Intervention de Annie David

Réunion du 14 juin 2016 à 14h30
Rappel au règlement

Photo de Annie DavidAnnie David :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les termes de l’article relatif à l’organisation de nos travaux.

Madame la ministre, vous avez jugé utile de nous rappeler, hier après-midi, en exergue de votre démonstration, qu’un accord d’entreprise pouvait, en soi, constituer une bonne chose. Et de citer, en répondant à notre collègue Desessard, l’exemple de la société Renault, pour indiquer que c’est dans cette entreprise que l’on avait inventé la troisième semaine de congés payés.

Que la chose fît tousser hier était tout à fait logique, puisqu’il me faut vous rappeler ici quelques éléments de situation.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale fut terminée, madame Bricq, la société Renault fut nationalisée, pour sanctionner, d’une certaine manière, les faits de collaboration avérés de Louis Renault, celui que l’on appelait le « Saigneur de Billancourt » – vous aurez entendu le « ai » dans « Saigneur » –, partie ouvrière de la commune de Boulogne où l’on trouvait les usines Renault, notamment sur le site de l’île Seguin. Renault devint « la Régie nationale des Usines Renault », dont l’usine de Billancourt était le symbole le plus éclatant.

Une sorte de forteresse ouvrière, comme on disait à l’époque, dans cette usine gigantesque, haute comme une cathédrale dédiée à la métallurgie, où Georges Séguy, un jour de mai 1968, fit applaudir les points positifs des accords de Grenelle et siffler ceux qui ne correspondaient pas à l’image que nous souhaitons laisser.

Dans son livre Renault, regards de l’intérieur, paru en 1983 aux Éditions sociales, Claude Poperen, militant politique et syndical de la Régie, rappelle les faits : après avoir été la première usine du pays, après avoir connu, en 1936, une grève d’une rare ampleur, Renault fut marquée par de puissants et réguliers mouvements revendicatifs qui aboutirent à des avancées sociales significatives.

Dès 1955, la troisième semaine de congés payés fut ainsi accordée, après une grève de longue durée.

Pour le coup, vous auriez alors pu, madame la ministre, rappeler que, en 1962, la grande communauté des travailleurs de Renault obtint aussi la quatrième semaine de congés payés et que c’est à la suite d’un autre mouvement revendicatif, notamment suivi au niveau confédéral par Henri Krasucki, que fut signé un accord créant le premier dispositif de retraite complémentaire du pays.

Nulle avancée sociale dans notre pays ne trouve sa source dans le fait du prince ou la subite générosité du monde de l’entreprise, au sens du patronat !

Faisons peut-être une exception pour la participation aux bénéfices, un dispositif qui traduit la vieille chimère de la réunion du capital et du travail dans un intérêt commun, dont on peut penser qu’il fut inspiré par l’action d’un Marcel Bloch Dassault dont l’entreprise était florissante et d’autant plus profitable qu’elle répondait à des commandes publiques !

Le code du travail lui-même, dont la première page fut écrite en 1910 et l’édition complétée pendant les dix-sept années suivantes, n’était, à l’origine, que la scrupuleuse compilation des lois ouvrières arrachées par la lutte au fil des combats du XIXe siècle industriel et du début du XXe siècle.

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