation professionnelle.

Ce bilan de compétences et cette formation sont financés sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

IV. – Pour la période triennale 2017, 2018 et 2019 et par dérogation à l'article L. 6332-21 du code du travail, si le montant de la contribution issu de l’accord entre les partenaires sociaux n’est pas suffisant pour faire face aux besoins suscités par la mise en œuvre du III, le ministre en charge du travail et de l’emploi peut, par arrêté, en modifier le taux.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Cet amendement vise à rappeler ce qui devrait une priorité de l’action gouvernementale : faire reculer le chômage et donner la priorité aux secteurs les plus fragilisés. À cet égard, la politique menée depuis 2010 ne peut que susciter des interrogations, et le texte dont nous sommes saisis aujourd’hui encore plus.

À l’analyse, il apparaît que les mesures budgétaires adoptées depuis l’alternance de 2012 – je pense à la diminution de dépenses et à l’augmentation des impôts – ont eu un effet négatif sur la croissance et l’activité. La responsabilité n’en incombe pas à ce seul gouvernement : le précédent avait fait exactement pareil, étouffant dans l’œuf la reprise qui était sensible à la fin de l’année 2010.

Le problème est que le prix à payer de cette politique contradictoire, en zigzag ou, plus exactement, « contracyclique », car allant à l’opposé de ce qu’elle annonce, est un chômage de masse atteignant des niveaux jamais connus. Certes, on observe un début de recul du chômage, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, mais hors de proportion par rapport à la situation globale que nous avons à gérer au plan national et sur le terrain.

Cet amendement vise donc à rappeler que la priorité d’un texte relevant du domaine social aurait dû être de lutter contre le chômage, en ciblant les secteurs les plus fragiles et les territoires où il est le plus important.

Dans le territoire dont je suis l’élu, le décalage est total entre les moyens mobilisés et la réalité. Plus de la moitié des chômeurs sont des chômeurs de longue durée. Les moyens de Pôle emploi n’ont pas été augmentés. Les mécanismes mis en place au niveau des zones d’emploi ne permettent pas de répondre à cette situation, car il n’y a pas de pilote dans l’avion des politiques de l’emploi ! Certes, cela n’a pas commencé aujourd’hui. Mais la situation ne s’est guère améliorée.

Il y a autant d’interlocuteurs que l’on peut en souhaiter : la région, le département, la chambre consulaire, le territoire et, bien entendu, l’État et Pôle emploi. Tous se mobilisent, mais passent plus de temps à se coordonner qu’à agir.

Il serait temps de prendre véritablement le sujet des politiques territoriales de l’emploi à bras-le-corps pour mettre en place un dispositif resserré et mobiliser les moyens autour d’une autorité, afin de pouvoir atteindre des objectifs définis en commun.

L’examen de cet amendement permet surtout d’exprimer un désarroi face à des priorités affichées en total décalage, à mon sens, avec la réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

La commission n’a pas pu examiner cet amendement.

Je souscris évidemment au tableau que M. Gorce a dressé des territoires frappés par le chômage de longue durée, d’autant que je suis élu d’un territoire frontalier du sien.

Nous partageons tous la volonté de lutter contre le chômage de longue durée. Le Sénat a d’ailleurs adopté voilà peu de temps une proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, dont l’objectif est d’expérimenter des mesures innovantes dans une dizaine de territoires. Nous pourrions dans un premier temps observer le fonctionnement d’un tel dispositif.

La désignation par le ministre du travail d’un « commissaire en charge de la coordination de toutes les politiques de l’emploi, d’insertion, de formation et d’aide à la création d’entreprises, menées sur le territoire concerné » pourrait poser un problème d’articulation avec les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, les CREFOP, qui ont pour mission, aux termes de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, d’unifier les politiques publiques.

M. Gorce a évoqué l’unification des politiques de l’emploi et le temps perdu par les différentes instances pour se coordonner. Mais cet amendement soulève de nombreuses questions, et la commission n’a pas pu l’examiner. À titre personnel, j’en sollicite le retrait, faute de quoi mon avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Monsieur Gorce, je partage évidemment votre volonté de lutter contre le chômage, notamment le chômage de longue durée, auquel beaucoup de nos concitoyens sont confrontés, sur de nombreux territoires. Cet amendement a pour objet de prévoir la désignation d’un commissaire en charge de la coordination des politiques de l’emploi. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur l’importance de l’enjeu de la coordination des politiques locales de l’emploi.

Avec ma collègue Clotilde Valter, secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage, nous appelons justement les préfets de région, dans le cadre des visioconférences que nous faisons tous les mois avec eux, à mieux travailler en commun. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, avait d’ailleurs pour objectif de clarifier les compétences. La loi de 2014 a aussi permis d’instaurer les CREFOP.

Aujourd’hui, les nombreux acteurs des politiques de l’emploi apprennent à travailler ensemble. Je partage votre impatience, mais je ne vous suis pas sur la nécessité d’ajouter un échelon.

Par ailleurs, le plan d’urgence pour l’emploi, lancé par le Président de la République le 18 janvier dernier, doit permettre de répondre au problème des offres d’emploi non pourvues sur de nombreux territoires, qui s’explique dans 80 % des cas par un manque de qualification. Nous avons donc répertorié les difficultés d’emploi dans l’ensemble des territoires, bassin d’emploi par bassin d’emploi.

Il n’y a pas 400 000 offres d’emplois non pourvues ! Je ne considère pas qu’on puisse comptabiliser les contrats de deux heures par semaine… Néanmoins, dans certains secteurs ou métiers, nous avons des difficultés à pourvoir des postes en raison d’un manque de qualification. C'est pourquoi le plan d’urgence est basé sur les besoins exprimés bassin d’emploi par bassin d’emploi.

Selon moi, ce qui manque dans le champ des politiques de l’emploi, c'est l’expérimentation. Nous la tentons au travers du projet d’ATD Quart Monde « Territoires zéro chômeur de longue durée », voté à l’unanimité par le Sénat et l’Assemblée nationale. Le dispositif est en cours de mise en œuvre. Le fonds d’expérimentation sera créé dans les prochains mois, et les appels à projets seront lancés avant l’été. Par ce biais, nous pouvons aussi réinterroger l’ensemble des politiques publiques en la matière.

En résumé, monsieur le sénateur, si je partage tout à fait votre diagnostic, je ne crois pas que la solution soit de créer un échelon supplémentaire.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je soutiens la philosophie générale de cet amendement et les mesures concrètes qu’il vise à mettre en œuvre.

La philosophie de l’amendement consiste à souligner que, pour faire reculer le chômage, il faut des politiques macro-économiques d’investissement et, éventuellement, de relance du pouvoir d’achat pour soutenir la croissance. Car, comme M. Gorce l’a très bien décrit, les politiques contracycliques visant à soutenir l’offre n’ont pas permis de faire décoller notre pays.

Concrètement, cet amendement traduit la nécessité d’un volontarisme public pour faire reculer le chômage dans les territoires, notamment les plus touchés, avec des outils particuliers de coordination permettant d’agir et d’avoir une vision d’ensemble des problèmes.

Les statistiques peuvent faire état d’un manque global d’emplois qualifiés en France, sans montrer les méthodes astucieuses de formation qui peuvent exister dans tel ou tel territoire.

On raconte beaucoup de bobards sur les emplois disponibles ! Dans la région où j’étais chargée de la formation professionnelle, de nombreux emplois étaient des CDD de durée très courte et très peu renouvelés. On incitait les demandeurs d’emploi à se former aux métiers du bâtiment, alors qu’il n’y avait pas de débouché permanent, avec des emplois stables, dans ce secteur. Il est donc très important de se coordonner et de faire preuve de volontarisme.

Mais je veux surtout insister sur le volet de l’amendement qui est relatif à la sécurisation des parcours. M. Gorce demande que les personnes au chômage depuis plus de six mois aient droit à un bilan de compétences et à un accompagnement vers un retour à l’emploi. Mais il propose aussi que les demandeurs d’emploi de plus d’un an bénéficient du statut de stagiaire de la formation professionnelle, donc d’un accompagnement sérieux, dans la durée, pour effectuer cette formation.

On ne cesse de nous citer les exemples nord-européens en matière de sécurisation de l’emploi. Mais si les chômeurs de longue durée ne font que toucher le RSA, sont laissés à leur insuffisance de formation et livrés à leur découragement, le problème ne sera pas réglé !

La proposition de mon collègue est l’un des maillons, notamment dans les secteurs ruraux, périurbains ou dans certains quartiers de banlieue, de cette politique volontariste de la puissance publique, qui me paraît bien plus efficace qu’une flexibilisation accrue du travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Depuis le milieu des années 1980, notre pays vit le drame d’un chômage de masse qui n’est jamais descendu sous la barre de 2 millions ou 2, 5 millions de chômeurs. Depuis cette époque, tous les gouvernements ont annoncé faire de la réduction du chômage leur priorité. Les politiques économiques mises en place ont toutes été à l’opposé de cet objectif. Elles ont eu un caractère le plus souvent restrictif, à l’exception de la période comprise entre 1997 et 2002, où les politiques menées, notamment la réduction du temps de travail, ont été très volontaristes.

On aurait pu espérer que ce gouvernement mette en place une politique offensive en arrivant aux responsabilités en 2012. Il ne l’a pas fait. On peut discuter des effets du CICE sur l’emploi. Mais j’ai principalement évoqué les mesures budgétaires, dont les conséquences négatives sur l’emploi et l’activité sont indiscutables.

Le chômage de masse est la racine du mal. Il est à l’origine de l’ensemble des difficultés de notre pays. Il déstabilise la totalité de notre système social et de notre collectivité. Certes, le fait de le réduire ne suffira pas à résoudre l’ensemble de nos problèmes. Mais c’est en bien la source.

On aurait pu imaginer que des actions fortes et volontaristes soient menées au moins sur les zones d’emploi les plus en difficulté. Ce n’est pas ce qui a été fait non plus.

On pouvait espérer que, dans les territoires comme ceux dont j’ai parlé, les moyens soient mobilisés autour d’objectifs clairs et ne servent pas simplement à décliner des politiques nationales.

Les emplois disponibles que l’on évoque sont, pour l’essentiel – d’ailleurs, Mme la ministre a été obligée de le reconnaître –, des emplois saisonniers, temporaires, à très court terme, c'est-à-dire extrêmement instables et n’apportant aucune sécurité aux personnes susceptibles de les occuper. Il n’y a aucune autre perspective pour ces personnes, qu’il s’agisse de jeunes non qualifiés ou de personnes de plus de cinquante ans, population parmi laquelle il y a d’ailleurs de plus en plus de chômeurs.

Il serait donc temps de s’attaquer au problème de manière volontariste en y mettant les moyens.

Il se trouve que je suis les questions d’emploi depuis près d’une vingtaine d’années maintenant. Je suis stupéfait de constater que nous ne nous donnons pas les moyens d’organiser les politiques territoriales de l’emploi autour de tels objectifs. Nous continuons à mener des politiques consistant simplement à décliner des orientations fixées nationalement, sans nous préoccuper des réalités locales.

Par exemple, un conseiller de Pôle emploi doit suivre environ 80 à 90 chômeurs considérés comme en difficulté, et 200 à 250 personnes au total ! Imaginez le résultat que cela peut produire et surtout ce que doivent ressentir ceux qui vivent une telle situation !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Je partage totalement les objectifs de M. Gorce, mais je ne comprends pas qu’il propose de créer une nouvelle administration pour les atteindre.

Il s’agit typiquement d’une matière qui devrait relever de la compétence des régions ! Sans vouloir polémiquer, il est dommage que les régions – je rappelle qu’elles étaient pratiquement toutes dirigées par le même parti politique jusqu’à l’année dernière – ne se soient pas mobilisées secteur par secteur. C’est leur rôle de faire du cousu main dans les territoires ! Nous disposons des crédits de la formation professionnelle. La loi nous donne la possibilité d’avoir la main sur les politiques publiques.

Monsieur Gorce, vous avez entièrement raison dans vos analyses et objectifs. Mais laissons faire les régions. Ne créons pas de postes de fonctionnaire supplémentaires. À quoi servira un préfet de plus, sinon à constater les problèmes et à trouver des solutions que nous sommes déjà capables de mettre en œuvre dans les régions ? D’ailleurs, certaines ont déjà fait des expérimentations. Il faut agir dans le cadre de nos collectivités territoriales. On a tout ce qu’il faut pour le faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Je suis partage aussi le diagnostic de notre collègue Gaëtan Gorce.

Dans nos territoires, il y a une multiplicité de dispositifs, qu’il s’agisse d’économie ou d’emploi et de formation professionnelle. Le problème, c'est la coordination. À l’instar de mon collègue Alain Joyandet, je ne crois pas qu’il faille créer un poste supplémentaire.

Les acteurs existent ! Il y a les élus territoriaux, les présidents de communautés d’agglomération, qui sont compétentes dans le domaine de l’emploi et du développement économique, les préfets, les sous-préfets, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, ou DIRECCTE. Qu’attendons-nous pour les coordonner ?

Madame la ministre, les missions locales mettent en œuvre une dizaine de dispositifs, parfois contradictoires. Ces dispositifs, qui doivent être coordonnés avec ceux de Pôle emploi, entrent aussi quelquefois en contradiction, tout au moins en concurrence, avec ceux des plans locaux pour l’insertion et l’emploi. Qu’attendons-nous pour mettre tout le monde autour de la table ? Je l’ai fait dans mon secteur, d’ailleurs avec le soutien de la préfecture. Cela doit être mis en place dans tous les territoires, au plus proche des bassins d’emploi, pour ne pas dire en « épousant » ces bassins d’emploi.

Nous ne parviendrons pas à créer de l’emploi pour autant, mais nous fluidifierons certainement le marché de l’emploi en nous intéressant en priorité à ceux qui en sont les plus éloignés.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

J’ai fait référence au plan d’urgence pour l’emploi lancé le 18 janvier 2016. Nous avons justement signé une plateforme avec les régions, en les désignant directement comme chefs de file pour la formation professionnelle. Des conventions ont également été signées entre Pôle emploi et les présidents de région.

Nous avons regardé les difficultés bassin d’emploi par bassin d’emploi. Je parle ici non pas des emplois saisonniers, mais des métiers de bouche et des métiers industriels pour lesquels nous n’arrivions pas à recruter. Comme je l’ai indiqué, je ne crois pas qu’il y ait 400 000 à 500 000 emplois non pourvus dans notre pays. Mais, selon les chiffres de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, il y en aurait 180 000 à 200 000 ; je parle de temps pleins dans les métiers de bouche, l’industrie ou la transition énergétique.

Nous avons conclu un partenariat avec les CREFOP au mois de décembre dernier. Pôle emploi s’est aussi modernisé en 2015. Nous avons créé 4 000 « conseillers entreprise ». Ils font l’interface avec les entreprises et doivent chercher les offres d’emploi n’existant plus au sein de Pôle emploi.

À partir de là, nous avons créé au sein de Pôle emploi le nouveau parcours du demandeur d’emploi. L’objectif est d’alléger le « portefeuille » des conseillers chargés des demandeurs d’emploi de longue durée ou des jeunes en grande difficulté pour leur permettre d’assurer cet accompagnement globalisé, qui permettra de faire un bilan de compétences, comme vous le suggérez.

Nous avons donc identifié les besoins et développé avec les CREFOP – c’est tout récent, puisque cela a été mis en place au mois d’avril dans chacune des régions – le plan « 500 000 formations supplémentaires », avec le milliard d’euros que l’État a mis sur la table. Ce plan vise non pas à envoyer des demandeurs d’emploi dans des stages parking, mais à développer l’idée d’un parcours entre emploi et formation, en développant les préparations opérationnelles à l’emploi. Car, nous le savons, derrière, il existe des emplois, bien souvent à temps plein.

Par ailleurs, nous travaillons sur la gouvernance des missions locales. C’est aussi une question essentielle entre l’Union nationale des missions locales, l’UNML, et le Conseil national des missions locales, le CNML. Dans le cadre du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, nous avons prévu une commission pour l’insertion, qui nous permettra d’être beaucoup plus efficaces sur le terrain.

En tant qu’ancienne secrétaire d’État à la politique de la ville, je puis vous dire que nous ciblons évidemment certains territoires, auxquels nous donnons plus de moyens. Au-delà, nous avons renforcé notre partenariat avec les préfets délégués pour l’égalité des chances, notamment dans les quartiers de la politique de la ville. Ces préfets jouent ce rôle de coordinateur, notamment pour les jeunes en situation de difficulté et les jeunes diplômés issus de ces quartiers. Nous avons aussi développé les plans locaux pour l’insertion et l’emploi dans ces quartiers.

Il y a de nombreux acteurs. Mais, avec le plan « 500 000 formations supplémentaires », Clotilde Valter et moi-même avons l’objectif de mieux faire, plus intelligemment, en assurant une meilleure coordination de l’ensemble des partenaires et une répartition très claire du travail de chacun.

L'amendement n'est pas adopté.

Une commission d’experts et de praticiens des relations sociales est instituée afin de proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail.

Cette refondation a pour objet de :

1° Simplifier les règles du code du travail, notamment en compensant la création d’une disposition par la suppression d’une disposition obsolète ;

2° Protéger les droits et libertés fondamentales des travailleurs ;

3° Renforcer la compétitivité des entreprises, en particulier de celles qui emploient moins de deux cent cinquante salariés.

Cette refondation attribue une place centrale à la négociation collective et prévoit que la loi fixe les dispositions qui relèvent de l’ordre public et celles supplétives en l’absence d’accord collectif. La commission présente, pour chaque partie du code du travail, l’intérêt d’accorder la primauté à la négociation d’entreprise ou à celle de branche.

La commission associe à ses travaux les organisations professionnelles d’employeurs aux niveaux interprofessionnel et multi-professionnel et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national. Elle peut entendre toute autre institution, association ou organisation de la société civile.

La composition de la commission tend à respecter l’objectif de parité entre les femmes et les hommes.

Le président de la commission est entendu avant sa nomination par le Parlement.

Au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, la commission présente l’état d’avancement de ses travaux devant les commissions compétentes du Parlement.

Elle remet au Gouvernement ses travaux, qui portent sur les dispositions relatives aux conditions de travail, à l’emploi et au salaire, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Au moment d’aborder le premier article de ce texte, je voudrais relever une évidence : le code du travail est dégradé avant tout par les multiples dérogations qui l’ont rendu plus volumineux, donc plus complexe, au fil du temps.

Madame la ministre, avec ce projet de loi, vous affirmez vouloir simplifier le code du travail. Or ce texte va instaurer une grande instabilité et une complexité excessive. En effet, la norme pourra être différente dans chaque grande entreprise, y compris au sein d’une même branche d’activité.

Rendre le code du travail moins volumineux ? Il n’en est rien. Comme l’a démontré un collectif d’universitaires spécialisés en droit du travail, avec cette réécriture, le volume du texte connaîtra une augmentation de 27 %. Cette deuxième refonte complète, après celle de 2008, n’apporte donc ni simplification ni meilleure accessibilité du droit, malgré toutes les annonces médiatiques qui ont pu être faites en ce sens.

Nous l’avons dit lors de la discussion générale, ce que vous proposez, c’est l’adaptation des êtres humains aux besoins du marché de l’emploi. Pensez-vous sincèrement qu’il s’agisse d’un progrès ? Il aurait fallu au contraire repenser le travail comme facteur d’émancipation humaine, en créant des droits nouveaux pour protéger les travailleurs tout au long de leur parcours professionnel.

L’article 1er pose les grands principes du projet de loi : inversion de la hiérarchie des normes et remise en cause du principe de faveur. Où sont donc les nouvelles libertés et les nouvelles protections pour les actives et les actifs ? Pourquoi n’avez-vous pas, par exemple, réécrit le code du travail en supprimant les dérogations pour mieux encadrer les temps partiels et accorder aux salariés concernés les mêmes droits qu’aux salariés à temps plein ? Pourquoi favoriser les grands groupes et non les petites entreprises ? Il y avait, et il y a toujours un vrai travail à faire en leur direction.

Pourquoi n’avez-vous pas écrit un code du travail favorable aux salariés, notamment en sécurisant les parcours de vie et en plaçant la démocratie au cœur de l’entreprise, seule manière pour nous de sécuriser les entreprises ?

Malheureusement, c’est l’inverse que vous faites ! Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

En complément des arguments de ma collègue Laurence Cohen, je dirai que l’article 1er est à l’image de l’ensemble du texte. Il n’a donc rien d’anodin, même si la mise en place d’une commission peut apparaître comme une volonté de dialogue, donc d’apaisement.

Cette commission affiche en réalité la couleur : mettre les principaux concernés hors-jeu, puisque les organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés y seront seulement associées, alors que c’est l’ensemble du code du travail qui est atteint.

Même si les travaux de la commission Badinter, puisque c’est comme cela qu’on la nomme, ont pu éclairer une partie de nos concitoyennes et de nos concitoyens sur ce qu’est le droit du travail, il ne nous semble pas utile de les graver dans le marbre de la loi, d’autant que l’article originel dispose : « La commission présente, pour chaque partie du code du travail, l’intérêt d’accorder la primauté à la négociation d’entreprise ou à celle de branche. » Autrement dit, le fondement de la réforme à venir se base sur ce que nous contestons : l’inversion de la hiérarchie des normes et l’abandon du principe de faveur. C’est ce que la majorité sénatoriale appelle la « place centrale de la négociation collective » et qu’elle ne remet évidemment pas en cause.

Aussi, dès son article 1er, le projet de loi tend à imposer cette nouvelle norme en matière de droit de travail, ce que nous n’acceptons pas. Il constitue donc un symbole de l’autoritarisme qui prévaut dans l’organisation du débat.

Madame la ministre, vous avez retracé tout à l’heure la genèse du texte. Pour ma part, je me contenterai de retracer celle de l’article 1er. Voici ce qui figurait dans un article paru sur le site du journal Le Monde le 12 mai 2015 : « L’attitude d’Emmanuel Macron sur un amendement de l’UMP concernant la simplification du code du travail irrite déjà les syndicats ».

En effet, dans la soirée du 7 mai 2015, la majorité sénatoriale avait adopté un amendement ayant pour objet de mettre en place une commission chargée de proposer dans un délai d’un an un « nouveau code du travail simplifié ». Il s’agissait alors « d’accroître les possibilités de dérogation aux dispositions du code du travail par un accord collectif ».

Madame la ministre, vos services n’ont pas eu un gros travail d’élaboration à fournir pour l’article 1er, puisque vous avez repris une proposition de la droite sénatoriale guidée par le patronat ! §C’est sans doute votre conception du progrès social. Ce n’est pas la nôtre. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Madame la ministre, contrairement au sentiment que le débat général a peut-être pu donner, beaucoup de sénateurs socialistes s’interrogent sur ce texte, en particulier sur ses finalités.

S’il s’agit de servir l’emploi, on peut se poser de nombreuses questions. En effet, l’étude d’impact, qui consacre seulement deux lignes au sujet, ne nous éclaire pas beaucoup. Adhère-t-on à l’idée selon laquelle le code du travail pèserait plus lourdement que les charges sociales sur les entreprises et mettrait en difficulté leur capacité à se développer ?

C’est très exactement le contraire du raisonnement que la gauche et le mouvement syndical ont toujours défendu. La gauche a toujours considéré que seule la loi pouvait protéger le salarié en lui fournissant des garanties, et que si la négociation devait tenir toute sa place, les principes devaient être fixés et déclinés par le législateur. C’est le vieux principe : « Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit. »

Pour ma part, avec beaucoup d’autres élus socialistes, je reste fier de ce que représente le code du travail. Je ne suis pas dans le « code du travail bashing », comme on le dit aujourd'hui. Je me revendique au contraire de cette somme d’efforts, de luttes, de compromis, mais aussi de ruptures qui ont progressivement permis de construire notre droit social et notre droit du travail.

Si l’objectif est de créer de l’emploi en diminuant les garanties apportées aux salariés, nous ne pouvons pas y souscrire.

S’agit-il ensuite d’encourager la négociation collective ? Mais quelle négociation collective ? L’article 1er, qui, dans la rédaction initiale du Gouvernement, énonce les principes fondamentaux du droit du travail, ne vise en effet qu’à rappeler de manière très vague quelques principes généraux et à soumettre tout le reste à la négociation.

Comme le disait l’ancien responsable de FO André Bergeron, pour qu’il y ait une négociation, il faut qu’il y ait du grain à moudre. Mais quel grain les partenaires sociaux pourront-ils moudre, puisque tout ce qui était acquis dans la législation du travail devra être renégocié ?

J’aimerais comprendre quelle logique pousse le Gouvernement, pourtant censé envisager l’entreprise dans un esprit d’équilibre entre le patronat et les salariés, à s’engager dans une telle démarche.

Je remarque aussi que le timing est extraordinaire ! L’article 1er met en place une commission qui travaillera et remettra ses conclusions après la présidentielle et les législatives.

On peut imaginer que cette majorité reste aux responsabilités ; certes, elle ne fait rien pour cela, mais cela peut arriver… Mais, en cas de victoire de la droite, nous aurons donné à ceux qui veulent totalement remettre en cause les principes du code du travail une base et une légitimité extraordinaires pour le faire ! Une fois la commission mise en place, ils n’auront plus qu’à en cueillir les fruits. Merci pour les salariés et le droit du travail !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Le débat entre loi et contrat, entre négociation locale, de branche et nationale, est un débat ancien. C’est ce qui sépare le droit anglo-saxon du droit républicain français.

Dans notre République, nous considérons que l’intérêt général, fixé par les représentants du peuple souverain dans le cadre de la loi, est supérieur au contrat entre les parties. Bien entendu, nous ne sommes pas contre le contrat. Mais celui-ci doit s’inscrire dans une logique d’intérêt général. En effet, si les parties peuvent être d’accord à un moment donné pour préserver des intérêts particuliers, par exemple pour maintenir un emploi dans une entreprise en difficulté, une entreprise de la même branche peut être dans une situation différente. La loi fixe des acquis d’intérêt général, et la hiérarchie des normes garantit que la négociation n’entame pas cet intérêt général.

On voudrait nous faire basculer vers l’idée que le droit issu du contrat est supérieur au droit républicain établi par la loi. J’en suis d’autant plus étonnée que j’ai eu ce débat au Parlement européen avec mes amis sociaux-démocrates. Ils m’ont expliqué pendant des années que, en Allemagne, les négociations entre partenaires sociaux garantissaient mieux le salaire des ouvriers, des travailleurs, des salariés qu’un salaire minimum fixé par la loi. Or les mêmes découvrent aujourd’hui l’intérêt d’avoir une loi fixant un SMIC national !

Ils ont en effet compris que la période de l’après-guerre et des trente glorieuses, celle où le rapport de force était favorable aux salariés et où le keynésianisme soi-disant dépassé aujourd’hui permettait alors le progrès social, la croissance et le développement économique, avait laissé la placé à la pseudo-« mondialisation heureuse », où le rapport de force est défavorable aux salariés et où, sans la protection de la loi, tout y passe, y compris le modèle social-démocrate ! Ce dernier a pu être fort dans les années 1970, 1980, voire 1990, mais il a été démantelé par cette situation défavorable aux salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La loi est supérieure au contrat. La logique qui sous-tend ce texte va totalement à l’encontre de la philosophie républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 40, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

À l’origine, le Gouvernement avait prévu d’organiser la réforme du code du travail autour des soixante et un principes essentiels du travail définis par le rapport Badinter, et selon l’architecture du rapport Combrexelle, qui étend l’inversion de la hiérarchie des normes.

Le Gouvernement a finalement renoncé à maintenir la partie relative à ces principes essentiels, conservant uniquement l’inversion de la hiérarchie des normes, ce qui fragilise encore les équilibres. L’article 1er prévoit ainsi qu’une commission d’experts propose au Gouvernement une refondation du code du travail à partir de cette nouvelle architecture.

Nous refusons pour notre part que des experts prennent le pas sur les parlementaires et que, même s’ils n’en décident pas, préparent tout au moins les règles à respecter dans les entreprises !

Nous voyons bien ici l’influence des technocrates de Bruxelles, qui ont pris l’habitude de prendre les décisions à la place des représentants du peuple. Nous sommes attachés à la souveraineté populaire. Nous refusons donc ce dessaisissement des parlementaires.

Nous sommes d’autant plus réservés que cette commission aurait pour objectif de proposer une refondation du code du travail visant à « simplifier les règles du code du travail, protéger les droits et libertés fondamentales des travailleurs et renforcer la compétitivité des entreprises ».

Un rapport de l’OCDE de 2011 a pourtant démontré qu’il n’était pas possible d’établir de conclusion sur la corrélation entre les règles en matière de droit du travail et la compétitivité des entreprises.

En réalité, sous des prétextes tout à fait discutables, notamment sous couvert de simplification, l’objectif principal est bien de supprimer le principe de faveur. En réalité, ce que vous n’acceptez pas, c’est que la loi fixe un minimum et que les accords collectifs et le contrat de travail puissent seulement l’améliorer. Ce principe de faveur ne peut pas être balayé d’un revers de main. Ce n’est pas une option, un accessoire superflu. Il est directement lié au lien de subordination. Ce que vous proposez n’est pas une commission de simplification ; c’est plutôt une commission de déréglementation !

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

L’article 1er a été réécrit dans un esprit assez proche de celui du Gouvernement.

Monsieur Watrin, vous évoquez le dessaisissement des parlementaires de leurs compétences législatives. Or la commission des affaires sociales a justement tenu à ajouter un certain nombre de dispositifs permettant au Parlement de jouer tout son rôle.

Le président de la commission visée à l’article 1er sera notamment auditionné par le Parlement avant sa nomination. Par ailleurs, six mois au plus tard après la promulgation de la loi, cette commission viendra présenter l’état d’avancement de ses travaux devant les commissions compétentes du Parlement. Je rappelle enfin que si cette commission formule des préconisations, il appartient ensuite au politique de s’en emparer. Sur la base des conclusions de la commission, le Gouvernement pourra proposer une réforme sur laquelle il reviendra au Parlement de se prononcer.

J’imagine que le contenu de la réforme ne sera pas le même selon que la majorité sera communiste ou que les Français auront fait confiance à la droite et au centre dans un an. C’est à nous, responsables politiques, qu’il revient de faire des choix, étant bien entendu que le Parlement reste naturellement aux commandes avec le Gouvernement.

Je mets des guillemets à l’expression « inversion de la hiérarchie des normes ». En effet, c’est la loi qui organise une répartition des compétences, mais il y a bien un ordre public indérogeable qui demeure. Certes, on peut discuter de l’étendue d’une disposition d’ordre public face à une autre qui serait issue d’un accord collectif. Mais on ne peut pas dire qu’il n’y ait plus de règle du tout.

D’ailleurs, nous avons prévu que la commission présente pour chaque partie du code du travail les arguments en faveur de la primauté de la négociation d’entreprise ou de celle de branche.

Il se trouve que le prisme de l’article 2 sur le temps de travail consacre effectivement une logique de primauté pour l’entreprise. Il apparaîtra peut-être dans d’autres champs que c’est la branche qui a un rôle à jouer, par exemple – mais on ne peut pas en préjuger – dans la formation professionnelle.

Vous le voyez, le travail de la commission vise à éclairer les décisions qu’il nous reviendra à nous, politiques, de prendre en toute responsabilité.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Je regrette que Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Gaëtan Gorce n’aient pas été présents pendant la discussion générale.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Excusez-moi ; je ne vous avais pas vue.

Je n’oppose pas, et je n’ai jamais opposé le droit du travail et le droit au travail. Le projet de loi vise à développer la négociation collective, à créer de nouveaux droits pour les salariés, notamment pour ceux qui connaissent des parcours de plus en plus difficiles, caractérisés par des ruptures de plus en plus grandes. On ne rentre plus dans une entreprise à dix-huit ans pour en sortir à soixante. Il s’agit aussi de renforcer les capacités d’adaptation de nos entreprises en leur donnant plus de clarté et de visibilité. L’enjeu du texte est d’encourager l’emploi durable.

Bien sûr que la loi protège ! Personne ici ne dit le contraire. D’ailleurs, l’entreprise ne pourra pas décider de tout ; je pense en particulier à la durée légale ou au salaire. Il y a aujourd’hui quatre domaines dans lesquels l’accord d’entreprise ne peut pas se placer en deçà de l’accord de branche : les garanties collectives, la prévoyance, les fonds de la formation et les classifications. Nous n’y touchons absolument pas. Nous avons bien conscience que la loi protège. Nous avons cherché à faire en sorte qu’elle se situe au niveau le plus pertinent.

On a évoqué M. Bergeron tout à l’heure. Je reconnais qu’il y avait une certaine cohérence de la part de FO à s’opposer à l’accord dérogatoire aux contingents d’heures supplémentaires lors de l’adoption des lois Auroux. Mais nous sommes passés de 4 000 accords en 1984 à près de 35 000 aujourd'hui. C’était inéluctable. Le monde du travail change. Il a fallu accorder des dérogations, demandées notamment par la partie patronale, pour accompagner ces évolutions. Ce système-là est à bout de souffle.

Il faut aujourd’hui donner aux acteurs la capacité de décider au plus près de l’entreprise. Je le rappelle, lors de l’adoption des lois Auroux ou lors de la mise en place des 35 heures en 2001, un accord d’entreprise pouvait être signé par une organisation syndicale élue par seulement 5 % des salariés, ce chiffre ayant été porté à 30 % par la loi de 2008 sur la représentativité syndicale.

Ce n’est pas pour rien que l’on mesure l’audience des syndicats dans l’entreprise. Ce n’est pas pour rien non plus que la nécessité de s’interroger sur le niveau le plus pertinent pour appliquer les 35 heures figurait dans la position commune des organisations en 2001. Nous considérons que le niveau le plus pertinent, dans certains domaines seulement – par exemple, le projet de loi prévoit que le temps partiel reste au niveau de la branche –, est l’entreprise, avec le verrou de l’accord majoritaire.

Madame David, vous avez évoqué la loi Macron. La création d’une commission de refondation du code du travail est l’une des préconisations du rapport de Jean-Denis Combrexelle, qui n’était pas ministre du travail à cette époque.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Dans son rapport, M. Combrexelle indique qu’il s’agit d’un travail titanesque et que cela prendra entre trois et quatre ans.

La proposition du Gouvernement était à droit constant. Ce point est particulièrement important. Il ne revient pas à une commission de refondation du droit du travail de faire évoluer le droit. Il lui incombe de formuler des propositions sur l’échelon le plus pertinent en matière de négociations collectives. C’est à partir de ces propositions que le Gouvernement et le Parlement peuvent, le cas échéant, décider de modifications.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Madame la ministre, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément !

Notre code du travail est déjà très lourd et compliqué. Lorsque nous voulons y apporter certaines précisions, nous sommes obligés d’aller jusqu’à l’article duodecies, voire au-delà ! Vous voyez bien que cette complication ne répond pas à la réalité et aux besoins des entreprises comme des salariés.

Vous nous proposez un texte de 219 pages supplémentaires. Je ne pense pas que ce soit de nature à répondre à l’objectif de simplification affiché par le Gouvernement.

Pour ma part, je souhaiterais que l’on prenne le temps de dépoussiérer le code du travail, par une véritable négociation avec les personnes concernées dans l’entreprise. La loi est là pour protéger ; nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours ! La vie dans l’entreprise est souvent un affrontement, dont ont pu jaillir – c’est souvent le cas ! – des progrès sociaux.

Il faut raison garder. Cela implique de prendre le temps de la discussion. Lorsque les ouvriers et les patrons doivent discuter dans les petites entreprises – on pourra en reparler plus longuement lors de l’examen de l’article 2 –, il arrive souvent que des ouvriers, par peur du lendemain, n’osent pas s’opposer au patron. Les accords de branche garantissent un niveau de protection et de progrès social au monde salarié. C’est la base du mouvement socialiste français !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Alors qu’on nous demande de simplifier le code du travail, on nous propose de créer une commission de refondation du code du travail. Mais c’est inutile ! Inscrivons déjà dans la loi ce qui doit y être ! Quel est le sens d’une telle proposition, sinon celui d’ouvrir la porte à une remise en cause du code du travail ?

On nous dit que le code du travail français est complexe. Mais comparons avec les codes du travail étrangers : moins les lois sont uniformes, plus il y a de jurisprudence !

Cela sera-t-il plus simple pour le salarié ? Les salariés qui changent d’entreprise tous les six mois ou tous les deux ans – c’est de plus en plus fréquent, car la précarité est de plus en plus grande – ne bénéficieront plus tout à fait du même mode de calcul pour le décompte des heures supplémentaires et ne seront plus rémunérés de la même manière. C’est un véritable maquis !

Alors que notre code du travail est déjà complexe, on y ajoute des dérogations à longueur de journée. Mais si ces dérogations ne sont pas encadrées par la loi, ce sera encore plus un maquis.

Il n’est donc pas d’utile de créer une commission de refondation du code du travail dans cet article.

En outre, l’urgence exige un travail approfondi sur d’autres mutations. Comment la France doit-elle organiser la démocratie sociale pour assurer la transition 4.0 ? Comment la France va-t-elle entrer dans l’ère du numérique ? Nous devons réfléchir sur ces questions et engager des négociations interprofessionnelles, par branche, voire par entreprise. J’aimerais bien connaître le budget que consacreront certaines entreprises à ces indispensables mutations.

Oui, la négociation est nécessaire, mais il n’est pas utile de l’organiser dans un cadre qui réduit les standards sociaux ! On doit ouvrir le champ de la négociation, sans remettre en cause les acquis fondamentaux.

Enfin, il n’est pas vrai que l’on va simplifier le code du travail avec des possibilités de conventions entreprise par entreprise. Cela ne fera que compliquer les choses, et aura pour effet, vous le savez bien, d’ouvrir la boîte de Pandore du dumping social !

Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je mets aux voix l'amendement n° 40.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 245 :

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 455 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les États généraux pour un code du travail du XXIe siècle sont réunis afin de proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail.

À l’occasion de ces États généraux, des groupes de travail thématiques seront créés. Les thématiques pourront être celles de la négociation collective dans la hiérarchie des normes, le renforcement du principe de faveur, les droits d’intervention des salarié-e-s dans l’entreprise. Un rapport de ces travaux sera remis au Gouvernement dans un délai d’un an.

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

L’article 1er du projet de loi prévoit une refondation du code du travail afin, officiellement, de le moderniser. Or, sous couvert de « modernisation » et de « simplification », la rédaction qui nous est proposée consiste en une diminution des droits des salariés.

Cette dynamique-là est totalement contraire au mouvement dans lequel s’est inscrit le droit du travail depuis le XIXe siècle, se développant pour protéger les salariés, engagés dans une relation de subordination avec leur employeur.

Ce qui peut permettre la mise en place d’un code du travail du XXIe siècle, ce n’est pas un retour en arrière sur des droits chèrement acquis ; c’est bien la prise en compte des défis actuels, comme la révolution numérique, la formation des salariés tout au long de leur vie ou la sécurité sociale universelle.

Ces progrès ne devraient pas et ne pourront pas se faire, comme vous le proposez, par le biais d’une commission d’experts non élus. Le nouveau code du travail doit être élaboré par des représentants de la Nation et de toutes les personnes qui participent à sa richesse et sa vitalité, avec la mise en place d’états généraux pour un code du travail du XXIe siècle.

Ils permettront à celles et à ceux qui vivent le monde du travail au quotidien et le comprennent en y étant confrontés, les premiers concernés par le code du travail, de s’exprimer. Leurs propositions seraient relayées par des représentants élus, ce qui permettrait de rédiger un code du travail réellement moderne.

À l’heure où des centaines de milliers de personnes se mobilisent pour défendre leur vision du travail et où des mouvements réclamant plus de participation dans la prise de décision politique se multiplient, vous ne pouvez pas continuer à ignorer les fondements et les principes démocratiques en confiant la refondation du code du travail à une assemblée de technocrates.

Tel est le sens de notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

J’ai déjà répondu sur le dessaisissement des parlementaires : les états généraux, c’est nous ! La commission travaille sur le sujet. Le Gouvernement fera ce qu’il veut, et nous aurons à nous prononcer.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 181 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Adapter le code du travail aux mutations de l’économie en pérennisant les périodes de professionnalisations ;

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 6324-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 6324 -1. – Les périodes de professionnalisation ont pour objet de favoriser par des actions de formation le maintien dans l’emploi de salariés en contrat à durée indéterminée. Dans les branches professionnelles déterminées par arrêté du ministre en charge du travail et concernées par des transformations profondes de la nature du travail effectué, liées en particulier à l’évolution des procédés techniques ou des formes d’organisation, chaque salarié bénéficie, dans un délai de cinq ans, d’une ou plusieurs périodes de professionnalisation visant à assurer son adaptation et son maintien dans l’emploi dans des conditions fixées par un accord collectif. »

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

J’essaie de comprendre la logique qui nous amène à discuter d’un tel texte.

J’ai évoqué précédemment l’enjeu de l’emploi, mais je n’ai pas vu le rapport immédiat, bien que ce soit la priorité de nos concitoyens. D’autres priorités peuvent évidemment être envisagées eu égard à l’évolution du monde du travail. Je ne parle pas de « l’ubérisation », dont on nous rebat les oreilles.

La part des emplois correspondant à ce modèle progresse peut-être relativement vite, mais pour un volume qui reste extrêmement limité. Si la perspective est de considérer que nous vivrons une ubérisation du monde du travail – c’est une perspective qu’il vaut mieux éviter ! –, force est de constater qu’elle n’est pas très crédible à l’horizon que nous pouvons nous fixer. En tout cas, elle ne correspond pas à l’évolution, y compris aux États-Unis, d’après ce que l’on peut observer.

Est-ce, d’une certaine manière, la progression de la précarité ? C’est la situation à laquelle on assiste de manière systématique : on nous dit que notre marché du travail manque de flexibilité. Mais on constate au contraire que le recours aux contrats atypiques, aux temps partiels subis et même maintenant au détournement très systématique du statut d’auto-entrepreneur – j’ai de nombreux exemples en tête, je pourrais éventuellement vous les fournir – progresse. On peut alors imaginer que notre priorité serait peut-être de freiner un tel mouvement.

Mais s’il s’agit de se placer dans une perspective, alors tournons-nous vers les véritables enjeux du monde du travail.

Le premier d’entre eux concerne la transformation des métiers au regard de l’évolution des techniques et de la modification de l’organisation du travail. Voilà un sujet qui devrait occuper notre gouvernement et notre majorité, en vue d’essayer d’adapter des solutions. Tel est le sens de notre proposition ; d’autres viendront en discussion ultérieurement.

Nous risquons de rendre obsolète toute une série de compétences dans de très nombreuses entreprises du fait de l’évolution des techniques et des savoir-faire avec l’arrivée du numérique. Malgré un certain nombre de dispositifs existants, les entreprises ne prennent malheureusement pas ce sujet à bras-le-corps, et les branches professionnelles le font encore moins encore. Or c’est pourtant ce qu’elles devraient faire.

De la même manière – ces deux problèmes sont très voisins –, nous connaissons une vraie difficulté dans notre économie du fait de l’insuffisante qualification de nos salariés. Le niveau de formation de nos actifs est inférieur à celui qui existe dans d’autres pays européens, à commencer par l’Allemagne. Cela explique nos difficultés.

Ce texte semble être bâti sur l’idée selon laquelle le code du travail, les lois relatives au travail, le coût du travail – on l’a vu avec le CICE – seraient à l’origine de toutes nos difficultés. Mais la vérité, c’est que nous ne créons pas assez de valeur ajoutée ; nos salariés ne sont pas assez formés ; l’obligation d’adaptation mise à la charge des entreprises n’est pas suffisamment mise en œuvre, et nous n’avons pas de dynamique.

Si nous voulons avoir une action offensive en faveur de l’emploi, il faut pousser à la négociation en ces domaines. Mais il faut que l’État y mette tous ses moyens pour faire en sorte que celle-ci aboutisse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Nous partageons le constat de la mutation accélérée de l’économie, du besoin de formation professionnelle, voire de formation tout court. Désormais, on le sait, on va changer plus souvent d’emploi ou de mission au cours de sa vie. Mais le texte qui nous est proposé commence à apporter un début de réponse à ces problématiques avec le compte personnel d’activité, qui, notamment, agrège les droits du compte personnel de formation. Certes, ce compte a mis un peu de temps à prendre son envol – peu de dossiers ont été validés –, mais il prend petit à petit sa vitesse de croisière.

L’article 1er n’est pas forcément le bon endroit pour intégrer un paragraphe sur les périodes de professionnalisation. Il est vrai que cette question se pose. Mais elle commence à être traitée dans le projet de loi, même si la réponse n’est pas parfaite.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Monsieur le sénateur, la préoccupation que vous exprimez ici est tout à fait légitime, mais la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale y répond déjà largement.

En effet, au travers d’une réforme importante de la formation professionnelle, cette loi a profondément modifié les obligations des employeurs en les renforçant, et elle a rendu obligatoire la négociation par les entreprises de plus de 300 salariés des accords sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC. L’objectif est d’engager des négociations pour anticiper et préparer les mutations auxquelles vous avez fait référence. Elles sont effectivement au cœur des préoccupations des acteurs économiques, mais aussi des partenaires sociaux sur l’ensemble du territoire.

D’ailleurs, cette préoccupation est d’ores et déjà déclinée dans les régions au sein des instances mises en place par la loi précitée, à savoir les CREFOP, coprésidés par les préfets et les présidents de conseils régionaux ; ils associent les partenaires sociaux. Au niveau territorial, ces comités incitent les entreprises à réfléchir sur l’évolution de leurs besoins en termes de compétences. Les branches sont représentées ; elles ont une responsabilité.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement d’ores et déjà satisfait par la loi de 2014, dont l’application, qui a commencé l’année dernière, se prolonge. La loi du 5 mars 2014 définissait un cadre. Myriam El Khomri a évoqué précédemment le plan « 500 000 formations supplémentaires », qui se décline aussi dans ce cadre et permet le déploiement de tous les outils que sont, entre autres, le compte personnel de formation et le conseil en évolution professionnelle. Tout cela forme un tout cohérent, qui s’applique depuis plus d’un an déjà et répond à votre préoccupation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

J’entends bien les propos de Mme la secrétaire d’État. Il est vrai que des progrès ont été réalisés pour améliorer l’accès à la formation professionnelle.

Mais, à ce stade, alors que nous débattons de la nécessité de repenser notre code du travail pour l’adapter au monde contemporain et pas, je l’espère, pour réduire les droits des salariés, il est fondamental d’inscrire dans nos textes une forme de révolution culturelle. Elle doit comprendre l’impérative nécessité de former tous les salariés – c’est extrêmement urgent dans certaines branches ! – et d’engager une réflexion sur les mutations technologiques en cours. On le sait, c’est la garantie de pouvoir les accompagner.

Nous le savons, il y a autant de dispositifs de formation qu’un évêque peut en bénir ! §Mais, manque de chance, personne ne s’en saisit ! Bilan des courses, cela ne marche pas. De nombreuses personnes passent à travers les mailles du filet !

Dans le cadre de la révision du code du travail, nous considérons qu’il faut systématiser les stages de professionnalisation pour accompagner les mutations technologiques dans les branches les plus concernées. C’est une révolution culturelle qui va dans le sens de la sécurisation du travail et de l’amélioration de notre compétitivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Les dispositifs comme le compte personnel d’activité et le droit individuel à la formation ont pour caractéristique d’être individuels. Sans doute le salarié peut-il y avoir recours s’il sort de l’emploi, mais il n’en sera pas moins dans une grande précarité. Pour que ces dispositifs soient efficaces, nous avons besoin qu’ils fassent l’objet d’un encadrement collectif à l’échelle de l’entreprise et, mieux encore, à l’échelle de la branche.

Par ailleurs, l’obligation de négocier date de 2005 ; j’ai travaillé comme député sur la loi qui l’a mise en place. J’aimerais qu’on dresse le bilan des mesures prises en 2014 ; celui du dispositif institué en 2005 est tout de même extrêmement fragile.

Quelle en est la raison ? D’abord, selon moi, l’entreprise n’est pas le bon niveau d’action. C’est à l’échelle de la branche qu’il faut envisager un tel dispositif. Ensuite, il faut faire preuve d’un véritable volontarisme, en mobilisant les moyens adéquats pour que les objectifs de négociation et de résultats soient atteints.

Comme nous le constatons tous sur le terrain, ceux qui perdent leur emploi et qui sont les moins adaptés et les moins qualifiés ont très peu de chances d’en retrouver un ; le taux de chômage est directement corrélé au niveau de formation. Or les entreprises, et plus encore les branches, parce qu’elles sont soumises à d’autres préoccupations, ne consacrent pas suffisamment de moyens à cet objectif.

Cela vaut aussi pour le grand plan de formation et de qualification que je propose dans un autre de mes amendements. Voilà une bonne vingtaine d’années que Jacques Delors réclame un tel dispositif. Entre parenthèses, dans un petit livre d’entretiens avec la journaliste Cécile Amar, Jacques Delors a déclaré que, vu l’évolution de la majorité, il se situait désormais à sa gauche, alors qu’il était auparavant catalogué comme « droitier ». C’est dire !

M. le rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Ces questions fondamentales sont évoquées dans le projet de loi, mais elles ne sont pas traitées avec suffisamment de volontarisme. Comme toutes les questions relatives à l’emploi depuis vingt ans, elles font l’objet de magnifiques discours de l’ensemble des ministres et des partenaires sociaux, dont les accords sur le sujet, régulièrement annoncés, sont réalisés de manière insuffisante.

Il faut prendre le projet à bras-le-corps. C’est le rôle de l’État de le faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je souscris aux propos de nos collègues.

Ce n’est pas M. Karoutchi qui me contredirait. En tant que président de la délégation sénatoriale à la prospective, il nous a permis d’entendre M. Robin Rivaton.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

M. Rivaton a longuement évoqué la révolution numérique et les pertes d’emplois qu’elle va entraîner.

Je partage largement son constat, notamment s’agissant des difficultés de la formation et la nécessité pour les salariés de se former dès à présent pour pouvoir exercer les emplois de demain, lorsque beaucoup d’emplois actuels auront disparu sous l’effet de la révolution numérique.

Mme Évelyne Didier acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous souhaitions la suppression de l’article 1er du projet de loi. Mais, comme nous n’avons pas été suivis, nous considérons qu’il faut à tout le moins l’améliorer. L’idée d’« adapter le code du travail aux mutations de l’économie en pérennisant les périodes de professionnalisations » va dans le sens du progrès social et de la prise en compte des besoins des salariés, afin de leur permettre le maintien dans l’emploi, voire, mieux encore, une évolution professionnelle.

Et nous ne pouvons que soutenir la proposition des auteurs de l’amendement en matière de formation professionnelle nécessaire ; je dirais même « obligatoire ».

Nous voterons donc cet amendement, même si nous avions défendu la suppression de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Monsieur Gorce, je me permets de vous livrer une information qui éclairera peut-être votre réflexion.

Je vis au Royaume-Uni, où la formation professionnelle est assurée à l’échelle de l’entreprise. Or, dans une étude présentée à la délégation sénatoriale aux entreprises lorsque celle-ci s’est rendue à Londres, le Cercle d’outre-Manche, un think tank spécialisé dans la comparaison des législations des deux côtés de la Manche, a démontré que les salariés sont plus nombreux à accéder à un bon niveau de formation professionnelle lorsque l’accompagnement est assuré à l’échelle de l’entreprise, et non de la branche, comme vous le proposez.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’amendement n° 182 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Renforcer les garanties des salariés face aux mutations économiques ;

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je voudrais faire part à la commission et à son excellent rapporteur de ma surprise devant la rédaction choisie pour l’alinéa 3 de l’article 1er.

Après avoir formulé un certain nombre de critiques à l’encontre du texte initial du Gouvernement, je ne peux pas accepter la formulation retenue, qui tend à subordonner l’évolution de la négociation et du droit social à des objectifs de compétitivité.

Tous ceux qui, dans l’histoire, ont contribué à faire évoluer le droit du travail ont estimé que le progrès social était la condition du progrès économique. On peut considérer que c’est le contraire. Mais il reste que le droit du travail est conçu d’abord pour rééquilibrer la relation entre le salarié et le chef d’entreprise, pour favoriser la sécurité et la prise en compte des questions d’hygiène, pour équilibrer la situation en termes de négociation et pour garantir les droits fondamentaux. Il n’est pas conçu pour servir d’abord la compétitivité.

C’est pourquoi je propose de réécrire l’alinéa 3 de l’article 1er, afin de faire référence à ce qui est normalement la vocation du droit du travail : garantir au salarié des droits dans l’entreprise pour lui permettre d’exercer son activité. Parce qu’ils assurent la sécurité du salarié, ces droits peuvent avoir pour conséquence de le rendre plus productif et, de ce fait, contribuer au progrès économique. Mais ce n’est pas sur cet objectif que nous devons fonder notre droit du travail. Peut-être est-ce l’intention de la droite, si les prochaines élections devaient lui être favorables ? En tout cas, ce n’est pas du tout la logique dans laquelle nous souhaitons nous placer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Selon nous, l’objectif de renforcement des garanties des salariés est compris dans l’alinéa 4 de l’article 1er, où il est indiqué que la refondation du code du travail a pour objet de « protéger les droits et libertés fondamentales des travailleurs ».

Dans le texte de la commission, le renforcement de la compétitivité des entreprises n’est que le troisième objectif mentionné, après la protection des droits et libertés fondamentales des travailleurs. D’ailleurs, les deux objectifs ne sont pas antagonistes.

Enfin, l’amendement n° 182 rectifié bis tend à supprimer non pas l’alinéa 5, qui vise le renforcement de la compétitivité, mais l’alinéa 3, qui fixe l’objectif de « simplifier les règles du code du travail ».

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement, qui est en partie satisfait.

Monsieur Gorce, vous avez fait référence à Jacques Delors, qui n’a pas bougé et qui se considère maintenant comme à la gauche de la gauche. Nous non plus, nous n’avons pas bougé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

En réalité, le texte de la commission s’inscrit dans la même philosophie que nos lois de 2004 et 2008. Vous n’avez pas bougé, et moi non plus. En revanche, je considère que le Gouvernement, lui, a bougé, pour venir sur nos lignes.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous sommes bien d’accord ! C’est précisément ce que nous dénonçons !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Notez que nous nous en réjouissons. Cette prise de conscience, quoiqu’un peu tardive, est salutaire pour la France. C’est dans cet esprit que nous accompagnons le mouvement et que nous avons réécrit l’article 1er du projet de loi.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Monsieur le rapporteur, je vous rassure : nous sommes sur notre propre ligne, une ligne sociale-démocrate.

Contrairement à vous, nous estimons que certains grands principes doivent rester inscrits dans la loi. Je pense par exemple à la durée légale du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Nous verrons quel sera votre avis sur l’amendement que nous avons déposé à cet égard !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Dans son essence même, le droit du travail comprend la protection du salarié ; il n’est nullement question de la remettre en cause.

L’enjeu est de laisser plus de place à la négociation, afin que les acteurs puissent faire preuve d’une plus grande réactivité devant les mutations. S’il n’y a pas de négociation, c’est le droit actuel qui continuera de s’appliquer.

La négociation collective, à laquelle la refondation du code du travail donnera une place centrale, s’entend autant au niveau de la branche que de l’entreprise. À chacun de trouver le niveau le plus pertinent. C’est aussi par la négociation collective que sont garantis les droits des salariés.

Le projet du Gouvernement est différent de celui de la commission des affaires sociales, dans la mesure où nous souhaitons que la future commission de refondation propose une réécriture du code du travail à droit constant. Dès lors, il ne me paraît pas nécessaire de dresser une liste d’objectifs, ce qui nous éloignerait du droit constant. Je ne suis donc pas favorable ni à la rédaction de la commission des affaires sociales ni aux amendements tendant à introduire des objectifs à cet endroit du texte.

Encore une fois, il n’appartiendra pas à la future commission de faire évoluer le droit. C’est votre travail, mesdames, messieurs les parlementaires !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est près de minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit trente, afin de poursuivre l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

L’amendement n° 183 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Diminuer le chômage, en prévoyant qu’un accord de branche fixe les conditions dans lesquelles les salariés en formation sont automatiquement remplacés pendant la durée de celle-ci par un demandeur d'emploi préalablement préparé ;

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Avec votre permission, madame la présidente, je défendrai en même temps l’amendement n° 184 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

J’appelle donc en discussion l’amendement n° 184 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Permettre la mise en œuvre d’un grand plan de formation et de qualification grâce auquel chaque salarié disposant d'un niveau de formation inférieur au niveau 4 bénéficie d'actions de formation lui permettant d'accéder au minimum au niveau immédiatement supérieur dans un délai de cinq ans. Ces actions sont définies et mises en œuvre dans chaque branche professionnelle par accord collectif ;

Veuillez poursuivre, monsieur Gorce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je suis parti d’un constat sur lequel je ne m’appesantirai pas : l’insuffisance du niveau global de formation dont ont bénéficié les actifs.

Cela résulte de la lenteur avec laquelle le système scolaire s’est mis à contribuer à l’élévation du niveau global de formation, mais aussi de l’attitude d’entreprises qui développent assez peu la formation ou la concentrent au bénéfice de salariés déjà formés. Malgré de multiples réformes, on n’a pas réussi à inverser cette tendance, y compris via les accords signés par les partenaires sociaux. D’ailleurs, sur le sujet, ces derniers ne me paraissent pas paradoxalement forcément les mieux qualifiés pour aboutir à des résultats. Ils préconisent à chaque fois le statu quo, moyennant quelques rares aménagements.

Sans doute faut-il remettre l’ouvrage sur le métier. L’enjeu est considérable. C’est le sens de mes deux amendements.

L’amendement n° 184 rectifié bis vise à lancer le grand plan de qualification et de formation nécessaire pour élever le niveau de formation d’un certain nombre de salariés dans le cadre de la négociation collective. C’est dans ce cadre qu’une telle démarche doit être envisagée. J’ai exprimé précédemment mes plus vives réserves quant à l’efficacité des dispositifs individuels. Ils donnent l’impression de répondre aux situations des personnes amenées à évoluer en accordant à celles-ci des droits spécifiques. Mais, dans les faits, la plupart des salariés ne peuvent pas bénéficier de la liberté supplémentaire qu’ils offrent, soit parce qu’ils ont perdu leur emploi, soit parce qu’ils n’ont pas les outils qui le leur permettraient dans leur entreprise. La démarche doit être menée à une échelle collective !

L’amendement n° 183 rectifié bis tend à mettre en place un système de rotation expérimenté par les Danois et déjà tenté ici ou là. Puisque l’on parle d’expérimentations, pourquoi ne pourrions-nous pas en faire une pour ce dispositif ? Concrètement, un salarié quittant son emploi pour suivre une formation en vue de répondre à l’objectif général d’élévation du niveau de qualification serait remplacé par une personne au chômage qui aurait été préparée à occuper son poste.

On aime bien citer les Danois à propos de la flexisécurité. Je crois bien que ce sont aussi des « sociaux-démocrates », pour reprendre l’expression de Mme la ministre, expression qui ne m’est d’ailleurs guère familière. En France, notre culture n’a jamais été très sociale-démocrate. Puisque la formule date de quelques années et vient de pays étrangers, nous pourrions peut-être essayer de l’acclimater.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

D’ailleurs, il est curieux de prétendre « moderniser » le droit du travail quand on vieillit la politique en utilisant des expressions désuètes, pour ne pas dire obsolètes, que l'on présente comme le symbole de la modernité politique…

Je crains que l’on ne commette la même erreur à propos du code du travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Toutefois, l’idée qui est défendue à l’amendement n° 183 rectifié bis ne me semble pas inintéressante. À mon sens, la commission d’enquête du Sénat sur les chiffres du chômage en France et dans les pays de l’Union européenne, dont la présidente est présente dans notre hémicycle, pourrait étudier le principe de l’expérimentation proposée, afin de déterminer dans quelle mesure le dispositif mis en œuvre au Danemark pourrait être transposé en France.

Certes, il est toujours intéressant d’examiner ce qui se fait à l’étranger. Mais, nous le savons tous, comparaison n’est pas raison ; chaque modèle a ses propres équilibres. Toujours est-il que l’idée de M. Gorce mérite sûrement d’être creusée.

Par ailleurs, toutes les propositions tendant à activer des dépenses passives méritent d’être considérées. Il peut y avoir d’autres idées en ce sens.

Par conséquent, si la commission est hostile à l’inscription des mesures proposées dans le projet de loi, la réflexion mérite, me semble-t-il, d’être poursuivie, notamment au sein de la commission d’enquête que je viens d’évoquer.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d'État

La demande de M. Gorce relative au dispositif de rotation envisagé à l’amendement n° 183 rectifié bis est satisfaite. Un tel système est en cours d’expérimentation dans les entreprises de moins de dix salariés et dans les entreprises de dix à quarante-neuf salariés. Nous proposons donc d’attendre l’évaluation des résultats de l’expérimentation pour pouvoir juger de l’efficacité ou de l’inefficacité du dispositif avant d’en envisager la généralisation.

Il me semble en outre que Mme la ministre et moi-même avons déjà largement répondu sur le grand plan de formation et de qualification réclamé à l’amendement n° 184 rectifié bis.

Je le répète, la loi du 5 mars 2014 prévoit une déclinaison dans les territoires, grâce à un travail de terrain mené par l’État, les régions, compétentes en matière de formation professionnelle, et les partenaires sociaux. Les outils qu’elle a créés, comme le conseil en évolution professionnelle, répondent aux préoccupations de M. Gorce. Ils permettent d’accompagner le demandeur d’emploi ou le salarié dans la définition de son parcours et de ses actions de formation. Le choix doit être celui de la personne elle-même ; c’est un principe important de la loi. Le compte personnel de formation, entré en vigueur en 2015, constitue désormais un droit individuel transférable, enrichi par le présent projet de loi pour les salariés les moins qualifiés.

J’ajoute que la loi du 5 mars 2014 permet aux personnes les moins qualifiées d’accéder à une première certification : le socle de connaissances et de compétences professionnelles, plus connu sous l’acronyme CLéA.

Monsieur Gorce, toutes les mesures que nous mettons en œuvre me semblent aller dans le sens de ce que vous souhaitez. Le plan « 500 000 formations supplémentaires », pour lequel le Gouvernement a dégagé un milliard d’euros, constitue le grand plan de formation que vous demandez.

Il a été proposé aux régions, qui sont chargées de coordonner la mise en œuvre de ce plan, de le décliner dans les territoires, au sein des CREFOP, en liaison avec les partenaires sociaux.

Autrement dit, ce plan est décliné au plus près du territoire, pour répondre aux besoins des entreprises et de l’économie, mais aussi pour traiter les sujets que vous avez évoqués, c'est-à-dire la transformation profonde de notre économie et les réponses qui doivent être apportées s’agissant particulièrement de la transition énergétique et de la transformation numérique.

Ce plan de 500 000 formations permet justement d’apporter aux demandeurs d’emploi la brique de formation dont ils ont besoin, sur un socle de qualification quelquefois insuffisant, pour pouvoir répondre immédiatement aux compétences demandées par les entreprises, qui sont aujourd’hui définies, d’un côté, par les transformations numériques, et, de l’autre, par la transition énergétique.

Monsieur le sénateur, en mettant bout à bout tous ces dispositifs, nous sommes donc en situation de répondre aux demandes que vous avez exprimées et dont nous mesurons bien l’importance. C’est pourquoi nous ne pouvons qu’abonder dans votre sens et vous assurer qu’elles sont d’ores et déjà mises en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La formation est l’une des conditions de base pour avoir des entreprises compétitives. Les chefs d’entreprises nous disent régulièrement qu’ils ont besoin de travailleurs bien formés. Ce n’est d'ailleurs pas nouveau. Comme vous le savez, mes chers collègues, Jules Ferry a décidé de rendre l’école obligatoire pour que les petits Français apprennent à lire, à écrire et à compter, parce que la révolution industrielle impliquait que les travailleurs possèdent certaines connaissances de base.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

C’est vous qui avez diminué les connaissances de base !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Pendant de longues années, on nous a dit qu’il fallait des travailleurs bien formés, qui répondent aux besoins des entreprises. Mme la secrétaire d’État vient tout juste de rappeler que c’était la base de la compétitivité. Dans ces conditions, je vous pose la question, madame la ministre : où en est-on de la formation en alternance ?

Nous sommes au mois de juin, l’année scolaire va se terminer et de nombreux jeunes et leurs parents vont se rendre dans nos permanences, parce qu’ils ne parviennent pas à trouver d’employeur pour suivre un CAP, un BP, un BTS, un baccalauréat professionnel ou toute autre formation en alternance. On fait miroiter aux jeunes qu’ils vont pouvoir suivre une formation en alternance adaptée aux besoins, qui leur permettra d’intégrer l’entreprise, mais, en réalité, au mois de septembre ou au mois d’octobre, ces jeunes vont se trouver sans formation, faute de réponse des chefs d’entreprise.

Ceux qui ne perdent pas le Nord, en revanche, madame la ministre, ce sont les organismes qui proposent des formations théoriques à des prix exorbitants, compris entre 2 000 euros et 5 000 euros, sans même se préoccuper de savoir si les jeunes pourront obtenir une formation en alternance !

Marques d’impatience sur plusieurs travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

M. Alain Néri. Je conclus, mais l’impatience des jeunes qui vont débarquer dans nos permanences dans quelques jours vaut bien quelque temps de parole supplémentaire.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur Néri, il faut vraiment conclure ! Nous vous redonnerons la parole ultérieurement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Si vous m’interrompez, madame la présidente, je reprendrai la parole ensuite, ce n’est pas grave !

Simplement, madame la ministre, je veux vous dire qu’il est important d’imposer à ceux qui ont réclamé une telle formation la réalité de cette alternance…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

L'amendement n° 183 rectifié bis de notre collègue Gorce est bienvenu, car ce système se met en place au Danemark, où il fonctionne bien et doit être généralisé. L’idée de remplacer un salarié partant en formation dans une PME par un chômeur de longue durée est d’autant plus séduisante qu’une formation en situation de travail apporte bien plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Avez-vous déjà travaillé dans une entreprise ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

On compare beaucoup, en matière de droit du travail, la situation de la France à celle de la Grande-Bretagne, évoquée par M. Cadic, de l’Italie, ou encore de l’Espagne. Je voudrais pour ma part vous parler quelques instants de l’Allemagne. Dans ce pays, le cœur de la négociation se situe au niveau de la branche. Des conventions collectives, des conventions sectorielles sont passées à l’échelle régionale.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Ils n’ont pas non plus les mêmes syndicats !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Tous les dix-huit à vingt-quatre mois, les membres de la branche se réunissent ; ils sont proches du terrain, parce qu’ils travaillent dans les entreprises. Ils peuvent signer des accords de groupe, mais ces derniers doivent obligatoirement être plus généreux que les accords de branche.

Durant les deux semaines d’examen de ce projet de loi, nous allons débattre pour savoir s’il faut privilégier l’entreprise ou la branche. Eh bien, il faut favoriser les deux, l’entreprise et la branche. Sur une question comme celle du remplacement des personnes en formation par des chômeurs de longue durée, la branche peut apporter des solutions.

Une chose, en Allemagne, devrait nous mettre d’accord : la volonté de cogestion, la volonté de trouver des accords entre le patronat et les salariés.

M. Jean-François Husson s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

J’ai moi-même, en tant que syndicaliste, mené des accords de branche qui ont constitué des avancées pour les employeurs comme pour les salariés. Vouloir opposer les choses est une gigantesque erreur. C’est la raison pour laquelle il s’agit d’un très bon amendement.

Lorsque nous aborderons l’article 2, nous veillerons à avoir un vrai débat sur la place de la branche et de l’entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

M. Gaëtan Gorce. Nos collègues de la majorité nous invitent à nous rendre dans les entreprises, comme si nous n’y étions jamais allés ! Vous avez voté le budget des services spéciaux, mais avez-vous été agent secret autrement que devant votre poste de télévision ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Souriressur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Avez-vous même été syndicaliste, comme Martial Bourquin ?

Les parlementaires ont vocation à traiter l’ensemble des sujets. Évitez donc d’employer de tels arguments, qui n’élèvent pas le niveau du débat.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

J’en reviens au sujet qui nous intéresse. Je sais qu’il existe déjà un dispositif de rotation des emplois. Ce que j’ai proposé à Mme la ministre, c’est l’articulation des deux. Ce qu’il faudrait mettre en place, aujourd’hui, c’est un grand plan de formation et de qualification.

Vous avez fait allusion à votre plan concernant les demandeurs d’emploi. Pour ma part, je pense à ceux qui occupent déjà un emploi et qui sont confrontés à la question de l’élévation des qualifications. D’où l’articulation avec l’idée de la rotation : il s’agit de mettre en place un dispositif volontariste, s’appuyant sur la formation massive des salariés. Plutôt que de continuer à baisser les cotisations sociales, ce qui coûte extrêmement cher, nous considérons qu’il faut relever le niveau de formation des salariés en créant, au travers d’une obligation de négocier et d’aboutir, avec un accompagnement financier, ce mouvement de formation et de qualification, complété par un mécanisme de rotation.

Je fais observer que nous consacrons beaucoup d’argent à la baisse des cotisations sociales, pour des résultats qui sont, depuis le début, extrêmement modestes.

Bien sûr, nous créons une accoutumance. Certes, nous ne pouvons pas revenir sur ces baisses de cotisations, parce que cela se traduirait par un alourdissement des charges des entreprises, ce qui n’est pas souhaitable. Toutefois, la prise en charge des baisses de cotisations, même si elle a été progressivement relevée, maintient l’échelle des salaires à un niveau relativement faible. Nous favorisons ainsi les mauvaises pratiques.

Nous devrions y réfléchir. C’est presque au-delà de 1, 5 SMIC que nous devrions accorder ces allocations, afin d’encourager les entreprises à mener ce travail d’élévation des qualifications, donc des salaires.

Si un problème de pouvoir d’achat se pose dans notre pays, c’est aussi parce que les salaires sont trop bas, les qualifications étant trop faibles. C’est de cela que souffre notre économie, et non d’un poids excessif des cotisations sociales ou du code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Pour réagir aux propos de M. Bourquin, je voudrais rappeler que la délégation aux entreprises s’est rendue à Londres, dans le cadre de l’élaboration d’un rapport d’information se fondant justement sur le témoignage des entrepreneurs français installés au Royaume-Uni. Au moment de la grave crise de 2008, on nous a cité les nombreux cas d’entreprises où les salariés, en accord avec l’entrepreneur, ont fait le choix de travailler sur trois jours plutôt que d’être licenciés. Ces choix étaient arrêtés au niveau de l’entreprise.

Vous avez raison de souligner qu’il ne faut pas opposer la branche et l’entreprise, monsieur Bourquin, mais il convient également de préserver la liberté de l’entreprise de rejoindre une branche, ou pas. Dans certains cas, la branche fonctionne bien et est très utile. Faisons confiance aux gens !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'amendement n° 115 rectifié, présenté par MM. Antiste, Cornano, Desplan et Karam et Mme Jourda, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Garantir par des sanctions appropriées une égalité salariale effective entre femmes et hommes occupant un poste équivalent, à ancienneté et compétence égales ;

La parole est à M. Maurice Antiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Bien qu’ayant été introduit dans le droit français depuis près d’un demi-siècle, le principe « à travail égal, salaire égal » n’est toujours pas respecté dans la pratique, puisqu’un écart de 10 % environ subsiste pour des emplois équivalents.

La « refondation » de la partie législative du code du travail doit selon moi être l’occasion de mettre en place des sanctions suffisamment dissuasives pour les entreprises, afin d’assurer l’application effective de cette égalité salariale entre femmes et hommes occupant un poste équivalent, à ancienneté et compétence égales.

C’est ainsi que je propose, après l’alinéa 4, d’insérer un alinéa ainsi rédigé : « Garantir par des sanctions appropriées une égalité salariale effective entre femmes et hommes occupant un poste équivalent, à ancienneté et compétence égales ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Nous partageons tous l’objectif de l’auteur de l’amendement concernant l’égalité salariale effective. Dans notre esprit, cet objectif relève pleinement de l’alinéa 4 de cet article, qui pose le principe général de protection des droits et des libertés fondamentales des travailleurs.

Cet alinéa est un clin d’œil appuyé au travail du comité Badinter, qui n’a pas été retenu en tant que tel dans le corps du projet de loi. On se souvient que l’article 31 du rapport de ce comité est justement consacré à l’égalité de rémunération. Ce principe est selon nous satisfait par cet alinéa.

Sur le fond, je veux rappeler le travail constant accompli par tous les gouvernements qui se sont succédé, notamment la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, portée à l’époque par Nicole Ameline, qui a instauré des sanctions assez significatives. En effet, toute entreprise qui n’a pas conclu un plan d’égalité professionnelle, lequel comprend notamment l’égalité salariale, peut se voir infliger une sanction de l’ordre de 1 % de la masse salariale : ce n’est pas rien ! Cette logique de sanctions est donc d’ores et déjà inscrite dans la loi de 2006. Je ne dispose pas d’éléments statistiques, mais peut-être Mme la ministre pourra-t-elle nous en communiquer.

Nous partageons naturellement vos préoccupations, mais, selon nous, votre amendement est satisfait par l’alinéa 4 de l’article 1er, à travers le principe général de protection des droits et des libertés fondamentales. J’espère que le travail de résorption des écarts engagé depuis de nombreuses années et les sanctions prévues permettront d’obtenir très rapidement une convergence.

Néanmoins, vous l’aurez compris, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Comme je l’ai dit tout à l’heure, l’enjeu de la commission de refondation est justement de travailler à droit constant. C’est aux parlementaires qu’il revient de faire évoluer le droit. Je partage tout à fait l’objectif de votre amendement, monsieur le sénateur. Les écarts injustifiés de salaire entre les femmes et les hommes sont tout à fait inacceptables dans notre pays. Vous me donnez l’occasion de vous dire ce qu’il en est aujourd'hui.

De nombreux outils ont été mis en œuvre, M. le rapporteur l’a souligné. Le Gouvernement s’y est également activement engagé, notamment par l’encadrement du temps partiel, le renforcement des accords sur l’égalité professionnelle.

Au 15 janvier 2016, près de 2100 entreprises ont fait l’objet d’une mise en demeure. Elles ont alors six mois pour se mettre en règle. Nous rencontrons une difficulté, puisque seulement 34 % des entreprises de 50 à 299 salariés sont couverts par un accord, 69 % des entreprises de 299 à 999 salariés, et 84 % des entreprises de plus de 1000 salariés. Quelque 6 % de ces mises en demeure ont fait l’objet d’une sanction, pour un montant d’environ 408 000 euros.

L’enjeu, aujourd'hui, concerne les plus petites entreprises. Je me suis rendue voilà quelques mois devant le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, le CSEP, pour identifier les leviers en vue de développer ces accords sur l’égalité salariale dans les entreprises de 50 à 299 salariés. Dans le même temps, nous prenons des dispositions pour multiplier les contrôles.

Je partage par conséquent tout à fait votre volonté, monsieur le sénateur. L’enjeu de cette commission, je le répète, n’est pas d’ajouter des objectifs, puisqu’elle travaille à droit constant, ce qui constitue une garantie pour les salariés. C’est aux parlementaires, et non à une commission d’experts ou de praticiens du droit social, même en lien avec les partenaires sociaux et les associations de la société civile, qu’il revient de faire évoluer le droit.

C’est la raison pour laquelle je vous invite à retirer votre amendement, monsieur le sénateur. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

M. Maurice Antiste. Puisque la commission et le ministre sont d’accord, ma question est la suivante : en quoi cela dérangerait-il de faire ce rappel en maintenant mon amendement ? J’invite l’assemblée à aller dans mon sens, et à l’unanimité !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je ne doute pas de l’engagement de Mme la ministre pour essayer d’obtenir l’égalité professionnelle et salariale. Le problème, c’est que de nombreuses lois vont dans ce sens depuis des années, que nous sommes en 2016 et que ces textes ne sont pas appliqués. Nous nous creusons la tête pour faire en sorte que les entreprises respectent les lois.

Cela correspond tout de même à un manque à gagner de 52 milliards d’euros pour la protection sociale ! Je l’ai dit devant l’un des responsables de la Cour des comptes, qui ne m’a absolument pas contredite. Le problème, m’a-t-il répondu, c’est que cela ouvrirait des droits nouveaux. Effectivement, de meilleurs salaires ouvrent des droits nouveaux, une meilleure retraite, etc.

Dans ces conditions, en 2016, il est important de suivre la proposition de notre collègue. À un moment donné, il faut que cessent ces contournements de la loi : il n’y a aucune raison que l’égalité entre les femmes et les hommes ne soit pas pleine et entière, que ce soit l’égalité professionnelle ou l’égalité salariale.

Or ce n’est jamais le bon véhicule législatif, ni jamais le bon moment ! Et pendant ce temps, on voit proliférer les temps partiels imposés, les bas salaires pour les femmes et tous les contournements de la loi que j’ai évoqués.

D’ailleurs, la commission des affaires sociales ne vise même pas la parité dans la composition de la commission, qui doit simplement « tendre à » respecter un objectif de parité. C’est perpétuellement le cas : nous tendons à la parité ! Il y en a assez ! L’égalité doit être respectée, et il faut l’affirmer dans tous les véhicules législatifs qui nous permettent de le faire.

J’invite donc à voter en faveur de cet amendement.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je souhaite également l’adoption de cet amendement, et je ne puis m’empêcher de faire le rapprochement avec les débats que nous avons eus précédemment. Chaque fois, on nous explique que les choses sont en cours.

Nous avons une politique de l’emploi formidable, par exemple ; il suffit de mobiliser les moyens déjà engagés ! Or cela dure depuis plus de vingt-cinq ans, sans que le chômage de masse et le chômage de longue durée quittent leur niveau élevé. Nos concitoyens doivent le savoir : tout est en place en matière de formation et de qualification. Des réformes ont été menées à bien, on en lance de nouvelles et la rotation des emplois est à l’œuvre…

En fait, rien ne fonctionne : le système de la formation bénéficie toujours aux mêmes ; la politique de l’emploi ne permet pas de réduire le chômage ; depuis des années, nous affichons l’égalité salariale entre hommes et femmes dans un certain nombre de politiques, sans aucun résultat. Tout cela continue, et l’on se contente de déclarations. Il ne faut pas s’étonner, ensuite, que nos électeurs nous sanctionnent dans les urnes. Ce qu’ils veulent, ce sont des actes, et non une accumulation de déclarations !

Des mesures concrètes, suivies d’une volonté de les mettre en œuvre : voilà ce que serait une politique réformatrice !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Je remercie Mme la ministre de la précision des chiffres qu’elle a donnés. Cet amendement est vraiment de ceux dont il sera difficile d’expliquer le rejet au grand public : oui, nous en partageons la finalité, mais nous ne l’adoptons pas, parce que ce n’est pas le moment et que cela va poser des problèmes dans certaines entreprises, etc.

Si des membres de la délégation aux droits des femmes sont présents dans notre assemblée ce soir, ils reconnaîtront dans cette proposition le genre de mesures qui, depuis très longtemps, sur toutes les travées de cet hémicycle, font consensus. Il s’agit simplement d’affirmer que l’égalité salariale à emploi équivalent, ce doit être maintenant.

Très franchement, je comprends vos précautions, madame la ministre. Toutefois, un rejet ne serait pas explicable au grand public. Il me paraît donc important que cet amendement recueille un vote unanime.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Nous sommes tous d’accord avec le concept : il faut une égalité salariale. Néanmoins, quelque 21 discriminations figurent au code pénal, et il convient de lutter contre toutes ces discriminations. Or il paraît difficilement envisageable de les citer toutes à cet endroit précis du texte !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Je n’ai pas dit que cette disposition posait des problèmes aux entreprises ; je ne m’en préoccupe pas. La question, pour moi, est d’appliquer la loi. Cela explique mon souhait de vous communiquer des données très concrètes sur l’application de cette loi et sur les difficultés que nous rencontrions dans les plus petites entreprises, notamment en termes de mise en œuvre.

J’ai également expliqué que la commission de refondation avait pour fonction, non pas de faire évoluer le droit, mais de laisser une plus grande place à la négociation collective. D’ailleurs, c’est précisément parce que la préoccupation exprimée n’entre pas dans le cadre de cette commission que j’ai suggéré le retrait de cet amendement.

Tels sont les propos que j’ai tenus. Mais si, chaque mois, à la suite de ma rencontre avec le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, je demande à mes services un bilan sur les mises en demeure et amendes appliquées, c’est bien parce que je considère ce sujet particulièrement important. Au-delà des lois qui sont votées, il me revient de mettre ces mesures en œuvre.

Par ailleurs, la volonté réformatrice ne s’exprime pas qu’en mots. L’État, avec les régions, forme actuellement près de 500 000 demandeurs d’emploi. Moi qui, avec Clotilde Valter ou avec les présidents de région, me rends sur le terrain, je considère que, pour des personnes attendant depuis six ou huit mois un financement de la région, ce sont, non pas des mots, mais des actes qui sont posés, redonnant un peu de crédibilité à la politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Un parlementaire a pour fonction première d’élaborer la loi, laquelle doit effectivement protéger les citoyennes et les citoyens et garantir l’application des valeurs fondamentales de la République : la liberté, l’égalité et la fraternité.

Dans sa proposition, notre collègue Maurice Antiste demande tout simplement davantage d’égalité, et il souhaite sanctuariser l’égalité salariale entre hommes et femmes dans la loi.

Tout le monde semble d’accord, mes chers collègues. Il serait tout de même très positif que, à minuit trente-cinq, au moment de lever la séance, nous parvenions à un vote unanime sur une mesure emportant l’accord de tous. Par conséquent, je ne me contenterai pas d’entendre certains nous expliquer qu’ils sont pour, mais qu’ils voteront contre. De grâce, un peu de cohérence !

Pour ma part, je suis favorable à l’égalité entre hommes et femmes, en particulier s’agissant des salaires. Je vous invite donc à voter l’amendement de M. Antiste.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Ne souhaitant pas allonger les débats, je formulerai simplement une suggestion, allant dans le sens d’une modification de l’amendement.

À chaque nouveau texte concernant les entreprises, c’est toujours l’angle de la punition qui est retenu. L’entreprise est automatiquement suspecte – un peu comme dans les contrôles fiscaux qui s’éternisent, y compris lorsque l’on ne trouve rien.

Tout le monde, m’a-t-il semblé, souhaite voir évoluer la relation entre administration et entreprise. Pourquoi, par conséquent, ne pas rectifier cet amendement ? Plutôt que de pénaliser les entreprises n’étant pas parvenues à instaurer l’égalité, on créerait une prime pour celles qui ont déjà atteint ce but. Progressivement, elles auraient toute envie de mettre en œuvre cette égalité !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Une prime aux automobilistes qui ne franchissent pas les feux rouges… Très bonne idée, monsieur Joyandet !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Je ne peux que réagir à cette dernière intervention. Malheureusement, en matière d’égalité salariale, on ne suspecte pas… On constate !

Oui, c’est une réalité, et non une suspicion : certaines entreprises pratiquent une inégalité salariale, ce qui conduit les femmes, moins bien payées à la fin de leur vie professionnelle, à bénéficier de retraites moins importantes. Malheureusement, c’est une réalité que l’on constate quotidiennement – chaque 8 mars, année après année, la presse dans toute sa diversité livre le même article –, et ce malgré un certain nombre de lois, cela a été rappelé, qui existent aujourd'hui, mais qui ne sont pas appliquées.

La question est donc, non pas de donner une prime aux entreprises respectant la parité, mais bien de sanctionner celles qui ne la respectent pas. Il faut prendre cette question à bras-le-corps, en faisant preuve de volontarisme. Sans cela, on crée des inégalités, que l’on ne corrige pas, et, en définitive, on ne protège pas les plus faibles.

C’est pourquoi nous voterons cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Pour ma part, je préfère la carotte au bâton !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je vois que le débat s’enflamme. Je voudrais tout de même rappeler l’objet de cet article 1er : instaurer une commission chargée de réécrire le code du travail à droit constant, comme Mme la ministre n’a cessé de le répéter. Cette commission n’aura pas à élaborer la loi à notre place !

Je comprends la préoccupation exprimée ici, et je la partage. Toutefois, nous allons examiner, dans quelque temps, un texte sur l’égalité citoyenne ; c’est dans ce texte que vous pourrez demander l’intégration de ces mesures d’égalité, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Si vous voulez les assortir de sanctions, vous pourrez le faire. Vous pouvez également voter en faveur de cet amendement, tout comme vous avez voté en faveur des précédents. Néanmoins, j’y insiste, le travail d’élaboration de la loi ne sera pas du ressort de la commission d’experts.

Il en ira autrement quand, demain après-midi, le groupe communiste proposera un amendement tendant à modifier le texte de la commission du Sénat, mais, ici, nous parlons d’une commission d’experts, et ce ne sont pas des experts qui vont faire la loi à ma place !

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mes chers collègues, nous avons examiné 8 amendements au cours de la journée ; il en reste 887.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 14 juin 2016 :

À quatorze heures trente :

Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (610, 2015-2016) ;

Rapport de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, fait au nom de la commission des affaires sociales (661, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 662, 2015-2016).

À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.

À dix-sept heures quarante-cinq et le soir :

Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (610, 2015-2016) ;

Rapport de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, fait au nom de la commission des affaires sociales (661, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 662, 2015-2016).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mardi 14 juin 2016, à zéro heure quarante.