La question du principe de faveur comme celle de la hiérarchie des normes sont fondamentales dans notre République, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler hier. Nous pensons que le droit des parties, c'est-à-dire le contrat, ne saurait s’opposer à ce que l’on considère être l’intérêt général, lequel doit être fixé par la loi.
Or l’intérêt général, c’est qu’il n’y ait pas de reculs sociaux dans notre pays. Rien ne légitime que le développement des techniques et l’enrichissement de nos capacités productives permettent des réductions de nos droits sociaux. Je ne parle pas d’acquis sociaux, j’entends par là l’organisation et le fondement de ces droits, notamment le niveau des rémunérations, l’organisation du temps de travail et le temps de travail.
Bien sûr, nous respectons les accords d’entreprise et sommes favorables à leur développement et à leur élargissement. Nous avons formulé hier des propositions en ce sens sur la formation, la mutation technologique, notamment numérique. Cependant, il faut être certain que la négociation ne remette pas en cause l’intérêt général.
Prenons un exemple dans le champ du politique. On fait voter la population qui habite tout autour du site de Notre-Dame-des-Landes. Son intérêt est-il le même que celui du département de la Loire-Atlantique, celui de la région, celui du pays ? §Vous voyez bien que le lieu où se prend la décision conditionne les résultats !
Ce qui est gênant, c’est que nous évoluons dans un système concurrentiel. Si une entreprise accepte des reculs sociaux, les entreprises de la même branche auront beau jeu de dire à leurs salariés qu’elles peuvent encore gagner des « parts de compétitivité », quand il s’agit de sous-traitants, qu’elles peuvent coûter moins cher à leurs donneurs d’ordre, mais que cela suppose qu’elles décident les mêmes reculs sociaux. L’intérêt général, c’est donc bien que le cadre soit permanent.
À l’échelle européenne, nous sommes les premiers à dire qu’il n’est pas normal que le salaire minimum dans certains pays soit si bas : cela crée de la concurrence et nous voilà menacés par des délocalisations là où le coût du travail est anormalement bas et très décalé par rapport à celui que nous connaissons. Un accord majoritaire sous la pression des événements, de la difficulté des entreprises, de l’intérêt des salariés de cette entreprise peut donc être signé, déstabilisant l’ensemble de notre modèle social.
C’est en cela que la clause de faveur et la hiérarchie des normes sont fondamentales. Quand on se dit progressiste, on n’imagine pas que la négociation puisse affaiblir les conditions sociales qui ont été fixées.