Intervention de Gélita Hoarau

Réunion du 27 octobre 2009 à 9h30
Questions orales — Enseignement de la langue et culture réunionnaises

Photo de Gélita HoarauGélita Hoarau :

Je souhaitais attirer l’attention de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, sur l’enseignement de la langue et culture réunionnaises.

Jusqu’en juin dernier, les compléments au programme de langue et culture réunionnaises étaient élaborés par un groupe de travail de l’académie de la Réunion.

Ce programme a été présenté à la rentrée 2008 et validé pour deux années, c’est-à-dire 2008-2009 et 2009-2010. Les travaux de ce groupe pour 2009-2010 ont été interrompus, un « programme de créole » devant être établi par les services du ministère de l’éducation nationale.

Selon les enseignants de cette option, cette évolution menace l’avenir de l’enseignement de la langue et de la culture réunionnaises si certaines précautions ne sont pas prises, essentiellement deux d’entre elles.

Tout d’abord, le singulier employé dans l’expression « programme créole » pourrait laisser croire qu’il n’existe qu’une langue créole, dont le créole réunionnais serait une simple variante. C’est une fiction dont l’absurdité sur le plan scientifique est dénoncée par bon nombre de linguistes, de Robert Chaudenson à Marie-Christine Hazaël-Massieux, en passant par Lambert-Félix Prudent.

Les créoles atlantique et réunionnais ont pris naissance en des lieux séparés par un continent et presque deux océans. En d’autres termes, entre deux créolophones unilingues de ces deux régions, la communication est impossible, même si ces langues ont pour origine commune le français.

Jusqu’ici, les créoles sont enseignés, à dose homéopathique le plus souvent, en tant que langues et cultures régionales. Cela souligne une évidence : chaque créole est porteur de son histoire, de sa culture ; chaque créole est un ciment identitaire, forgé dans des conditions particulières et réductibles à nulle autre.

De plus, ce singulier à l’adjectif « créole » empêcherait la mise au point d’un programme propre à la langue et à la culture réunionnaises, programme adapté à nos besoins.

Ensuite, l’autre précaution à prendre, madame la ministre, lors de l’élaboration du programme de créole concerne les niveaux à atteindre par les élèves.

Les niveaux exigés, A1 et A2, en référence au cadre européen commun, ne sont pas en adéquation avec la réalité linguistique des jeunes Réunionnais. En effet, à quatorze ans passés, l’élève de la Réunion aura appris à donner des informations simples sur sa famille et à faire des achats en créole, …ce qu’ils font quasiment tous aujourd’hui dès le cours préparatoire !

Si ces exigences étaient retenues, le programme ferait du créole réunionnais une langue étrangère à enseigner en tant que telle, dans une société créolophone à 90% ! Face à un enseignement de sa langue maternelle aussi régressif et rédhibitoire, quel est le jeune Réunionnais qui acceptera de suivre un tel enseignement de la langue réunionnaise ?

Or l’enseignement du créole est indispensable, d’abord pour sa reconnaissance en tant que langue à part entière, avec ses règles grammaticales et sa syntaxe, ensuite pour sa survivance même.

Pour ces raisons, madame la ministre, je vous demande s’il est possible d’envisager que le programme académique provisoire de langue et culture réunionnaises devienne le programme pour les cinq années à venir ou du moins que, lors de la rédaction du programme ministériel, ces éléments soient pris en considération.

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