Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du 27 octobre 2009 à 9h30
Questions orales — Publicité pour le tabac

Photo de Jacqueline GouraultJacqueline Gourault :

Madame la ministre, ne pouvant être présente parmi nous ce matin, Anne-Marie Payet m’a demandé de soulever la question des méthodes publicitaires douteuses utilisées pour la promotion du tabac.

L’article 13 de la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé interdit toute publicité, promotion et parrainage en faveur du tabac ; la loi Évin, quant à elle, interdit la publicité en France. Cependant, cette dernière interdiction a suscité le développement d’une publicité indirecte très efficace orchestrée par l’industrie du tabac.

Le paquet de cigarettes est le premier agent publicitaire utilisé. Sa présentation, sa couleur, son logo jouent un rôle très important.

Les données scientifiques montrent qu’une standardisation des paquets est nécessaire. Ces paquets, dits « génériques », seraient tous d’une même couleur, sans logo, et comporteraient simplement le nom de la marque en caractères standardisés. Une telle présentation uniforme de tous les paquets de cigarettes permettrait aussi d’identifier immédiatement les paquets provenant d’un autre pays.

Avant que cet objectif ne soit atteint, il faudrait réduire l’effet incitatif du paquet de cigarettes en apposant sur ses deux faces des avertissements sanitaires en images, plutôt que textuels. Ces avertissements occuperaient 50 % de la surface du paquet et seraient situés dans sa partie supérieure, et non dans sa partie inférieure, comme c’est actuellement le cas.

De plus, la vente sous le comptoir des produits du tabac doit être envisagée par la France, comme cela se fait dans d’autres pays, tels que l’Irlande ou l’Australie.

La publicité sur le lieu de vente est interdite par l’article 13 de la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé. Cependant, la loi Évin autorise la présence d’affiches de format 60x80 chez les buralistes, mais les industriels du tabac ne respectent pas ce format.

La publicité indirecte passe également par le sponsoring et le mécénat. Bien que, en vertu du 3° de l’article 5 de la convention-cadre, la politique de santé publique ne doive pas être influencée par les intérêts commerciaux de l’industrie du tabac dans les domaines de la santé et de l’éducation et que tout cofinancement entre le public et l’industrie du tabac soit interdit, le soutien actuel de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière par un industriel du tabac est un exemple flagrant d’infraction à cette règle.

Par ailleurs, le cinéma et la télévision apparaissent comme le plus puissant agent de promotion du tabac depuis l’interdiction de la publicité. Je tiens à souligner que certains films sont de véritables publicités pour le tabac. Il est anormal de laisser cette publicité insidieuse se faire en toute impunité en France, alors que les films y sont en partie financés par l’État, c’est-à-dire par l’ensemble de la population.

Il convient donc de proposer au Conseil supérieur de l’audiovisuel de créer un sigle spécifique, qui s’afficherait sur les films trop « enfumés », si je puis dire, pour alerter les parents et protéger les enfants, et de faire passer un message antitabac avant la diffusion d’un film à la télévision, au cinéma et sur les DVD dès lors que des marques et produits du tabac y apparaissent.

Il est également indispensable de mettre en garde les producteurs et réalisateurs de films sur le fait que la présence des marques et des produits du tabac dans les films incite les jeunes à fumer. Il faut les encourager à introduire des règles de bonne conduite.

Tout financement direct ou indirect de la production de films ou d’émissions télévisées par l’industrie du tabac doit être proscrit. Montrer un acteur en train de fumer, c’est promouvoir très efficacement le tabac, car cela revient à dire que fumer est un acte normal et fréquent, alors qu’il faut, au contraire, donner du fumeur l’image d’un faible qui ne résiste pas aux tentations et s’est enfermé dans un esclavage coûteux socialement et financièrement.

J’ajoute, par ailleurs, que la propagande pour le tabac est omniprésente sur internet, ce qui pose problème, car 57 % des jeunes Français surfent chaque jour sur le net. À titre d’illustration, des voitures sponsorisées par des marques de tabac sont visibles sur des sites spécialisés dans les Grands Prix de Formule 1.

Afin de réduire la présence des marques et produits du tabac sur internet, il est indispensable de sensibiliser les fournisseurs d’accès et hébergeurs de sites au problème du tabac. Il faut aussi que les acteurs de la santé ne se limitent pas aux sites pédagogiques et utilisent toutes les possibilités interactives de communication en diffusant des messages antitabac sur des sites sociaux tels que Facebook ou MySpace ou en mettant en place des campagnes de marketing viral.

L’ensemble des outils publicitaires utilisés par l’industrie entretient l’image positive du tabac et limite l’impact et la portée des politiques antitabac.

C’est pourquoi il est essentiel de faire respecter la loi Évin ainsi que l’article 13 de la convention-cadre de l’OMS, de sanctionner les publicités illicites, de lancer des campagnes de prévention régulières et efficaces dans les médias, conformément à l’article 12 de la convention-cadre, et de dénoncer la manipulation de l’opinion par les industriels du tabac.

Il est urgent d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie contre la publicité du tabac sur internet. D’ailleurs, toutes ces mesures sont préconisées dans le rapport Tubiana.

Dans ce contexte, Mme Payet vous demande, madame la ministre, de bien vouloir lui faire part des mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour remédier à cette situation.

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