Plusieurs amendements ont été déposés sur le thème des agissements sexistes. Je m’efforcerai d’y apporter une réponse globale et précise, dans la mesure où ce sujet a fait l’objet de nombreuses préoccupations lors de l’examen du texte en commission à l’Assemblée nationale.
Je tiens tout d’abord à dire que je partage totalement l’intention des auteurs des amendements, à savoir lutter contre les agissements sexistes dans le monde du travail. Il est vrai que ce type de comportement est particulièrement inacceptable : toutes les femmes doivent pouvoir se rendre au travail sans être intimidées, moquées ou rabaissées par certains de leurs collègues qui font preuve d’une mentalité d’un autre temps.
C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans la lutte contre cette forme d’agissements, comme aucun gouvernement ne l’a fait jusqu’à présent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de revenir un peu en arrière et de vous parler de la loi Rebsamen du 17 août 2015. Dans le cadre de la loi relative au dialogue social et à l'emploi, nous avons introduit la notion d’agissement sexiste – cette notion n’existait pas dans le droit du travail jusqu’alors – pour l’interdire. Il s’agissait d’une mesure essentielle et d’un pas en avant extrêmement important, car c’est en nommant les choses que l’on peut agir sur la réalité.
Aujourd’hui, grâce à ce projet de loi, nous faisons des avancées positives sur la question des agissements sexistes. En effet, le texte prévoit que le règlement intérieur de chaque entreprise devra rappeler l’interdiction des agissements sexistes dans l’entreprise, que les risques liés à ces agissements feront désormais partie intégrante du champ des mesures de prévention qui incombent à l’employeur, et que le CHSCT, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, devra désormais proposer des actions de prévention des agissements sexistes.
C’est toute la communauté de travail qui sera ainsi mobilisée pour prévenir de telles dérives.
Ensuite, je veux dire ici de manière très claire que les agissements sexistes, si nuisibles soient-ils – et je ne suis pas du tout là pour en minorer l’importance –, ne peuvent être qualifiés de harcèlement sexuel. En effet, la loi définit de manière précise ce qu’est le harcèlement sexuel : il s’agit d’actes répétés ou d’une pression grave en vue d’obtenir un acte de nature sexuelle. Ce n’est donc pas la même chose que les agissements sexistes, même si nous devons également combattre ce type de comportement !
Le harcèlement implique des atteintes à l’intégrité physique et morale de la personne qui en est victime. Il légitime l’existence d’un régime de sanctions particulièrement sévères comme la nullité de tous les actes qui sanctionneraient une personne témoignant ou relatant de tels faits, des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement, des amendes dont le montant peut s’élever jusqu’à 30 000 euros ou encore, en amont, un régime de preuve aménagé pour faciliter la preuve du harcèlement, introduit par le présent projet de loi.
L’agissement sexiste, aussi condamnable soit-il, ne remet pas en cause cette intégrité physique. Si c’était le cas, on basculerait alors dans une situation que l’on peut qualifier de harcèlement.
Je crois qu’il est important de dire dans cet hémicycle que vouloir étendre aux agissements sexistes le régime juridique applicable au harcèlement, c’est nier le fait qu’une échelle des peines, qui soit évidemment proportionnée aux manquements constatés, est nécessaire. C’est quelque part contribuer à banaliser le harcèlement.
Cela ne veut pas pour autant dire que les agissements sexistes ne seront pas sanctionnés. Les juges pourront prononcer des sanctions civiles et pénales lorsque, par exemple, les agissements sexistes se traduisent par des faits de discrimination.
Concrètement, si un salarié était licencié, il pourrait voir son licenciement annulé. Si ce salarié demandait par ailleurs à être réintégré, il le serait de droit dans le poste ou l’emploi équivalent à celui qu’il occupait et se verrait verser les salaires qu’il aurait dû toucher dans la période comprise entre son licenciement et sa réintégration.
Dans le cas où il subirait une sanction sans licenciement, il verrait sa sanction annulée, le préjudice qu’il aurait subi réparé par le conseil des prud’hommes et, le cas échéant, pourrait demander qu’une sanction pénale soit appliquée à l’employeur.
Voilà ce qu’il m’apparaissait important d’expliquer à propos de tous ces amendements sur les agissements sexistes. Même s’il est évident qu’il nous faut combattre ces agissements et même si le projet de loi prévoit d’améliorer le régime juridique caractérisant ces agissements, le Gouvernement émettra un avis défavorable.