Séance en hémicycle du 14 juin 2016 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • TVA
  • l’emploi
  • l’entreprise

La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 14 juin 2016, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation lui avait adressé deux arrêts de renvoi de questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les articles 691-11 et 696-19 du code de procédure pénale (Placement sous écrou extraditionnel ; 2016-561 QPC et 2016-562 QPC).

Les textes de ces arrêts de renvoi sont disponibles à la direction de la séance.

Acte est donné de ces communications.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Annie David, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les termes de l’article relatif à l’organisation de nos travaux.

Madame la ministre, vous avez jugé utile de nous rappeler, hier après-midi, en exergue de votre démonstration, qu’un accord d’entreprise pouvait, en soi, constituer une bonne chose. Et de citer, en répondant à notre collègue Desessard, l’exemple de la société Renault, pour indiquer que c’est dans cette entreprise que l’on avait inventé la troisième semaine de congés payés.

Que la chose fît tousser hier était tout à fait logique, puisqu’il me faut vous rappeler ici quelques éléments de situation.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale fut terminée, madame Bricq, la société Renault fut nationalisée, pour sanctionner, d’une certaine manière, les faits de collaboration avérés de Louis Renault, celui que l’on appelait le « Saigneur de Billancourt » – vous aurez entendu le « ai » dans « Saigneur » –, partie ouvrière de la commune de Boulogne où l’on trouvait les usines Renault, notamment sur le site de l’île Seguin. Renault devint « la Régie nationale des Usines Renault », dont l’usine de Billancourt était le symbole le plus éclatant.

Une sorte de forteresse ouvrière, comme on disait à l’époque, dans cette usine gigantesque, haute comme une cathédrale dédiée à la métallurgie, où Georges Séguy, un jour de mai 1968, fit applaudir les points positifs des accords de Grenelle et siffler ceux qui ne correspondaient pas à l’image que nous souhaitons laisser.

Dans son livre Renault, regards de l’intérieur, paru en 1983 aux Éditions sociales, Claude Poperen, militant politique et syndical de la Régie, rappelle les faits : après avoir été la première usine du pays, après avoir connu, en 1936, une grève d’une rare ampleur, Renault fut marquée par de puissants et réguliers mouvements revendicatifs qui aboutirent à des avancées sociales significatives.

Dès 1955, la troisième semaine de congés payés fut ainsi accordée, après une grève de longue durée.

Pour le coup, vous auriez alors pu, madame la ministre, rappeler que, en 1962, la grande communauté des travailleurs de Renault obtint aussi la quatrième semaine de congés payés et que c’est à la suite d’un autre mouvement revendicatif, notamment suivi au niveau confédéral par Henri Krasucki, que fut signé un accord créant le premier dispositif de retraite complémentaire du pays.

Nulle avancée sociale dans notre pays ne trouve sa source dans le fait du prince ou la subite générosité du monde de l’entreprise, au sens du patronat !

Faisons peut-être une exception pour la participation aux bénéfices, un dispositif qui traduit la vieille chimère de la réunion du capital et du travail dans un intérêt commun, dont on peut penser qu’il fut inspiré par l’action d’un Marcel Bloch Dassault dont l’entreprise était florissante et d’autant plus profitable qu’elle répondait à des commandes publiques !

Le code du travail lui-même, dont la première page fut écrite en 1910 et l’édition complétée pendant les dix-sept années suivantes, n’était, à l’origine, que la scrupuleuse compilation des lois ouvrières arrachées par la lutte au fil des combats du XIXe siècle industriel et du début du XXe siècle.

Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Pour prendre la parole et négocier, il faut d’abord agir, madame la ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Acte est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (projet n° 610, texte de la commission n° 662, rapport n° 661).

Titre ier

Refonder le droit du travail et donner plus de poids à la négociation collective

Chapitre Ier

Vers une refondation du code du travail

Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier du titre Ier, l’examen de l’article 1er.

Une commission d’experts et de praticiens des relations sociales est instituée afin de proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail.

Cette refondation a pour objet de :

1° Simplifier les règles du code du travail, notamment en compensant la création d’une disposition par la suppression d’une disposition obsolète ;

2° Protéger les droits et libertés fondamentales des travailleurs ;

3° Renforcer la compétitivité des entreprises, en particulier de celles qui emploient moins de deux cent cinquante salariés.

Cette refondation attribue une place centrale à la négociation collective et prévoit que la loi fixe les dispositions qui relèvent de l’ordre public et celles supplétives en l’absence d’accord collectif. La commission présente, pour chaque partie du code du travail, l’intérêt d’accorder la primauté à la négociation d’entreprise ou à celle de branche.

La commission associe à ses travaux les organisations professionnelles d’employeurs aux niveaux interprofessionnel et multiprofessionnel et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national. Elle peut entendre toute autre institution, association ou organisation de la société civile.

La composition de la commission tend à respecter l’objectif de parité entre les femmes et les hommes.

Le président de la commission est entendu avant sa nomination par le Parlement.

Au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, la commission présente l’état d’avancement de ses travaux devant les commissions compétentes du Parlement.

Elle remet au Gouvernement ses travaux, qui portent sur les dispositions relatives aux conditions de travail, à l’emploi et au salaire, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 456, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 6, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III. – Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Comme le précise l’objet de cet amendement, si nous ne sommes pas opposés à une recodification du code du travail qui respecte l’ordre public social et aille vers une meilleure protection des droits des salariées, les objectifs ajoutés par l’article 1er, après passage en commission, sont en contradiction totale avec la réalité, voire avec le sens de l’histoire.

En effet, aucune corrélation sérieuse n’a été établie entre le code du travail et la compétitivité des entreprises, si ce n’est peut-être des dérogations trop nombreuses qui mettent en cause le principe de sécurité juridique.

On nous affirme que le code du travail est trop complexe, trop épais. C’est oublier que depuis la fin de la révolution industrielle, ce code n’a fait que prendre acte des évolutions de la société, de l’acceptabilité sociale des conditions de travail. D'ailleurs, s’il y a eu complexification, c’est avant tout du fait des demandes répétées du patronat pour obtenir des dérogations.

Ainsi, ceux qui se plaignent de la multiplication des textes y ont eux-mêmes contribué, puisque, depuis le début des années quatre-vingt-dix, les employeurs ont réclamé et obtenu dérogation sur dérogation. Pourtant, les licenciements d’aujourd'hui ne feront pas les emplois de demain. Cette fiction, répétée à l’envi par le patronat depuis plus de trente ans, ne résiste pas à l’analyse : le chômage n’a jamais été aussi important en France.

De même, en réponse à une prétendue complexité du licenciement, a été instaurée en 2008 la rupture conventionnelle. Le résultat, c’est que, en 2014, on a compté plus d’un million de ruptures conventionnelles non compensées par des embauches en CDI ! Que dire encore des mutations forcées ou des baisses de salaire pour éviter un plan social ? Je ne vais pas multiplier les exemples. Je pense simplement, avec mon groupe, que le discours sur la compétitivité des entreprises est éculé.

La détérioration des conditions de travail de salariés est en réalité néfaste pour leurs performances et leur productivité. Elle est même néfaste pour la bonne marche de l’entreprise.

Mes chers collègues, telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons la suppression des alinéas 5 et 6 de cet article, ainsi que la suppression de l’alinéa 11, lequel vise à élargir les champs des compétences dévolues à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 241 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer les mots :

de deux ans

par les mots :

d'un an

La parole est à M. Olivier Cadic.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

M. Olivier Cadic. Je voudrais tout d’abord, au nom de mes collègues, saluer la mémoire du commandant de police et celle de sa compagne qui ont été assassinés hier soir à Magnanville. J’adresse toutes nos pensées solidaires à leurs proches et à leurs collègues.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il y a un an, lors des débats sur le projet de loi Macron, j’avais déposé un amendement visant à proposer une inversion de la hiérarchie des normes.

Cet amendement avait trois ambitions : premièrement, replacer au niveau conventionnel – d’entreprise, de groupe ou de branche – l’ensemble des règles applicables en matière de droit du travail, d’emploi et de formation professionnelle ; deuxièmement, adapter les règles du droit du travail au plus près de la réalité du monde du travail, en tenant compte de la diversité des secteurs d’activité et des tailles d’entreprise ; troisièmement, simplifier le droit du travail pour le rendre plus lisible, plus praticable, et pour diminuer les contentieux, le code du travail devant ainsi se limiter aux dispositions d’ordre public social qui s’imposent au champ conventionnel.

Afin de donner à cette inversion de la hiérarchie des normes sociales le temps de se mettre en place, j’avais proposé que le Gouvernement crée, par décret, un Conseil de la simplification du droit du travail, charge à ce Conseil de déterminer ce qui relève de l’ordre public social dans le code du travail et ce qui n’en relève pas.

Parmi les neuf priorités du pacte fondateur de l’UDI, nous souhaitons que les négociations entre les partenaires sociaux se passent à l’échelon de l’entreprise.

L’an dernier, nous étions seuls à défendre cet amendement. Je vous remercie d’être allés tous – ou presque ! – dans ce sens. Cependant, il nous semble que deux ans pour travailler sur les seules dispositions relatives aux conditions de travail, à l’emploi et aux salaires, c’est beaucoup trop long.

L’objet de cet amendement est donc de ramener ce délai à une année.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur Cadic, un hommage aux deux fonctionnaires de police assassinés sera rendu par M. le président du Sénat, avant les questions d’actualité au Gouvernement.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

L’amendement n° 456, présenté par M. Watrin et ses collègues, vise la corrélation entre le code du travail et la compétitivité. Vous la remettez en cause, considérant qu’elle n’est pas suffisamment établie.

Pourtant, dans le monde d’aujourd'hui, au XXIe siècle, le succès des entreprises est assuré de fait par leur rapidité à redéployer leurs moyens pour répondre à l’évolution d’un contexte très changeant ; on le voit, tout va toujours plus vite.

La capacité à se réorganiser dans le cadre de l’entreprise et à modifier un certain nombre de dispositions qui figurent dans le code du travail a naturellement un impact majeur sur la compétitivité. C'est la raison pour laquelle il nous a semblé important de faire figurer cet aspect dans la feuille de route de la commission d’experts et de praticiens des relations sociales.

Je vais prendre un exemple très concret pour illustrer ce trait bien français, qui consiste à attendre que Peugeot soit au bord du gouffre pour accepter de réfléchir à la réorganisation du groupe ! Aujourd'hui, l’on voit bien que le groupe est en train de se tirer d’affaire et, de surcroît, de fort belle manière ! Et l’on voit aussi qu’il y a un lien entre cette capacité à se réorganiser – celle-ci figure pour partie dans le code du travail – et la compétitivité.

Dans cet esprit, désireuse de réaffirmer cet objectif d’adaptation, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement n° 456.

L’amendement n° 241 rectifié est ambitieux, puisque le délai qui serait imparti à la commission d’experts et de praticiens des relations sociales serait réduit à un an. Cette proposition aurait pour conséquence de permettre au gouvernement qui sera en place à l’automne 2017, quel qu’il soit, de disposer d’un rapport sur lequel il pourrait s’appuyer afin de proposer des réformes à la nouvelle majorité.

Cette idée m’a paru d’abord séduisante. Puis, en lisant les propositions de Jean-Denis Combrexelle, auteur du rapport que vous connaissez, la nécessité de consacrer à cette tâche ardue un temps un peu plus long m’est apparue. Ainsi, l’article 2, par exemple, toilette et refonde 115 articles du code du travail, qui en comprend plusieurs milliers ! On le voit bien, une seule année, cela risque d’être un peu court.

Je propose donc, au nom de la commission des affaires sociales, d’en rester au délai de deux ans, qui était prévu par le texte de la commission. Deux ans, cela me paraît un bon compromis entre les quatre ans qui étaient demandés par M. Combrexelle et votre ambitieuse proposition de ramener le délai à douze mois, monsieur Cadic.

Cela étant, puisque nous allons auditionner le président de la commission d’experts et de praticiens des relations sociales, nous pourrons lui faire part de notre souhait de le voir, lors de la première année d’exercice, focaliser ses travaux sur tel ou tel aspect important, afin de rendre des premières propositions dont le Gouvernement pourra s’emparer.

Je vous suggère donc, mon cher collègue, de retirer l’amendement n° 241 rectifié. À défaut, je serais contraint d’émettre un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le prolongement des échanges que nous avons eus hier soir et en totale cohérence avec ce que j’ai indiqué à ce moment-là, je veux réaffirmer l’enjeu et la volonté du Gouvernement : nous voulons que la commission créée procède à la refondation du code du travail à droit constant.

Je l’ai suffisamment répété hier pour expliquer mon avis défavorable sur certains amendements qui étaient en discussion, si je ne souhaite pas que nous assignions des objectifs à cette commission, c’est parce qu’il ne relève pas d’une commission d’experts, même après concertation avec les partenaires sociaux, de faire évoluer le droit. Ce rôle revient au Gouvernement et au Parlement.

Conformément à ce que j’ai dit lors de la précédente séance et pour être parfaitement cohérente, je devrais, monsieur Watrin, même si je ne suis pas du tout d’accord avec la démonstration que vous avez faite, émettre un avis favorable, au nom du Gouvernement, sur l’amendement que vous avez présenté.

Par ailleurs, je n’oppose pas la protection des salariés et la compétitivité. Ce que souhaite faire ce projet de loi, c’est, à mon sens, développer de nouvelles formes de régulation, parce que la performance économique et la performance sociale sont en partie liées et que la compétitivité n’est pas un tabou.

Je l’ai dit à maintes reprises en réponse à de nombreuses questions au Gouvernement au sujet de la mise en œuvre du plan « 500 000 actions de formation supplémentaires », investir humainement dans la formation des salariés, notamment les moins qualifiés de notre pays, oui, cela améliore la compétitivité de notre économie ! Pour moi, la compétitivité n’est donc pas un mot tabou.

Il me paraît néanmoins essentiel de protéger les salariés face aux dérogations qui se multiplient, face à quantité de contournements du droit du travail, qu’il s’agisse de certaines formes de travail indépendant ou de la prolifération du travail détaché. Si notre code du travail est devenu tellement volumineux, c’est bien parce qu’il a fallu répondre aux nombreuses dérogations demandées au fil des ans par la partie patronale. Bien évidemment, le code du travail est là pour protéger les salariés dans une relation déséquilibrée.

Je considère toutefois que, lorsque des organisations syndicales sont présentes, le verrou de l’accord majoritaire constitue la meilleure garantie pour trouver un juste équilibre au sein des entreprises.

Je n’oppose donc pas la compétitivité à la performance sociale. Pour moi, l’enjeu, c’est de trouver de nouvelles formes de régulation. Et s’il n’y a pas d’accord, c’est le droit actuel qui s’applique.

Pour toutes ces raisons, je m’en remets à la sagesse du Sénat pour l’amendement n° 456.

J’en viens à l’amendement n° 241 rectifié. Je partage tout à fait le sentiment du rapporteur sur le délai. La commission d’experts et de praticiens ne peut pas mener à bien cette tâche de refondation de la partie législative du code du travail en une seule année. C’est, en effet, un travail technique extrêmement important, auquel le rapport de Jean-Denis Combrexelle préconisait de consacrer jusqu’à trois ans, voire quatre.

À l’issue de ce travail, il reviendra bien sûr au Parlement d’apporter des modifications. Il le fera après concertation avec tous les partenaires sociaux, avec des représentants de la société civile, avec les personnes qui travaillent au sein de l’entreprise, avec des représentants syndicaux anciennement ou encore en poste. Tous ces sujets demandent du temps. C’est un autre travail titanesque !

Il nous a fallu près de cinq mois pour trouver le niveau le plus pertinent de toilettage sur chacune des 125 pages du code du travail que nous avons examinées.

J’émets donc, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° 241 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Madame la ministre, par cohérence avec ce que vous nous avez déclaré hier, vous auriez dû accepter notre amendement visant à supprimer l’article 1er et la commission qu’il institue.

En effet, cet article, dans sa rédaction actuelle, qui n’a rien à voir avec celle que vous présentiez dans le projet de loi initial, puisqu’elle a été en partie revue par l’Assemblée nationale et très largement modifiée par la commission des affaires sociales du Sénat, prévoit bien que la nouvelle commission va « proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail », refondation dont sont ensuite énumérés les différents objets.

Vous nous dites que, dans votre esprit, cette commission devait formuler des propositions selon les modalités que vous nous aviez expliquées hier et que vous venez de nous réexpliquer, mais cela ne correspond absolument pas à cet article 1er, car ce dernier fixe des objectifs, notamment – objectif ajouté par la commission des affaires sociales – le « renforcement de la compétitivité des entreprises », en particulier – assez bizarrement – « de celles qui emploient moins de deux cent cinquante salariés ».

Du coup, dans cette refondation de la partie législative du code du travail, il faudra insister particulièrement sur une catégorie d’entreprises.

La commission qu’institue l’article 1er ne correspond donc plus du tout aux réalités que vous nous avez exposées hier après-midi et, à nouveau, aujourd'hui, madame la ministre.

Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David. J’ai bien entendu que Mme la ministre avait émis un avis de sagesse, monsieur Carrère, mais j’espère que l’on a tout de même encore la possibilité de parler au Parlement ! Je voudrais expliquer mon vote et je dispose encore d’une minute cinquante pour le faire.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Chers collègues, si vous voulez nous empêcher de prendre la parole, dites-le ! Monsieur Carrère, nous examinons des dispositions importantes qui vont toucher des millions de salariés, et il me semble normal que ces millions de salariés qui essaient de se faire entendre dans la rue aient un relais dans cet hémicycle !

Brouhaha.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je pense, madame la ministre, que vous auriez tout bonnement dû accepter la suppression de cette commission d’experts, dont sont notamment écartés les représentants des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mes chers collègues, gardons le même esprit de cohérence que celui qui a prévalu hier ! Je le répète pour ceux qui arrivent en cours de discussion, l’article 1er confie à une commission d’experts le soin de fixer les principes fondateurs du code du travail. Ce n’est donc pas à nous de demander à cette commission d’écrire les lois ! Or c’est ce qu’a fait la commission des affaires sociales.

Nous sommes donc favorables à la suppression de l’alinéa 5, qui revient à dire que la rédaction sortant des travaux de la commission d’experts devra fixer comme objectif au code du travail d’assurer la productivité et la compétitivité des entreprises.

Nous sommes favorables à la suppression de la seconde phrase de l’alinéa 6 pour les mêmes raisons, puisqu’elle fixe le périmètre de l’intervention de la commission.

Enfin, nous sommes également favorables à la suppression de l’alinéa 11, avec une réserve. En effet, l’amendement n° 456 vise la suppression de tout l’alinéa, qui prévoit, dans la rédaction initiale comme dans celle de la commission des affaires sociales, que la commission d’experts remet au Gouvernement le produit de ses travaux dans un délai de deux ans. Si cet alinéa est entièrement supprimé, il n’y aura plus de délai.

Je suggère donc à nos collègues de rectifier leur amendement en ne demandant plus que la suppression de la partie centrale de l’alinéa, qui fait référence « aux conditions de travail, à l’emploi et au salaire ».

Il faut en effet bien prévoir un délai de remise. Sinon, M. Cadic risque d’avoir raison en proposant au travers de l’amendement suivant un délai d’un an ! Pour ma part, je considère qu’il faut un délai de deux ans au moins, et il faut de toute façon préciser que la commission d’experts « remet au Gouvernement ses travaux ».

Voilà ma proposition, et je vous assure, mes chers collègues, qu’elle est sincère

Exclamations amusées au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je veux attirer l’attention, en particulier celle de la partie de l’hémicycle où je me situe, sur le calendrier. Je l’ai dit hier, je suis très inquiet de la manière dont cette affaire a été conçue. Je ne reviens pas sur la question de fond, celle du rôle de la commission et les raisons pour lesquelles on engage cette négociation, ayant déjà exprimé mes doutes, mais je suis plus inquiet encore s’agissant du calendrier.

Si le délai est de deux ans, cela signifie que nous aurons alors une nouvelle majorité parlementaire et une nouvelle majorité présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je forme évidemment des vœux pour qu’il s’agisse encore alors de préserver les garanties fondamentales du droit du travail, comme Mme la ministre nous l’a indiqué, mais j’ai quelques craintes que ce ne soit pas le cas… Et quand je vois le débat que suscite ce texte et les manifestations qu’il provoque à l’extérieur de cet hémicycle aujourd'hui encore, je me demande si tout cela va nous aider à rassembler ceux qui entendent défendre le code du travail, tel que nous le concevons.

C’est pourquoi je tiens à dire que nous jouons, tout comme, pardonnez-moi, madame la ministre, le Gouvernement, aux apprentis sorciers.

Lancer un tel processus lorsque l’on sait que la pression est très forte – et le texte de la droite nous montre qu’elle l’est – pour remettre en question le code du travail, ouvrir ce débat alors que nous sommes à la veille d’élections et en laisser la conclusion à une autre majorité… Autant dire que nous mettons délibérément en danger les principes que nous prétendons défendre.

Je serais donc partisan de réduire au maximum le délai et de faire en sorte que le calendrier soit aussi resserré que possible, car engager un tel processus aussi tard dans un mandat peut poser des problèmes de cohérence si le délai est raccourci. Quoi qu’il en soit, il y a là, me semble-t-il, une légère contradiction dans la stratégie qui est menée.

Je pourrais d’ailleurs en dire autant du plan de formation des chômeurs. Mieux vaut tard que jamais, certes, mais, si l’on n’avait pas entendu le début 2016 pour se rendre compte que l’on avait un problème de formation des chômeurs de longue durée et que l’on s’y était pris un peu plus tôt, on aurait sans doute plus de résultats aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je voudrais rappeler à nos collègues qui n’ont pas assisté au débat hier ou qui n’ont pas complètement suivi l’évolution du projet de loi que l’article 1er concerne la formation d’une commission d’experts, qui doit proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail.

L’alinéa 5 dont M. Watrin propose la suppression est extrêmement important, puisqu’il vise à renforcer la compétitivité des entreprises. S’il est supprimé, je ne vois pas à quoi servira la mise en place de la commission d’experts !

Quant à l’alinéa 11, que Mme la ministre n’a pas lu complètement, il prévoit que cette commission fera son rapport dans les deux ans. Si l’on supprime cette précision, il n’y a plus de rapport !

Pour ces deux raisons, je demanderai un scrutin public sur l'amendement n° 456, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mme Laurence Cohen. Nous allons accepter ce qui est proposé

Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mme Laurence Cohen. … puisque c’est ce que l’on nous rabâche depuis hier. Les autres groupes, il est vrai, n’ont aucune posture : ils réfléchissent, puis changent de position…

Sourires sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous allons donc, nous aussi, bouger, mais je veux tout de même procéder à quelques rappels.

Tout d’abord, on nous dit qu’il ne s’agit que de quelques principes, mais nous avons bien vu dans le débat d’hier, qui a été très politique et extrêmement intéressant, que ces principes étaient fondamentaux.

Ensuite, M. Milon considère que la suppression de l’alinéa 5 est inacceptable, parce qu’il faut renforcer la compétitivité des entreprises de moins de 250 salariés. Mais est-ce le rôle du code du travail d’affirmer cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Toutefois, qu’est-on en train de faire ? On pose un certain nombre de principes triés sur le volet. On crée une commission d’experts, qui n’a prétendument pas de pouvoir, ou qui tout en ayant des pouvoirs n’en a pas. On nous dit que nous sommes aptes à légiférer, mais – on l’a bien vu hier pour l’égalité entre les femmes et les hommes – toutes nos propositions de modification sont repoussées.

Nous allons accepter ce qui nous est proposé, mais sans illusion aucune et en espérant que chacun ici a conscience de l’atmosphère qui règne, parce que c’est très important. Nous sommes peut-être en train de travailler dans cet hémicycle, mais je vous assure que, dans la rue, il y a des millions de personnes qui luttent contre cette mauvaise loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Madame la ministre, ne pas s’assigner d’objectifs est le moyen le plus sûr de n’en atteindre aucun !

Comme je l’ai expliqué, notre objectif était que la commission d’experts soit chargée du soin de déterminer ce qui relève de l’ordre public et ce qui n’en relève pas.

Dans le texte proposé par la commission des affaires sociales, il est indiqué que la refondation a pour objet de « simplifier les règles du code du travail, notamment en compensant la création d’une disposition par la suppression d’une disposition obsolète ». Si l’on procède ainsi, le code du travail sera toujours aussi volumineux !

L’orateur brandit un exemplaire dudit code.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Si la commission d’experts se contente de définir ce qui est d’ordre public, on pourra aller beaucoup plus vite. S’il faut réécrire, évidemment, cela prendra du temps.

Notre objectif est de simplifier les règles du code du travail. C’est pourquoi nous voulions poser les principes pour la commission d’experts s’agissant de ce que nous voulons conserver dans le code du travail pour pouvoir rapidement le réécrire.

Si j’entends bien, la commission d’experts rendra son avis en 2018. Ensuite, il faudra commencer à réécrire. On voit où cela peut mener. Ah, j’oubliais : il n’est pas plus nécessaire de fixer un délai que de fixer des objectifs…

Dans ces conditions, nous retirons notre amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 241 rectifié est retiré.

Monsieur Watrin, acceptez-vous de modifier l’amendement n° 456 dans le sens suggéré par Mme Nicole Bricq ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Oui, monsieur le président, mais nous souhaiterions une brève suspension de séance, afin de rédiger notre amendement rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à quinze heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La séance est reprise.

Je suis saisi d’un amendement n° 456 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, qui est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 6, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III.- Alinéa 11

Supprimer les mots :

, qui portent sur les dispositions relatives aux conditions de travail, à l'emploi et au salaire,

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

L’avis de la commission reste défavorable, monsieur le président, et je maintiens ma demande de scrutin public.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Le Gouvernement s'en remet toujours à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix l'amendement n° 456 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 246 :

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 185 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Lutter contre le « dumping social » en encadrant les pratiques sociales d’entreprises françaises exerçant sur les salariés à l’étranger une pression contraire à leur sécurité et à leur protection sociale. Pour prévenir cette situation, chaque année, le comité d’entreprise est saisi, dans le cadre du bilan social, d'un rapport faisant état des conditions de travail, de salaire et de protection sociale des salariés des entreprises situées en dehors de l'Union européenne contrôlées par le groupe ou dépendant principalement de ses commandes.

La parole est à M. Jérôme Durain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Comme nombre d’orateurs de tous les bords politiques l’ont déjà fait remarquer hier durant la discussion générale, la mondialisation a profondément transformé les conditions de la concurrence internationale, notamment en matière sociale et environnementale.

Voilà pourquoi nous vous proposons, par cet amendement, de lutter contre le dumping social en encadrant les pratiques sociales d’entreprises françaises exerçant sur les salariés à l’étranger une pression contraire à leur sécurité et à leur protection sociale. Concrètement, nous entendons créer un droit de regard des salariés sur les politiques sociales conduites par leur groupe dans ses éventuelles filiales extraeuropéennes. Ainsi, on fera en sorte que la délocalisation des activités et des investissements s’accompagne d’une délocalisation des droits sociaux.

L’objet de cet amendement est comparable à celui de la proposition de loi de M. Dominique Potier, que nous avons eu la chance de pouvoir étudier voici quelques mois au Sénat, même si elle a été assez maltraitée par la majorité sénatoriale. Il s’agit dans les deux cas de tirer toutes les conséquences de l’effondrement du Rana Plaza et, plus largement, de mieux contrôler des chaînes de sous-traitance qui peuvent compter jusqu’à huit niveaux.

Notre amendement vise également à exprimer l’esprit de la dernière session de la Conférence internationale du travail, au cours de laquelle Mme la ministre a pu réitérer les demandes du Gouvernement français de voir des négociations déboucher sur la définition précise de principes directeurs devant s’appliquer sur les chaînes d’approvisionnement mondiales en matière de rémunérations, de temps de travail, de conditions de travail et de dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

La régulation de la concurrence et la lutte contre la concurrence déloyale sont bien présentes à l’article 13. J’en cite la rédaction issue de nos travaux en commission : « La branche définit par la négociation les garanties applicables aux entreprises relevant de son champ d'application et régule la concurrence entre ces entreprises. »

Or il se trouve que, à l’article 1er, nous demandons à la commission d’experts de présenter, pour chaque partie de ce code, « l’intérêt d’accorder la primauté à la négociation d’entreprise ou à celle de branche ». La commission pourra donc se pencher sur la régulation du secteur. Cette mention suffit à nos yeux.

Par ailleurs, monsieur Durain, vous suggérez que le comité d’entreprise puisse être saisi, dans le cadre du bilan social, d’un rapport faisant état des conditions de travail et des salaires dans les filiales situées hors de l’Union européenne. Or il se trouve qu’un certain nombre de consultations, notamment la consultation annuelle stratégique, permettent déjà d’évoquer ce type de sujets au sein du comité d’entreprise.

Compte tenu de ces éléments, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Monsieur Durain, vous vous inquiétez à juste titre du dumping social, notamment dans le cadre des pratiques européennes et internationales de nos entreprises. En cohérence avec mes déclarations antérieures, je réitère mon opposition à l’assignation d’objectifs à la commission d’experts. Ce n’est pas à elle de faire évoluer le droit du travail. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement sur cet amendement sera défavorable.

Vous soulevez néanmoins deux sujets majeurs autour de la question du dumping social. Le premier est le devoir de vigilance des entreprises donneuses d’ordre, qui fait l’objet de la proposition de loi de Dominique Potier que vous avez citée.

Ce principe n’a de sens que si nous sommes en capacité de le mettre en œuvre de manière internationale et, d’abord, à l’échelon européen. J’ai expliqué la semaine dernière à l’Organisation internationale du travail, l’OIT, combien ces plans de vigilance sont importants. Un grand mouvement est nécessaire sur cette question : j’y tiens à l’extrême et le travail que nous avons eu à Genève avec les organisations syndicales et patronales était particulièrement intéressant dans cette perspective.

La lutte contre les fraudes au détachement constitue le second sujet majeur. Le Gouvernement français est en pointe aujourd’hui pour demander la révision ciblée de la directive du 16 décembre 1996 sur le détachement de travailleurs. Nous entendons faire inscrire dans le droit européen le principe « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail ». Il nous importe en particulier que ce soit le salaire de la convention collective qui s'applique alors.

Or si nous prenons aujourd’hui cette initiative européenne, c’est bien parce qu’il existe des pratiques de dumping social et que l’érosion de notre modèle social est en jeu. Ce n’est pas le travail détaché lui-même qui pose problème : la France est en Europe le troisième pays d’envoi de travailleurs détachés et la libre circulation des travailleurs dans l’espace européen représente bien sûr un atout pour nos entreprises, pour ces salariés, mais aussi pour nos étudiants. En revanche, les abus de ce dispositif doivent être combattus.

Je partage donc tout à fait, monsieur Durain, votre volonté de lutter contre le dumping social, non seulement, à l’échelon international, dans le cadre de la proposition de loi de Dominique Potier – il faut imposer le devoir de vigilance et la responsabilisation des donneurs d’ordres –, mais aussi sur la question du travail détaché, dont le cadre légal devrait évoluer dans les prochains mois.

Cela dit, tel n’est pas l’objectif de la commission d’experts ; plus largement, il ne faut pas assigner d’objectifs à cette commission, à qui il n’appartient pas de refaire le cadre du droit puisque cette refondation doit se faire à droit constant.

Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Notre collègue Jérôme Durain vient de faire allusion à la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, texte dont aura bientôt lieu la deuxième lecture au Sénat.

À l’écoute de vos explications à ce sujet, madame la ministre, je me demande si vous tenez compte de ce qui se trame – car c’est bien le terme qui convient – aujourd’hui autour du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, ou TTIP, de l’accord économique et commercial global, ou CETA, et de l’accord sur le commerce des services, ou TISA.

On aura beau adopter toutes les mesures possibles, même à l’échelon européen, pour une telle vigilance, tous ces travaux seront caducs si ces trois traités sont mis en œuvre. En effet, les entreprises pourront alors considérer que toute mesure de protection, quelle qu’elle soit, des salariés, de l’environnement ou de nos appellations d’origine contrôlée, constitue une entrave à leur business : elles pourront donc décider d’attaquer l’État à l’origine de ces mesures. J’aimerais obtenir une explication à ce sujet.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 458, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

négociation collective

insérer les mots :

, au respect du principe de faveur et de la hiérarchie des normes

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Notre amendement vise à rétablir la portée du principe de faveur, garantie de notre ordre social.

Ce texte consacre en effet une évolution entamée, en réalité, depuis une trentaine d’années et qui s’accélère depuis quinze ans et, singulièrement, depuis la crise de 2008. Votre texte s’inscrit ainsi dans les pas de la loi Fillon de 2004 et de la loi Bertrand de 2008. Il est éclairant, madame la ministre, que vous soyez sur ce point en accord complet avec la majorité sénatoriale. Les arguments que vous utilisez sont d’ailleurs les mêmes : il s’agirait de favoriser la flexibilité des entreprises et la démocratie dans l’entreprise.

De fait, vous faites appel au bon sens pour imposer des mesures régressives et faire accepter des reculs en matière de droits. Ce bon sens et cette pédagogie consistent en vérité à revenir sur la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation et du Conseil d’État, établie en application des principes contenus dans le code du travail.

Vous revenez surtout sur le principe de faveur, disposition qui, en définitive, constitue le ciment de l’édifice du droit du travail. Rappelons que ce principe offre aux salariés la garantie que tout accord négocié au plus près d’eux sera conclu dans un sens favorable. C’est une garantie contre l’arbitraire, contre le chantage et contre les pressions.

Bien sûr, vous arguez que notre vision des entreprises est caricaturale et que nous raisonnons en termes de rapports de force. Nous faisons pourtant simplement le constat d’un déséquilibre sur le marché du travail, dont vous niez l’existence, et d’une dissymétrie dans le rapport contractuel entre salariés et employeurs.

Il faudrait plutôt s’attaquer à la sacro-sainte concurrence sciemment engagée et organisée entre les salariés : c’est elle en effet qui fait baisser les droits ; c’est elle qui justifie, dans toutes les entreprises où elle a inspiré des accords compétitivité-emploi, toutes les politiques de précarisation. C’est cela qu’il faut combattre !

À nos yeux, rétablir le principe de faveur et la hiérarchie des normes, ou encore faire primer la loi sur la dérogation, ce n’est pas, contrairement aux affirmations de M. le rapporteur, entamer les facultés d’adaptation des entreprises – il y a déjà beaucoup de flexibilité, et même trop, dans le droit du travail. Au contraire, c’est asseoir l’efficacité économique sur son meilleur levier, à savoir le progrès social.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

La hiérarchie des normes est au cœur du débat qui se tiendra lors de la discussion de l’article 2.

Naturellement, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, compte tenu de son attachement à la philosophie globale exprimée à l’article 2. Nous sommes constants depuis plusieurs années sur cette philosophie : nos lois de 2004 et de 2008 ont affirmé ce principe de primauté de l’accord d’entreprise.

En réalité, à faire un peu de généalogie, on se rend compte que le principe de faveur n’existe plus à l’état pur depuis longtemps. En 1982 déjà, une ordonnance prise par M. Auroux permettait à l’accord de branche étendu de déroger, dans un sens favorable ou défavorable, à un certain nombre de dispositions légales.

Nous pourrions certes rejouer, cent cinquante ans plus tard, le débat entre Proudhon et Marx, où le premier défendait la subsidiarité, alors que le second préférait la conflictualité. Je vous propose plutôt, mes chers collègues, d’en rester là et de suivre l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Notre échange sur ce sujet, monsieur Watrin, a commencé hier ; il s’agit évidemment d’un point essentiel.

Je crois pour ma part qu’il faut prendre en compte l’évolution qui s’est produite dans notre pays durant les trente dernières années, depuis que, dans le cadre des lois Auroux, on a procédé à une première dérogation au principe de faveur, notamment sur le contingent des heures supplémentaires.

Cette question précise se pose d’ailleurs encore aujourd’hui. En effet, augmenter le contingent des heures supplémentaires peut être perçu comme une évolution défavorable par les salariés qui préféreraient des horaires fixes ; en revanche, il s’agit d’une évolution extrêmement favorable pour ceux qui y voient une source supplémentaire de pouvoir d’achat.

L’enjeu de ce projet de loi est justement de permettre de telles évolutions. En vérité, dans le système actuel, comme vous l’avez vous-même rappelé, l’hyperprécarité existe, les contrats courts existent, l’intérim existe… Le chantage à l’emploi existe bien, parfois, dans le monde du travail. Ces difficultés concernent potentiellement tous les actifs. Il faut donc réformer notre système.

Pour ma part, comme je l’ai dit hier, je n’oppose pas le droit au travail et le droit du travail. Nous avons choisi avec ce texte la voie de la négociation collective et du renforcement des syndicats. En effet, lorsque les syndicats sont influents dans l’entreprise et que celle-ci a intérêt à négocier, les salariés obtiennent des droits et ceux-ci sont respectés. Je rappellerai en outre que, lors de l’adoption des lois Auroux, un syndicat pouvait signer un accord d’entreprise même s’il représentait à peine 5 % des salariés.

Le développement des accords d’entreprise est inéluctable. En effet, il correspond à des besoins exprimés à la fois par des salariés et des entreprises. La société fordiste a vécu, et il faut aujourd’hui améliorer cette capacité d’adaptation. L’inéluctabilité de ce mouvement est évidente quand on constate que près de 40 000 accords d’entreprise ont été signés à ce jour.

Nous ne nous sommes pas contentés d’élargir l’objet des négociations d’entreprise ; nous avons aussi tenu à instaurer le principe de l’accord majoritaire. La règle des 30 % avait été instaurée en 2008. Aujourd’hui, le principe de l’accord majoritaire représente la meilleure garantie pour les salariés. C’est donc un élément déterminant de ce projet de loi. Dès lors, si nous voulons élargir l’objet de la négociation, c’est bien pour qu’il existe le maximum de possibilités de trouver un compromis et des contreparties.

Pour conclure, j’ai envie de citer Philippe Martinez.

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

On l’interrogeait hier, sur Europe 1, à propos de l’accord d’entreprise en discussion à la SNCF. Or voici ce qu’il a répondu : « C’est aux salariés de dire ce qui est bon et ce qui n’est pas bon pour eux. » Voilà justement l’esprit de ce projet de loi !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Nous reprendrons évidemment ce débat fondamental à l’article 2. Nous l’avons d’ailleurs déjà eu sous la précédente majorité gouvernementale, en 2004 et en 2008, lors de l’examen des lois Fillon et Bertrand.

Les arguments que j’emploierai aujourd’hui sont ceux que les sénateurs socialistes utilisaient alors, y compris certains membres du gouvernement actuel, tels que M. Alain Vidalies, aujourd’hui secrétaire d’État en charge des transports. À cette fonction, il ne lui appartient pas de s’exprimer sur le présent texte ; cela vaut sans doute mieux pour la cohérence de ses prises de position.

Si nous évoquons ainsi la question du principe de faveur, c’est parce que ce dernier est fondamental. Que nous réfléchissions à la négociation et aux progrès à apporter à celle-ci, en théorie, c’est formidable. En effet, on ne peut que souhaiter que les décisions soient prises à l’échelle la plus proche des salariés et des patrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Les Landes vous appelleront quand elles auront besoin de vous, cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Voilà bien l’esprit moutonnier… Sachez en tout cas que la Nièvre ne s’est jamais laissé impressionner par les Landes !

Pour en revenir au fond de mon propos, nous souhaitons naturellement, en principe, que la négociation soit menée le plus près possible du terrain. La réalité est toutefois bien différente de cette théorie : nous sommes dans un pays dans lequel le syndicalisme représente à peine 7 % des salariés du secteur privé. Cela signifie que la capacité à négocier dans l’entreprise est extrêmement faible.

En acceptant une dérogation au principe de faveur, on crée donc une situation qui va faire pression sur les salariés au sein de l’entreprise. Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, la pression sur l’emploi, voire le chantage à l’emploi, est inéluctable. Dans ces conditions, on fragilise nécessairement la négociation si on la décentralise dans l’entreprise, sans même évoquer le recours désormais possible au référendum.

Il ne nous faut pas adapter le droit du travail à une individualisation des salaires ou du temps de travail qui, de fait, favorise la précarisation et débouche sur une rupture du collectif de travail. Nous devons au contraire nous préoccuper de renforcer ce collectif, pour lui permettre non seulement de se défendre, mais encore de négocier des avancées.

Je considère effectivement que l’on peut envisager un véritable progrès social sous certaines conditions. Ce n’est pourtant pas ce que fait ce projet de loi ; il encourage plutôt des pratiques qui ne cessent de se développer et vont se traduire par un morcellement accru.

Qu’est-ce qui incitera les entreprises à négocier, sinon la nécessité ou l’envie de se différencier, par la compétition, des entreprises voisines du même secteur ? On incite donc ainsi à une compétition, à une concurrence sur le terrain social. Il est pour le moins paradoxal, à un moment où l’on a besoin de rétablir de l’ordre social, d’encourager une telle balkanisation !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous nous associons aux arguments que vient de défendre brillamment Gaëtan Gorce.

Madame la ministre, au moment des lois Auroux, les accords pouvaient être signés même par un syndicat minoritaire. Toutefois, à cette époque, la hiérarchie des normes et le principe de faveur s’appliquaient dans un plus grand nombre de domaines que ce que prévoit ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Vous avez rappelé que, en 2008, sont nés les accords majoritaires à 30 %. En effet ! C’était une contrepartie à une première remise en cause de la hiérarchie des normes. Par effet de balancier, on avait donné aux organisations syndicales la possibilité de signer des accords à condition qu’elles revendiquent une représentativité de 30 % au sein de l’entreprise.

Si Philippe Martinez, que vous aimez tant citer, madame la ministre, souligne que ce sont les salariés qui sont les mieux à même de défendre leurs intérêts, c’est parce que, chaque année – vous l’avez rappelé lors de votre audition par la commission des affaires sociales –, plus de 30 000 accords sont signés dans les entreprises. La possibilité de signer des accords dans l’entreprise, au plus près des décisions qui se prennent, existe donc déjà.

Dans ces conditions, pourquoi voulez-vous changer la loi, sinon pour favoriser l’inversion de la hiérarchie des normes et l’abandon du principe de faveur ? C’est cela qui est dangereux dans votre texte !

Vous allez en effet pousser à la négociation des salariés qui n’auront pas forcément la possibilité de se défendre au plus près de leurs intérêts, d’autant que les accords qui seront signés pourront comporter des dispositions moins favorables que ce que prévoit la législation. C’est cela que nous contestons par le biais des amendements que nous présentons.

Vous n’avez de cesse de citer les lois Auroux et les accords majoritaires, madame la ministre. Nous les connaissons. Reste que ce que vous proposez est une atteinte grave au droit du travail et une régression. Vous ne pourrez pas nous convaincre du contraire, même en répétant ce que vous avez déjà dit hier. C’est bien le sujet des discussions que nous aurons encore dans les jours qui viennent.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La question du principe de faveur comme celle de la hiérarchie des normes sont fondamentales dans notre République, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler hier. Nous pensons que le droit des parties, c'est-à-dire le contrat, ne saurait s’opposer à ce que l’on considère être l’intérêt général, lequel doit être fixé par la loi.

Or l’intérêt général, c’est qu’il n’y ait pas de reculs sociaux dans notre pays. Rien ne légitime que le développement des techniques et l’enrichissement de nos capacités productives permettent des réductions de nos droits sociaux. Je ne parle pas d’acquis sociaux, j’entends par là l’organisation et le fondement de ces droits, notamment le niveau des rémunérations, l’organisation du temps de travail et le temps de travail.

Bien sûr, nous respectons les accords d’entreprise et sommes favorables à leur développement et à leur élargissement. Nous avons formulé hier des propositions en ce sens sur la formation, la mutation technologique, notamment numérique. Cependant, il faut être certain que la négociation ne remette pas en cause l’intérêt général.

Prenons un exemple dans le champ du politique. On fait voter la population qui habite tout autour du site de Notre-Dame-des-Landes. Son intérêt est-il le même que celui du département de la Loire-Atlantique, celui de la région, celui du pays ? §Vous voyez bien que le lieu où se prend la décision conditionne les résultats !

Ce qui est gênant, c’est que nous évoluons dans un système concurrentiel. Si une entreprise accepte des reculs sociaux, les entreprises de la même branche auront beau jeu de dire à leurs salariés qu’elles peuvent encore gagner des « parts de compétitivité », quand il s’agit de sous-traitants, qu’elles peuvent coûter moins cher à leurs donneurs d’ordre, mais que cela suppose qu’elles décident les mêmes reculs sociaux. L’intérêt général, c’est donc bien que le cadre soit permanent.

À l’échelle européenne, nous sommes les premiers à dire qu’il n’est pas normal que le salaire minimum dans certains pays soit si bas : cela crée de la concurrence et nous voilà menacés par des délocalisations là où le coût du travail est anormalement bas et très décalé par rapport à celui que nous connaissons. Un accord majoritaire sous la pression des événements, de la difficulté des entreprises, de l’intérêt des salariés de cette entreprise peut donc être signé, déstabilisant l’ensemble de notre modèle social.

C’est en cela que la clause de faveur et la hiérarchie des normes sont fondamentales. Quand on se dit progressiste, on n’imagine pas que la négociation puisse affaiblir les conditions sociales qui ont été fixées.

Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Chers collègues de la majorité sénatoriale, il n’y a qu’un président de séance !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je rappelle par ailleurs que nous ne sommes pas les seuls à être contre. L’Union professionnelle artisanale se sent menacée.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 457, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

ordre public

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

tels le principe de faveur, la hiérarchie des normes, l’égalité professionnelle, les droits syndicaux, la santé et la sécurité au travail, le respect de la vie privée, la durée maximale du travail à trente-cinq heures, une rémunération minimale égale au salaire minimal de croissance, à mettre en place pour les salariés de nouvelles protections face aux mutations du travail au XXIe siècle.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous avons déjà débattu de l’inversion de la hiérarchie des normes et de la mise à mal du principe de faveur. Nous y sommes hostiles. Ce « changement de paradigme », comme vous le qualifiez dans l’étude d’impact, madame la ministre, aura des conséquences sur les conditions de vie et de travail des salariés, sur leur santé, leur sécurité et leur pouvoir d’achat.

Cette inversion de la hiérarchie des normes, en instaurant un principe de défaveur, introduit un nouvel élément dans la course à la compétitivité au sein d’une même branche. Nous l’avons déjà souligné, elle favorisera du même coup le dumping social par le chantage sur le temps de travail et l’intensification de l’activité, puisque la négociation d’entreprise s’effectuera toujours sous la contrainte d’accords socialement les plus défavorables !

En outre, madame la ministre, comme l’a rappelé Dominique Watrin, dans la droite ligne de la loi de 2008, défendue à l’époque par Xavier Bertrand, vous finissez d’institutionnaliser l’individualisation des relations sociales, le « gré à gré », au détriment de la loi, pourtant protectrice.

Force est de le constater, l’objectif ici est la recherche du seul intérêt de l’entreprise, censé correspondre à l’intérêt général. On retrouve, dans ce raisonnement, le modèle économique de la « main invisible » d’Adam Smith, fondé sur l’idée que la recherche de l’intérêt individuel conduit à la réalisation de l’intérêt général.

Pourtant, depuis plus de deux siècles, l’histoire nous a enseigné que c’était le contraire qui était vrai : ce sont les progrès sociaux, acquis à travers les luttes, qui créent une société viable, parce qu’ils permettent une amélioration pour le plus grand nombre.

Nous ne sommes pas opposés à la négociation collective. Pour autant, celle-ci ne peut se dédouaner, au profit de tous les salariés, du respect de l’ordre public social et des principes essentiels en matière de droit du travail tels qu’ils sont énumérés dans cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 459, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

ordre public

insérer les mots :

tels que la durée maximale du travail à trente-cinq heures et le salaire minimum,

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Cet article a été fortement modifié depuis sa version initiale, qui comportait les soixante et un principes de la commission Badinter, à sa nouvelle version proposée par la droite sénatoriale. Son objet est d’accorder une place particulière à la négociation collective, notamment à l’échelon de l’entreprise.

Nous ne sommes pas contre la négociation d’entreprise – Annie David a rappelé le nombre d’accords d’entreprise signés chaque année –, à condition toutefois qu’elle ne remette pas en cause les droits des salariés et qu’elle continue de s’appliquer en respectant le principe de faveur, c'est-à-dire, je le répète, ce qui est le plus favorable aux salariés.

Nous souhaitons donc affirmer que, en plus de la négociation collective, la durée légale du travail à 35 heures et le salaire minimum doivent être des principes fondamentaux pour guider la refondation du code du travail que vous appelez de vos vœux, madame la ministre. En effet, temps de travail et rémunération sont liés. Remettre en cause la durée légale hebdomadaire de travail revient à diminuer le salaire horaire, donc le pouvoir d’achat des salariés.

Nos concitoyens sont, à juste titre, particulièrement attachés à leurs conditions de rémunération et aux 35 heures, et cela est justifié. C’est cet attachement qu’ils ont exprimé dans la rue ou sur les réseaux sociaux depuis quatre mois maintenant et qu’ils expriment de nouveau en nombre cet après-midi.

Il n’est pas concevable que le respect de ces deux éléments ne guide pas la refondation du code du travail.

Un avis défavorable sur cet amendement serait une preuve supplémentaire de votre souhait de revenir sur les droits des salariés, madame la ministre, sous couvert de refondation ou de « réécriture » du code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 460, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

ordre public

insérer les mots :

telles l’égalité professionnelle, les droits syndicaux, la santé et la sécurité au travail, le respect de la vie privée,

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Il s’agit d’un amendement de repli.

Le sixième alinéa de l'article indique que la refondation du code du travail attribuera une place centrale à la négociation collective ; il faut entendre une place plus importante qu’actuellement.

Nous sommes favorables à la négociation collective, elle est évidemment essentielle. Or, madame la ministre, vous voulez inverser l’ordre public social existant et faire primer les accords d’entreprise sur les deux autres niveaux. C’est précisément ce que nous dénonçons, parce que nous sommes conscients des rapports de force qui se jouent au sein des entreprises, parce que nous savons que des accords pourront être plus défavorables aux salariés et que des inégalités de traitement existeront d’une entreprise à une autre.

C’est un véritable désaccord de fond que nous avons avec vous sur ce sujet, madame la ministre. En affirmant que, « en matière de dialogue social, l’entreprise est le niveau, le lieu le plus abouti », vous niez en quelque sorte les difficultés et les tensions existantes et le déséquilibre des forces entre les salariés et les employeurs.

J’en viens plus précisément à l’objet de cet amendement. Nous souhaitons a minima préciser les dispositions qui devront relever, pour nous, de l’ordre public, à savoir l’égalité professionnelle, les droits syndicaux, la santé et la sécurité au travail, le respect de la vie privée.

Il ne faudrait pas que la refondation du code du travail dont il est question dans cet article et dont nous ne comprenons pas d'ailleurs si elle se fait à droit constant ou non, omette ces thèmes pour les salariés ; en effet, loin d’être anodins, ils sont au contraire de véritables enjeux. Comme tous les mots ont un sens, nous préférons inscrire dans le texte ce qui est encadré par la loi.

Sur ces sujets, les employeurs peuvent ne pas vouloir ouvrir de négociations. Par conséquent, autant prévoir des garde-fous et des obligations. Sinon, nous risquons de réduire la loi à une coquille vide.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Ces trois amendements visent chacun à décliner le principe du précédent amendement et à le compléter.

J’en profite pour rendre un hommage appuyé à la constance du groupe CRC, à celle de Gaëtan Gorce, mais également à celle de la majorité sénatoriale ! En effet, en 2008, lorsque le texte portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, qui affirmait la primauté de l’accord d’entreprise dans un certain nombre de domaines, était en discussion au Sénat, la droite et le centre avaient naturellement approuvé ces nouvelles règles, ainsi que les nouvelles règles de majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

C’est bien ce qui nous inquiète, monsieur le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Si Gaëtan Gorce, qui avait à l’époque voté contre ce texte, vote contre le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui, nous, qui avions voté pour en 2008, sommes constants !

Qu’en est-il du très grand nombre de sénateurs du groupe socialiste et républicain qui, eux aussi, avaient voté contre, mais qui se rallient aujourd’hui à ce texte qui est tout à fait conforme à la philosophie que nous avions défendue à l’époque ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Cohérence contre cohérence, nous sommes droits dans nos bottes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Nous assumons tout. Nous n’avons pas la réforme honteuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Je constate en revanche que certains refusent d’assumer.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Je n’ai absolument pas la réforme honteuse. Je l’assume à 200 % !

Cette réforme comprend trois éléments qui fonctionnent ensemble : élargissement de l’objet de la négociation, renforcement des moyens syndicaux dans les entreprises – sur ce point, nous avons une vraie divergence : il est nécessaire si nous voulons plus de négociateurs formés et en mesure de jouer leur rôle –, principe majoritaire – là aussi, nous avons une divergence.

Je partage évidemment l’objectif de maintien des 35 heures et du salaire minimum dans le futur code du travail.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Il s’agit d’acquis majeurs. Il en est de même de l’égalité professionnelle, ainsi que des conditions de santé et de sécurité. Il faut même toujours aller plus loin pour les garantir ; voilà ma vision.

Le but de cet article n’est pas de dresser la liste de tout ce qui doit rester dans l’ordre public. Il s’agit, permettez-moi d’y revenir, de créer une commission, qui doit formuler des propositions, notamment à droit constant, afin de définir le niveau le plus pertinent pour développer la négociation collective. D’ailleurs, dans la version initiale de ce texte, les 35 heures font partie de l’ordre public.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Madame la ministre, je vous écoute avec attention depuis le début de nos travaux et j’avoue ne pas comprendre comment vous pouvez parler de renforcement de la capacité syndicale à l’intérieur des entreprises, alors que les salariés voient s’affaiblir leur capacité d’intervenir dans un grand nombre de structures.

C’est pour les entreprises de moins de 250 salariés, dont il a été question tout à l’heure, que la situation est la plus fragile. La plupart du temps, dans ces structures, quand des salariés décident de constituer leur propre organisation syndicale, le patronat trouve toutes les solutions possibles pour que le salarié ait une forme de fin de contrat ou soit licencié pour des raisons diverses et variées et que l’organisation syndicale ne puisse être créée !

Affirmer que, aujourd’hui, on pourrait donner plus de moyens à l’activité syndicale dans les entreprises grâce à ce texte est incompréhensible au regard de la réalité du terrain. Nous pensons au contraire qu’il faut donner tous les moyens dans les textes pour que les salariés ne soient pas sous la coupe de la seule négociation dans l’entreprise et pour que celle-ci se fasse dans le cadre d’accords de branche qui les protègent.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 141, présenté par Mme Deromedi, M. Bouchet, Mme Cayeux, MM. Chasseing, Doligé, Frassa et Gremillet, Mme Gruny, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Magras, Masclet, Morisset, Pellevat, Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Elle attribue également une place majeure aux dispositions tendant à favoriser l’emploi, à enrayer le chômage, à adapter le droit du travail aux évolutions techniques, notamment à l’ère du numérique, à renforcer la formation professionnelle et l’apprentissage, à simplifier les démarches des entreprises, à tenir compte de la situation particulière des très petites et moyennes entreprises, au développement du commerce extérieur de la France.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Les principes de refondation du droit du travail ne peuvent se limiter à la négociation collective, dont l’importance est évidente, mais ils doivent s’étendre aux préoccupations essentielles des Français : l’emploi, l’accompagnement et la réinsertion des chômeurs, l’adaptation du droit aux évolutions techniques, la simplification des démarches des entreprises. Il est important de ne pas multiplier les démarches nouvelles coûteuses, alors que l’on prétend simplifier.

Ce projet est très hexagonal et ne comporte pratiquement aucune mesure spécifique tendant au développement de notre commerce extérieur, lequel constitue pourtant l’un des ressorts majeurs de notre économie. Les seules dispositions relatives au travail à l’étranger ont trait au congé de solidarité internationale. Les dispositions au détachement que le projet de loi contient concernent les entreprises situées à l’étranger qui détachent des salariés en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Par le biais de cet amendement sont énoncés un certain nombre de principes qui – je m’exprime sous le contrôle des autres rapporteurs de ce texte – nous ont utilement inspirés. C’est aussi à leur aune que nous avons réécrit l’article 1er, qui inclut désormais la simplification des règles du code du travail.

Il est demandé qu’une attention toute particulière soit prêtée aux TPE et aux PME. C’est tout à fait l’état d’esprit qui prévaut lorsqu’il est question de « renforcer la compétitivité des entreprises, en particulier celles qui emploient moins de deux cent cinquante salariés ».

Par conséquent, les dispositions prévues sont pour partie satisfaites par la réécriture de l’article. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

En totale cohérence avec ce que j’ai indiqué tout à l’heure, je ne souhaite pas assigner d’objectif à cette commission.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je remercie mon collègue Daniel Chasseing d’avoir soutenu cet amendement, même s’il sera probablement amené à le retirer, compte tenu des explications que vient de donner M. le rapporteur. En effet, cette disposition est importante, car elle reflète bien la philosophie de la majorité du Sénat.

Nous sommes actuellement en pleine mutation. Le monde change considérablement, notamment du fait de l’apparition de l’économie numérique et collaborative. Comme cela a été dit la nuit dernière, dans dix ans, entre 50 % et 60 % des emplois n’auront rien à voir avec ceux d’aujourd'hui, notamment à cause de l’économie collaborative, ou peut-être grâce à elle.

Face à cela, que proposons-nous ? Une refondation de la partie législative du code du travail, avec la création d’une commission d’experts. À entendre les uns et les autres, on a parfois l’impression de revenir à la lutte des classes !

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Elle est toujours là, la lutte des classes !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

On a l’impression d’examiner une loi pour le travail du XXe siècle, et non pas du XXIe siècle.

C'est la raison pour laquelle il est tout à fait important de rappeler que ce texte est fait aussi pour ceux qui n’ont pas de travail.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 141 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 186 rectifié, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

La commission se fixe comme priorité d’établir des règles pour favoriser la réinsertion des demandeurs d’emploi. À ce titre, elle évalue l’opportunité de créer, dans chaque bassin d'emploi, une Maison du travail, avec le statut d’une association relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Dans le cadre de ses travaux, la commission examine notamment les principes énoncés ci-après.

Son président est le directeur afférent de Pôle emploi.

Son conseil d'administration est composé des représentants du ou des Pôles d’équilibre territoriaux et ruraux et de délégués élus par les salariés et les employeurs des entreprises situées sur le territoire couvert.

La Maison du travail signe, dans les conditions fixées par son conseil d'administration, les contrats de retour à l'emploi dont la mise en œuvre est assurée par Pôle emploi ou tout autre organisme défini par ses soins.

Les bénéficiaires de ces contrats élisent chaque année trois délégués qui siègent au conseil d'administration avec voix consultative.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

À la suite des autres amendements que j’ai déjà présentés et qui visaient à offrir des perspectives différentes en matière de formation, de lutte contre les mauvaises pratiques, en particulier le dumping social, ou encore de qualification des salariés en cas de sous-traitance, cet amendement vise à proposer des possibilités d’insertion à ceux qui sont sans emploi.

Ces personnes sont aujourd'hui victimes d’un système qui n’est pas universel. Ce dernier est en effet cloisonné : le traitement dont bénéficient les personnes sans emploi et sa durée varient en fonction de leur situation. Ils ne sont pas les mêmes si celles-ci entrent sur le marché du travail ou si elles ont exercé une activité pendant une certaine durée. Ils sont différents selon le secteur d’activité.

Il est donc souhaitable de remplacer le système variable en fonction du statut qui existe aujourd'hui, lequel accroît la précarisation de certains demandeurs d’emploi, par un dispositif commun, adapté à la situation concrète dans laquelle se trouvent ces personnes.

Cet amendement, qui ne s’inscrit pas directement dans la logique du texte, vise à contribuer au débat et à permettre de réfléchir à une autre démarche. Ses dispositions reposent sur la signature d’un contrat entre une maison du travail et les demandeurs d’emploi, comme cela se pratique dans certains pays, afin de placer ces derniers dans une situation de sécurité et de stabilité juridiques.

Permettez-moi pour finir de revenir sur l’incident survenu précédemment, car je tiens beaucoup à la sérénité du débat. Il était parfaitement malvenu de ma part de m’en prendre de manière personnelle à un collègue. J’ai le droit de penser ce que je pense, mais je n’avais pas à le dire. Aussi je vous demande, monsieur le président, de bien vouloir m’en excuser.

M. Jean-Louis Carrère fait un geste de la main en signe d’apaisement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 187 rectifié, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

La commission évalue l’opportunité d’établir des règles pour favoriser la réinsertion des demandeurs d’emploi. À ce titre, elle définit les conditions dans lesquelles, dès son inscription à Pôle emploi, tout demandeur d'emploi âgé au moins de 18 ans se voit proposer, par la Maison du travail dont il relève, un contrat de retour au travail pour une durée d'un an renouvelable par trimestre dans la limite de douze mois.

La commission examine l’hypothèse d’une allocation plafonnée. Ses propositions devront s'inscrire dans le cadre des moyens disponibles et n'induire aucune dépense supplémentaire.

Ce contrat implique l'exécution des missions précisées d'un commun accord avec la Maison du travail, à savoir : recherche d'emploi, bilan de compétence, formations, activités d'utilité collective. Ces missions sont définies dans le but de faciliter le retour rapide à l'emploi de leurs bénéficiaires et s'inscrivent dans un parcours cohérent.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

La commission n’a pas eu l’occasion d’examiner ces amendements, qui tendent à créer des maisons du travail et à définir leurs missions.

Un certain nombre de structures doivent être coordonnées et retravaillées. Il faut éviter la création de nouvelles institutions.

À titre personnel, j’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Je partage bien sûr le point de vue de M. Gorce sur la nécessité d’un meilleur accès à l’emploi et sur la notion de parcours, qui me paraît en effet essentielle.

À cet égard, le projet de loi met en œuvre un parcours d’accès à l’emploi, notamment pour les plus jeunes, et prévoit différents dispositifs d’accompagnement et des contrats donnant-donnant. Je pense à la Garantie jeune, au contrat d’insertion dans la vie sociale, le CIVIS, etc. Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire hier, le plan de formation repose sur la notion de parcours de formation et d’emploi.

Quant à la question des maisons de l’emploi, nous en avons débattu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Nous nous sommes interrogés sur la manière de leur assurer un meilleur positionnement, à la fois pour les demandeurs d’emploi et pour les chefs d’entreprise, et sur l’amélioration de la coordination de tous les acteurs à l’échelon local. La création de ces maisons n’a pas grand-chose à voir, et vous le dites vous-même, monsieur le sénateur, avec l’article 1er, lequel porte sur la création d’une commission de refondation du code du travail.

Cela étant, je suis prête, si vous le souhaitez, à entamer avec vous un travail sur cette question. Mon administration me soumet depuis quelques mois des propositions sur la notion de parcours. Je partage le constat que vous faites s’agissant de la trop grande segmentation et de la nécessité de mettre en place un accompagnement beaucoup plus précis et personnalisé pour certains chômeurs, notamment les chômeurs de longue durée.

En attendant, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

L’amendement de M. Gorce tombe à point nommé, au moment où M. Savary s’inquiétait que l’on ne s’occupe pas des gens en situation de retour à l’emploi. Je n’irai pas jusqu’à parler de coordination, voire de collaboration entre M. Gorce et M. Savary, mais je constate que les choses se coordonnent d’elles-mêmes !

Vous avez raison, madame la ministre, les amendements de M. Gorce n’ont pas de lien direct avec l’article 1er.Les dispositions de ces amendements me rappellent la réflexion sur la création des comités de bassin d’emploi, en 1981.

Aujourd'hui, force est de constater que Pôle emploi, en dépit de ses efforts et de la qualification de ses personnels, ne connaît pas de véritable succès en matière de retour à l’emploi. Sinon, nous ne compterions pas autant de chômeurs de longue durée et de nombreux jeunes trouveraient plus facilement un emploi à l’issue de leur formation ou après une expérience malheureuse.

Madame la ministre, la proposition de M. Gorce me paraît fondée. Je vous remercie de nous avoir proposé de discuter et de travailler avec vous sur le projet de création de maisons de l’emploi. Je sollicite donc l’assemblée pour qu’elle soutienne l’amendement de M. Gorce, comme je le soutiens moi-même, et je compte bien sûr sur l’appui de M. Savary.

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Je rappelle que j’ai émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Monsieur Néri, je ne peux pas vous laisser dire ici que, si nous avons des chômeurs dans notre pays, c’est de la faute de Pôle emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Non, c’est de la faute de François Hollande !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

L’année 2015 a été importante pour Pôle emploi. En effet, quelque 4 000 postes de conseillers dédiés aux relations avec les entreprises ont été créés, afin de permettre à cet organisme d’accéder au marché caché des offres d’emploi. Auparavant, Pôle emploi ne disposait pas en effet de l’intégralité des offres d’emploi disponibles.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Par ailleurs, quel accompagnement prévoir pour les demandeurs d’emploi, notamment pour les demandeurs de très longue durée, pour qui se pose la question de la qualification ? Je pense également aux seniors qui souhaitent entreprendre une reconversion professionnelle, ce qui est particulièrement long.

Notre pays est mauvais en matière de formation professionnelle. Nous formons un demandeur d’emploi sur dix, contre deux sur dix en Allemagne et quatre sur dix en Autriche. Un rattrapage s’imposait en la matière. Nous n’avons pas formé pour former, nous avons choisi de former utile, à partir des besoins de chaque bassin d’emploi. Tel est le sens du plan pour l’emploi lancé par le Président de la République.

Ces mesures commencent à porter leurs fruits, c’est l’essentiel.

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Mme Myriam El Khomri, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, n’ironisez pas sur le « ça va mieux ». Certains indicateurs sont parlants !

Nouvelles exclamationssur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Laissez-les organiser leur primaire, madame la ministre… Vous avez le bonjour d’Henri Guaino, chers collègues de la majorité sénatoriale !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

En 2012, nous perdions 50 000 emplois par an. Je vous parle de personnes qui sont en grande difficulté. Si nous disons que cela va mieux, c’est parce que les indicateurs économiques le montrent.

Reconnaissez-le, nous avons créé 100 000 emplois en 2015, après plusieurs années de destructions d’emplois. Nous devons tous nous en réjouir, mais cela ne signifie pas pour autant que l’ensemble des Français va mieux. Nous nous battons pour que cela aille bien. N’ironisez pas sur ces sujets importants ! Nous menons une stratégie d’ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous ne voyez que le négatif, chers collègues de la majorité sénatoriale !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Monsieur Gorce, la question des maisons de l’emploi nous a beaucoup occupés lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Aujourd'hui, nous travaillons avec l’association Alliance Villes Emploi, afin de positionner les maisons de l’emploi sur ce qui fait leur force sur le territoire.

Si j’ai émis un avis défavorable sur ces amendements, c’est parce que des coordinations sont encore nécessaires, parce que ces amendements n’ont pas grand-chose à voir avec l’article 1er et parce qu’ils visent à créer un nouvel acteur, la maison du travail. Je le répète, si vous souhaitez que nous menions un travail en commun sur ces sujets, j’y suis tout à fait prête.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary. Madame la ministre, nous sommes d’accord avec vous pour dire que cela va mieux. Ne vous en prenez donc pas à nous. Tout le monde a d’ailleurs pu constater que cela allait mieux !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Les bruits que l’on entend dans la rue montrent également à quel point un certain nombre de nos concitoyens sont satisfaits de la politique qui est proposée.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

L’amendement de M. Gorce n’est pas incohérent. Je vous remercie, monsieur Néri, de m’avoir tendu la perche. Certaines propositions sont en effet intéressantes et sont proches de certaines de celles que nous avions formulées dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Je pense par exemple au transfert de la politique de l’emploi à la région. Souvenez-vous, mes chers collègues, nous avions alors proposé un plan de cohérence pour que l’emploi soit pris en compte à l’échelon de la région. Nous avions même proposé que la présidence du CREFOP, le comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, soit assurée à la fois par le préfet, qui aurait été chargé de vérifier le caractère régalien de la politique de l’emploi, et le président de région, qui aurait décliné cette dernière à l’échelon territorial.

Nous étions dans une logique de formation, de développement économique et d’apprentissage, vers l’emploi. Vous avez alors émis des doutes, madame la ministre, sur la cohérence de notre proposition, pourtant pleine de bon sens.

Naturellement, monsieur Néri, je ne soutiendrai pas l’amendement de M. Gorce, car je me rallie à l’avis défavorable de M. le rapporteur.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

L’inconvénient majeur du transfert de la compétence de l’emploi à la région, mais ce n’est pas l’objet du débat aujourd'hui, est qu’il y aurait alors autant de politiques de l’emploi qu’il y a de régions.

Or il faut évidemment déterminer des priorités, et c’est à l’État de le faire. Alors que notre pays compte aujourd'hui plus de trois millions de chômeurs, nous devons évidemment nous donner tous les moyens d’atteindre un objectif central. Si déconcentration ou décentralisation il doit y avoir, il faut l’envisager au niveau des bassins d’emplois, dans un cadre contractuel.

Je souhaite, et il est toujours possible de le faire, que l’on brise les habitudes prises en matière de politique de l’emploi et que l’on concentre les moyens sur les bassins d’emploi les plus touchés, autour d’une seule autorité, c'est-à-dire le commissaire à l’emploi. Cela permettrait de fondre l’ensemble des financements disponibles et d’adapter les politiques à la situation de terrain, sur une base contractuelle, avec des objectifs définis et régulièrement évalués. Une telle politique aurait des effets au niveau national.

En fait, c’est une véritable révolution de nos politiques de l’emploi qu’il faudrait mener, par une fusion d’une grande partie des crédits de l’assurance chômage et de la formation professionnelle. La priorité centrale de nos politiques doit être le retour à l’emploi par la formation et par l’accompagnement.

Tel est le projet que j’ai essayé de défendre au travers de mes amendements. Cela dit, je suis d’accord avec Mme la ministre pour considérer que ces dispositions ne s’inscrivent pas dans le cadre de ce débat. Je le regrette d’ailleurs, car j’aurais préféré que nous ayons à débattre d’un texte tourné vers ces questions plutôt que vers le principe de faveur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Oui, je les maintiens, monsieur le président.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 275 rectifié est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Lasserre, Longeot et Capo-Canellas, Mme Hummel et MM. Laménie et Cigolotti.

L'amendement n° 415 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

L'amendement n° 461 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

La commission comprend un nombre égal de femmes et d’hommes.

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 275 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Cette disposition résulte des travaux de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Elle vise à prévoir que la composition de la future commission en charge de la refondation de la partie législative du code du travail sera paritaire, et non pas seulement « tendra à » respecter l’objectif de parité entre les femmes et les hommes.

Nous l’avons constaté, les commissions ayant servi de base à la préparation du présent projet de loi, à savoir la commission Combrexelle et le comité Badinter, n’étaient pas paritaires, loin de là. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les femmes y étaient très faiblement représentées !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 415.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Alors que de nombreux points nous opposent – dans certains cas, c’est l’angle entrepreneurial qui domine, dans d’autres, c’est la défense des droits des salariés –, cet amendement devrait faire consensus. Nous avons bien compris, madame la ministre, vos arguments hier soir et tout au long de nos travaux : nous discutons de la commission, et de rien de plus.

Nous sommes évidemment enchantés qu’il faille tendre vers la parité. Néanmoins, si l’on examine la composition de l'Assemblée nationale et celle du Sénat, on se rend compte que cela peut parfois prendre beaucoup de temps de tendre vers la parité.

Or la répartition du travail étant extrêmement genrée, comme la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes l’a constaté lors des auditions auxquelles elle a procédé, la parité ne nuirait pas au sein de la commission.

Nous demandons donc ardemment que cette commission soit composée de personnes compétentes, évidemment – nous ne doutons pas que tel sera le cas –, avec d’autant d’hommes que de femmes. Nous sommes en 2016 !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 461.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je rappelle à notre assemblée que c’est grâce à un amendement de nos collègues députées Marie-Noëlle Batistel et Catherine Coutelle que le texte prévoit que la parité entre les hommes et les femmes doit être respectée au sein de cette commission.

J’avoue que je suis particulièrement choquée que la commission des affaires sociales revienne sur cet acquis, sur ce que nous devrions toutes et tous, quelles que soient nos sensibilités politiques, considérer comme une exigence première.

Or nous avons vu hier, lors de l’examen de l’amendement de notre collègue Maurice Antiste sur l’égalité professionnelle, que c’était très compliqué. Je prie tout de même le Sénat d’adopter cet amendement, afin que nous ne fassions pas moins que l'Assemblée nationale.

En 2016, il est temps non pas de viser la parité et l’égalité, mais de les exiger. L’adoption de cet amendement serait véritablement profitable à toutes et à tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Il est vrai que, lorsque nous avons réécrit l’article 1er, nous avons prévu que la composition de la commission devait « tendre à respecter l’objectif de parité entre les femmes et les hommes ». Pourquoi « tendre à » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est parce que nous avons envisagé la possibilité que les femmes puissent être plus nombreuses que les hommes !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ce cas de figure est possible. L’exigence de parité jouera un jour dans les deux sens.

Applaudissementssur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Chers collègues, laissez-moi aller au bout de mon raisonnement. Tout va bien se terminer !

La commission, par cohérence avec ses travaux initiaux, avait rendu un avis défavorable sur ces amendements. Cela étant, nous nous retrouvons sur l’objectif et sur l’essentiel, et je pense que nous pouvons, effectivement, adopter ces derniers d’un seul élan.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Monsieur le président, je suis particulièrement favorable à ces amendements identiques. C’est un sujet important. D'ailleurs, vous noterez qu’il y a plus de femmes que d’hommes aujourd'hui au banc du Gouvernement, ainsi que dans mon cabinet, et cela fonctionne très bien ainsi.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Je ne me prononcerai pas sur la composition du Sénat, mais la question est essentielle. Celle de la féminisation au sein des organisations syndicales et patronales est un véritable enjeu pour la ministre du travail que je suis.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hermeline Malherbe

Je tiens à préciser que ces amendements ont bien pour objet la composition de la commission, ce qui n’était pas le cas de l’amendement concernant l’égalité entre les hommes et les femmes hier soir.

Dans ces conditions, bien évidemment, l’ensemble du groupe du RDSE votera en faveur de ces trois amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Le texte de la commission est tout de même quelque peu en retard sur l’évolution des mœurs. Nous avons vécu cette situation pendant une vingtaine d’années en politique, appelant de nos vœux la parité, mais sans vraiment la mettre en œuvre.

Cela étant, ces trois amendements posent un problème de forme, voire de mesure.

Sur la forme, aucune loi concernant la parité en matière électorale ne comprend une telle disposition, le nombre de membres d’une commission pouvant être pair ou impair. Comme dans les diverses dispositions législatives en matière électorale, la rédaction, pour être pertinente, devrait spécifier qu’il ne peut y avoir un écart supérieur à un entre le nombre d’hommes et de femmes.

En effet, avec la rédaction qui nous est proposée, on peut aboutir à un blocage ou imposer un nombre pair de membres de la commission. Il serait pourtant préférable que la commission compte un nombre impair de membres, comme c’est le cas dans plusieurs assemblées électives, les conseils municipaux, par exemple.

Ma seconde remarque porte sur le fond. Je suis tout à fait favorable à la parité, mais il faut conserver un minimum de souplesse. Les deux députés à l’origine de la loi dite « Copé-Zimmermann » en matière économique l’avaient bien compris, en prévoyant au minimum 40 % de chaque sexe, ce qui permet des ajustements et une moindre rigidité au sein des conseils d’administration du CAC 40.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Imposer un minimum de 40 % de chaque sexe dans cette commission serait, selon moi, la meilleure solution. À défaut, je souhaiterais vivement que les amendements soient rectifiés, afin de prévoir un nombre impair de membres de la commission. Dans cette hypothèse, il conviendrait de limiter à un l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le rapporteur, en vertu du principe de réalité, a compris qu’il serait battu s’il maintenait la version de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Pas du tout ! J’ai même recueilli des soutiens sur vos travées !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Bien évidemment, nous voterons des deux mains le rétablissement de la version de l’Assemblée nationale.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 462, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le présent projet de loi ne peut être mis en application avant la remise du rapport de la commission.

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Avant d’achever l’examen de l’article 1er, nous demandons, au travers de cet amendement, de ne mettre en application le présent projet de loi qu’après la remise du rapport de la commission dite « d’experts et de praticiens des relations sociales ».

Pendant des jours, nous allons examiner les mesures de ce projet de loi, sans savoir si celles-ci seront remises en cause par la commission, qui doit rendre ses conclusions dans un délai de deux ans. C’est en quelque sorte l’obsolescence programmée pour nos travaux !

Nous demandons par conséquent que ce texte, dont je préférerais d'ailleurs qu’il ne soit pas adopté, ne puisse entrer en application tant que la commission d’experts instituée à l’article 1er n’a pas rendu ses avis et son rapport au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Cet amendement vise à subordonner l’entrée en vigueur de la loi à la remise au Gouvernement du rapport de la commission, remise qui est prévue dans deux ans.

Nous considérons qu’il existe un état d’urgence sociale et que les travaux conduits sont notamment de nature à lever un certain nombre de freins psychologiques au recrutement. Il est urgent, au contraire, que la loi ambitieuse qui, je l’espère, sera adoptée par le Sénat, puisse entrer en vigueur, dans cette version, dans les meilleurs délais.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Au-delà de l’article 2 et de la négociation collective, il est impératif que, au 1er janvier 2017, soit mis en œuvre le compte personnel d’activité, le doublement des droits à la formation pour les salariés les moins qualifiés, la garantie jeune, le droit à la déconnexion, le cadre du contrat saisonnier et, le plus rapidement possible, les nouveaux outils pour lutter contre le travail détaché. Sur tous ces sujets, il ne faut absolument pas attendre.

J’émets donc également un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

J’entends bien les arguments qui sont avancés, mais c’était aussi le sens de notre précédent amendement, que nous avons modifié pour prendre en compte nos discussions.

Nous ne souhaitions pas que la commission d’experts mise en place précisément pour revoir les dispositions législatives rende son avis aussi tardivement, c'est-à-dire dans deux ans, tout en prenant dès à présent des mesures législatives : convenez que la méthode est assez tortueuse !

Je persiste à dire, et nous ne sommes pas les seuls à le penser fortement, que cette commission n’a aucun sens. En tout cas, il n’y a aucun sens à mettre en œuvre un texte si des conclusions qui peuvent le remettre en cause doivent être rendues dans deux ans.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Lors de la discussion générale, certains orateurs, y compris vous-même, madame la ministre, ont fait état des postures politiques adoptées par certains parlementaires, qui empêcheraient de réformer le code du travail.

Il faudrait « moderniser » le dialogue social, pouvoir « adapter » les effectifs et le temps de travail à l’état réel des carnets de commandes, donner de la « souplesse » aux entreprises, avancer en matière de « flexibilité » pour « garantir des libertés » aux chefs d’entreprises face au « conservatisme » et aux « blocages » en tous genres, « faciliter » la négociation au plus près de la réalité « concrète » du terrain, dans un pays qui ne « parviendrait plus à se réformer », sans parler d’autres termes prétendument très à la mode.

Madame la ministre, mes chers collègues, ce discours que l’on nous rabâche beaucoup ces derniers temps est, de mon point de vue et de celui de mon groupe, plutôt usé. Ce ne sont pas des idées nouvelles. Cela fait maintenant trente ans que l’on entend les mêmes discours, employant les mêmes termes.

Je vous pose la question : comment peut-on prétendre incarner la modernité quand le projet que l’on défend est celui d’un recul social, démontré par l’intervention de mon collègue Dominique Watrin en discussion générale et lors de la défense de nos amendements ?

Comment prétendre être « innovant » quand les orientations politiques retenues sont les mêmes depuis des décennies ? Comment peut-on prétendre « simplifier » le code du travail, alors que ce projet apportera complexité et déréglementation ? Comment peut-on prétendre être « efficace » et « pragmatique » quand les solutions préconisées échouent depuis trente ans ?

Vous allez me dire que ces remarques sont relativement globales, mais elles reflètent nos discussions depuis hier sur ce projet de loi. Je voulais montrer en quoi ce qui nous est proposé à l’article 1er manque de modernité, afin que mes collègues sachent de quel côté celle-ci se trouve en réalité.

L’article 1er affirme des principes contre lesquels nous nous sommes élevés. C’est pourquoi nous voterons contre cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Le groupe CRC votera, bien sûr, contre l’article 1er. Prévoir un travail de réflexion, de conceptualisation avant que les parlementaires puissent se saisir de ce sujet, pourquoi pas ? La majorité sénatoriale a d'ailleurs renforcé la prééminence du politique dans le processus ; cela nous va plutôt bien.

Deux raisons principales nous conduisent à nous opposer à cet article.

D’une part, nous pouvons partager au-delà de nos rangs l’idée selon laquelle il était plus judicieux, efficace et démocratique de faire appel, plutôt qu’à une commission d’experts, aux forces vives, à ceux qui sont confrontés au quotidien à la réalité du travail, acteurs syndicaux et professionnels.

D’autre part, vous en conviendrez, les recommandations de cette commission seront forcément étroitement liées à la feuille de route qui aura été tracée. À ce sujet, ma collègue Laurence Cohen a rappelé notre inquiétude concernant l’introduction de la notion de compétitivité à l’article 1er. Le code du travail n’est pas un instrument de flexibilité à l’usage des employeurs ; c’est un outil de protection des salariés.

Je profiterai moi aussi de ce moment, chers collègues, puisque le débat va être long, pour vous dire qu’il est quelque peu méprisant de nous accuser de posture.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Dans la suite du débat, il conviendrait d’éviter ce terme.

Je m’étonne en revanche que personne ici n’ait relevé la posture, évidente celle-là, de M. Rachline, qui a prétendu hier être du côté des salariés aujourd'hui fortement mobilisés contre ce projet de loi. En réalité, il s’est contenté d’évoquer des textes européens, que j’ai moi-même cités, se gardant bien de critiquer la nature même du texte.

D'ailleurs, les dix amendements déposés par les deux sénateurs Front national et subrepticement retirés avant la séance valent leur pesant d’or. Ils épousaient les surenchères de la droite et les dépassaient même très largement : doublement des seuils sociaux, défiscalisation des heures supplémentaires, nouvelles exonérations sociales sur les contrats d’apprenti, facilitation plus poussée des licenciements économiques, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

M. François Grosdidier. C’était Marion, pas Marine !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

… suppression totale du compte pénibilité, du monopole syndical et de l’article facilitant la preuve par les victimes du harcèlement sexuel !

Eh bien, les syndicalistes, les salariés et les concitoyens massivement mobilisés ce jour contre le projet de loi jugeront d’eux-mêmes. M. Rachline, présent depuis quelques instants, pourra s’exprimer. Je tenais d’autant plus à préciser ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le groupe socialiste et républicain est amené à voter contre l’article 1er, tel qu’il a été rédigé par la commission des affaires sociales et modifié par l’amendement présenté notamment par le groupe communiste et auquel nous nous étions joints.

Vous avez modifié singulièrement l’objet de cet article et n’êtes plus ni dans l’esprit du Gouvernement ni dans celui de nos collègues socialistes à l’Assemblée nationale, car vous avez tenu à encadrer la commission, en fonction de vos valeurs et de votre philosophie, ce qui ne correspond plus du tout ni au point de départ ni au point d’arrivée du texte qui nous est venu de l’Assemblée nationale et du Gouvernement. Vous l’avez fait à trois reprises. Dès lors, nous ne pouvons souscrire à votre rédaction.

L’objet était de mettre en place cette commission, de faire en sorte qu’elle participe à la refondation, en donnant une place centrale à la négociation collective. Vous avez singulièrement modifié cet objet. Nous ne pouvons donc souscrire à la rédaction qui nous est présentée.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires sociales et, l'autre, du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 247 :

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, hier soir, à Magnanville, un policier et sa compagne, également fonctionnaire du ministère de l’intérieur, ont été lâchement assassinés, l’un devant leur domicile et l’autre à l’intérieur de ce dernier, par un homme se réclamant de l’État islamique.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’émotion que j’ai ressentie avec mes collègues des Yvelines ce matin, je la sais partagée par le Sénat tout entier. Avec M. le ministre de l’intérieur, je me suis rendu au commissariat des Mureaux, puis à celui de Mantes-la-Jolie. Je tiens à remercier M. Cazeneuve de sa présence auprès des policiers et policières ce matin.

Nos pensées vont à l’enfant, âgé de trois ans et demi, des deux victimes de cet assassinat atroce, ainsi qu’à leur famille et à leurs proches endeuillés.

Nos pensées vont également à leurs collègues de ce commissariat, à la police et, plus généralement, à nos forces de sécurité, symboles de cette France qui ne doit pas plier face à la terreur.

En votre nom à tous, je tiens à saluer et soutenir leur action inlassable, éprouvante et efficace au service de la population. Quand on touche à un membre des forces de l’ordre, c’est la République que l’on atteint.

Je vous invite maintenant, mes chers collègues, en leur mémoire et pour exprimer notre solidarité, à observer un instant de recueillement.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent un moment de recueillement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Mes chers collègues, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges cette valeur essentielle qu’est le respect des uns et des autres, particulièrement en ces instants où notre pays a besoin d’être rassemblé.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, il y a deux jours, nous étions frappés d’horreur à l’annonce du carnage survenu à Orlando dans un club gay, horrifiés par l’ampleur de la tuerie et par le fait qu’elle était explicitement ciblée contre la communauté LGBT.

Ces faits confirment, s’il en était besoin, que l’État islamique et ses prolongements s’en prennent, bien au-delà des considérations religieuses, à un certain mode de vie dit « occidental » et aux libertés que nous défendons.

Hier, c’est chez nous que la terreur a frappé, en France, à Magnanville dans les Yvelines, par le massacre à leur domicile de deux fonctionnaires de police, qui fait aussi un petit orphelin.

Au nom de mon groupe, je veux exprimer notre solidarité et adresser nos condoléances profondément émues aux familles des victimes et à la communauté policière. Le 8 avril dernier, M. le ministre de l’intérieur était venu inaugurer le nouveau commissariat des Mureaux. Tous les personnels avaient vécu l’arrivée de cet équipement comme une juste reconnaissance de leur travail. Ils sont maintenant dans le deuil. Nos pensées vont aussi aux élus de Magnanville et des Mureaux.

Au-delà, tous les citoyens sont également atteints par ce drame et par la peur que suscitent ces attaques commises au nom d’une interprétation dévoyée de l’islam.

Monsieur le Premier ministre, nous savons tous l’attention que vous portez à la difficile mission des forces de l’ordre, trop souvent décriées, et à leurs conditions de travail.

Pouvez-vous nous dire où en est l’enquête sur ces deux meurtres abominables, sur la personnalité du tueur, son parcours, la nature de ses liens avec les organisations terroristes, et quelles mesures vous envisagez de prendre pour mieux protéger celles et ceux qui œuvrent avec tant de courage pour défendre nos libertés, tout en protégeant efficacement les citoyens ?

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Tasca, oui, le terrorisme a de nouveau frappé, à Orlando, le 12 juin, où 49 personnes ont perdu la vie dans ce terrible attentat terroriste et homophobe. Hier, par notre présence à l’ambassade des États-Unis, nous avons, le Président de la République et moi-même, marqué notre solidarité à l’égard de ce peuple ami une nouvelle fois éprouvé par le terrorisme.

À Magnanville, hier, un individu a tué dans des conditions atroces un fonctionnaire de police et sa compagne, elle-même fonctionnaire dans un commissariat, laissant deux enfants orphelins.

N’oublions pas non plus que le terrorisme frappe chaque jour en Irak et en Syrie.

Vous m’interrogez plus précisément sur le double assassinat de Magnanville. Bien sûr, nos pensées vont d’abord à Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, à leurs proches et à cet enfant qui devra grandir sans son père ni sa mère.

Ce policier a été attaqué et tué simplement parce qu’il représentait la Nation. En retour, comme vient de le dire avec force le président Gérard Larcher, c’est bien entendu toute la Nation qui se joint à nous pour rendre hommage à ce policier, à cette fonctionnaire et à leur famille, et plus largement pour rendre hommage à notre police et à notre gendarmerie, ainsi qu’à tous ceux qui, quotidiennement, sont prêts à payer de leur vie pour défendre les Français contre le terrorisme.

Cet hommage, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, ce soutien et cette solidarité vis-à-vis de la police ne doivent pas s’exercer uniquement lors de tels événements, mais quotidiennement. En effet, ce sont les mêmes policiers et gendarmes qui font face à la violence de notre société. Il ne peut pas y avoir la moindre complaisance à l’égard de la violence exercée à l’encontre des forces de l’ordre, policiers et gendarmes, comme nous en avons encore une illustration cette après-midi.

La police de la République forme un tout : ce sont les mêmes qui sont victimes du terrorisme et qui sont victimes de la violence. Nous le redisons une nouvelle fois, nous serons, le ministre de l’intérieur et moi-même, d’une intransigeance absolue à l’égard de ceux qui ne respectent pas les forces de l’ordre, lesquelles incarnent l’État de droit, la démocratie et la France aujourd’hui touchés en leur cœur.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Madame Tasca, les éléments de l’enquête demeurent encore parcellaires, et nous devons respecter le rythme décidé par le Procureur de la République, François Molins, qui s’est exprimé voilà un instant.

D’ores et déjà, nous savons que le meurtrier était lié aux filières djihadistes. Interpellé en mai 2011, il a été incarcéré et condamné en 2013 pour participation à une association de malfaiteurs à caractère terroriste, sans avoir lui-même quitté le territoire national. Il a bien entendu été suivi et a d'ailleurs respecté les différentes obligations auxquelles il était soumis.

Depuis août 2015, il avait de nouveau fait l’objet d’une judiciarisation, et il faudra attendre les conclusions de cette enquête pour tirer éventuellement les enseignements qui s’imposent et, surtout, pour comprendre, car nous devons toute la vérité aux victimes, à leurs proches, mais aussi à nos compatriotes.

Chaque fois que des éléments le permettent, des investigations et des surveillances judiciaires sont lancées. Je rappelais tout à l’heure à l’Assemblée nationale que 295 dossiers judiciaires, concernant 1 216 individus, sont actuellement ouverts à la Direction générale de la sécurité intérieure. Au cours des seuls quinze derniers jours, seize personnes soupçonnées d’activités terroristes ont été interpellées et présentées aux magistrats antiterroristes.

Il faut laisser à la justice le temps de mener l’enquête avec méthode, pour établir comment et quand l’assassin a conçu son projet, avec quel degré de planification, de complicité ou de soutien il a agi, et le cas échéant avec quelles méthodes de dissimulation il est parvenu à en cacher l’existence.

Madame Tasca, la menace est élevée, diffuse et protéiforme, mais, je veux le rappeler, le Gouvernement a mis en œuvre tous les moyens nécessaires pour y répondre : des moyens financiers et humains, bien sûr, avec la création de 1 680 emplois supplémentaires et l’allocation de 425 millions d’euros de crédits supplémentaires sur trois ans pour nos services de police, de renseignement et pour la justice ; des moyens procéduraux, également, puisque deux lois ont été adoptées pour renforcer notre arsenal antiterroriste, afin de l’adapter au niveau de menace : une loi visant à renforcer la procédure pénale et deux lois sur le renseignement.

Toutefois, il faudra du temps pour lutter contre la radicalisation, car c’est l’affaire d’une génération. Les terroristes n’ont qu’un seul objectif : imposer la peur, et nous devons répondre avec la plus grande force et la plus grande détermination, avec des moyens, bien entendu, mais aussi dans le respect de l’État de droit et de la démocratie, de nos valeurs qui sont touchées et attaquées par le terrorisme.

Parce que nos compatriotes sont forts face à l’épreuve, nous devons l’être nous aussi, dans l’unité et dans le rassemblement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur le Premier ministre, notre pays, une fois encore, est la cible d’un crime abject. Deux de nos compatriotes ont été sauvagement assassinés à leur domicile par un terroriste. Nos pensées vont vers les proches de ce commandant de police et de son épouse, vers leur jeune enfant, sauvé par les policiers du RAID et vers leurs collègues, qui exposent leur vie chaque jour pour assurer notre sécurité.

C’est un sentiment terrible que nous ressentons : personne n’est à l’abri. Daech nous frappe, il frappe nos alliés, avec cette tuerie atroce survenue aux États-Unis, il frappe nos symboles, il frappe des innocents avec toujours plus de barbarie et toujours plus de violence.

L’assassin était connu de la justice, ayant été condamné à trois ans de prison. On nous dit que le tueur avait respecté l’ensemble des obligations édictées par le tribunal, qu’il était suivi par les services de renseignement, qu’il était sur écoutes téléphoniques, et pourtant tout cela n’a pas empêché son passage à l’acte…

Dans une telle situation, la France est plongée dans un abîme de perplexité et d’inquiétude. Malgré les nombreuses dispositions que nous avons votées, ici même, au Sénat, ce nouvel événement n’est-il pas le signe que la surveillance et les moyens de renseignement, notamment concernant les 13 000 individus radicalisés, sont encore largement insuffisants ?

De surcroît, les forces de sécurité, exténuées, ne semblent plus en mesure de faire leur travail. À Paris, à Rennes, à Nantes, à Marseille, elles sont harcelées par les contestataires de toutes sortes, casseurs, zadistes et hooligans.

Quelle politique, monsieur le Premier ministre, allez-vous maintenant proposer aux Français, en accord avec le Président de la République, pour que cesse l’escalade de la violence, pour que notre pays retrouve la sérénité, le calme et la fraternité républicaine sans lesquels il ne sera pas possible de combattre les assassins barbares ?

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur Zocchetto, je vais vous répondre, comme à l’ensemble des groupes, à propos de ce drame. Évidemment, le ministre de l’intérieur aurait également pu le faire.

Nous faisons face à une menace globale, à un ennemi extérieur que nous combattons en Irak et en Syrie. La France y est pleinement engagée, et l’État islamique recule, mais nous savons qu’il a encore des capacités de frapper partout dans le monde, comme vous l’avez d'ailleurs vous-même rappelé. En outre, nous combattons cet ennemi intérieur sur notre sol. Ce sont d’ailleurs les mots que j’avais moi-même prononcés, ici au Sénat, à l’automne 2015. C’est une guerre, un combat de très longue haleine qui, évidemment, secoue en profondeur la société française.

Face à cette menace globale, il faut faire preuve de beaucoup de détermination, de sang-froid, d’unité et de rassemblement. C’est pour cela que les sénateurs dans leur immense majorité ont voté, comme leurs collègues députés, l’ensemble des textes proposés : trois lois en matière d’antiterrorisme et deux sur le renseignement. C’est aussi pour cela que nous avons augmenté les moyens en faveur de la police, de la gendarmerie, des forces armées et du renseignement.

C’est pour cela encore que nous travaillons ensemble, quand nous nous rencontrons, tous les quinze jours à Matignon, pour faire le point sur ces questions. Les ministres, en particulier Bernard Cazeneuve, sont évidemment à votre disposition, comme ils sont – je le suis également – à la disposition de la délégation parlementaire au renseignement, dont est membre le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui l’a présidée en 2015.

Toutefois, c’est un combat de longue haleine ! On me l’a parfois reproché, monsieur Zocchetto, mais j’ai dit, ici même, comme devant les Français, qu’il y aurait d’autres répliques.

Nous faisons face à un ennemi particulièrement déterminé, qui ne craint pas la mort et qui agit sous des formes différentes : des attentats organisés depuis la Syrie ; des personnes seules, qui n’ont pas besoin d’aller à l’extérieur, en Syrie ou en Irak, se dissimulent, décident de passer à l’acte et agissent, parce qu’elles sont fanatisées.

Vous avez repris, presque mot pour mot, la description de cet individu et de son parcours de ces dernières années qu’a fournie le procureur François Molins. Comme d’habitude, ce dernier, qui, je le rappelle, a la responsabilité de cette enquête, a fait une intervention extrêmement détaillée et il ne manquera pas d’intervenir chaque fois que nécessaire.

Nous avons été frappés et nous savions que nous le serions. En effet, il n’y a pas de risque zéro, et nous sommes engagés à 100 %. Nous savons que nous pouvons être frappés et que nous le serons de nouveau ! Croyez bien d'ailleurs, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il me coûte de prononcer ces mots.

Bien sûr, le ministre de l’intérieur et moi-même, ainsi que le Président de la République, nous partageons cette angoisse, parce qu’elle concerne directement nos compatriotes.

Dans ces moments-là, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’inventer de nouvelles mesures. Il faut que les moyens que nous avons décidés, que vous avez décidés, soient clairement mis en œuvre. Il faut que tous les moyens soient donnés, comme nous l’avons fait. En effet, pour suivre autant d’individus, il faut que les services de renseignement soient dotés de plusieurs dizaines, de plusieurs centaines de postes supplémentaires. C’est ce dispositif qui est en train d’être mis en œuvre et qui monte en puissance.

C’est cela notre responsabilité collective, devant les Français, qui sont, évidemment, touchés et effrayés par ce qui se passe en Tunisie, aux États-Unis, à Bruxelles il y a quelques mois et, de nouveau, sur le sol national.

Il nous faut faire preuve d’unité, pas simplement parce qu’il faut le faire dans ces moments-là, pas pour prononcer des mots qui seraient vides de sens, mais parce que le terrorisme veut nous diviser, nous fracturer et jeter les Français les uns contre les autres. Je suis convaincu que vous êtes parfaitement réceptif à ce que je suis en train de dire et que vous le partagez au plus profond de vous-même.

Dans ce moment-là, nous devons faire preuve de sang-froid, de maîtrise, et combattre cet ennemi par tous les moyens de l’État de droit et de la démocratie, au nom même des libertés que, dans cette Haute Assemblée, vous chérissez. C’est comme cela que nous vaincrons cet ennemi, mais ce sera long et difficile, parce que c’est la fragilité des démocraties qu’il cherche à atteindre.

Forcément, il y a le goût d’en faire plus, les mots qui vont plus loin. Regardez ce qui se passe aux États-Unis ! Je l’ai dit tout à l’heure à l’Assemblée nationale, il n’y aura jamais, en France, le retour de la peine de mort. Il n’y aura pas de distribution d’armes ou de Guantanamo ! En effet, la meilleure arme pour lutter contre le terrorisme, c’est l’État de droit et ce que nous avons mis en œuvre.

Bien sûr, cela doit être évalué, amélioré, approfondi. Le Gouvernement se tient toujours à la disposition du Parlement pour essayer de faire évoluer les choses et être plus efficace.

Nous savions que nous pouvions être frappés et que ce type d’individus existe. Nous devons des explications aux Français et nous devons aussi être fermes.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est ce que je vous invite à continuer de faire avec nous.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Après la tuerie d’Orlando, je voudrais, au nom de mon groupe, dire au peuple américain, que nous aimons, notre soutien le plus total.

La France vient d’être, de nouveau, frappée en son cœur par la barbarie islamiste. Il faut avoir le courage de le dire et de qualifier ces actes. Mais je veux dire aussi que ce drame de Magnanville est un double crime.

C’est d’abord un crime contre une famille française, un père, une mère, un enfant dont le regard est blessé à jamais. Bien sûr, les mots sont dérisoires, mais je voudrais dire, encore une fois et au nom de mon groupe, notre sympathie et notre compassion à leurs proches, à leurs amis et à leurs familles.

C’est aussi un crime contre un pays, le nôtre, la France. Quand on attaque des policiers, c’est la France, c’est la Nation tout entière que l’on attaque, ce sont ses valeurs, ce sont ses couleurs.

Vous me permettrez de redire, au nom de tous, j’en suis sûr, notre soutien aux membres des forces de l’ordre, qui sont, c’est vrai, fatigués, épuisés, et qui doivent faire face, depuis un an et demi, à l’horreur. Ils nous protègent et ils doivent affronter, en ce moment même, une violence anti-flics que je veux dénoncer, car elle est absolument inadmissible !

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ce crime est signé par l’État islamique, qui est en recul territorial au Levant, mais qui jette son venin aux quatre coins du monde, avec le même message : nous voulons et allons vous détruire, pour ce que vous êtes et pour les valeurs auxquelles vous croyez !

D’autres modalités sont utilisées, avec des opérations moins sophistiquées et des individus isolés. Ils sont isolés, mais pas inconnus de vos services, monsieur le Premier ministre.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Ce sont nos services à tous !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Alors oui, il faut éviter deux écueils : celui de l’autosatisfaction – il n’y aurait ni remise en cause ni remise en question – et celui d’une critique facile, rapide et systématique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. À ceux qui veulent nous détruire, il n’y a d’autres réponses à apporter que la valeur de nos convictions, la force de notre résistance et l’arme du droit !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le président Retailleau, il faut toujours, en effet, nommer les choses. Je l’ai d’ailleurs fait constamment. L’islamisme radical et le djihadisme nous mènent une guerre et veulent toucher ce que nous sommes.

À chaque fois, les cibles sont choisies. Les journalistes, qui exercent leur liberté d’expression et de caricature. Les policiers, de nouveau, parce qu’ils incarnent l’autorité et l’État. Les juifs, tout simplement parce qu’ils sont Français juifs. La jeunesse de Paris, parce qu’elle représente un art de vivre. Les homosexuels, à Orlando – je le dis, c’est un crime, une attaque terroriste homophobe –, tout simplement parce qu’ils représentent la liberté d’aimer. La Tunisie, parce qu’elle est un modèle de démocratie dans le monde arabo-musulman et parce qu’elle épouse la laïcité que nous chérissons.

À chaque fois, ce sont ces symboles, ces valeurs universelles et les civilisations avec lesquelles nous les partageons qui sont visés.

Il faut combattre cet État islamique, ce djihadisme, avec la plus grande force, sans aucune naïveté et en nous remettant en cause. Vous avez parfaitement raison, bien sûr : comment voulez-vous que nous puissions, Bernard Cazeneuve et moi, éprouver la moindre autosatisfaction ? Ce serait totalement dérisoire et vulgaire par rapport à ce que nos concitoyens éprouvent. Mais il faut agir dans la continuité, ne pas changer de cap, rassembler et ne pas fracturer notre société.

Bien sûr, une nouvelle fois et comme pour toutes les victimes de ces actes terroristes, nous penserons en permanence à Jessica Schneider et à Jean-Baptiste Salvaing. Nous penserons aussi à cet enfant de moins de quatre ans, qui a vécu l’horreur.

Nous devons également penser aux fonctionnaires de ce pays, notamment aux fonctionnaires de police. J’en parlais tout à l’heure, et le ministre de l’intérieur a eu des mots forts, encore, à l’Assemblée nationale, lui qui vit quotidiennement avec ces policiers, qui sont certes éprouvés, fatigués, mais qui remplissent leurs missions avec beaucoup de courage et d’abnégation.

Avec mon gouvernement, je suis fier d’avoir présenté, monsieur le président, les textes qui ont été adoptés par une très grande majorité des parlementaires.

Je suis fier également de pouvoir dénoncer ici, avec une grande majorité d’entre vous, tous les actes, mots et tracts contre les policiers. Nous avons sans doute la police qui est la plus surveillée parmi les démocraties. C’est une police exemplaire, dont nous devons être fiers.

On ne peut pas s’apitoyer, aujourd’hui, sur le sort de policiers attaqués par des terroristes et, ensuite, ne rien dire quand on s’attaque à eux ou être complaisant à l’égard de ceux qui, au moment même où nous parlons, s’attaquent aux forces de l’ordre et tiennent un discours hostile à l’état d’urgence, aux policiers et aux gendarmes.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Une cohérence existe, et elle doit rassembler tous les républicains et tous les démocrates de ce pays !

On ne peut pas partager son émotion vis-à-vis des policiers. Ce sont les mêmes qui, sur le terrain, comme le rappelait Catherine Tasca, dans ces villes que nous connaissons bien, Les Mureaux, Mantes-la-Jolie ou Mantes-la-Ville, dans ces quartiers que je connais bien, comme à Évry, font face aux trafiquants de drogue et à la violence de tous les jours et qui sont tués par des terroristes. Oui, nous leur devons ce soutien, cette solidarité et cette affection.

C’est au nom même des principes qui sont attaqués et de notre conception de l’État de droit que nous sommes, avec vous, déterminés à lutter contre le terrorisme et à gagner cette guerre. Et nous la gagnerons !

Nous le devons aux policiers de France et nous le ferons avec l’État de droit, la démocratie et nos valeurs, celles de la France !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, à l’occasion du match de l’Euro 2016 de football entre l’Angleterre et la Russie ce week-end, Marseille a été le théâtre d’affrontements d’une extrême violence entre des hooligans des deux pays.

Ces scènes de guérilla urbaine, dont les images ont fait le tour du monde, ont littéralement ensanglanté le Vieux-Port. Les nombreux touristes et les Marseillais qui se trouvaient sur place sont encore sous le choc ! Comment cela est-il possible dans notre pays et alors que l’état d’urgence a été prolongé pour l’Euro ?

Cette rencontre avait été classée à risque – 3 sur une échelle de 4 –, mais les débordements ont clairement dépassé les prévisions, puisque 150 hooligans russes, extrêmement entraînés, ont mené « un raid comme un commando paramilitaire », pour reprendre une expression que j’ai entendue.

Aujourd’hui, plusieurs interrogations se posent, alors que la compétition est encore longue et que l’image de Marseille est, une nouvelle fois, entachée par des scènes de violence et de multiples dégradations.

La première concerne l’anticipation de pareils affrontements : ne peut-on prévoir le pire pour ce type de rencontres, donc s’y préparer en mettant les moyens nécessaires ?

Comment expliquer aux Marseillais, qui ont vu déferler ces bandes ultra-violentes, que les autorités n’aient pas pu les stopper avant le passage à l’acte ? Force est de constater que, contrairement à ses déclarations, la Division nationale de lutte contre le hooliganisme a fait preuve d’impréparation et d’une absence de stratégie face à un phénomène qu’elle semblait méconnaître.

De quelle manière rectifier le tir et empêcher que les hooligans fassent à nouveau parler d’eux, à Marseille ou ailleurs ?

Monsieur le ministre de l’intérieur, quels enseignements tirez-vous, concernant le maintien de l’ordre public, de ce qui s’est passé à Marseille, dans la ville, mais aussi au Stade Vélodrome ?

Les Marseillais attendent des réponses et ne veulent pas que leur ville puisse à nouveau vivre de pareilles scènes de violence.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre question. Elle me permet d’apporter des réponses très précises aux interrogations que vous formulez.

Tout d’abord, il y a eu, depuis le début de cette compétition qu’est l’Euro 2016, plus d’une dizaine de matchs, c’est-à-dire, dans de multiples fan zones ou stades, des opérations de contrôle et de sécurisation, qui ont bien fonctionné, à l’exception de Marseille.

À Marseille, il y avait des supporters de deux équipes, ivres de bière et violents. Cela avait déjà été le cas en 1998, également à Marseille, à l’occasion de l’Euro 2000 ou lors du match Ukraine-Pologne. Je regrette de devoir le dire, mais c’est une réalité, il y a, autour de ce sport et d’un certain nombre de clubs, des individus qui préfèrent la violence aux valeurs sportives, qui s’enivrent et qui commettent les exactions que l’on sait.

Y a-t-il eu une anticipation de ces violences ? Je veux tout de même rappeler, madame la sénatrice, que, contrairement à ce que laisse entendre votre question, nous avons empêché la venue en France de 3 000 supporters britanniques, auxquels les autorités de ce pays, au terme d’une concertation avec la France, ont retiré leur passeport. En outre, nous avons inscrit au fichier des personnes recherchées, le FPR, près de 2 500 personnes, dont certaines ont été contrôlées à la frontière et empêchées de venir.

Vous vous demandez ce que nous pouvions faire pour les empêcher de commettre ces actes. Madame la sénatrice, pour judiciariser des actes, il faut qu’ils aient été commis. Par ailleurs pour que l’on puisse empêcher des individus de se livrer à ces exactions, il faut qu’il y ait la certitude qu’ils les commettront. Or, compte tenu des précautions que nous avions prises, nous ne pouvions pas imaginer que cela se produirait.

Ensuite, vous évoquez les forces de l’ordre. Il y avait dix unités des forces mobiles dans Marseille, plus de mille policiers. Et face à ces exactions, il n’a pas fallu plus d’une heure aux CRS pour rétablir l’ordre.

Dans le contexte qui prévaut parmi les forces de l’ordre et compte tenu de ce que nous vivons, je préfère, en ce qui me concerne, leur rendre hommage, plutôt que les critiquer, lorsque, en une heure, ils rétablissent l’ordre face à des hordes barbares. Pourquoi, madame la sénatrice ? Pour une raison très simple.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si, à chaque fois qu’il y a des violents dans des villes, et il y en a eu souvent dans l’histoire de France, ce ne sont pas eux que l’on dénonce, mais ceux qui rétablissent l’ordre, on entretiendra, dans ce pays, une inversion des valeurs dont la police de France, qui donne le meilleur d’elle-même, croyez-moi, n’a nul besoin !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Ma question s'adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Je voudrais tout d’abord dire que les écologistes partagent l’indignation et la peine, qui ont été exprimées ici, et ont entendu, avec respect, les réponses du Gouvernement.

Ma question concerne le soutien à l’agriculture biologique.

Tout d’abord, je donnerai quelques chiffres récents publiés par l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique. Le marché français de produits issus de l’agriculture biologique est en forte croissance, de l’ordre de 14, 5 % entre 2014 et 2015.

On constate aussi une croissance du nombre d’installations et de conversions en agriculture biologique : 9 % sur la même période, soit une augmentation de 23 % de terres exploitées en bio.

La France a, enfin, dépassé le seuil des 5 % de surface agricole utile en agriculture biologique, qui représente ainsi 10 % de l’emploi agricole. Et les premiers chiffres de 2016 en matière de demandes d’aide à la conversion confirment et confortent cette tendance, notamment en réaction à la crise agricole.

Cette croissance nécessite une animation territoriale et un accompagnement technique à la hauteur. Or, paradoxalement, on assiste, dans certaines régions, à une réduction drastique des budgets dédiés à l’animation. Il semblerait aussi que le financement de 2, 5 millions d’euros prévu pour l’animation des filières bio en 2016 ne soit pas encore totalement assuré.

Aussi, monsieur le ministre, ma question est double. Cet engagement pour 2016 pourra-t-il être assuré ? Par ailleurs, pour 2017 et les années suivantes, envisagez-vous de revoir les arbitrages budgétaires en matière de développement de la filière bio, au vu de cet essor sans précédent ?

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mmes Chantal Jouanno et Sylvie Goy-Chavent applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le développement de l’agriculture biologique.

Il est vrai que, aujourd’hui, les conversions et les surfaces en agriculture biologique ne cessent de s’accroître. Nous n’allons pas doubler ces surfaces, comme le prévoyaient les objectifs que nous nous étions fixés dans le plan « Ambition bio », mais elles vont augmenter d’une fois et demie par rapport à 2012.

Cette évolution est liée à un marché, qui existe pour le bio et qui cherche à être comblé, mais aussi – vous l’avez rappelé – à une crise agricole. Celle-ci fait durement souffrir les éleveurs, en particulier, et explique leur volonté d’aller chercher, pour leurs productions, une rémunération et des prix plus élevés.

Il a donc été nécessaire de réévaluer le budget dédié à la bio. Quand je suis arrivé aux responsabilités en 2012, les crédits consacrés à l’agriculture biologique étaient de 90 millions d’euros et, comme nous avions comme objectif le doublement des surfaces, ils ont été doublés pour atteindre 180 millions d’euros.

Cependant, j’ai toujours rappelé que le doublement des surfaces ne suffisait pas à organiser la filière bio pour répondre aux besoins du marché et qu’il fallait donc soutenir cette organisation. C’est pourquoi nous avons un budget spécifique pour l’Agence bio de 4 millions d’euros.

En même temps se pose la question de l’animation et du développement de la bio. À cet effet, il convient de s’appuyer sur les établissements publics existants, à savoir les chambres d’agriculture, lesquelles doivent s’engager à élaborer des plans de soutien de la bio en recourant aux fonds du CASDAR, c'est-à-dire du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », qui a pour objet de financer ce développement.

J’ajouterai que la FNAB, la Fédération nationale de l’agriculture biologique, comme les GRAB, les Groupes de recherche en agriculture biologique, et les GAB, les Groupements d’agriculteurs biologiques, ont été définis comme des ONVAR, des Organismes nationaux à vocation agricole et rurale, c’est-à-dire comme des organismes de développement. La FNAB verra son budget CASDAR passer de 350 000 euros à 700 000 euros de 2015 à 2020.

Monsieur le sénateur, vous avez raison de vous faire le porte-parole de ceux qui réclament des moyens. Notre réponse n’est peut-être pas suffisante à vos yeux, mais, en tout cas, vous ne pouvez pas nier que l’État et l’ensemble des acteurs prennent en compte le développement et l’animation de l’agriculture biologique.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous savez que nous veillerons à ce que vous teniez vos engagements.

Mes chers collègues, si vous souhaitez rafraîchir votre pensée sur la terre et sur le monde, je vous informe que Pierre Rabhi sera au Sénat, pour la première fois, jeudi prochain dans l’après-midi. Il évoquera le concept de la sobriété heureuse, qu’il défend depuis des années, et qui va si bien avec l’agriculture biologique et l’agroécologie.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Toutefois, avant toute chose, je souhaite, au nom du groupe CRC, faire part de notre plus vive émotion et témoigner de notre plus grande solidarité envers les familles endeuillées et les forces de l’ordre après l’assassinat odieux d’hier soir.

Madame la ministre, plus de trois mois, c’est la durée de la contestation du projet de loi Travail à laquelle le Gouvernement doit faire face. Cet après-midi encore se déroule une immense manifestation.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

Notre pays a perdu assez de temps et d’énergie. Il faut maintenant sortir des postures. Il y a urgence, et la balle est dans votre camp. Aujourd’hui, vous le savez bien, pour retrouver le chemin de la négociation et sortir de cette impasse, vous devez envoyer un signe. Le Gouvernement ne peut plus s’exonérer de revenir sur l’inversion de la hiérarchie des normes.

Il ne s’agit pas de faire insulte à la démocratie dans l’entreprise et d’être contre le dialogue social sur le terrain, mais, vous en conviendrez, c’est bien au plus près du terrain que la fragilité des acteurs est la plus grande et le rapport de forces le plus déséquilibré. C’est tout l’intérêt des accords de branche et de la loi que d’y remédier.

Surtout, cet article 2 d’inversion des normes est contre-productif pour les chefs d’entreprise les plus vertueux, c’est-à-dire les plus nombreux, qui considèrent le travailleur comme la première richesse de leur entreprise et qui ne profitent pas de ce déséquilibre. Vous les mettriez en concurrence déloyale avec ces entreprises dans lesquelles l’éthique est reléguée au dernier plan.

Madame la ministre, êtes-vous prête à prendre vos responsabilités pour permettre une réelle ouverture des négociations, dans l’intérêt des travailleurs, comme dans celui de l’immense majorité des entreprises, notamment des PME ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Robert Hue applaudit également.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Abate, nous avons effectivement commencé le débat sur le projet de loi Travail ici même depuis hier.

Il y a une divergence de fond, qui traverse non seulement le monde politique, mais également le champ syndical. Je suis d’accord, il faut sortir des postures, mais il faut aussi sortir des caricatures. Vous ne pouvez pas contester que le Gouvernement n’a eu de cesse de dialoguer pour améliorer ce projet de loi.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Permettez-moi de revenir trois mois en arrière. Vous le savez, un avant-projet de loi a cristallisé de forts mécontentements, notamment dans le champ syndical.

À partir de là, le Premier ministre a repris l’ensemble des négociations avec les organisations syndicales et patronales. Certaines sont venues à la table des négociations et ont reçu des propositions concrètes. D’ailleurs, depuis lors, une partie des organisations syndicales soutient ce texte. Il ne faut pas le nier, et il est même important de le rappeler à chaque fois.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Combien de personnes sont dans la rue aujourd’hui ?

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Par la suite, à l’occasion de la discussion devant l’Assemblée nationale, le Gouvernement a pris la responsabilité d’intégrer près de 800 amendements au texte.

Nous n’avons donc eu de cesse de dialoguer et de faire évoluer le texte. Cependant, nous considérons qu’il faut revitaliser le dialogue social dans notre pays et que la performance sociale et la performance économique doivent aller de pair. Nous considérons également qu’il faut revitaliser le syndicalisme dans notre pays et que le verrou de l’accord majoritaire est la meilleure garantie que nous pouvons apporter aux salariés.

Ma porte a toujours été ouverte à qui veut bien la franchir.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il n’y a qu’une seule organisation syndicale qui n’a pas souhaité venir me faire part de ses propositions. Aujourd’hui, elle a évolué, et, vendredi prochain, je rencontrerai Philippe Martinez.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Toutefois, tous les leaders des organisations syndicales ont été reçus, et la position du Gouvernement est connue : oui à des améliorations, mais nous ne reviendrons pas sur la philosophie de ce texte, incarnée notamment par l’article 2.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

Je n’ai pas fait de caricature : quand j’évoquais le dialogue social, je citais en fait le président de la CFE-CGC.

Par ailleurs, je note, madame la ministre, que vous n’avez pas répondu à mon argument sur la concurrence déloyale. C’est pourtant un aspect particulièrement important en termes de compétitivité.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Samia Ghali, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Avant même le coup d’envoi de l’Euro 2016, Marseille a été le théâtre de scènes d’une rare violence. Ce moment sportif et festif s’est transformé en chaos provoqué par des affrontements de hooligans anglais et russes, fortement alcoolisés et décidés à en découdre.

Ayant moi-même assisté aux premiers affrontements, j’ai vu Marseille se paralyser, les Marseillais inquiets et les commerçants échaudés. Je tiens à saluer l’action des forces de l’ordre, ainsi que le sang-froid et le courage des commerçants.

J’ai très rapidement appelé à prendre une première mesure d’urgence : interdire la vente au détail de boissons alcoolisées dans les périmètres sensibles, les bouteilles ayant malheureusement servi d’armes pendant ces échauffourées.

Monsieur le ministre, vous avez souscrit à cette demande, et je vous en remercie au nom de tous les Marseillais. Je salue ici le bon sens et la sagesse qui ont déterminé votre décision, que vous avez d’ailleurs généralisée aux autres villes concernées par l’Euro.

Alors que la ville de Marseille accueillera le 21 juin prochain le match Pologne-Ukraine, autre rencontre à haut risque, nous devons faire preuve d’anticipation et d’une grande vigilance. Nous devons agir dans la concertation et avec précaution en réajustant avec les pays concernés, que ce soit la Pologne ou l’Ukraine, les organisateurs et les pouvoirs publics, notre stratégie face à ces groupuscules violents, qui n’ont pas leur place au sein de l’Euro 2016. Les commerçants et les Marseillais attendent d’être rassurés, afin de vivre un Euro 2016 festif et serein.

Monsieur le ministre, je pense donc nécessaire de réunir en urgence, en amont du match, l’UEFA, les représentants des pays concernés, la ville de Marseille et les commerçants, afin de sécuriser l’accueil.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Mme Samia Ghali. Ensuite, il faudrait prévoir un comité d’indemnisation, sous l’égide du préfet de région, pour réparer les préjudices commerciaux et matériels subis en marge du match Angleterre-Russie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Madame la sénatrice, je vous remercie d’abord d’avoir salué le travail des forces de l’ordre, comme l’a fait d’ailleurs, de façon tout à fait digne, le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, en conseil municipal.

Comme l’a dit M. le Premier ministre avec beaucoup de force et de solennité, compte tenu de la grande difficulté de la mission des forces de sécurité, nous sommes las de voir des policiers, des gendarmes et des préfets, qui donnent des instructions pour rétablir l’ordre, être constamment remis en cause par des théoriciens patentés des violences policières et par d’autres qui, chaque fois qu’une opération de maintien de l’ordre vient faire cesser des troubles à l’ordre public, alors que des hordes d’individus violents sont dans les rues, considèrent que ce sont les forces de l’ordre et non les fauteurs de troubles qui sont en cause.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, du groupe UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

À un moment donné, il faut remettre les choses à leur place. Je remercie donc de nouveau les policiers et les gendarmes du travail qu’ils font. Je sais à quel point leur mission est difficile et à quel point ils sont éprouvés par ces violences qu’ils subissent. Cela ne doit susciter sur ces travées, comme seule et unique réaction, que de la reconnaissance.

Madame Ghali, vous me parlez de prévention, mais vous devez savoir que nous avons empêché 3 000 supporters anglais de venir. Nous avons par ailleurs procédé à l’inscription de 2 500 supporters sur le fichier des personnes recherchées.

Il appartient aux autorités du football, c’est-à-dire à l’UEFA, en liaison avec les clubs, de communiquer les informations dont eux seuls disposent, pour que nous puissions prendre des mesures complémentaires. J’attends de ces mêmes autorités qu’elles mettent de l’ordre dans leurs rangs. Le président de l’UEFA a pris des décisions que je soutiens totalement, et il a rappelé aujourd’hui que la Russie ferait l’objet de sanctions si le calme n’était pas rétabli parmi ses supporters.

Au moment où il faisait cette déclaration, nous interpellions avec nos forces de police, dans un bus, près de quarante supporters turcs, hooligans présumés, afin qu’ils fassent l’objet d’un traitement judiciaire.

Madame Ghali, je le dis avec beaucoup de fermeté, il n’y aura aucune complaisance à l’égard de ces acteurs violents. Le ministère de l’intérieur, comme l’UEFA, a pris ses responsabilités.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous poursuivrons ce travail dans la perspective des prochains matchs, qui n’ont pas à être livrés aux débordements de supporters ivres de bière.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Bruno Gilles, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Gilles

Ma question s'adresse également à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, après mes deux collègues de Bouches-du-Rhône, qui vous ont interpellé sur les incidents à l’extérieur du stade, je voudrais évoquer les incidents, à mon avis encore plus graves, puisqu’ils ont mis en danger des familles et des enfants, qui ont eu lieu à l’intérieur du Stade Vélodrome, à la fin de la rencontre Angleterre-Russie.

Ce match, pourtant identifié comme à haut risque, a révélé de nombreuses défaillances dans le dispositif de sécurité.

Ainsi, le filtrage à l’entrée, mais également à l’intérieur du stade, réalisé par des sociétés de sécurité privées sous la responsabilité de l’UEFA, s’est révélé défaillant, avec notamment une mauvaise répartition des stadiers.

Comme tout le monde a pu le voir sur les images, des fumigènes et une fusée ont été introduits et tirés dans l’enceinte même du stade. Plus inquiétante encore, une bombe agricole a explosé à la fin de la rencontre.

Les supporters russes et anglais, situés dans le virage sud du stade, étaient uniquement séparés par une rangée de stadiers et une simple corde. Après le tir d’une fusée en direction des supporters anglais, les supporters russes ont très facilement franchi ce cordon de sécurité afin d’envahir les tribunes anglaises, au milieu de familles paniquées. Dans notre tête tournent encore les images de la détresse d’un père, portant son enfant dans les bras et assailli par des supporters.

Même si je tiens à mon tour, bien sûr, à saluer le travail de nos services de police, plus particulièrement lors des incidents dans le centre-ville, il faut se rendre à l’évidence : le dispositif de filtrage et de sécurité à l’entrée et à l’intérieur du stade était trop léger et inapproprié pour une telle rencontre, d’autant que nous avions pleinement connaissance de la haine réciproque de ces deux camps à la suite des affrontements qui avaient eu lieu la veille et l’après-midi même dans le centre-ville.

Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Gilles

Il est donc quasiment miraculeux qu’il n’y ait pas eu d’incident plus dramatique impliquant des familles et des enfants.

Aussi, monsieur le ministre, je m’associe au sénateur-maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, pour vous interroger. Quelles conclusions comptez-vous tirer de cet épisode inquiétant ? Quelles mesures allez-vous demander à l’UEFA de prendre, afin que ces incidents ne se reproduisent plus aux abords de nos stades ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Par souci de précision, je voudrais tout d’abord procéder à une correction de mes propos antérieurs : nous avons interpellé des supporters non pas turcs, mais russes ! Je ne voudrais pas ajouter aux difficultés intérieures du moment des problèmes diplomatiques

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur Gilles, vous me parlez de la sécurité à l’intérieur du stade. Vous le savez, et vous l’avez rappelé à juste titre, la sécurité interne des stades relève, aux termes des documents contractuels signés avec les organisateurs, de la responsabilité de l’UEFA.

Cela étant, appliquant à cette répartition des responsabilités le proverbe, bien connu des sénateurs normands, selon lequel « une grande confiance ne doit pas exclure une petite méfiance », …

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

… j’ai procédé à une vérification de ces dispositifs. Et je puis vous dire que, s’il n’y a pas eu de drame, comme vous l’indiquez, cela n’est pas le fruit du hasard, mais bien parce que des unités de forces mobiles étaient positionnées dans le stade, à ma demande, afin de suppléer les agents de sécurité privée en cas de défaillance.

J’ai bien entendu pris contact immédiatement avec Jacques Lambert au terme de ces événements, pour lui rappeler la responsabilité de l’UEFA. À la suite de cet échange, les dispositifs de sécurité privée ont été renforcés.

Comme on ne peut pas vivre constamment dans le dénigrement des efforts faits par les uns et les autres pour réussir une grande épreuve sportive, je veux également dire que, après plus de dix matches, alors que beaucoup avaient prédit les pires catastrophes, il n’y a eu aucun autre dérapage grave, même si nous devons rester concentrés.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Cela ne veut pas dire qu’il ne se passera rien, mais que notre vigilance a permis d’éviter de tels événements pour l’instant. Bien entendu, celle-ci doit demeurer constante et même s’amplifier, compte tenu du contexte auquel nous sommes confrontés.

Monsieur le sénateur, nous faisons de notre mieux, …

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre. … en améliorant constamment les dispositifs. Malheureusement, sur des sujets aussi complexes, même en faisant au mieux, on ne fait pas nécessairement aussi bien que l’on pourrait le souhaiter.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Caroline Cayeux

Monsieur le ministre de l’intérieur, notre pays traverse une période très difficile liée aux intempéries, aux attentats, aux grèves à répétition. Les Français subissent de plein fouet une crise économique et morale. Cette situation exige solidarité, mais aussi efficacité. La solidarité s’exprime chaque jour dans nos départements et dans nos communes et nous attendons des actes du Gouvernement.

Quelle image de la France donnons-nous aujourd’hui au monde ? Le monde en effet nous observe, et ce regard m’attriste profondément.

Comment une minorité peut-elle entraîner un pays entier dans le discrédit et le déshonneur ? En ce moment même, nous avons encore des casseurs dans la rue, et croyez bien que je m’associe aux propos du président Retailleau pour soutenir les forces de l’ordre et saluer leur engagement.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, la France perd de son attractivité. Le nombre de projets d’investissements étrangers a reculé en 2015, alors que, dans l’ensemble de l’Europe, il a progressé de 14 %. Seuls 11 projets de décisions ont été présentés en France, contre 150 en Grande-Bretagne. Le tourisme chute également de plus de 30 %. Même les agents de la tour Eiffel se mettent en grève !

Dans ces conditions, comment comptez-vous défendre notre candidature aux jeux Olympiques et à l’Exposition universelle ?

Monsieur le ministre, comment allez-vous passer aux actes qu’attend la représentation nationale ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, toute question est légitime, surtout dans cette enceinte, mais je regrette ce mélange des sujets.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Prenons-en un seul, celui du tourisme. Si le tourisme, comme on peut en effet le constater, a baissé au cours de ces derniers mois – c’est d’ailleurs l’une des rares activités économiques qui n’est pas en phase de reprise –, notamment à Paris et au mont Saint-Michel, où je me suis rendu voilà quelques mois avec M. Philippe Bas, c’est lié, et vous le savez parfaitement, aux attentats, à ce qui s’est passé au mois de novembre dernier.

Les chiffres du tourisme doivent être analysés en considération de ces événements. Croyez-moi, c’est pour nous un véritable sujet. Les Japonais ont ainsi décidé du jour au lendemain de ne plus venir en France. Voilà pour ce qui concerne le tourisme.

Par ailleurs, je regarde les chiffres avec le plus de lucidité possible. Je constate, madame la sénatrice, que la croissance a été plus importante au premier trimestre que ce qui avait été annoncé, que les prévisions de croissance pour cette année 2016 se confirment – autour de 1, 5 %, peut-être davantage –, que l’investissement revient, que le moral des ménages, malgré la situation que nous connaissons depuis plusieurs mois, est à la hausse, notamment par rapport à l’emploi. Même si nous sommes et modestes et prudents, je note que l’on a enregistré une baisse du nombre des chômeurs de l’ordre de 70 000.

Madame la sénatrice, j’entends toutes les critiques – c’est le rôle de l’opposition –, mais je constate que, malgré toutes les difficultés, malgré tous les défis, les choses vont plutôt dans le bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac. Bref, « ça va mieux » !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Vous évoquez la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2024 : nous pouvons partager cette volonté de voir cette candidature aboutir, et je vous rappelle que la France a été capable, quelques jours après les attentats terroristes, d’accueillir plus de 180 chefs d’État et de gouvernement étrangers lors de la COP 21.

Dans les conditions que nous connaissons aujourd’hui, en particulier en plein état d’urgence, et avec les difficultés malheureusement inhérentes à une telle compétition sportive, nous avons pu organiser l’Euro de football, qui n’est pas encore terminé, même si je déplore profondément les difficultés auxquelles sont confrontés les Français. Je le sais d’autant plus que, pour ne citer que cet exemple, en Île-de-France, c’est la ligne D du RER qui est la plus touchée par ces grèves incompréhensibles et inadmissibles.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Les taux de grévistes dans les transports, aujourd’hui et demain – nous avons constaté la même chose dans le secteur aérien, chez Air France –, sont extrêmement faibles.

Il faut faire front face à ces événements. Nous tenons bon et nous ne changerons pas – nous l’avons déjà dit – les principaux articles de ce projet de loi, notamment son article 2, parce qu’il est bon pour les entrepreneurs et pour les entreprises.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mon rôle à moi, j’en suis désolé, madame la sénatrice, c’est de défendre la France, son attractivité, de faire en sorte qu’elle gagne des marchés à l’extérieur. C’est cela que je veux retenir. Pour ma part, que je sois dans l’opposition ou dans la majorité, je dis toujours du bien de la France.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Caroline Cayeux

Mme Caroline Cayeux. Monsieur le Premier ministre, j’entends votre réponse, mais je ne partage ni votre optimisme ni votre confiance.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Caroline Cayeux

Mme Caroline Cayeux. Je crains, malheureusement, que la France ne doive dire adieu aux jeux Olympiques, adieu à l’Exposition universelle, adieu aux touristes américains et asiatiques, adieu à la relocalisation et à l’installation d’entreprises, adieu à l’emploi !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je remercie La Chaîne parlementaire, qui a accepté de diffuser jusqu’à son terme cette séance de questions d’actualité au Gouvernement.

La parole est à M. Georges Labazée, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie.

Madame la secrétaire d'État, à la fin de l’année 2015 était promulguée la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Vous le savez, le Sénat a joué un rôle majeur de coconstruction de ce texte ambitieux et responsable, puisqu’il s’est attelé, aux côtés du Gouvernement, à consacrer un principe fort, celui du choix de la personne âgée : choix de son logement, de son consentement, de sa représentation.

Près de six mois après, de nombreux décrets sont parus, mettant ainsi en application ces mesures nouvelles. Je tiens à saluer votre action, madame la secrétaire d'État, car les initiatives que vous avez prises ces derniers mois montrent que le Gouvernement prend ses responsabilités en s’assurant que cette loi soit mise en œuvre dans les délais les plus brefs. Une loi qui, je vous le rappelle, est financée à hauteur de plus de 700 millions d’euros annuels via la CASA, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie.

Cette loi, tant attendue depuis plus de dix ans, apporte enfin à chaque personne âgée et à ses proches un service à la hauteur de leurs besoins ; elle répond véritablement aux attentes des associations et des élus et aux enjeux de nos territoires.

Oui, je le pense sincèrement, l’engagement est tenu : cet immense chantier qu’est l’autonomie avance désormais à grands pas.

Aussi, qu’il s’agisse de la mise en œuvre des décrets, du financement des mesures nouvelles pour anticiper, pour adapter, pour accompagner – je pense à l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, je pense au logement, je pense à la conférence des financeurs, je pense aussi à l’unification des régimes des services d’aide et d’accompagnement à domicile, au profit du régime de l’autorisation –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

M. Georges Labazée. … ma question est simple, madame la secrétaire d'État : quelles sont les mesures concrètes prises actuellement par le Gouvernement pour appliquer la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement de la population ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Monsieur le sénateur, comme vous l’avez indiqué, l’application de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement est une priorité, et je puis vous dire que, aujourd’hui, l’ensemble des décrets relatifs à l’aide à l’accompagnement à domicile, ainsi que les textes relatifs au financement des mesures prévues par la loi, a été publié.

Ces nouvelles mesures sont intégralement financées par l’État, à hauteur de plus de 700 millions d’euros. Quelque 25 millions d’euros ont aussi été débloqués pour venir en appui au secteur de l’aide à domicile : ce sont des milliers d’emplois qui étaient en péril. Les fonds consacrés à l’APA ont été revalorisés, et ce sont désormais 453 millions d’euros qui, chaque année, viennent améliorer le quotidien des personnes âgées dépendantes.

Les versements pour tous les départements ont été effectués en avril dernier. Toujours pour accompagner les départements, il est prévu que les conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées, inscrites dans la loi, fédèrent les acteurs de ces territoires et coordonnent les dépenses de manière efficace.

Dès le mois d’avril dernier, également, ces conférences des financeurs ont bénéficié d’un concours financier de 102 millions d’euros, et, la semaine dernière, avec Marisol Touraine, j’ai débloqué une enveloppe supplémentaire de 5, 58 millions d’euros pour accompagner davantage les départements.

Enfin, je participais ce matin au congrès de l’Union sociale pour l’habitat et, à cette occasion, j’ai annoncé que l’engagement d’adapter 80 000 logements pour les personnes âgées au cours du quinquennat sera tenu dès cette année.

Monsieur le sénateur, nous tenons à continuer ce travail pour les personnes âgées, parce que c’est un sujet crucial pour notre société, aujourd’hui, mais aussi pour les vingt ans qui viennent.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, du chapitre Ier, aux amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 465, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « Dispositions communes » et comprenant les articles L. 1134-1 à L. 1134-5 ;

2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Dispositions spécifiques à l’action de groupe

« Art. L. 1134 -6. – Sous réserve des articles L. 1134-7 à L. 1134-10, le chapitre Ier du titre V de la loi n° … du … de modernisation de la justice du XXIe siècle s’applique à l’action de groupe prévue à la présente section.

« Art. L. 1134 -7. – Une organisation syndicale de salariés représentative au niveau national interprofessionnel, au niveau de la branche ou au niveau de l’entreprise peut agir devant une juridiction civile afin d’établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif parmi ceux mentionnés à l’article L. 1132-1 et imputable à un même employeur privé.

« Une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, en faveur de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise.

« Art. L. 1134 -8. – Cette action peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement, soit de l’engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir la réparation des préjudices subis, soit de ces deux fins.

« Art. L. 1134 -9. – Par dérogation à l’article 22 de la loi n° … du … de modernisation de la justice du XXIe siècle, préalablement à l’engagement de l’action de groupe mentionnée à l’article L. 1134-7, les personnes mentionnées à ce même article L. 1134-7 demandent à l’employeur de faire cesser la situation de discrimination collective.

« Dans un délai d’un mois à compter de cette demande, l’employeur en informe le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. À la demande du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, ou à la demande d’une organisation syndicale représentative, l’employeur engage une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.

« L’auteur de la demande mentionnée au premier alinéa du présent article peut exercer l’action de groupe mentionnée à l’article L. 1134-7 lorsque, dans un délai de trois mois à compter de cette demande, l’employeur n’a pas pris les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective en cause.

« Art. L. 1134 -10. – L’action de groupe suspend, dès la mise en demeure mentionnée à l’article L. 1134-9, la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant du manquement dont la cessation est demandée.

« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, soit à compter du jour où le demandeur s’est désisté de son action, soit à compter du jour où le jugement tendant à la cessation du manquement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Les discriminations entre les femmes et les hommes liées à l’état de santé, à l’âge ou encore à l’origine, sans oublier les discriminations syndicales, n’ont pas faibli dans l’histoire du travail et dans la relation de subordination du salarié à son employeur.

Vous le savez, mes chers collègues, les ressources juridiques existant aujourd’hui sont d’une efficacité limitée pour faire reconnaître, de façon générale, les discriminations individuelles, notamment à l’embauche.

L’arsenal répressif est largement inopérant et l’arsenal préventif, de type « CV anonyme », est d’une utilité malheureusement limitée.

Pour les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen, l’action de groupe en matière de discrimination au travail s’inscrit dans la reconquête du principe républicain d’égalité.

C’est pourquoi, dans le prolongement du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, nous souhaitons introduire dans ce projet de loi Travail le principe d’une réparation intégrale du préjudice lié à une discrimination professionnelle.

Il s’agit non seulement de réprimer les employeurs, mais surtout de dissuader et de prévenir les comportements qui donnent le sentiment à nombre de nos concitoyens d’être mis au ban de la société.

En conséquence, nous proposons qu’une organisation syndicale de salariés représentative au niveau national interprofessionnel, au niveau de la branche ou au niveau de l’entreprise puisse agir devant une juridiction civile afin d’établir que plusieurs candidats à un emploi, un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif parmi ceux qui sont mentionnés à l’article visé et imputable à un même employeur privé.

Nous proposons également qu’une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans en vue de lutter contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap puisse agir aux mêmes fins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

La commission estime que ce sujet relève non du présent projet de loi, mais du projet de loi Justice du XXIe siècle actuellement en cours de navette, comme le reconnaissent d’ailleurs les auteurs de l’amendement puisqu’ils y font référence. Certes, ce dispositif est quelque peu différent des mesures figurant dans le projet de loi Justice du XXIe siècle, concernant notamment les délais existants. Il ne nous semble toutefois pas de bonne pratique de multiplier les véhicules législatifs.

Afin que la discussion se poursuive dans le cadre de l’examen du texte dans lequel elle a commencé, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le sénateur, je partage bien sûr avec vous l’objectif de lutter contre toutes les formes de discrimination, qui sont inacceptables et constituent un véritable cancer pour notre cohésion sociale. Les actions en justice, vous l’avez dit, sont l’une des voies pour les combattre. À ce titre, je ne peux que souscrire à votre volonté de renforcer le rôle des syndicats sur ce point.

Il existe plusieurs types de discriminations. Le Défenseur des droits a encore remis récemment un rapport sur la question des discriminations liées à l’origine dans le cadre du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté.

Le Gouvernement, vous l’aurez noté, a lancé voilà moins d’un mois une grande campagne de sensibilisation intitulée « Les compétences d’abord ». Pourquoi ? Parce que, à diplôme égal, les jeunes issus de quartiers populaires ont deux fois moins de chances de trouver un emploi. Nous développons également le parrainage pour les jeunes issus de ces quartiers afin que la République organise le réseau qui leur manque.

Cela fait près de quinze ans que nous soulevons la question du testing, qui ne concernait auparavant que des entreprises volontaires. J’ai pris la décision de lancer un testing au sein de plusieurs dizaines d’entreprises représentant des groupes de plus de 1 000 salariés, notamment sur la question des discriminations liées à l’origine, puisqu’un rapport de l’Institut Montaigne publié au mois de septembre dernier montrait qu’un demandeur d’emploi prénommé Mohamed avait quatre fois moins de chances d’avoir un entretien d’embauche. Tout cela est inacceptable et je suis particulièrement mobilisée sur cette question. Ce testing est un vrai testing, car il ne sera pas effectué dans les entreprises volontaires. C’est pourquoi je le revendique.

Par ailleurs, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, m’a remis la semaine dernière un rapport, après saisine du Premier ministre, sur le développement de la culture du dialogue social en France, dont l’une des recommandations préconise la saisine du Défenseur des droits afin qu’il rédige un rapport sur les discriminations syndicales, sujet également extrêmement important.

J’en reviens à votre amendement, monsieur Watrin.

Comme l’a dit M. le rapporteur, c’est dans le cadre du projet de loi Justice du XXIe siècle, qui a été examiné en première lecture à la fois à l’Assemblée nationale et au Sénat, que nous avons décidé de mettre en place cette action de groupe à la main des syndicats, mais aussi des associations, comme vous le suggérez.

Comme vous le proposez, cette action sera précédée d’un dialogue social préalable pour faire disparaître la situation de discrimination. En revanche, contrairement à ce que vous suggérez, le Gouvernement a souhaité que la réparation du préjudice, dans le cadre de cette action collective, ait lieu à partir de la saisine d’un juge, car l’action collective doit avant tout servir à faire cesser la discrimination. Mais bien entendu, dans ce cadre, tous les salariés qui auront été victimes d’une discrimination auront le droit à une réparation individuelle de leur préjudice devant le juge des prud’hommes.

Ce sujet est central, essentiel, monsieur le sénateur, mais il est traité dans un autre projet de loi.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 1321-2 du code du travail, il est inséré un article L. 1321-2-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1321 -2 - … – Le règlement intérieur peut, par accord d’entreprise, contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. »

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de liberté et d’expression en particulier, et de libertés en général, repose sur l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, ratifiée par la France et qui nous contraint. Or celle-ci traite des libertés individuelles.

Le problème qui est posé ici en matière de code du travail, et qui n’est pas nouveau, c’est que l’on veut étendre ces principes touchant aux libertés individuelles à une collectivité, l’entreprise. Quelle conception en avons-nous ? Est-ce simplement un lieu de rencontres quotidiennes entre des individus – actionnaires, dirigeants, salariés – engagés dans un système d’autorité et d’obéissance ? Est-ce un lieu de rapports de force et de confrontations ? Est-ce une communauté de destins où, par le biais de la négociation, des compromis s’élaborent au quotidien.

C’est dans ce cadre, celui d’une collectivité et non pas d’un rassemblement d’individus, que peut être posée la question de neutralité, possible et non pas obligatoire, de l’entreprise, neutralité au sens des convictions politiques, religieuses ou philosophiques.

L’espace de l’entreprise est privé et ne peut donc pas être régi par le principe de laïcité. Mais ce n’est pas non plus un espace civil où s’exerceraient des libertés sans limites : il est circonscrit et organisé par des règles.

La neutralité n’est d’ailleurs pas étrangère au droit social, puisque l’entreprise est tenue à la neutralité, mais dans un sens différent de celui qui s’applique au service public ; la neutralité en entreprise passe par l’indifférence de l’employeur aux convictions de ses salariés.

On peut donc concevoir que la neutralité soit organisée dans une structure privée pour son personnel, si elle figure dans un règlement intérieur, après négociation d’un accord d’entreprise – on rejoint là la philosophie du projet de loi –, si elle est justifiée par la nature de l’activité exercée et invoquée de façon non arbitraire et non discriminatoire.

Tel est l’objet du présent amendement : ouvrir la porte facultative, et non obligatoire, de la neutralité de l’entreprise dans des conditions précisées par la loi.

Cette disposition qui viserait à reconnaître la possibilité d’inscrire dans le règlement intérieur des restrictions de l’expression des convictions au sein de l’entreprise est un outil de gestion managériale. Elle permettrait d’éviter des affaires comme celle de la crèche Baby Loup ou de consolider le choix des entreprises comme le groupe Paprec, qui a adopté une charte utile mais fragile juridiquement.

Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Cet amendement très intéressant porte sur des sujets qui interpellent nombre de nos concitoyens.

Ce débat avait déjà été engagé à l’Assemblée nationale dès la première lecture au sein de la commission des affaires sociales, puisque l’amendement de M. Arnaud Richard s’inscrivait un peu dans le même état d’esprit que le vôtre, madame la sénatrice. Nous devons progresser dans la voie de la promotion de ce principe de neutralité, dès lors qu’un accord se dégagerait autour de cette idée.

Nul ne peut nier qu’un certain nombre de problèmes se posent. Or on ne peut les recouvrir d’un voile pudique ; il faut traiter la question. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement, car elle est également consciente que des interrogations peuvent porter sur l’articulation de ce principe avec nos engagements européens ou internationaux. Madame la ministre, peut-être pourrions-nous avancer en ce sens.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Madame la sénatrice, je partage tout à fait votre objectif de lutter contre les communautarismes, y compris dans l’entreprise, qui est, vous l’avez dit, un collectif où les opinions doivent pouvoir s’exprimer, mais dans le respect de la liberté de chacun et sans que cela nuise au bon fonctionnement de l’entreprise.

Lors d’une séance de questions au Gouvernement, je vous avais répondu en vous indiquant tout le travail que je menais avec les partenaires sociaux, les organisations patronales et syndicales, sur la gestion du fait religieux en entreprise, notamment sur la difficulté pour les uns et les autres de se sentir parfois un peu démunis face à une situation, qu’ils se trouvent du côté des salariés ou de celui des employeurs.

C’est dans ce cadre, et je salue le directeur général du travail, Yves Struillou, aujourd’hui à mes côtés, que nous avons établi un guide pratique du fait religieux comportant toutes les questions que l’on peut se poser en la matière.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Dès que mon agenda sera plus souple, je réunirai l’ensemble des partenaires sociaux pour que nous diffusions ce guide à la fois aux salariés et aux employeurs, car les éléments qu’il contient visent à s’adresser autant aux premiers qu’aux seconds. À l’occasion de la rédaction de ce guide, nous avons demandé de nous faire remonter différentes situations face auxquelles les uns et les autres peuvent se trouver sans réponses.

Aller jusqu’à poser le principe de neutralité dans l’entreprise est parfois justifié, pour éviter certaines tensions et assurer au sein de l’entreprise un véritable vivre ensemble. Il ne saurait toutefois s’agir d’un principe général.

Monsieur le rapporteur, de ce point de vue, je comprends vos craintes selon lesquelles ces dispositions seraient contraires à nos engagements internationaux et à notre Constitution. Ce n’est pas le débat de cette loi, mais celle-ci est là pour promouvoir la négociation collectivement. Le fait que l’affirmation du principe de neutralité au sein d’une entreprise doive d’abord passer par un accord d’entreprise, c’est-à-dire par la négociation, me semble donc particulièrement adapté et tout à fait conforme à la philosophie de ce projet de loi.

C’est pourquoi j’émets un avis favorable sur cet amendement.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous voterons l’amendement n° 2 rectifié. Nous savons Mme Laborde très attachée au principe de laïcité. L’évolution qu’elle nous propose est compatible avec le refus d’en faire une règle générale, conformément à la philosophie de ce projet de loi. Par conséquent, la discussion qui aurait lieu dans l’entreprise permettrait, dans le champ de la discussion et de la négociation, d’introduire dans le secteur privé des entreprises le principe de neutralité.

Jusqu’à présent, autant c’est clair dans l’ensemble du service public, autant on est quelque peu paralysé au sein des entreprises, notamment parce que la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE, dans son arrêt de 2000, avait bien opéré une distinction entre le public et le privé. Au demeurant, la position de la CJUE est en train d’évoluer, même si celle-ci n’a pas encore rendu un nouvel arrêt en la matière, puisqu’elle précise que, à partir de cas particuliers, une règle interne de neutralité du travail propre à l’entreprise pourrait être adoptée.

Nous voterons donc cet amendement, pour permettre cette évolution du droit.

Ainsi, nous préviendrons bien des difficultés : aujourd’hui, nombre d’entreprises sont confrontées à des problèmes de cette nature sans savoir comment y répondre.

À ce titre, gardons à l’esprit le précédent de Baby Loup en 2013 ! Cette affaire était à mi-chemin du public et du privé : c’est une entreprise privée qui gérait la crèche considérée, mais elle assumait une délégation de service public.

Mes chers collègues, en adoptant cet amendement, le Sénat tout entier fera œuvre utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je comprends bien le souci exprimé par Françoise Laborde. Cependant, avec l’ensemble des membres du groupe CRC, je m’interroge : de telles dispositions relèvent-elles du domaine de la loi ? À nos yeux, elles sont plutôt de l’ordre du règlement intérieur.

On nous répète sans cesse dans cet hémicycle que nous ne devons pas alourdir la loi, qu’il ne faut pas la rendre bavarde, que le code du travail est déjà trop volumineux. Mais cet amendement tend bien à ajouter de nouvelles dispositions législatives.

En outre, le principe de neutralité est déjà garanti dans les règlements intérieurs au niveau des entreprises.

Nous ne voterons pas contre cet amendement. Mais, pour ces deux raisons, qui justifient notre position et notre étonnement, nous nous abstiendrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Pour ma part, je soutiens notre collègue Françoise Laborde et je fais mienne, en la matière, la position défendue par le Gouvernement.

Madame la ministre, en cherchant à clarifier les droits et les devoirs de chacun dans l’entreprise face aux évolutions à l’œuvre, vous avez engagé une excellente démarche. Ce travail était nécessaire, et les partenaires sociaux l’attendaient.

En l’occurrence, la réalité de l’entreprise permet de définir la bonne application d’un principe fondamental, la laïcité, pour assurer la mise en œuvre du droit et le respect de chacun dans notre société. Parallèlement, on garde à l’esprit l’existence de communautés humaines qui, dans certains cas, lorsqu’elles le souhaitent, doivent garantir la neutralité au sein de l’entreprise.

Selon moi, ces dispositions relèvent bel et bien du domaine législatif : nous vivons des périodes où les équilibres sont difficiles à définir. Pour les atteindre, il est parfois nécessaire que la loi fixe un cadre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Compte tenu de l’avis exprimé par le Gouvernement, il me semble que nous pouvons nous engager dans cette voie.

Nous en sommes conscients, dans une certaine mesure les accords d’entreprise constituent une nouveauté au regard du règlement intérieur, qui est en principe un acte unilatéral. Mais face au défi posé à la République, dans toutes ses composantes, par un certain nombre de communautarismes, nous devons enjamber cette légère difficulté technique.

Je saisis cette occasion pour rendre hommage au travail accompli par Françoise Laborde et, plus largement, par le groupe du RDSE. En la matière, nos collègues font preuve d’une remarquable constance.

En adoptant comme je l’espère le présent amendement, le Sénat franchira un grand pas : je le répète, à l’aune des débats qui peuvent agiter notre société, le principe de laïcité, ce n’est pas rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Après l’assentiment donné par Mme la ministre, et à l’instar de M. le rapporteur, je tiens à rappeler l’attachement du RDSE tout entier aux principes de laïcité et de neutralité.

Compte tenu de ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays comme dans d’autres États, nous devons plus que jamais être fermes sur un certain nombre de valeurs.

Le principe de neutralité, y compris dans l’entreprise, c’est avant tout un principe de liberté. En l’appliquant ainsi, le but est simple : empêcher que le communautarisme ne se développe au sein des sociétés privées, en employant évidemment des moyens compatibles avec les normes, avec la législation de notre pays.

Il est tout à fait indispensable d’inscrire cette disposition dans la loi. Ne nous voilons pas la face !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous l’avez bien compris, chers collègues, il ne s’agit pas d’un lapsus. Nous savons que certaines entreprises subissent des difficultés à cet égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il faut le reconnaître et avoir conscience de ce qui se passe sur le terrain. Dans certaines entreprises, de véritables problèmes se font jour. Aussi devons-nous faire preuve de fermeté : mettons-nous à la place des chefs d’entreprise et des salariés qui sont confrontés à ces situations.

Notre pays est fort d’une valeur essentielle : la laïcité. Ce principe n’est pas opposé aux religions, au contraire, il permet à chacun d’exercer sa religion en toute liberté.

Dans ce contexte, non seulement cette disposition est un pas en avant, mais elle est indispensable face au communautarisme qui, malheureusement, se développe !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Je souhaite simplement répondre en quelques mots à Mme Cohen : nous sommes bien face à la problématique règlement ou pas règlement.

Souvenons-nous de l’affaire Baby Loup. J’en ai véritablement été partie prenante et j’ai déposé, à ce sujet, une proposition de loi. Ce texte n’a pas encore totalement abouti. Soit ! L’essentiel c’est que la négociation au sein des entreprises permette l’application effective du règlement.

À l’époque, certains m’avaient dit qu’il n’y avait aucun souci puisqu’il existait un règlement. Or, dans ce cas précis, celui-ci a été bafoué !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

L’affaire Baby Loup a fini en Cour de cassation. Au total, beaucoup d’énergie, beaucoup d’argent ont été dépensés.

Dans un autre domaine, le groupe Paprec a signé une charte de la laïcité ; mais ce document reste juridiquement très fragile.

Dès lors que les négociations seront reconnues par la loi, ces fragilités disparaîtront.

Mes chers collègues, pour cette simple raison, je vous invite à voter le présent amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

On nous annonçait que le présent texte susciterait un certain nombre de débats : je suis très heureux d’entendre les divers orateurs affirmer, les uns après les autres, que nous pourrions nous unir et voter tous ensemble pour ce principe de neutralité. Bien entendu, je salue leur propos.

Par ailleurs, l’actualité donne à cette discussion un éclairage un peu particulier. Nous sommes en guerre.

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Divers individus ne manqueront pas de mettre les entreprises à l’épreuve. Ils tenteront de s’engouffrer dans toutes les portes qui leur seront ouvertes.

Face à cette menace, il faut graver dans le marbre de la loi une règle d’endiguement !

Certains souhaiteraient transformer la France en un vaste champ de bataille. Dans ce contexte, l’entreprise, comme toutes nos institutions, doit être préservée.

Voilà pourquoi les membres du groupe Les Républicains voteront cet amendement. Alors même que, vous l’aurez observé, la jurisprudence est en train d’évoluer, nous devons donner des outils à nos entreprises pour qu’elles puissent se protéger de tous les extrémismes, de tous les radicalismes !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Madame Laborde, je vous remercie d’avoir déposé cet amendement avec les membres du groupe auquel vous appartenez, et surtout d’avoir opté pour cette rédaction. En effet, ces dispositions ne se limitent pas aux exigences du bon fonctionnement de l’entreprise. Elles s’étendent à l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux.

La neutralité est certes étroitement associée à la laïcité. Mais, parmi les droits fondamentaux, figure également l’égalité, notamment l’égalité entre les femmes et les hommes.

En votant cet amendement, nous permettrons aux entreprises de garantir cette égalité via diverses mesures de neutralité. C’est là un sujet que la délégation sénatoriale aux droits des femmes a particulièrement travaillé.

Enfin, mes chers collègues, ces dispositions rejoignent des conclusions que nous porterons très prochainement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je ne veux pas prolonger le débat, même s’il s’agit là d’une question fondamentale.

Je remercie Mme Laborde et les membres du groupe du RDSE d’avoir déposé cet amendement. L’inscription de ces dispositions dans la loi peut être juridiquement discutable, mais elle est essentielle pour la République.

Cher Bruno Retailleau, permettez-moi simplement de reprendre un mot de votre intervention. Certes, un jour comme aujourd’hui, la République ne peut qu’être secouée. Mais gardons-nous de tout amalgame ! §Il n’y a pas lieu d’applaudir. Je suis certain que nous travaillons tous dans la même direction.

Je tenais simplement à apporter cette précision, car la neutralité concerne tout le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Mme Jouanno a insisté avec raison sur l’égalité, en particulier entre les femmes et les hommes. J’ajoute que la laïcité, valeur fondatrice de notre pacte républicain, garantit à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire tout en assurant la neutralité dans la sphère publique.

À ce titre, Mme Laborde a très bien fait de déposer le présent amendement : ces dispositions bénéficieront aux citoyens, aux salariés, aux organisations syndicales et aux chefs d’entreprise. Elles nous aideront tous à aborder, demain, ces sujets d’une meilleure manière encore.

Je tenais à formuler cette remarque en toute sérénité. Tant que nous, parlementaires, nous accorderons sur toutes les travées pour que la laïcité demeure tel un drapeau claquant au vent, nous pourrons rester fiers de notre engagement !

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Mes chers collègues, je serai brève : je souscris pleinement aux propos du président Guillaume.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 466, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé

Le code du travail est ainsi modifié :

1° À la première phrase de l’article L. 2251-1, les mots : « peut comporter » sont remplacés par les mots : « ne peut comporter que » ;

2° L’article L. 2252-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « interprofessionnel », est inséré le mot : « ne » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

3° Le second alinéa de l’article L. 2253-1 est ainsi rédigé :

« Cet accord ne peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés. » ;

4° Les articles L. 2253-4 et L. 3122-6 sont abrogés.

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet amendement tend à préciser que la convention ou l’accord ne peuvent qu’améliorer les dispositions en faveur des salariés.

Dans le contexte actuel, il est indispensable que les salariés bénéficient de conditions de travail optimales. Il n’est pas possible de continuer à dégrader des situations qui, pour certains individus, sont devenues invivables.

De plus, avec cet amendement, nous réaffirmons notre attachement à la hiérarchie des normes, et nous nous opposons donc avec force à l’inversion des normes !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 463, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° La seconde phrase de l’article L. 2251-1 est ainsi rédigée :

« Ils ne peuvent en aucune façon avoir pour objet ou pour effet de restreindre ou de limiter l’exercice des droits reconnus aux salariés par la loi. » ;

2° L’article L. 2252-1 est abrogé.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Dans la logique exposée à l’instant par Annie David, nous proposons de clarifier le présent article en y écrivant explicitement que les conventions ou accords collectifs ne peuvent en aucun cas avoir pour objet ou pour effet de restreindre les droits des salariés.

À nos yeux, il est essentiel de réaffirmer la démocratie au cœur de l’entreprise.

En obtenant des dispositions plus favorables aux salariés et mieux adaptées à la réalité de leur travail, les syndicats eux-mêmes seront renforcés et la démocratie sociale s’en trouvera grandie.

Notre collègue Patrick Abate l’a souligné cet après-midi même lors des questions d’actualité au Gouvernement : il y a d’un côté les entreprises vertueuses, qui respectent effectivement les règles, et de l’autre celles qui infligent de graves manquements aux droits des salariés. Malheureusement, cette distinction n’est pas opérée.

De surcroît, on persiste à sous-estimer le lien de subordination existant au sein de l’entreprise.

Les représentants des salariés ne sauraient arriver à la table des négociations en étant contraints de défendre systématiquement des droits durement acquis, en étant constamment victimes d’un chantage à l’emploi. Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

L’amendement n° 466 tend à rouvrir un débat que nous avons déjà largement abordé, à savoir celui de la hiérarchie des normes. Par cohérence avec l’esprit du texte qu’elle a adopté, la commission ne peut qu’émettre à son sujet un avis défavorable.

Quant aux dispositions de l’amendement n° 463, elles ne nous paraissent pas nécessaires : par définition, tous les accords et toutes les conventions doivent respecter la loi. Cet impératif va de soi. Aussi, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix l'amendement n° 466.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 248 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 463.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 988, présenté par MM. Joyandet, J.P. Fournier, D. Laurent, Dufaut, Huré, B. Fournier, Nougein, Masclet et Vasselle, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, les articles 244 quater C, 199 ter C, 220 C, 223 O du code général des impôts, et le dernier alinéa de l’article L. 172 G du livre des procédures fiscales sont abrogés à compter du 1er juillet 2016.

La parole est à M. Alain Joyandet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Cet amendement vise à rétablir la « TVA compétitivité ». Je vais peut-être me voir rétorquer que je ne suis pas dans l’ordre du jour, mais si j’ai bien compris, madame la ministre, à travers ce projet de loi vous essayez de faire en sorte de créer le plus grand nombre d’emplois possible le plus rapidement possible.

Nous avons voté l’article 1er dont l’objet est la création d’une commission qui nous expliquera en 2018 ce qu’il faut faire pour modifier le code du travail dans l’espoir que cela créera des emplois. Permettez-moi d’en douter, et de rappeler que vous disposez d’un outil, la « TVA compétitivité », utilisable tout de suite.

Voté hélas trop tard à la fin du quinquennat précédent – cela aurait sans doute dû être fait beaucoup plus tôt –, ce dispositif a été abrogé par le président Hollande, qui a déclaré avoir regretté cette abrogation. Il n’en a malheureusement pas tiré les conclusions, bien que tous les spécialistes s’accordent aujourd'hui pour y voir l’outil le plus efficace et le plus rapide pour créer des emplois.

Ce dispositif consiste à baisser les prix de revient de tous les produits fabriqués en France, et à transférer cette charge notamment sur les produits fabriqués à l’étranger. Tandis que le prix TTC des produits fabriqués en France ne changera pas dans les gondoles des grandes surfaces, celui des produits qui sont fabriqués à l’étranger augmentera de 2 à 3 %. Ce dispositif permet ainsi de restaurer la compétitivité des entreprises françaises, et cela sans augmenter les prix des produits de première nécessité puisque les taux de TVA auxquels ils sont soumis restent inchangés. Il s’agit donc véritablement d’une opération gagnant-gagnant, qui permettrait, sans attendre 2018 et puisque les textes existent, de créer des milliers d’emplois à toute vitesse.

Mon amendement vise donc à supprimer l’abrogation, et à rétablir cette « TVA compétitivité » également appelée « TVA sociale ». Nous redonnerions ainsi d’un seul coup plusieurs points de compétitivité aux entreprises. Je rappelle que l’Allemagne et le Danemark l’ont fait, que ce dispositif ne pose absolument aucun problème de conformité aux règlements européens, qu’il s’agit d’un outil qui est déjà à notre disposition.

Madame la ministre, le président François Hollande a regretté d’avoir retiré la « TVA compétitivité » de sa boîte à outils. Je vous propose de rétablir cet outil, et de nous donner ainsi les moyens d’être efficaces très rapidement en matière de création d’emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Notre collègue Alain Joyandet a présenté deux amendements : le premier vise à supprimer le CICE, et le second à redéployer les sommes qui lui sont allouées afin de rétablir la « TVA compétitivité emploi ».

Sur le fond, je partage totalement l’analyse d’Alain Joyandet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Cet outil a fait ses preuves dans un certain nombre de pays, et, nous le savons, le financement de notre protection sociale ne peut plus durablement reposer autant que c’est le cas aujourd’hui sur le travail. Nous sommes tous conscients qu’à un certain moment les petits ajustements consistant à augmenter certains éléments de 10 % et à en diminuer d’autres d’autant afin de réunir un panier de recettes permettant de financer les dépenses de la sécurité sociale ne suffiront plus.

En réalité, il y a quelques big bang à faire, et celui-là en est sûrement un. C’est pourquoi je rejoins bien volontiers sur le fond Alain Joyandet et les cosignataires de ces deux amendements.

Mais est-ce bien le texte où faire ce big bang ? Ces deux amendements pourraient être présentés lors de la discussion de la loi de finances. Je conçois que ce ne soit pas une réponse satisfaisante pour Alain Joyandet, à qui l’on a déjà dit que d’autres vecteurs étaient possibles…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Mais j’ai tendance à dire qu’un compte à rebours est enclenché, et que chaque jour qui passe nous rapproche peut-être de la mise en œuvre de cette mesure.

La commission demande le retrait de ces deux amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. Mais, je le répète, cette réflexion est indispensable, et elle est d’ailleurs assez partagée sur différentes travées.

Je me souviens notamment que Jean Arthuis était très mobilisé sur cette question avec la commission des finances. Je crois que le souhait de trouver de nouveaux modèles de financement de notre protection sociale sans pénaliser la compétitivité des entreprises est partagé de manière assez transpartisane.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

J’émets pour ma part un avis défavorable, à la fois pour une question de forme et une question de fond.

Depuis son lancement en 2013, le CICE a déjà permis de redonner près de 30 milliards d’euros de marges aux entreprises, notamment aux TPE-PME qui en ont bénéficié à 50 %. Vous citez dans votre amendement l’étude de l’OFCE selon laquelle le CICE aurait déjà permis la création ou la sauvegarde 120 000 emplois. À cela, il faut ajouter l’évolution favorable du taux de marge des entreprises – il y a quelques instants, certains ironisaient lorsque je disais que ça allait mieux –, qui a augmenté de 2, 2 points en 2015 pour atteindre 31, 4 %, son plus haut niveau depuis 2011. Il faut également y ajouter la progression de l’investissement des entreprises, qui est bien sûr central, lequel a crû de 2, 7 % en 2015, ce qui constitue sa plus forte hausse depuis 2011.

Le CICE est donc efficace pour redonner des marges de manœuvre à nos entreprises, stimuler l’investissement, la croissance et la création d’emplois. Son remplacement par une « TVA compétitivité emploi », qui n’a pas sa place dans ce projet de loi – c’est la question de forme –, puisqu’elle relève d’une loi de finances, serait à mon sens un coup très dur porté au pouvoir d’achat des ménages

M. Alain Joyandet hoche la tête en signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Je ferai juste deux observations rapides.

D’une part, j’ai le souvenir, lors de la mise en place d’un certain nombre de modifications en direction des entreprises, que vous avez été les premiers à vous récrier sur la nécessité de maintenir une certaine stabilité en matière fiscale et sociale et de ne pas changer en permanence les règles du jeu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Il serait regrettable d’annoncer aux entreprises que nous avons remplacé le CICE par la TVA sociale au détour d’un amendement.

D’autre part, si ce que vous avez dit est vrai, je m’étonne que ce dispositif n’ait pas été appliqué beaucoup plus rapidement. Il serait en effet miraculeux !

En réalité, une petite erreur s’est tout de même glissée dans votre raisonnement : lorsqu’on augmente le taux de TVA, on pratique certes une TVA « sociale » mais celle-ci pèse néanmoins sur les Français, qui voient les prix d’achat augmenter, et par conséquent, leur pouvoir d’achat rogné alors que celui-ci est aujourd’hui l’un des moteurs essentiels de la croissance.

Le seul avantage, il n’est pas mince, je vous le concède, est qu’en exportant hors taxe nous vendons nos produits moins cher, et qu’en appliquant la TVA sur les produits qui entrent sur notre territoire nous exerçons une forme de protectionnisme qui ne dit pas son nom et qui est relativement doux. Mais malgré cet avantage que présente ce dispositif, son rétablissement nous rendrait responsables de la perte de pouvoir d’achat d’un certain nombre de nos concitoyens, ce qui n’est pas un petit inconvénient.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Monsieur Joyandet, on ne peut qu’être d’accord avec le début de votre exposé des motifs, où vous précisez qu’il convient de « favoriser le recrutement par les entreprises et d’endiguer le cataclysme du chômage qui touche de façon endémique notre pays depuis de nombreuses années ». Vous acceptez donc de partager la responsabilité de ce chômage endémique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Vous poursuivez en nous disant que nos entreprises ont besoin de collaborateurs sereins, qui soient en mesure d’avoir un avenir lisible et en capacité de construire des projets personnels. Je partage totalement votre affirmation.

J’en profite pour dire à Mme la ministre que, il y a quelques instants, je n’ai pas du tout mis en cause le travail des fonctionnaires de Pôle emploi. Ce sont des gens de très grande qualité qui font un travail remarquable. Malheureusement, les résultats ne sont pas au rendez-vous, parce que si c’était le cas nous ne serions pas en train de débattre ! C’est pourquoi, comme l’avait fait Gaëtan Gorce, je propose de nouvelles formules, de nouvelles pistes.

Vous nous dites faire en sorte que les travailleurs aient un avenir lisible. Les travailleurs auront un avenir lisible à partir du moment où ils disposeront d’une garantie de l’emploi. Cette garantie de l’emploi ne peut être obtenue que grâce à une bonne formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Mais les entreprises nous le disent, les formations qui sont données à leurs employés, à leurs salariés ne correspondent pas à leurs besoins. Pour que les formations correspondent aux besoins des entreprises, je crois qu’il faut développer et encourager la formation en alternance. Or, les chiffres des mois de juin, de juillet et d’août prochains nous le confirmeront sans doute, les entreprises ne prennent pas beaucoup de jeunes en alternance.

Madame la ministre, puisque le CICE a permis aux entreprises de récupérer plus de 27 milliards d’euros sous forme de crédits d’impôt, ce qui constitue tout de même un effort considérable de l’État en direction des entreprises, je vous propose, pour reprendre une des expressions préférées de la droite, de faire du gagnant-gagnant.

En reprenant une formule qui a été assez efficace pour l’emploi des personnes handicapées, l’on pourrait imaginer que les entreprises seraient bénéficiaires du CICE à partir du moment où elles auraient pris un certain pourcentage de jeunes en contrat d’alternance. Le quota était de 6 % pour les personnes handicapées, je ne sais pas s’il faut le fixer pour les jeunes en alternance à 6, 5, 7 ou 4 %. Nous pourrons en discuter, madame la ministre, mais je vous propose d’assortir le CICE de l’obligation pour les entreprises de prendre des jeunes en contrat d’alternance.

Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Avec nos collègues des finances nous sommes un peu étonnés à la lecture de ces deux amendements de certains de nos collègues du groupe Les Républicains qui recommandent la disparition du CICE. Pour autant, madame la ministre, je ne partage pas votre vision sur cette mesure qui est coûteuse pour les finances publiques et, de surcroît, économiquement inefficace, prise par le gouvernement auquel vous appartenez dans le souci de restaurer les marges de nos entreprises, une restauration passant par un crédit d’impôt sans aucune obligation.

L’exposé des motifs des amendements de nos collègues nous confirme la nécessité de sortir de ces politiques d’aide aux entreprises fondées sur une conception qui considère que le coût du travail pénalise l’activité économique sans jamais s’interroger sur le coût du capital, sans s’inquiéter des conséquences d’une politique bancaire qui privilégie la finance plutôt que les secteurs créateurs d’emploi.

Le rapport de l’OFCE sur le CICE dont fait état cet exposé des motifs est beaucoup plus prudent. En effet, ce ne sont pas 120 000 emplois qui ont été créés grâce au CICE, ce sont 150 000 emplois qui devraient être créés sur une période de cinq ans. Le conditionnel n’est pas l’indicatif.

Mme Nicole Bricq s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Et si ces emplois avaient été créés, ce sont 130 000 euros par an, Mme la ministre vient de rappeler le chiffre, pour la création d’un emploi avec le concours du CICE qui auraient été nécessaires. Quelle somme, dans un pays où la moyenne des salaires bruts mensuels peine à dépasser 2 200 euros !

Et nos collègues pensent qu’il n’y en a pas encore assez ! Pour financer la précarité grandissante du travail, ils nous appellent même à appliquer tout de suite une TVA à 25 % au taux normal ! Au-delà l’Europe ne le permettrait pas, donc on s’arrête à 25 %

Seulement voilà, cela ne suffira pas, et quand on voit le piteux résultat obtenu par le CICE au regard de la situation de l’emploi, l’on comprend que la TVA « compétitivité » n’est rien d’autre qu’une nouvelle charge fiscale transférée sur les ménages modestes, et c’est d’autant plus intolérable que ce sont ces ménages qui payent ensuite la facture en qualité de consommateurs.

Nous ne voterons donc pas ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Je voudrais remercier mon collègue Alain Joyandet pour son rappel de l’intérêt de transférer de la fiscalité de la production vers la consommation. Le coût du travail est en partie responsable du chômage dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Je remercie également notre rapporteur d’avoir rappelé l’action de Jean Arthuis dans ce domaine, notamment à travers son rapport de 1993. Les frontières de l’Union européenne venaient d’être ouvertes, et il expliquait que le monde avait changé, qu’il ne fallait pas que nos entreprises produisant en France soient en difficulté parce que les charges y étaient plus lourdes, et qu’il fallait donc transférer la fiscalité de la production vers la consommation.

C’était il y a vingt ans, et je m’en rappelle très bien parce que mon entreprise d’électronique était l’une des premières confrontées à cette vague, et que j’ai dû partir pour faire en sorte qu’elle résiste. Évoquer cela revient toutefois à retourner le couteau dans la plaie, puisque, en 2007, un certain Jean-Louis Borloo, ministre des finances éphémère du premier gouvernement de Nicolas Sarkozy, avait justement défendu cette approche, mais cela avait été reporté avant d’être finalement voté hélas, et je vous remercie de l’avoir dit, monsieur Joyandet, sans doute un peu trop tard.

Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, chaque jour nous rapproche de ce mouvement. Je suis également d’accord avec vous pour dire que cet amendement relève de la loi de finances. Soyons patients, le coût du travail est responsable, mais il n’est pas le seul responsable de notre chômage, la complexité de notre droit l’est aussi et c’est pour cela et à cela que nous travaillons maintenant.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Je ne dirai que quelques mots pour soutenir l’amendement d’Alain Joyandet. Nous sommes dans cet hémicycle non pas pour dire quel est le gouvernement qui aurait le plus fauté en matière de chômage, mais, sachant que personne ici ne détient « la » vérité ni ne prétend trouver « la » solution, pour essayer de trouver des leviers permettant d’enrayer le mal qui frappe notre pays.

La TVA sociale qui a été expérimentée dans d’autres pays est un levier efficace. Il n’est pas parfait, mais il s’inscrit dans une logique permettant de faire en sorte que les produits importés payent une petite partie de nos charges sociales, tandis que les prix des produits fabriqués dans notre pays n’augmenteront pas puisque l’on diminuera d’autant le coût de production par la réduction des charges sociales.

C’est un système logique, qui a fait ses preuves dans d’autres pays et que je soutiens donc très fortement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

… qui est aussi celle de MM. Cadic et Joyandet. Comme l’a dit Annie David, ce sont toujours les mêmes recettes qui sont préconisées. Vous souhaitez baisser le coût du travail, car vous considérez que le travail est d’abord un coût.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Nous, nous considérons que le travail est d’abord une richesse, et qu’il est créateur de richesse. Là est toute la différence.

Le CICE n’est déjà pas une bonne mesure. Il coûte cher pour des résultats quasi nuls en termes d’emploi. Mais vous voulez transférer encore davantage de charges vers les consommateurs avec ce que vous appelez « la TVA sociale ».

C’est quand même fort en termes d’abus des mots ! Vous parlez de coût du travail plutôt que de richesse, de plan de sauvegarde de l’emploi plutôt que de licenciements, et maintenant la TVA devient « sociale » alors que c’est l’impôt le plus injuste qui puisse exister, puisqu’il frappe les gens quels que soient leurs revenus.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Les dispositions que vous proposez vont toujours dans le même sens, parfaitement injuste.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

J’ai entendu les arguments du rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne : sans débattre sur le fond du dispositif que veut promouvoir notre collègue Alain Joyandet, ce n’est peut-être pas le lieu de voter la TVA compétitivité ou TVA sociale.

Toutefois, j’ai la conviction que le dispositif décrit et soutenu par notre collègue sera positif pour la France. §Mes chers collègues, nous pouvons au moins nous en tenir à observer la situation existant au Danemark ou en Allemagne : dès lors que les systèmes sociaux sont en compétitivité, si vous êtes contre le dumping social, vous pouvez défendre l’idée de « déporter » les recettes dont a besoin la sécurité sociale, pas uniquement celles qui portent sur le travail intégré dans les produits français vendus en France et ailleurs, mais surtout en France, mais aussi celles qui concernent les produits étrangers vendus en France, afin que ceux-ci puissent contribuer à l’équilibre de nos comptes sociaux.

Je ne vois pas quel parlementaire pourrait s’opposer à l’idée d’une compétitivité au moins sociale. Si, demain, la sécurité sociale n’a pour assiette que le travail, alors, vous le verrez, elle sera confrontée à de graves difficultés.

M. Jean-Claude Lenoir opine de nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Le Sénat avait commis un rapport il y a quelques années sur ce sujet. L’un de nos collègues nous a alertés sur le fait que la TVA compétitivité allait accroître le prix des produits français. C’est faux !

Dans un monde dans lequel sévit une extrême concurrence, on n’a pas observé d’inflation, ni d’augmentation des prix dans les pays ayant baissé les cotisations sociales, mais, en revanche, le chômage a baissé…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… et la balance commerciale a augmenté positivement, ce qui a eu des effets sur l’emploi. Pour la sécurité sociale, pour l’emploi, pour la balance commerciale, la TVA sociale est une mesure positive. On y reviendra. Je me rallierai évidemment à l’avis du rapporteur, mais Alain Joyandet a eu raison d’engager le débat ici au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je veux rappeler quelques points essentiels qui ont été soulevés.

Madame la ministre, on peut dresser aujourd'hui le bilan du CICE.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

On voit bien que le calcul est particulièrement compliqué : c’est au fil des années que cette mesure a pu être productive. Elle a créé un effet d’aubaine pour un certain nombre d’entreprises – tout le monde sait lesquelles sont ici visées ! Le CICE a donc ses limites.

D’ailleurs, des mesures avaient été prises pour combler les distorsions qui sont apparues. Le CICE posait un certain nombre d’autres problèmes, notamment des distorsions de concurrence, pour l’économie sociale et solidaire.

Même s’il a permis aux entreprises de récupérer sous forme de crédit d’impôt 27 milliards d’euros, ce n’est là que leur rendre leur argent ! Depuis quelques années, elles ont été ponctionnées bien plus largement que cela ! Cette mesure a été prise en catastrophe…

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

… quand on s’est rendu compte que les entreprises n’étaient plus compétitives tant elles étaient ponctionnées.

Pour conclure, je veux dire qu’une telle mesure doit être prise en début de mandat et non pas en fin de mandat.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

On le voit bien, madame la ministre, les mesures prises en fin de mandat, telles que celles que vous défendez dans ce projet de loi, sont de nature à créer des difficultés. Dans le cas contraire, vous n’en récolterez même pas les fruits.

Tout cela mérite donc d’être discuté dans le cadre d’une stratégie et d’un projet novateur.

M. Olivier Cadic applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Madame la ministre, je serai bref, car tout a été dit.

Le CICE présente un avantage, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un crédit d’impôt perçu après le bilan. Pour créer des emplois ou soumissionner pour des marchés, les petites entreprises notamment tiennent compte de leurs frais, dont leurs charges actuelles : elles ne projettent pas de bénéficier du CICE un an et demi plus tard.

La TVA sociale défendue par M. Alain Joyandet est une bonne décision : elle permet de faire baisser immédiatement les charges, en particulier pour les petites entreprises qui n’ont pas beaucoup de trésorerie, et pourront alors créer tout de suite des emplois, sans attendre de percevoir le CICE un an et demi après.

Je ne reviendrai pas sur les effets engendrés sur les produits importés, M. Raison les a évoqués. L’augmentation de la TVA sur les produits importés peut être une bonne mesure, notamment pour l’agriculture.

Concernant les créations d’emploi, cela a été dit précédemment, elles ont peut-être été au rendez-vous, je n’en connais pas exactement le nombre. Mais, il faut le dire, grâce au CICE, certaines entreprises ont pu maintenir leur trésorerie, et ainsi conserver des emplois : elles avaient tout de même été massacrées au cours des deux premières années du quinquennat.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler. Je suivrai l’avis du rapporteur, tout en affirmant de nouveau que la TVA sociale est une bonne décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je soutiens sans réserve la proposition de notre collègue Alain Joyandet.

Permettez-moi d’insister sur un point. Nous le savons, notre pays souffre d’une absence d’attractivité, et ce à deux niveaux.

Une attractivité pour les jeunes, pour ceux qui veulent créer.

Nous avons entendu précédemment un témoignage extrêmement intéressant de notre collègue Olivier Cadic, qui a rappelé qu’il avait choisi d’aller à l’étranger pour développer son activité.

Une attractivité pour les investissements étrangers en France.

Voilà trois semaines, le quotidien Les Échos a publié une étude extrêmement intéressante et très significative. Alors que les trois ou quatre pays majeurs qui nous entourent – il n’est pas nécessaire de les désigner ! – ont vu leur taux d’investissements étrangers progresser de 14 % au cours des cinq dernières années, le taux d’investissements étrangers en France s’est maintenu au même niveau pendant quatre ans, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

… et a connu un fléchissement de 2 % en 2015.

Il y a un décalage extraordinaire, malheureusement pour nous, entre les investissements réalisés en France et ceux qui sont réalisés dans les pays qui nous entourent. Pourquoi cette situation ? Les dirigeants des entreprises qui ont à choisir entre plusieurs pays le disent, cela est dû à la lourdeur du code du travail, au coût du travail, avec des effets très pénalisants.

Jean-Pierre Bosino nous a expliqué que le travail était non pas une charge, mais une richesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Soit ! Mais la richesse est partagée par beaucoup de pays. Les gisements d’emplois sont à la fois plus nombreux et se sont étendus au cours des dernières années. On ne peut pas faire abstraction de l’attractivité exercée par des pays voisins, qui offrent une main-d’œuvre qualifiée et des conditions de travail satisfaisantes, avec, dans le même temps, des charges financières et administratives moins lourdes.

Pour ma part, je plaide pour une plus grande attractivité si l’on veut créer des emplois en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

M. Gérard Bailly. Je serai bref. Je suis très favorable à la TVA sociale pour financer notre protection sociale.

M. Patrick Abate s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Je veux m’adresser à nos collègues communistes qui nous objectent que les classes sociales les moins fortunées paieront. Un ménage avec un revenu de 1 500 euros par mois s’acquittera sans doute d’une TVA à 7 % et à 10 %. Mais un ménage gagnant 6 000 euros par mois et au-delà paiera quatre fois plus de TVA…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

…, sauf s’il place beaucoup d’argent. Mais, à mon avis, il dépensera ! Et, chers amis, il sera assujetti non pas à une TVA à 7 %, mais à une TVA beaucoup plus élevée, à 10 % et à 20 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Ce sont donc ceux qui auront les plus gros salaires qui paieront trois ou quatre fois plus pour la protection sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Essayez de me prouver le contraire ! Je ne pense pas que vous puissiez…

Enfin, s’agissant des produits importés, on voit bien la provenance de tous les produits que l’on trouve dans les grandes surfaces. Aujourd'hui, il faut bien aussi faire payer la protection sociale à ceux qui nous envahissent de produits.

Personnellement, je suis vraiment favorable à la TVA sociale. Que l’on me démontre que les classes sociales les moins aisées paieront davantage ! Ce n’est pas vrai. Elles paieront au maximum une TVA à 7 % ; alors que les autres paieront quatre fois plus. Et tant mieux si c’est ainsi !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Je suis un peu surpris par le débat. Je me demande si nous discutons encore du code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. L’ordre du jour est suffisamment copieux pour que nous ne nous perdions pas dans un débat comme celui-ci, qui viendra en son temps. Je note que les chantres de la diminution des impôts proposent un impôt supplémentaire

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

… qui sera payé par tout le monde. Dont acte !

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Nous voulons diminuer les charges, ce que vous n’avez pas fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Vous le savez très bien, avec la TVA sociale, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Vous avez augmenté la TVA sans diminuer les charges !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

… la réduction des prix est hypothétique. Elle entraînera des dépenses supplémentaires pour celles et ceux qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts.

(Sourires.) –, Alain Madelin s’étonne de voir la purge libérale qui se prépare

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

: « C’est du Robin des Bois à l’envers où l’on va prendre de l’argent aux pauvres pour le donner aux riches. »

Bravo ! sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Dans une interview – je n’ai pas pour habitude de lire ses écrits ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. J’aimerais bien que l’on en revienne à notre ordre du jour. Le débat sur la TVA sociale viendra en son temps ; nous avons aussi des arguments sur ce point. Pour l’heure, revenons-en à notre débat !

Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Je serai assez bref, mais je veux répondre aux interpellations : à raisonnement idiot, raisonnement idiot et demi…

Si le travail est vraiment un coût, pourquoi voulez-vous augmenter sa durée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Voilà qui n’est pas très logique.

Sur le fond, il faut le savoir, quand une entreprise française verse un euro de cotisations sociales, elle verse en moyenne deux euros de dividendes aux actionnaires et d’intérêts aux sociétés financières.

M. Patrick Abate et Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

On voit qu’une forme de consensus se dégage sur le CICE. Sans refaire le débat, notre collègue Annie David a montré que cette mesure coûtait cher. Est-ce là le meilleur moyen de relancer l’économie ? Avec 130 000 euros par emploi, on peut mieux utiliser l’argent public, l’argent des contribuables.

Un autre point me paraît important. L’idée qui semble sous-jacente à toutes ces propositions, quelles qu’elles soient, c’est que notre système de protection sociale serait devenu en quelque sorte financièrement insupportable.

Je l’avais dit dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et je le redis ici, le déficit de la sécurité sociale représente un découvert de quelques dizaines d’euros pour un salarié qui gagne 1 500 euros par mois. Ce n’est donc pas catastrophique.

Vous êtes tous des élus locaux, ou vous l’avez été. Aussi, avec la suppression de la taxe professionnelle, vous avez pu constater les dégâts provoqués par la déconnexion entre les impôts et les lieux de création de la richesse. On voit bien aujourd'hui la diminution des dotations de l’État. Il faut qu’il y ait un lien très serré entre les ressources de l’État, en l’occurrence celles de la sécurité sociale, et le lieu de création des richesses.

Dans le cadre du financement de la sécurité sociale, le problème réside dans les exonérations massives accordées aux entreprises. Je vous le rappelle, dans le budget de la branche famille de la sécurité sociale, les exonérations massives de cotisations sociales jusqu’à 1, 8 SMIC, la suppression de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, et bien d’autres encore.

Pour en revenir au code du travail, et j’en terminerai par là, on observe actuellement une évolution du statut des actifs : de moins en moins de salariés

MM. Jean-Noël Cardoux et Rémy Pointereau ainsi que Mme Marie-Annick Duchêne frappent sur leur pupitre en signe d’impatience.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

, avec les ubérisés et les faux indépendants. Redonner à la sécurité sociale toutes ses ressources fait partie du débat relatif au code du travail.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Que je sache, le CICE est un crédit d’impôt ; il ne s’agit donc pas d’un impôt supplémentaire. Il est prélevé directement sur le budget de l’État. C’est plutôt l’État qui fait des crédits d’impôt aux entreprises.

La TVA sociale a été mise en place par le président Sarkozy à la fin du quinquennat précédent, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2013. Cette mesure a été abrogée en août 2012. De nombreuses modifications ont été apportées depuis 2012 concernant les cotisations sociales ; la TVA a même augmenté sous la présidence Hollande. On ne sait donc pas très bien quelles seraient les conséquences de la TVA sociale, puisqu’elle a été abrogée.

Comme l’a relevé le rapporteur, l’idée n’est pas mauvaise. J’ai entendu certains d’entre vous dire que cette mesure pourrait être une bonne idée pour financer la protection sociale. Mais la décision n’a pas été prise : la protection sociale peut être financée par les cotisations sociales, ou par la TVA ou par la CSG. Or, à ce stade, personne n’a encore pris de décision sur ce sujet aussi important.

L’idée est bonne. Mais l’amendement ne prévoit pas les modalités d’application de cette mesure et on ne sait pas les effets de celle-ci.

C’est pourquoi le rapporteur a demandé le retrait de cet amendement, dans l’attente d’engager une réflexion plus approfondie sur cette question. Je le répète, on ne sait pas aujourd'hui comment on pourrait appliquer cette mesure. Voilà tout simplement ce qu’a dit le rapporteur, et je vous demande de le suivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur Joyandet, l’amendement n° 988 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Je tiens tout d’abord à dire que nous sommes au cœur de l’ordre du jour : « nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. », comme le précise l’intitulé du présent projet de loi.

Permettez-moi de formuler quelques observations.

Chacun doit reconnaître la bonne foi de l’autre. Dans cette affaire, point de caricature. Madame la ministre, vous l’avez vu lorsque j’ai présenté mon amendement, tout en rendant hommage au CICE, j’ai regretté qu’il ne s’agisse que d’un crédit d’impôt, car ce n’est pas facile à vivre pour les entreprises. Aussi, j’ai proposé de le remplacer par une baisse de charges structurelles

Mme Nicole Bricq s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Je vois aujourd'hui combien les PME galèrent pour récupérer leur crédit d’impôt, et c’est pire encore pour les entreprises plus importantes ; je puis vous soumettre, madame la ministre, des exemples d’entreprises à qui vous refusez par écrit de verser ce crédit d’impôt pour moult raisons – elles sont nombreuses.

Le CICE a créé des emplois, je ne le nie pas. Mais je dis simplement que si nous transformions cette mesure en baisse de charges, celle-ci serait beaucoup plus efficace et durable, et le nombre d’emplois créé serait, selon moi, bien plus important.

À cet égard, j’apporterai plusieurs précisions.

Ne croyez pas, mes chers collègues, que notre position relève d’un libéralisme échevelé. Car oui, bien sûr, quoi que certains en disent, la TVA sociale est sociale !

Prenons un exemple concret – un exemple qui devrait vous être agréable, mon cher collègue qui êtes élu du pays de Montbéliard : si l’on augmente la TVA mais que l’on baisse les charges, le prix d’une Peugeot 508 reste inchangé pour celui qui l’achète ; en revanche, le prix d’une grosse Mercedes achetée par un Français augmente, car, grâce à la TVA sociale, cette voiture contribue au financement de notre modèle social. Preuve que la TVA sociale est bien sociale !

En outre, comme l’a expliqué Gérard Bailly, la TVA est aussi progressive, puisque celui qui achète une Peugeot 206 ne paie pas le même montant de TVA que celui qui achète une grosse Mercedes, surtout si la TVA sociale est instaurée.

Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Comme j’ai besoin d’une minute supplémentaire pour terminer ma démonstration, je vous propose, monsieur le président, de renoncer à mon temps de parole sur l’amendement n° 989, pour que vous m’autorisiez à poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je regrette, mon cher collègue, mais nous examinons présentement l’amendement n° 988.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

C’est entendu, monsieur le président, mais je suis également l’auteur de l’amendement suivant, l’amendement n° 989. Je vous propose donc de défendre les deux ensemble pour nous faire gagner du temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur Joyandet, nos collègues se sont déjà exprimés sur l’amendement n° 988. Il doit être mis aux voix avant que l’amendement n° 989 ne soit appelé en discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

M. Alain Joyandet. Je ne crois pourtant pas avoir abusé de mon temps de parole. Hier, nous avons passé toute la nuit sur cinq amendements !

Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Voilà trois quarts d’heure que nous débattons de celui-ci !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Toutefois, puisque vous êtes aussi formel, monsieur le président, je reprendrai la parole dans quelques instants pour défendre l’amendement n° 989.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur Joyandet, qu’advient-il de l’amendement n° 988 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 988 est retiré.

L'amendement n° 989, présenté par MM. Joyandet, J.P. Fournier, D. Laurent, Dufaut, Huré, B. Fournier, Nougein, Masclet et Vasselle, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 1er de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est abrogé.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Joyandet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Dans ma recherche de législateur, et de législateur qui n’est pas plus libéral que vous, chers collègues de l’opposition sénatoriale, j’essaie simplement de trouver une solution pour créer des emplois et pour réformer la vie interne des entreprises, sans que cela se fasse sur le dos des travailleurs. Or, voyez-vous, je préfère la TVA sociale à l’article 2 de Mme El Khomri !

En effet, moi qui, comme chef d’entreprise, ai des collaborateurs de quarante ans qui se lèvent à deux heures du matin pour faire des heures supplémentaires majorées de 25 %, je n’ai pas envie que, à cause d’une loi, il y ait un risque que j’aille leur expliquer que, peut-être, dans un mois, dans deux ou dans six, leurs heures supplémentaires ne seront plus majorées que de 10 %. Je trouverais cela beaucoup plus antisocial que la TVA sociale !

M. Michel Le Scouarnec applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Les sénateurs de mon groupe le savent bien ; c’est le parti socialiste qui nous propose l’article 2 du projet de loi, monsieur Bourquin ! Hier, nous avons passé toute la nuit, pour ceux qui étaient là, sur cinq amendements qui n’avaient aucune chance d’aboutir, et alors que la réforme du code du travail qu’une commission est censée préparer ne verra jamais le jour. Au passage, mes chers collègues, je me demande à quoi nous servons, nous parlementaires, si nous ne sommes pas capables de réformer nous-mêmes le code du travail… C’est pourquoi j’ai pris, en m’abstenant sur l’article 1er, une position qui n’était pas totalement celle de mon groupe.

Je vais également retirer l’amendement n° 989, parce que j’entends ce que me dit M. le rapporteur ; mais je maintiens que je préfère la TVA sociale, qui soutiendrait la compétitivité des entreprises et faciliterait la création d’emplois sans que cela se fasse sur le dos des travailleurs, à ce que nous propose le Gouvernement, car si la petite loi qu’on nous annonce devait voir le jour, ce qui est hautement improbable, ce serait la première fois que le parti socialiste proposerait une telle régression sociale. Moi, en tant qu’employeur, je ne soutiens pas ce machin-là et je prétends que la TVA sociale est sociale !

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mmes Élisabeth Doineau et Françoise Gatel applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Je retire l’amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 989 est retiré.

Chapitre Ier bis

Renforcer la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes

L’amendement n° 242 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Supprimer cette division et son intitulé.

La parole est à M. Olivier Cadic.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

En vue de simplifier le code du travail, nous vous proposons de supprimer le chapitre Ier bis du projet de loi, intitulé « Renforcer la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ».

Nous parlons en effet du code du travail. Or le harcèlement est déjà défini par le code pénal, qui s’applique à tous et dans toutes les situations. Plus précisément, l’article L. 222-33-2 de ce code punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Si nous devons modifier l’état du droit en matière de harcèlement, de discriminations ou d’agissements sexistes, il faut le faire dans le code pénal !

Aujourd’hui, notre droit est dupliqué : il faut se référer à la fois au code pénal et au code du travail, dont, de surcroît, les définitions du harcèlement moral ne sont pas identiques, puisque, selon celui que l’on applique, on ne doit pas établir les mêmes preuves pour constituer le délit. Selon moi, le harcèlement et la discrimination au sens large doivent être poursuivis de la même façon partout où il y a des victimes, que ce soit dans la rue, les transports ou les entreprises.

Mes chers collègues, faisons un droit simple, cohérent et, surtout, appliquons-le !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

La commission sollicite le retrait de cet amendement, dans la mesure où elle a adopté les articles 1er bis à 1er quinquies du projet de loi. Supprimer la division chapitre Ier bis et son intitulé présupposerait que nous allons supprimer l’ensemble de ces articles. Nous discuterons du fond à propos de chacun des articles.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre

Je suis résolument défavorable à cet amendement, puisque vous souhaitez supprimer l’ensemble des articles du projet de loi qui renforcent la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

Je vous avoue, monsieur Cadic, que votre proposition m’inspire un certain étonnement. En effet, la situation actuelle dans ce domaine est préoccupante, ce que nous ne pouvons tolérer. Le combat est donc loin d’être fini et nous devons tout mettre en œuvre pour le mener.

Mmes Annie David et Laurence Cohen opinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Il serait dommage que cet amendement ne soit pas adopté, car notre objectif doit être de simplifier le code du travail. Chacun sait que celui-ci est extrêmement épais et quasiment incompréhensible pour beaucoup. Le simplifier est donc indispensable.

Des dispositions relatives au harcèlement figurent également dans le statut général des fonctionnaires. Il est temps que l’on s’en tienne à une seule référence, sans doute celle du code pénal, appliquée de façon systématique. Ainsi, nous éviterons la coexistence d’approches différentes et, surtout, nous simplifierons le droit, ce qui n’empêche pas bien sûr de devoir respecter les uns et les autres et en particulier réprimander ces types d’agissements.

Plusieurs sénatrices du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain s’indignent de l’emploi du verbe « réprimander ».

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur Cadic, l’amendement n° 242 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Comment appliquons-nous les lois que nous votons dans ce domaine ? Tel est le fond du problème. Ce n’est pas parce qu’on écrit une règle trois fois qu’on la fait mieux appliquer !

De jeunes Français vont parfois chercher un emploi dans un autre pays, où ils ne sont pas discriminés à cause de leur nom, alors qu’ils ont le sentiment de l’être en France.

En ce qui concerne le harcèlement, pensons à celui qu’exercent sur certains jeunes leurs propres parents. Nous avons fait un beau texte sur le mariage forcé. Résultat : trois condamnations ont été prononcées en 2013 et trois autres en 2014. Quand je vais au Maroc, tous les mariages sont arrangés ! Il y a là aussi une pression de la part des parents sur les enfants.

Le harcèlement et les discriminations sont une réalité dans la rue, le métro et dans nombre d’autres endroits. Je ne vois vraiment pas pourquoi il faudrait dupliquer le droit ; on doit appliquer le code pénal, et voilà tout !

Comme il paraît que nous aurons du mal à faire comprendre notre démarche et que nous n’arriverons pas à parler du vrai sujet, nous avons décidé de retirer l’amendement n° 242 rectifié, ainsi que les amendements n° 248 rectifié, 246 rectifié, 247 rectifié et 249 rectifié. Reste que, en discutant de tout cela, on se fait surtout beaucoup plaisir…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Les amendements n° 242 rectifié, 248 rectifié, 246 rectifié, 247 rectifié et 249 rectifié sont retirés.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

J’avertis nos collègues membres de la commission des affaires sociales que nous nous réunirons à vingt heures trente, soit une heure avant la reprise de la séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.