Notre amendement vise à rétablir la portée du principe de faveur, garantie de notre ordre social.
Ce texte consacre en effet une évolution entamée, en réalité, depuis une trentaine d’années et qui s’accélère depuis quinze ans et, singulièrement, depuis la crise de 2008. Votre texte s’inscrit ainsi dans les pas de la loi Fillon de 2004 et de la loi Bertrand de 2008. Il est éclairant, madame la ministre, que vous soyez sur ce point en accord complet avec la majorité sénatoriale. Les arguments que vous utilisez sont d’ailleurs les mêmes : il s’agirait de favoriser la flexibilité des entreprises et la démocratie dans l’entreprise.
De fait, vous faites appel au bon sens pour imposer des mesures régressives et faire accepter des reculs en matière de droits. Ce bon sens et cette pédagogie consistent en vérité à revenir sur la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation et du Conseil d’État, établie en application des principes contenus dans le code du travail.
Vous revenez surtout sur le principe de faveur, disposition qui, en définitive, constitue le ciment de l’édifice du droit du travail. Rappelons que ce principe offre aux salariés la garantie que tout accord négocié au plus près d’eux sera conclu dans un sens favorable. C’est une garantie contre l’arbitraire, contre le chantage et contre les pressions.
Bien sûr, vous arguez que notre vision des entreprises est caricaturale et que nous raisonnons en termes de rapports de force. Nous faisons pourtant simplement le constat d’un déséquilibre sur le marché du travail, dont vous niez l’existence, et d’une dissymétrie dans le rapport contractuel entre salariés et employeurs.
Il faudrait plutôt s’attaquer à la sacro-sainte concurrence sciemment engagée et organisée entre les salariés : c’est elle en effet qui fait baisser les droits ; c’est elle qui justifie, dans toutes les entreprises où elle a inspiré des accords compétitivité-emploi, toutes les politiques de précarisation. C’est cela qu’il faut combattre !
À nos yeux, rétablir le principe de faveur et la hiérarchie des normes, ou encore faire primer la loi sur la dérogation, ce n’est pas, contrairement aux affirmations de M. le rapporteur, entamer les facultés d’adaptation des entreprises – il y a déjà beaucoup de flexibilité, et même trop, dans le droit du travail. Au contraire, c’est asseoir l’efficacité économique sur son meilleur levier, à savoir le progrès social.