La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus aux amendements portant articles additionnels avant l’article 1er bis.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 286 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Longeot, Capo-Canellas et Roche, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Deromedi, M. Cigolotti et Mme Létard.
L'amendement n° 424 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1142–2–1 du code du travail, il est inséré un article L. 1142–2–2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1142 -2 -2. – Nul ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements sexistes ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés, y compris lorsque l’agissement sexiste n’est pas répété ».
La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l’amendement n° 286 rectifié bis.
Cet amendement proposé par Mme Chantal Jouanno vise à insérer dans le code du travail un article relatif à l’interdiction de tout agissement sexiste dans les entreprises, à l’image des articles du même code protégeant les salariés contre des mesures de discrimination, de harcèlement moral et sexuel.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 424.
J’attire votre attention sur le fait que cet amendement est identique à celui qui a été déposé par Mme Jouanno et défendu par des collègues de toutes les travées de l’hémicycle.
Le code du travail prévoit des dispositions visant à protéger les personnes contre des mesures de rétorsion dont elles pourraient faire l’objet pour avoir subi, refusé de subir, témoigné ou encore relaté des faits de harcèlement sexuel, moral ou de discrimination. Ces dispositions contribuent à aider les femmes, qui en sont le plus fréquemment victimes, à lutter contre des faits de harcèlement et de discrimination qui participent à l’inégalité entre les hommes et les femmes.
Le présent amendement a pour objet d’étendre ces outils juridiques à tout agissement sexiste. En effet, pour rendre effective la lutte contre les agissements sexistes, les salariés doivent être en mesure de s’opposer à un tel comportement sans craindre d’en subir les conséquences dans leur vie professionnelle.
Nous sommes convaincus que la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes est subordonnée à la lutte contre les agissements sexistes dans tous les milieux professionnels. C’est pourquoi il convient d’aligner le régime juridique relatif aux agissements sexistes, et en particulier les dispositions relatives à la protection des salariés, sur celui de la discrimination, du harcèlement moral et sexuel.
L’agissement sexiste est évidemment une forme de discrimination fondée sur le sexe. M. de La Palice en aurait dit autant !
Or cette forme de discrimination est déjà explicitement visée à l’article L. 1132–1 du code du travail, qui dispose qu’aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement en raison de son sexe, notamment.
L’article L. 1132–3 du même code couvre quant à lui l’ensemble des personnes qui pourraient témoigner de tels agissements, puisqu’il prévoit qu’« aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis à l’article L. 1132-1 ». Par conséquent, nous estimons qu’un régime juridique protégeant les personnes qui relatent de tels agissements discriminatoires s’applique d’ores et déjà.
Au bénéfice de ces explications, la commission vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir retirer vos amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Plusieurs amendements ont été déposés sur le thème des agissements sexistes. Je m’efforcerai d’y apporter une réponse globale et précise, dans la mesure où ce sujet a fait l’objet de nombreuses préoccupations lors de l’examen du texte en commission à l’Assemblée nationale.
Je tiens tout d’abord à dire que je partage totalement l’intention des auteurs des amendements, à savoir lutter contre les agissements sexistes dans le monde du travail. Il est vrai que ce type de comportement est particulièrement inacceptable : toutes les femmes doivent pouvoir se rendre au travail sans être intimidées, moquées ou rabaissées par certains de leurs collègues qui font preuve d’une mentalité d’un autre temps.
C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans la lutte contre cette forme d’agissements, comme aucun gouvernement ne l’a fait jusqu’à présent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de revenir un peu en arrière et de vous parler de la loi Rebsamen du 17 août 2015. Dans le cadre de la loi relative au dialogue social et à l'emploi, nous avons introduit la notion d’agissement sexiste – cette notion n’existait pas dans le droit du travail jusqu’alors – pour l’interdire. Il s’agissait d’une mesure essentielle et d’un pas en avant extrêmement important, car c’est en nommant les choses que l’on peut agir sur la réalité.
Aujourd’hui, grâce à ce projet de loi, nous faisons des avancées positives sur la question des agissements sexistes. En effet, le texte prévoit que le règlement intérieur de chaque entreprise devra rappeler l’interdiction des agissements sexistes dans l’entreprise, que les risques liés à ces agissements feront désormais partie intégrante du champ des mesures de prévention qui incombent à l’employeur, et que le CHSCT, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, devra désormais proposer des actions de prévention des agissements sexistes.
C’est toute la communauté de travail qui sera ainsi mobilisée pour prévenir de telles dérives.
Ensuite, je veux dire ici de manière très claire que les agissements sexistes, si nuisibles soient-ils – et je ne suis pas du tout là pour en minorer l’importance –, ne peuvent être qualifiés de harcèlement sexuel. En effet, la loi définit de manière précise ce qu’est le harcèlement sexuel : il s’agit d’actes répétés ou d’une pression grave en vue d’obtenir un acte de nature sexuelle. Ce n’est donc pas la même chose que les agissements sexistes, même si nous devons également combattre ce type de comportement !
Le harcèlement implique des atteintes à l’intégrité physique et morale de la personne qui en est victime. Il légitime l’existence d’un régime de sanctions particulièrement sévères comme la nullité de tous les actes qui sanctionneraient une personne témoignant ou relatant de tels faits, des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement, des amendes dont le montant peut s’élever jusqu’à 30 000 euros ou encore, en amont, un régime de preuve aménagé pour faciliter la preuve du harcèlement, introduit par le présent projet de loi.
L’agissement sexiste, aussi condamnable soit-il, ne remet pas en cause cette intégrité physique. Si c’était le cas, on basculerait alors dans une situation que l’on peut qualifier de harcèlement.
Je crois qu’il est important de dire dans cet hémicycle que vouloir étendre aux agissements sexistes le régime juridique applicable au harcèlement, c’est nier le fait qu’une échelle des peines, qui soit évidemment proportionnée aux manquements constatés, est nécessaire. C’est quelque part contribuer à banaliser le harcèlement.
Cela ne veut pas pour autant dire que les agissements sexistes ne seront pas sanctionnés. Les juges pourront prononcer des sanctions civiles et pénales lorsque, par exemple, les agissements sexistes se traduisent par des faits de discrimination.
Concrètement, si un salarié était licencié, il pourrait voir son licenciement annulé. Si ce salarié demandait par ailleurs à être réintégré, il le serait de droit dans le poste ou l’emploi équivalent à celui qu’il occupait et se verrait verser les salaires qu’il aurait dû toucher dans la période comprise entre son licenciement et sa réintégration.
Dans le cas où il subirait une sanction sans licenciement, il verrait sa sanction annulée, le préjudice qu’il aurait subi réparé par le conseil des prud’hommes et, le cas échéant, pourrait demander qu’une sanction pénale soit appliquée à l’employeur.
Voilà ce qu’il m’apparaissait important d’expliquer à propos de tous ces amendements sur les agissements sexistes. Même s’il est évident qu’il nous faut combattre ces agissements et même si le projet de loi prévoit d’améliorer le régime juridique caractérisant ces agissements, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 286 rectifié bis et 424.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 287 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Longeot, Roche et Capo-Canellas, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Deromedi, M. Cigolotti et Mme Létard.
L'amendement n° 425 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1142-2-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1142-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1142 -2 - … – Toute disposition ou tout acte contraire aux articles L. 1142-2-1 et L. 1142-2-2 est nul. »
La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l’amendement n° 287 rectifié bis.
Cet amendement a pour objet d’aligner le régime juridique relatif aux agissements sexistes sur celui de la discrimination, du harcèlement moral et sexuel. Il s’agit d’instaurer un régime de la nullité applicable aux actes et pratiques contraires au principe d’interdiction de tout agissement sexiste.
Selon l’adage « pas de nullité sans texte », il faut considérer les actes pris à l’égard d’un salarié ou d’une salariée en méconnaissance des dispositions relatives à l’interdiction de tout agissement sexiste comme nuls.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 425.
Je vous remercie, madame la ministre, de votre explication longue, relativement pédagogique et convaincante.
Néanmoins, compte tenu des auditions menées par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale et des personnes auditionnées par la délégation aux droits des femmes du Sénat, il nous a semblé important d’étendre le régime de la nullité aux agissements sexistes. Les actes pris en méconnaissance des dispositions relatives aux agissements sexistes seraient de fait annulés. Nous sommes convaincus qu’il s’agit là de l’un des principaux moyens pour limiter de tels agissements dans l’entreprise.
Je conçois parfaitement que M. le rapporteur et Mme la ministre ne partagent pas notre position. Cependant, je maintiendrai mon amendement dans un souci de cohérence et par respect pour le travail conduit par la délégation aux droits des femmes. Pour l’histoire, il sera consigné au Journal officiel que nous avons tenu bon sur ce point !
L’article L. 1132–4 du code du travail prévoit déjà que « toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié pris en méconnaissance » des articles relatifs à la discrimination est nul. Par conséquent, il en est de même pour les agissements sexistes.
Nous partageons naturellement les préoccupations des auteurs des amendements. Néanmoins, au regard de ces explications, la commission leur demande, comme elle l’a fait pour les précédents amendements, de bien vouloir retirer leurs amendements, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
Défavorable, conformément à l’explication que j’ai fournie à l’occasion de l’examen des deux amendements précédents.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 287 rectifié bis et 425.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 292 est présenté par Mmes Meunier, Blondin, Lepage et Génisson, M. Courteau, Mmes Monier, Conway-Mouret, D. Michel et Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 428 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L'amendement n° 464 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 927 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Barbier, Bertrand et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et M. Vall.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 1144-1 du code du travail, les mots : « et L. 1142-2 » sont remplacés par les mots : «, L. 1142-2 et L. 1142-2-1 ».
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 292.
Malgré les explications données par Mme la ministre, je tiens à présenter cet amendement de coordination, qui vise à modifier l’article L. 1144–1 du code du travail et à préciser clairement que le régime de l’aménagement de preuve, aujourd’hui applicable dans l’entreprise aux discriminations à raison du sexe, s’applique également aux actions en justice engagées sur le fondement de l’article L. 1142–2–1 relatif aux agissements sexistes.
Outre le fait que cet amendement s’inscrit dans le droit fil des dispositions prévues par la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, son adoption s’impose d’autant plus, à nos yeux, que le présent projet de loi prévoit d’harmoniser le régime de la preuve applicable en matière de discrimination et de harcèlement sexuel et moral, et conforte l’importance du principe de l’interdiction de tout agissement sexiste au travail.
Madame la ministre, vous nous avez dit que nommer un fait ou en parler, c’était déjà agir. Je vous rejoins à 100 % sur ce point. J’ai gardé très distinctement en mémoire le témoignage d’une femme venue faire part de son expérience du monde du travail devant la délégation aux droits des femmes du Sénat. Elle nous avait alors appris qu’à une époque, quelqu’un déposait tous les jours sur son bureau un calendrier à caractère pornographique, qui contenait des images sans aucune ambiguïté.
Sans pour autant établir un lien de cause à effet, on peut tout de même reconnaître un continuum entre agissements sexistes à l’égard des femmes et violences. Plus on est dans la prévention et plus tôt on sanctionne ce type de comportement, mieux c’est !
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 428.
En matière de discrimination, le régime de la preuve obéit à des règles particulières.
En effet, par définition, il est complexe de démontrer qu’une discrimination a eu lieu. C’est pourquoi la charge de la preuve est généralement facilitée pour les salariés qui doivent présenter des éléments de fait qui laissent supposer l’existence d’une discrimination. Il appartient à l’employeur de démontrer que sa décision résulte de causes étrangères à toute discrimination.
La loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a assimilé les agissements sexistes à une forme de discrimination fondée sur le sexe. La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi en a ensuite codifié le principe.
Le présent amendement vise à tirer les conséquences de cette assimilation des agissements sexistes à des faits de discrimination. Il convient, selon nous, d’appliquer à ces agissements les mêmes règles en matière de charge de la preuve que pour les faits de discrimination. Nous proposons une modification rédactionnelle à l’article L. 1144–1 du code du travail pour préciser que le régime de l’aménagement de la preuve, aujourd’hui applicable aux discriminations, doit aussi s’appliquer aux agissements sexistes.
Comme l’a dit notre collègue Michelle Meunier, un certain nombre d’études ont montré que les faits, même s’ils sont disjoints et différents, obéissent très souvent en pratique à un continuum entre sexisme et agissements coupables.
Mes chers collègues, même si l’amendement n’est pas adopté aujourd’hui, nous devrons un jour le voter, parce que la réalité est implacable et que la situation n’avance malheureusement pas ! Madame la ministre, la prudence dont vous faites preuve ce soir est compréhensible. Toutefois, nous ne la partageons pas et aimerions vraiment que les choses bougent sur ce point !
… féministes, en effet, Mmes Corinne Bouchoux et Michelle Meunier.
Mon amendement de coordination tend à préciser la rédaction de l’article 20 de la loi Rebsamen du 17 août 2015 qui définit l’agissement sexiste comme « tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » En cas de litige, c’est à la partie défenderesse, c’est-à-dire à la personne accusée, de prouver son innocence, et non à la victime de prouver la culpabilité de son agresseur.
Il semble essentiel pour plusieurs raisons de faire appliquer ce régime dans tous les cas de litiges relatifs aux agissements sexistes. En l’état du droit, seuls les cas de discrimination sexuelle au recrutement sont soumis à ce principe d’exception.
Mon amendement doit contribuer à l’harmonisation du régime juridique de la charge de la preuve en la matière. Il vise aussi à augmenter l’efficacité de la lutte contre les agissements sexistes. En effet, malgré la rareté des chiffres, le constat est accablant. Selon le rapport du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, 80 % des femmes ont déjà rencontré un comportement sexiste dans leur carrière. On parle ici de toutes les formes de sexisme, de la remarque déplacée au harcèlement ou au viol.
La question du sexisme dans l’entreprise est encore taboue. Ainsi, Marie Pezé, psychanalyste et experte à la cour d’appel de Versailles, estime que seules 10 % des victimes d’agressions sexuelles en entreprise portent plainte. Peur du licenciement et du chômage, pressions extérieures, sentiment de honte, peur de ne pas être cru, les raisons sont nombreuses.
Inverser la charge de la preuve en matière d’agissements sexistes constituerait un signal fort en direction de toutes les victimes. Cela permettrait – je l’espère – que les comportements évoluent et que la justice puisse faire son travail. Évidemment, cela ne réglera pas tout : il faudra encore beaucoup de temps pour que l’on reconnaisse aux femmes leurs compétences et leur apport dans le monde du travail, et ce quelles que soient les sphères de la société concernées.
Cela étant, mes chers collègues, en adoptant cet amendement aujourd’hui, nous ferions un vrai pas en avant !
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 927 rectifié.
Arrivant en quatrième position, je serai tentée d’annoncer cet amendement défendu. Mais j’ajouterai tout de même qu’il s’agit ici de préciser que le régime de l'aménagement de la preuve aujourd'hui applicable aux discriminations en raison du sexe dans l'emploi s'applique également aux actions en justice engagées sur le fondement de l'article L. 1142-2-1 relatif à l'agissement sexiste. Je tenais à insister fortement sur ce point.
Encore une fois, tout en partageant certaines des orientations évoquées ici, la commission a formulé une demande de retrait ; à défaut, son avis sera défavorable.
Les agissements sexistes entrent, la plupart du temps, dans le régime de la discrimination. S’ils ont un réel caractère répétitif, ils peuvent être considérés – de manière exceptionnelle, comme l’a précisé Mme la ministre – comme du harcèlement. Pour chacune des formes, effectivement, le régime de la preuve est distinct.
Il nous a donc semblé que le droit existant prenait toutes les possibilités en compte. Mais j’entends les attentes exprimées et le Gouvernement, je pense, pourra utilement nous éclairer.
Mon argumentation ira dans le même sens que celle que j’ai exposée précédemment.
Nous évoquons ici une notion tout à fait récente
Mme Françoise Laborde opine.
Vous avez raison, madame Bouchoux, lorsque vous dites que des amendements de cette nature seront tôt ou tard adoptés. Mais à ce stade, je reste très prudente. Le cas du viol, par exemple, qui a été évoqué, ne correspond en rien à un cas d’agissement sexiste.
La frontière entre viol, harcèlement sexuel et agissement sexiste doit donc être établie, et nous devons parvenir à une gradation des sanctions pour ne banaliser aucun d’entre les trois.
Donc, observons la mise en œuvre de la loi du 17 août 2015 et faisons évoluer le droit si le dispositif juridique s’avère insatisfaisant.
La distinction entre le régime des agissements sexistes et celui du harcèlement tient à la gravité toute particulière de ce dernier, comme je l’expliquais précédemment – le harcèlement porte effectivement atteinte à l’intégrité morale ou physique de la personne. Pour autant, les agissements sexistes sont bien évidemment condamnables, même si, à ce stade, il est sans doute excessif de permettre un régime de la preuve dérogatoire comme pour le harcèlement.
Les notions, je le répète, sont différentes et l’une d’entre elles a été mise en œuvre très récemment dans notre droit.
C’est pourquoi, invitant encore à un peu de prudence, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Jusqu’à présent, seules des collègues femmes se sont exprimées ; je tiens donc à signaler que je soutiens ces amendements, et ce pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, les femmes sont aujourd'hui de plus en plus nombreuses à vouloir s’engager dans des métiers assez inhabituels pour elles. Or certaines traditions propres aux univers masculins peuvent, malheureusement, créer un milieu parfaitement hostile pour toute femme qui souhaiterait intégrer l’entreprise en question.
L’adoption de cet amendement offrirait une protection à cet égard.
Par ailleurs, l’agression sexiste peut prendre des formes très variées. J’ai par exemple été conduit à dénoncer une publicité affichée dans les établissements d’une chaîne de salons de beauté – je ne citerai pas la marque. Le slogan, tout à fait désastreux, comporte des propos épouvantables concernant les femmes. Celles qui travaillent dans ces salons de beauté doivent le subir tous les jours, et c’est une véritable agression sexiste.
Voilà donc un amendement d’appel, dont l’importance est certaine : dans les entreprises, les femmes ne doivent plus être inquiètes à l’idée d’intégrer des milieux masculins, portant parfois, malheureusement, certains désordres ; dans des professions organisées en franchisés, tenus à l’obligation de publicité, elles ne doivent pas subir des publicités franchement désagréables.
Après que la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a prévu cette notion d’agissements sexistes, le présent projet de loi tend à préciser trois points, répondant, en ce sens, à votre préoccupation : un, le règlement intérieur de chaque entreprise devra rappeler l’interdiction des agissements sexistes ; deux, les risques liés aux agissements sexistes feront désormais partie intégrante du champ de mesures de prévention incombant à l’employeur ; trois, le CHSCT devra désormais proposer des actions de prévention des agissements sexistes.
Ici, nous évoquions la question spécifique du régime de la preuve, d’où la frontière entre agissements sexistes et harcèlement sexuel.
Mme Françoise Laborde opine.
Il ne nous avait pas échappé que le présent projet de loi comportait des mesures nouvelles, notamment l’introduction, dans le règlement intérieur de l’entreprise, d’un rappel de l’interdiction des agissements sexistes. Toutefois, aucune mesure coercitive n’est prévue derrière !
Certes, c’est marqué dans le règlement intérieur, mais que se passe-t-il si les agissements continuent ?
Je rappelle que les agissements sexistes prennent de nombreuses formes, certaines très violentes. Jean-Pierre Godefroy évoquait des publicités, mais cela peut être, quotidiennement, des plaisanteries
M. Jean-Pierre Godefroy opine.
L’inscription dans le règlement intérieur n’est donc pas suffisante, et l’inversion de la preuve permettrait que les femmes concernées puissent se faire entendre, sans être mises en accusation et tenues de prouver les agissements.
Nous sommes favorables aux dispositions que vous avez insérées dans le texte à ce sujet, madame la ministre. Nous proposons simplement une mesure complémentaire, qui ne les bride en rien.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 292, 428, 464 et 927 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 1154-1 du code du travail, les mots : « établit des faits qui permettent de présumer » sont remplacés par les mots : « présente des éléments de fait laissant supposer ».
Une fois n’est pas coutume, l’insertion de cet article 1er bis dans notre code du travail représente une avancée pour notre législation en matière de lutte contre le harcèlement sexuel.
Il s’agit, avec cet article, de créer un régime commun aux discriminations et aux harcèlements, afin de permettre aux plaignants d’apporter des éléments de faits constituant un faisceau de présomptions.
Aujourd’hui, le régime diffère selon qu’il s’agisse d’un contentieux lié à une discrimination ou à un harcèlement, moral ou sexuel. Dans le cas d’une discrimination, la personne doit présenter les faits, alors que dans le cas d’un harcèlement, elle doit les établir. Cela, bien évidemment, amoindrit les chances du plaignant de voir sa plainte aboutir car il est généralement très difficile d’apporter des preuves tangibles et directes dans les cas de harcèlement.
L’actualité récente nous enseigne que les « mœurs » évoluent, et que la société s’emploie désormais à dénoncer tout comportement abusif ayant trait à toute forme de harcèlement.
Pour encourager les victimes à dénoncer de tels délits, il est absolument nécessaire de faire évoluer notre législation en vue de libérer la parole et punir des comportements parfois trop longtemps tus, voire admis.
En outre, malgré les dispositions existant en la matière, la jurisprudence a procédé ces dernières années à un renversement de la charge de la preuve. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante qu’il suffit que le salarié ou la salariée apporte « des éléments laissant présumer » le harcèlement.
Ainsi, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt en date du 30 avril 2009, que « le salarié n’est tenu que d’apporter des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ». Dès lors que le salarié ou la salariée établit des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
C’est pourquoi il nous paraît très important d’introduire cet article 1er bis, que nous soutenons.
Nous allons revenir sur ces éléments au cours du débat, mais il convient de noter qu’ils occupent relativement peu de temps, comparés à d’autres éléments de notre discussion. Il importe de s’y arrêter car encore beaucoup trop de femmes souffrent dans un certain nombre d’entreprises.
L'amendement n° 248 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été précédemment retiré.
L'amendement n° 1003, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1154-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les références : « et L. 1153-1 à L. 1153-4 » sont supprimées ;
b) Est ajouté le mot : « moral » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement sexuel. » ;
3° Au deuxième alinéa, le mot : « tel » est supprimé.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
Nos collègues députées qui sont à l’origine de cet article 1er bis souhaitaient « aligner le régime probatoire du harcèlement sexuel sur celui des discriminations ». Mais la modification introduite par l’article porte sur le régime probatoire commun au harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel.
C’est pourquoi le présent amendement de la commission vise à clarifier les régimes probatoires applicables au harcèlement moral et au harcèlement sexuel.
Si nous ne revenons pas sur la volonté de l’Assemblée nationale d'assouplir le régime probatoire du harcèlement sexuel afin de mieux protéger les victimes, nous souhaitons en revanche conserver les règles en vigueur relatives au régime probatoire du harcèlement moral.
Tel est l’objet de cet amendement.
Vous proposez, monsieur le rapporteur, de distinguer le régime de la preuve applicable en cas de harcèlement sexuel et celui qui s’applique en cas de harcèlement moral.
Je comprends l’objectif. Il me semble, bien sûr, indispensable d’aligner le régime de la preuve en matière de harcèlement sexuel sur le régime de la discrimination.
Vous expliquez en quoi le même alignement du régime probatoire pour le harcèlement moral ne semble pas souhaitable. J’entends vos remarques et vous propose que nous prenions le temps, avec mes services, de les analyser, afin de nous assurer que nous ne retenons aucune mesure susceptible d’avoir un effet déstabilisateur.
À ce stade de la discussion, je préfère donc m’en remettre à la sagesse de votre assemblée.
L'amendement est adopté.
(Non modifié)
Au 2° de l’article L. 1321-2 du code du travail, après le mot : « sexuel », sont insérés les mots : « et aux agissements sexistes ».
Cet article est issu d’un travail de l’Assemblée nationale, notamment sous l’action de Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes.
Il s’agit de prévoir le rappel obligatoire de l’interdiction d’agissements sexistes dans le règlement intérieur de l’entreprise. Nous y sommes bien entendu très favorables.
L’enquête sur les relations professionnelles entre les femmes et les hommes lancée, en juin 2013, dans 9 grandes entreprises françaises a mis en évidence une forte prévalence d’un sentiment de sexisme au travail, avec des répercussions en termes d’impact sur la confiance en soi, la performance et le bien-être au travail.
Ainsi, 80 % des femmes salariées considèrent que, dans le monde du travail, elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes. Près de 40 % des femmes en situation de management ont le sentiment qu’il existe à leur égard des attentes de comportements managériaux spécifiques. En outre, 90 % des femmes considèrent qu’il est plus facile de « faire carrière » pour un homme. Enfin, s’agissant de l’articulation des temps de vie, 50 % des femmes à temps partiel ont déjà entendu des remarques culpabilisantes.
À l’évidence, rappeler dans le règlement intérieur l’interdiction de tels agissements va dans le bon sens et pourra se révéler utile dans bien des cas.
Toutefois, notons que si cet article est nécessaire, il n’est pas suffisant dans le sens où le code du travail, à l’article L. 1311–2, ne rend le règlement intérieur obligatoire qu’en cas d’emploi habituel de 20 salariés au moins. Or sans règlement intérieur, pas de sanction !
En ce sens, il est nécessaire de rappeler que les agissements sexistes figurent dans la loi. La base législative repose sur l’article L. 1142–2–1 du code du travail, duquel résulte que « nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
Rappelons en outre que l’employeur, indépendamment de la taille de son entreprise, a une obligation de sécurité, physique et mentale, à l’égard des salariés. Dès lors qu’il a failli à son obligation, il engage sa responsabilité.
À cet égard, il convient de préciser que l’employeur répond de ses agissements, mais également de ceux de l’un de ses salariés sur ses collègues.
L'amendement n° 246 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été précédemment retiré.
Je mets aux voix l'article 1er ter.
L'article 1 er ter est adopté.
(Non modifié)
Le 7° de l’article L. 4121-2 du code du travail est complété par les mots : «, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ».
L'amendement n° 247 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été précédemment retiré.
Je mets aux voix l'article 1er quater.
L'article 1 er quater est adopté.
(Non modifié)
À la fin de la deuxième phrase de l’article L. 4612-3 du code du travail, les mots : « et du harcèlement sexuel » sont remplacés par les mots : «, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ».
Cet article est également issu d’un amendement de Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’élargir les compétences des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, afin de leur permettre de mener des actions de prévention des agissements sexistes.
D’un sexisme ouvertement hostile, à un sexisme « subtil », puis à un sexisme ambivalent, l’histoire du sexisme dans le monde du travail s’est déroulée « entre déni et réalité », comme le relève le rapport du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes publié le 6 mars 2015.
Les effets du sexisme sur la santé ont été notamment mis en évidence par le centre pour le leadership éthique de Melbourne, qui a réalisé une méta-analyse portant sur 103 travaux en psychologie sociale dans le monde.
Indépendamment des méthodologies utilisées, les études montrent que plus les femmes sont exposées à des événements sexistes, plus elles connaissent de hauts niveaux de détresse psychologique.
Les répercussions du sexisme sur les employés qui en sont victimes au sein des entreprises ne sont plus à prouver, mais, hélas, nous devons continuer à les dénoncer.
Faire en sorte que les CHSCT participent à cette démarche et puissent apporter leur contribution en matière de lutte contre les agissements sexistes est une chose tout à fait positive.
Notons toutefois que l’impact ne sera pas forcément celui que l’on escompte, compte tenu de la réduction importante des moyens d’action de cette instance, résultant de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi – la loi Rebsamen –, qui est venue modifier son fonctionnement.
Cette loi, nous le déplorons, réduit considérablement les prérogatives des représentants du personnel siégeant au CHSCT, ainsi que leurs moyens d’action, notamment en instaurant des délais préfixés au niveau de la procédure d’information-consultation obligatoire pour le CHSCT ou en donnant la possibilité aux employeurs de rassembler toutes les institutions représentatives du personnel au sein d’une délégation unique du personnel.
Malgré ces remarques, nous sommes favorables à cet article, et nous allons donc le voter.
L'amendement n° 249 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été précédemment retiré.
L'amendement n° 467, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 4612-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 4612 -3. – Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l’établissement et suscite toute initiative qu’il estime utile dans cette perspective. Il peut proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1. À sa demande, l’employeur est tenu de mettre à disposition des salarié-e-s une instance d’écoute et de prévention du harcèlement moral et sexuel dans les entreprises et sur les sites regroupant plus de cinquante salarié-e-s. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet article du projet de loi n’était pas, compte tenu de sa numérotation, compris dans le texte initial. Le fait qu’il y figure désormais marque au moins deux choses.
La première est sans doute liée au fait que l’existence de ce projet de loi a soulevé beaucoup d’interrogations et d’oppositions venant de larges secteurs de la population de notre pays. En effet, entre l’inversion de la hiérarchie des normes, la possibilité de licencier plus aisément en cas de simple réorganisation du processus de production, le recours au référendum, le chantage à l’emploi et la redéfinition du licenciement économique, il n’y avait jusque-là pas de quoi satisfaire les attentes des salariés.
C’est là que sont apparus, par la voie d’amendements, acceptés par le Gouvernement, mais, hélas, non votés par l’Assemblée nationale, ces articles, dont le présent article 1er quinquies, lequel prévoit de renforcer la faculté laissée au CHSCT d’organiser toute initiative ayant trait à la prévention et au repérage du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis au fil des articles précédents.
La première raison de l’existence de cet article est donc claire : il s’agit de modifier la donne sur l’ensemble de la loi en concédant, dans une actualité marquée par une affaire impliquant une personnalité publique, quelques avancées, limitées, mais de valeur exemplaire.
La seconde raison, c’est qu’il reste et demeure d’une portée normative limitée. Il ne fait que renforcer les facultés du CHSCT, sans accroître d’aucune manière les responsabilités de l’employeur sur ces questions essentielles.
La réalité du harcèlement moral et sexuel sur le lieu du travail a longtemps été déniée, alors même que nombre de situations complexes ont été observées et que le chantage sexuel a constitué, de tout temps, l’une des armes transgressives les plus puissantes utilisées par les employeurs pour faire valoir leur autorité.
Il importe donc que soient mises en place, partout où elles sont nécessaires, des structures d’accueil, d’écoute, de prévention du harcèlement. C’est le cas évidemment pour les entreprises dotées d’un CHSCT ou d’un comité d’entreprise, mais cela compte aussi pour les sites – je pense ici aux zones d’activités économiques, artisanales ou industrielles – pouvant rassembler au moins cinquante salariés en plusieurs établissements ou entreprises.
Là, nous aurions évidemment une véritable avancée du droit positif, profitable à tous.
Sur cet amendement n° 467, qui vise notamment à autoriser le CHSCT à demander la création d’une instance d’écoute et de prévention du harcèlement moral et sexuel, il me semble que le ou la salariée éventuellement confronté à ce type de comportement peut naturellement se rapprocher de ses représentants, des membres du CHSCT ou de l’inspecteur du travail.
S’il fallait aller au-delà et mettre en place un pouvoir d’alerte spécifique, j’avoue que ma préférence irait à un dispositif tel qu’un numéro vert.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement tendant à proposer la création d’une instance dédiée. Pour autant, cela n’empêche pas de réfléchir à d’autres pistes, comme celle que je viens d’évoquer.
Je vais émettre un avis défavorable et vous en expliquer les raisons précises.
Le Gouvernement a œuvré dans le sens souhaité par les auteurs de l’amendement en faisant voter la loi du 6 août 2012, qui a précisé la définition du harcèlement sexuel, les obligations de l’employeur, ainsi que les missions des services de santé au travail.
Aujourd'hui, le délégué du personnel dispose d’un véritable droit d’alerte.
Consultés sur les mesures de prévention, les CHSCT peuvent aussi proposer eux-mêmes des actions de prévention du harcèlement moral et sexuel. De plus, le refus de l’employeur de mettre en œuvre ces mesures doit être motivé.
Faut-il aller plus loin et généraliser, comme vous le proposez dans cet amendement, les cellules d’écoute ? Je ne le crois pas parce qu’il convient, me semble-t-il, de développer les réponses propres à chaque situation.
Je voudrais vous donner un exemple très précis pour illustrer ma position. Actuellement, nous le savons bien, il faut non seulement prévenir mais aussi accompagner les victimes, démarche dans laquelle l’inspection du travail prend vraiment sa part.
Si je regrette que les remontées m’arrivent souvent tardivement, j’ai obtenu les données chiffrées concernant l’année qui a suivi le vote de la loi de 2012. En 2013, il y a eu 2 143 rappels à la loi, 57 % étaient relatifs à l’obligation pour l’employeur d’agir en vue de prévenir les faits de harcèlement, 26 % concernaient la protection du salarié contre le harcèlement sexuel, 17 % visaient l’absence de sanctions contre des agissements coupables. L’inspection du travail, qui a rendu de nombreux avis, a pris 105 décisions relatives à la suspension ou l’interdiction de recours à l’emploi d’apprentis, par exemple.
Les situations rencontrées par l’inspection du travail sont très diverses. Elles montrent l’intérêt de l’exercice du devoir d’alerte par les délégués de personnel.
Je vais vous donner un exemple très concret, celui d’une entreprise de reprographie de cinquante salariés située à Alfortville qui venait d’être rachetée. Elle illustre l’éventail de réponses proposées par l’Agence nationale d’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, qui peuvent être mises en œuvre dans une situation de ce type.
À l’issue du rachat, les effectifs de l’entreprise ont révélé un vrai déséquilibre entre les hommes et les femmes, les hommes étant surreprésentés. La nouvelle présidente s’est alors trouvée confrontée à un conflit sexiste entre des salariés. Certaines jeunes salariées se plaignaient d’être l’objet de propos particulièrement dégradants de la part de leurs homologues masculins.
L’entreprise a mis en place un éventail d’actions. Outre un rappel des règles de conduite auprès des salariés et une campagne d’affichage sur le thème de la tolérance zéro, la direction a fait preuve de fermeté en procédant au licenciement des deux salariés à l’origine du conflit. Le personnel encadrant a également reçu une formation incitant à ne tolérer aucune incivilité dans chacune des équipes.
Une communication spécifique a permis de diffuser des notes sur le harcèlement dans tous les espaces et de conduire des actions de formation à destination de l’ensemble du personnel encadrant. Les effectifs de l’entreprise ont été rééquilibrés pour parvenir à une certaine parité entre les femmes et les hommes. Dans le cadre d’un travail avec l’ANACT, les fiches de postes ont été refaites. Vous le voyez, c’est un vrai éventail de réponses qui a été mis en place, en lien avec la médecine du travail.
Je pense, contrairement aux auteurs de l’amendement qui proposent de généraliser une cellule d’appui au sein de l’entreprise, que chaque situation demande une réponse spécifique et un appui particulier. Pour ma part, je ne suis pas pour la généralisation.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.
En réponse aux auteurs de l’amendement, qui proposent la création d’une structure dédiée à la prise en charge de la prévention, vous citez l’exemple d’une entreprise – une entreprise formidable ! – où tous les moyens adéquats sont mis en œuvre. Et vous concluez qu’il faut savoir adapter les moyens à chaque situation.
Franchement, quelle entreprise a la capacité d’agir comme cette entreprise de reprographie ?
Nos collègues du groupe CRC proposent la création d’une structure d’écoute et de prévention du harcèlement, laquelle structure pourrait mettre en place différents moyens, notamment ceux que vous avez évoqués. Vous rejetez cette proposition au motif qu’elle présente un caractère trop général par rapport à l’exemple que vous donnez. Vraiment, madame !
Quant au rapporteur, qui donne la préférence aux accords d’entreprise sur les accords de branche, il propose de régler les problèmes de harcèlement dans l’entreprise en mettant en place un numéro vert. C’est encore plus haut que la branche ! §C’est général. Voilà qui est formidable pour quelqu’un qui considère que c’est au niveau de l’entreprise que cela se règle ! Là, franchement, vous avez botté loin, monsieur le rapporteur !
Je ne vais pas laisser sans réponse le propos du sénateur Desessard.
Aux termes de cet amendement, « l’employeur est tenu de mettre à disposition des salarié-e-s une instance d’écoute et de prévention du harcèlement moral et sexuel… ». Je souhaite bien évidemment que les victimes puissent être accompagnées. Je n’ai absolument pas dit le contraire ! J’ai seulement voulu attirer l’attention sur le fait qu’il faut voir, selon chacune des situations, quelle est la meilleure réponse.
Je vous ai donné un exemple très concret qui montre qu’il y a plusieurs problématiques. Or si vous lisez attentivement l’amendement, monsieur le sénateur, vous voyez que l’employeur est tenu de mettre en place de façon systématique une instance d’écoute. C’est, comme je l’ai dit, la généralisation qui me pose une difficulté.
Madame la ministre, dans une réponse précédente – je ne parle pas de celle que vous venez de faire à Jean Desessard –, vous avez contesté l’installation d’une cellule « d’appui ». Or, j’ai bien lu ce que proposent nos collègues et je constate qu’ils suggèrent la création d’une cellule « d’écoute et de prévention ».
Quand le rapporteur dit préférer un dispositif sous la forme d’un numéro vert, il lui donne une dimension nationale. Imaginons que le CHSCT propose un numéro spécial dédié auquel seraient affectées telles et telles personnes de cette instance, il apporterait la réponse variable qui conviendrait.
Donc, c’est un amendement modéré, raisonnable, intelligent, …
… très pragmatique et non coûteux.
Le Sénat a écarté quantité d’amendements exigeants. S’il efface à son tour cet amendement modéré, totalement respectueux du champ de compétences des CHSCT, il va commencer à envoyer de très mauvais messages !
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Quand j’écoutais Mme la ministre, je me prenais à rêver : quel monde merveilleux ! Tant mieux si une entreprise a eu la réponse intelligente que vous citez, il faut s’en féliciter !
Notre problématique n’est pas de proposer une réponse unique. Le problème auquel nous sommes confrontés, c’est d’oser aider ces femmes qui sont victimes au quotidien d’un harcèlement à la fois violent et très pernicieux à trouver un endroit où parler, à trouver quelqu’un avec qui parler. Le fait de savoir qu’il existe dans l’entreprise une structure, cela participerait déjà à la libération de la parole !
Je pense qu’il n’y a pas forcément de quoi s’enflammer. Je veux dire à nos collègues du groupe CRC que, quelque part, ils n’ont pas confiance dans les outils dont disposent déjà les salariés.
Madame Assassi, vous avez rédigé votre amendement de telle manière que c’est le CHSCT qui demande à l’employeur de mettre en place cette structure d’écoute. Je l’ai lu ! C’est vraiment son travail ! Sans compter que vous ne nous dites pas ce qu’est cette instance. Vous voulez créer une nouvelle instance supplémentaire par rapport à ce qui existe déjà.
Vous avez aussi la médecine du travail, qui est très importante. Nous allons en parler.
Un salarié peut, à sa demande, se confier à la médecine du travail, à une infirmière ou à un infirmier. Vous ajoutez une instance dont on ne sait pas à quoi elle va servir.
Le problème n’est ni politique ni idéologique. Il s’agit de se prononcer avec bon sens par rapport à la vie quotidienne des entreprises.
Pour ma part, je fais confiance au CHSCT. Contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, madame Cohen, il n’a pas vu ses fonctions amoindries ou n’a pas disparu dans la loi Rebsamen. Au contraire !
Je le réaffirme, j’assume et je signe : depuis la loi Rebsamen, les moyens attribués au CHSCT sont moindres !
Ce n’est pas ce que je voulais dire en priorité. Ce que je veux dire surtout, c’est que, quand on parle de harcèlement, d’agissements sexistes dans les entreprises, …
… une réalité cruelle, qui est dénoncée – mais pas suffisamment – par des femmes qui la vivent, et qu’on essaie de trouver des outils ou d’améliorer des outils qui existent, eh bien, finalement, on nous rétorque que ce n’est pas possible.
Quand on intervient pour essayer de construire des solutions à l’intérieur de cet hémicycle, tout a déjà été pensé, prévu et il n’y a rien à améliorer !
Je trouve que nous sommes dans un paradoxe : lorsque l’on travaille et que l’on essaie d’apporter des solutions concernant les femmes et les inégalités qu’elles subissent, eh bien, pratiquement chaque fois – il suffit de voir la précarité et la flexibilité qu’elles subissent, nous en parlerons dans les prochains articles, notamment l’article 2 –, on se heurte aux mêmes réponses : ce n’est pas le moment ; ce n’est pas le bon véhicule ; cela a déjà été fait ; il faut voir ; il faut évaluer…
En attendant, il y a des femmes qui souffrent. Comme je l’ai dit, les conséquences sont très importantes aussi bien sur leur santé physique que sur leur santé morale.
Quand on me dit qu’il y a la médecine du travail, si ce n’était pas aussi triste, je me permettrais d’éclater de rire ! C’est tellement triste que je ne le fais pas ! Les moyens se réduisent comme peau de chagrin. §C’est exactement la même chose que pour les inspections du travail : vous détruisez des outils qui pourraient être utiles à l’ensemble des salariés, notamment aux femmes.
Arrêtez de citer des choses qui n’existent pas dans les entreprises !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin ainsi que MM. Bernard Vera et Michel Le Scouarnec applaudissent.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er quinquies est adopté.
L'amendement n° 470, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2146-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le montant : « 3 750 » est remplacé par le montant : « 45 000 » ;
2° Au second alinéa, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « trois ans » et le montant : « 7 500 » est remplacé par le montant : « 90 000 ».
La parole est à M. Bernard Vera.
À travers cet amendement, nous abordons la question de la lutte contre les discriminations syndicales.
Nous permettons ainsi d’élargir le champ de la répression pénale de la discrimination à tous les actes discriminatoires dont peuvent être victimes les travailleurs.
Selon l’Observatoire de la discrimination et de la répression syndicales, les discriminations et répressions à l’égard des syndicalistes sont des réalités largement sous-estimées par les pouvoirs publics et contre lesquelles il faut agir fortement.
Que ce soit à l’embauche ou au cours de leur carrière, aujourd'hui, les militants syndicaux savent qu’en faisant le choix du syndicalisme leur parcours professionnel ne s’en trouve pas facilité, bien au contraire.
La répression est de plus en plus prégnante. D'ailleurs, pour cette raison, nous avons demandé l’amnistie à de très nombreuses reprises.
Aujourd'hui, l’article L. 2146-2 du code du travail prévoit, en cas de discrimination syndicale, une amende de 3 750 euros pour les employeurs et, lorsqu’ils récidivent, une amende de 7 500 euros et un an d’emprisonnement.
Cette disposition nous semble insuffisante pour être réellement dissuasive. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, une peine de 45 000 euros portée à 90 000 euros en cas de récidive, et la peine de prison serait portée à trois années.
Bien entendu, nous savons que d’autres mesures sont à prendre, mais il s’agirait d’un premier signe envoyé aux syndicalistes afin de leur montrer la détermination des pouvoirs publics pour lutter contre toute forme de discrimination.
La commission a émis un avis défavorable, car elle considère qu’un certain nombre de dispositions d’ordre public existent déjà. Du point de vue du quantum, la peine en euros s’élève à 3 750 euros. Elle est potentiellement assortie d’un an de prison.
De plus, j’ai envie de mettre cet amendement en regard de l’amendement n° 469, que nous examinerons plus loin. D’un côté, vous demandez de relever des peines quand il s’agit de discrimination syndicale. D’un autre côté, vous demandez une sorte d’impunité pour des personnes ayant participé à un conflit et ayant commis des délits punis d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Vous demandez que les empreintes de ces personnes ne soient pas conservées.
Quand je vois ce qui s’est passé cet après-midi…
Cet après-midi, ce n’étaient pas des syndicalistes, c’étaient des casseurs !
Votre amendement tel qu’il est rédigé parle de personnes participant à des manifestations sur la voie publique. Quand je vois tous ces actes, que nous ne pouvons que condamner, …
… ces vitrines complètement cassées sur le boulevard du Montparnasse, …
… je me dis que c’est suffisamment grave. D'ailleurs, cela ne crédibilise pas forcément le mouvement dans son ensemble.
Je trouve qu’il faut être cohérent. La commission a émis un avis défavorable.
Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canevet applaudit également.
L’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 470 est défavorable pour une raison simple : la semaine dernière, le Conseil économique, social et environnemental, qui avait été saisi par le Premier ministre d’une question sur le développement de la culture du dialogue social, m’a remis son avis. L’une des propositions figurant dans cet avis fait l’objet d’un amendement du Gouvernement, visant à ce que le Défenseur des droits remette un rapport sur la discrimination syndicale sous toutes ces formes. C’est Jean-François Pilliard et Luc Bérille, secrétaire général de l’UNSA, qui m’ont remis l’avis élaboré par la section du travail et de l’emploi du CESE.
Beaucoup de choses ont déjà été dites sur la question des discriminations syndicales. La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social a d’ailleurs instauré un mécanisme de non-discrimination salariale. Il subsiste néanmoins des problématiques : aujourd’hui, certains salariés n’osent pas se syndiquer pour ne pas être pénalisés dans leur carrière et dans leur emploi. Voilà ce qui justifie notre amendement visant à demander au Défenseur des droits un rapport sur la question, ce qui permettra alors de prendre de vrais engagements en la matière. Je ne souhaite donc pas aujourd’hui devancer les enseignements à venir de ce rapport.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas sur l’amendement en tant que tel que je souhaite intervenir. Monsieur le rapporteur, non que je vous aie dans le viseur ce soir
Sourires.
On subit cela depuis trois mois ! Ce ne sont pas les syndicalistes qui cassent !
M. Jean Desessard. À ne pas respecter les syndicats qui manifestent, à ne pas les entendre…
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
J’ai quand même le droit de parler de ce que je veux ! J’ai mes propres lecteurs, qui ne sont pas les vôtres.
Je parle pour l’intérêt général !
Je ne veux pas laisser dire que la violence qui s’observe dans les manifestations lycéennes, étudiantes et syndicales est la responsabilité des manifestants. Cette violence découle plutôt de la désespérance sociale
Mme Éliane Assassi s’exclame.
M. Jean Desessard. … de ceux qui trouvent qu’il n’y a plus aujourd’hui de moyens démocratiques – aussi bien syndicaux que politiques – de s’exprimer dans notre pays.
Mme Nicole Bricq fait un geste dubitatif.
Ceux et celles qui créent la violence ne sont donc pas obligatoirement ceux qui manifestent ; il s’agit plutôt de ceux qui créent la désespérance sociale et l’impression de ne pas être entendu. Voilà pourquoi je ne peux accepter qu’on associe la violence à ces travées-ci de l’hémicycle, alors que c’est le patronat qui persiste sans écouter personne…
Applaudissements sur certaines travées du groupe CRC. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Jean Desessard. Eh oui, et il s’agit quand même du projet de loi Travail. Comme si certains emplois n’étaient pas supprimés pour que les actionnaires en profitent, comme s’il n’y avait pas des gens virés pour améliorer les profits !
Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Qui crée la désespérance sociale, sinon les gens qui mettent les travailleurs dehors ?
Vous n’avez pas créé une entreprise de votre vie, pour dire des choses pareilles !
M. Jean Desessard. La désespérance sociale, elle n’apparaît pas le jour de la manifestation ; ces désespérés utilisent la manifestation mais ce ne sont pas les manifestations qui créent les désordres et les casseurs !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Protestations redoublées sur les travées du groupe Les Républicains.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je ne peux pas laisser dire que les moyens démocratiques de s’exprimer n’existent plus !
Mme Nicole Bricq fait un geste d’approbation.
Alors que nous sommes en plein état d’urgence, la liberté de manifester, prévue par la Constitution, est à l’évidence tout à fait garantie, tout comme le droit de grève. Nous le montrons depuis plusieurs semaines. C’est tout à fait légitime. Les moyens démocratiques sont donc là.
Pour ma part, je respecte tout à fait le combat syndical, mais je condamne bien évidemment les violences.
M. Jean Desessard désigne les travées du groupe CRC.
Il faut savoir faire la part des choses.
Monsieur Desessard, vous affirmez que certains n’ont pas eu l’occasion de s’exprimer. Ma porte a toujours été ouverte. La franchit qui veut la franchir.
J’ai rencontré le numéro un de chacune des organisations syndicales et je verrai vendredi le responsable de la CGT, après plusieurs semaines pendant lesquelles il a préféré la politique de la chaise vide…
C’est faux ! Retirez le projet de loi, et il n’y aura plus de manifestations !
Mes chers collègues, je vous demande de ne pas perdre votre calme. Nous écoutons Mme la ministre.
Madame la ministre, vous avez la parole, et vous seule.
Nous sommes dans un État de droit, même si nous sommes en état d’urgence. Bien évidemment, la liberté de manifester et le droit de grève sont consacrés. C’est là le signe, bien sûr, d’une démocratie. Ne laissons donc pas dire ici qu’il n’y a pas de moyens démocratiques de s’exprimer !
En revanche, manifester ou faire la grève, ce n’est pas casser ! §Puis-je parler sereinement ? Comme je vous le disais à l’instant, j’ai rencontré les dirigeants de toutes les organisations syndicales. Un seul syndicat a refusé pendant de nombreux mois…
… de venir à ma rencontre et de déposer des propositions ; aujourd’hui, après trois semaines, il l’accepte. Je verrai donc son numéro un vendredi et j’attends avec beaucoup d’attention les propositions qu’il portera. Je suis en charge du dialogue social. Vous pouvez interroger les autres organisations syndicales : j’ai eu l’occasion de les rencontrer et nous allons continuer à travailler ensemble.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Voilà quelle est la question ; ne laissons pas dire en tout cas que nous n’avons pas les moyens démocratiques de nous exprimer dans ce pays. Alors que nous sommes en plein état d’urgence, le Gouvernement a suffisamment montré à mon sens sa volonté de pouvoir encadrer des manifestations de façon aussi apaisée.
Applaudissementssur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.
Je souhaiterais, mes chers collègues, que le débat se poursuive dans le respect des expressions des uns et des autres.
Nous sommes au Sénat : on se respecte les uns les autres, quelles que soient les idées exprimées, et on ne gagne rien à s’emporter dans le débat.
Je vous demande donc de respecter ces valeurs afin de donner une bonne image de notre institution.
Pourquoi ce débat est-il passionné ? C’est bien parce que, depuis des semaines, nous entendons systématiquement certains amalgames.
Souriressur les travées du groupe Les Républicains.
Quant au groupe CRC, au cas où cela aurait échappé à un certain nombre de mes collègues et de membres du Gouvernement, je tiens à préciser que nous ne faisons pas de confusion entre les manifestants et les casseurs. Nous condamnons sans aucune ambiguïté tous les actes de violence commis par les casseurs. Si cela vous avait échappé, je le redis ici tout à fait tranquillement et avec le sourire.
Cela étant dit, le droit de manifester est garanti par la Constitution, état d’urgence ou non. Quand on parle de dialogue social, il faut non seulement dire que l’on écoute, mais surtout réellement entendre et faire bouger les lignes. Or, alors que, depuis des mois, un mouvement se propage dans notre pays pour affirmer que ce projet de loi est mauvais, le Gouvernement s’obstine à le maintenir sans rien y changer. Alors, dire que la porte est ouverte quand on ne bouge pas d’un iota, c’est simplement se faire plaisir ou croire à une réalité différente de celle que vivent aujourd’hui une majorité de salariés dans ce pays.
Nous avons démontré – et nous continuerons de le faire, sur les travées du groupe CRC comme en dehors de cet hémicycle – qu’il existe d’autres possibilités d’amélioration effective du code du travail. Il faudrait mieux protéger les salariés plutôt que de détricoter les acquis, comme ce texte nous y invite.
Nous sommes en désaccord avec vous, madame la ministre ; c’est pourquoi nous nous affrontons dans l’hémicycle. Pour autant, il faut respecter certaines choses. Ainsi, ne nous faites pas dire ce que nous ne disons pas. C’est trop facile et cela entrave considérablement la qualité du débat. Nous sommes contre votre loi : nous vous le disons clairement et nous vous faisons des propositions. Vous êtes contre ces propositions : nous continuons de les défendre et nous sommes solidaires de celles et ceux qui manifestent dans les rues. Nous manifestons d’ailleurs avec eux, de manière pacifique.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Nous avons commencé les débats hier : d’un côté de l’hémicycle, on nous accuse d’avoir vidé la loi de son contenu, …
… de l’autre, on nous taxe de fermeté et on nous reproche de n’avoir pas bougé d’un pouce durant les trois derniers mois. Il faudrait savoir !
Au mois de mars, nous avons pris deux semaines pour une concertation avec les organisations syndicales et patronales. Nous en avons tiré de profondes modifications pour ce texte, ce qui nous est reproché de ce côté-là
Mme la désigne la droite de l’hémicycle.
Par conséquent, si nous souhaitons continuer ce débat de façon apaisée et sereine, et avancer de façon constructive, il faut à mon sens faire montre dans cet hémicycle d’un minimum de rigueur intellectuelle.
Protestations sur les travées du groupe CRC.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Exclamations d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la ministre, je veux bien tout entendre. Je vous ai d’ailleurs écoutée depuis hier : vous n’avez cessé d’affirmer votre accord, à 200 %, avec ce projet de loi. Dont acte : vous êtes parfaitement d’accord avec votre texte, mais vous n’avez strictement rien entendu. Votre utilisation du 49.3, qui a été dénoncé sur toutes les travées, en est la preuve. Qu’avez-vous à répondre ? Est-ce cela, la démocratie ? Vous pouvez bien nous expliquer que vous avez accepté des amendements en commission, mais le débat en commission, ce n’est pas le débat démocratique dans les hémicycles, à l’Assemblée nationale comme ici.
Vous restez droite dans vos bottes. Dont acte ! Mais laissez-nous un peu vous opposer d’autres propositions que celles qui sont dans votre loi, que des millions de gens refusent dans le pays et contre lesquelles un million de personnes se sont encore mobilisées aujourd’hui. C’est cela qui vous embête, c’est cela que vous n’acceptez pas ! Permettez que nous soyons les porte-voix de ces manifestants !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 288 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Roche, Longeot, Capo-Canellas et L. Hervé, Mmes Hummel et Deromedi, MM. Laménie et Cigolotti et Mme Létard.
L'amendement n° 426 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun fonctionnaire ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » ;
2° Au deuxième alinéa, le mot : « toutefois » est supprimé ;
3° Le 1° est complété par les mots : « et au deuxième alinéa ».
La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l’amendement n° 288 rectifié bis.
Le chapitre II de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pose un certain nombre de garanties visant à protéger les fonctionnaires contre les discriminations, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel. Il ne prévoit cependant aucune disposition relative à l’interdiction « de tout agissement sexiste », telle qu’elle existe désormais dans le code du travail.
Alors que la loi du 27 mai 2008 précise en son article 5–1 que l’interdiction de « tout agissement fondé sur le sexe » s’applique également à toutes personnes publiques, la loi de 1983 n’y fait aucunement référence.
Dès lors, l’objectif de cet amendement est d’insérer le principe de l’interdiction de « tout agissement sexiste » à l’article 6 bis de la loi de 1983 afin de rendre visible ce principe et de permettre ainsi aux fonctionnaires de s’en saisir et à l’administration de mettre en place des mesures de prévention en ce domaine. Nous voulons les mêmes protections pour les membres de la fonction publique que pour les salariés du privé !
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 426.
Je me réjouissais, en préparant la défense de cet amendement, de la sérénité de nos débats et de leur tonalité studieuse lorsque nous discutions des questions de harcèlement. Au vu des dernières minutes, je passerai directement à mon argumentaire !
Cet amendement est issu des auditions de la délégation aux droits des femmes, où nous avons entendu un certain nombre de témoignages. Il nous est apparu qu’il y avait peut-être un trou dans l’édifice que nous étions en train de bâtir.
En effet, comme le disait à l’instant Gérard Roche, la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pose un certain nombre de garanties dont bénéficient les fonctionnaires. Parmi ces garanties se trouvent la protection contre les discriminations ainsi que les harcèlements moral et sexuel. En revanche, contrairement au code du travail depuis la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, le statut général de la fonction publique ne prévoit aucune disposition concernant l’interdiction du sexisme, sauf erreur de notre part. Nous avons peut-être manqué une occasion avec la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires. Le présent projet de loi nous offre pourtant l’opportunité d’y remédier !
En effet, selon nous, la lutte contre le sexisme ne doit pas se limiter aux entreprises privées ; elle doit s’étendre à la fonction publique et concerner l’ensemble des actifs de ce pays. J’espère que cet amendement de bon sens recueillera l’assentiment de notre Haute Assemblée.
M. Jean Desessard applaudit.
Après nos débats passionnés, nous allons effectivement pouvoir – dans une belle unanimité, j’espère – adopter ces amendements pour lesquels la commission a émis un avis de sagesse positive. En vérité, dès lors que ce régime est prévu dans le secteur privé, il va de soi que le secteur public ne peut pas en être exempté.
J’invite donc notre assemblée à adopter ces amendements identiques.
L’avis est très favorable, quand bien même l’objet de ces amendements est à l’origine éloigné de celui du présent projet de loi. Il est important d’aligner les secteurs public et privé sur cette question. En un an, nous aurons beaucoup avancé !
Je mets aux voix les amendements identiques n° 288 rectifié bis et 426.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er quinquies.
L’amendement n° 468, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° de l’article 225-2 du code pénal, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 7° À refuser une formation d’une personne ;
« 8° À refuser une promotion d’une personne ;
« 9° À refuser une classification d’une personne. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
À travers cet amendement, nous entendons renforcer les dispositions de l’article 225–2 du code pénal, qui donne une définition des actes pouvant être le support de discriminations qui peuvent faire l’objet de sanctions pénales. Notre amendement vise à élargir cette définition au fait de refuser une formation, une promotion ou encore une classification à une personne en raison de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de son patronyme, de son lieu de résidence, de son état de santé, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelles, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion déterminée.
Dans la société apaisée que nous appelons de nos vœux, il n’est plus possible de tolérer des actes de discrimination. Le renforcement des sanctions est une chose ; une autre est de bien définir légalement les situations en cause pour permettre des actions en justice plus faciles pour les victimes.
La commission a estimé que cet amendement était en partie satisfait par l’article 225–2 du code pénal, qui prend déjà en compte les refus de formation. Les autres éléments évoqués relèvent du droit commun de la discrimination et sont également punissables. La commission a par conséquent émis un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement est parvenu au même avis que la commission, et sur le même fondement. Je voudrais simplement ajouter que, sur la base des préconisations faites par le Conseil économique, social et environnemental, nous avons décidé de prendre ce sujet à bras-le-corps. C’est pourquoi le Gouvernement défendra un amendement visant à demander l’établissement d’un rapport dressant l’état des discriminations syndicales dans notre pays.
Je mets aux voix l’amendement n° 468.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 249 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 469, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 706-55, il est inséré un article 706-55-1 ainsi rédigé :
« Art. 706 -55 -1. – Les empreintes des personnes poursuivies, condamnées ou à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis un délit ne sont pas conservées lorsque le délit est prévu aux articles 222-11 à 222-13, 222-17 et 222-18, 224-1, 322-1 à 322-14 du code pénal, que la peine encourue n’excède pas cinq ans d’emprisonnement et qu’il a été commis par des personnes participant :
« 1° À un conflit collectif du travail ou à des actions syndicales et revendicatives engagées par des salariés ou agents publics, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans les lieux publics ;
« 2° À un mouvement collectif revendicatif, associatif ou syndical, relatif aux problèmes liés au logement, à l’environnement, aux droits humains, à la santé, à la culture, à la lutte contre les discriminations, au maintien des services publics et aux droits des migrants, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics. » ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article 706-56, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les faits ont été commis dans les circonstances prévues au 1° ou au 2° de l’article 706-55-1, le prélèvement biologique est soumis à l’accord préalable du procureur de la République compétent, donné par tout moyen. Mention en est faite au procès-verbal de la procédure.
« Lorsque les faits ont été commis dans les circonstances prévues au 1° ou au 2° de l’article 706-55-1, la personne, sur laquelle est effectué un prélèvement biologique à la demande ou avec l’accord préalable du procureur de la République est informée par l’officier de police judiciaire qui procède ou fait procéder à ce prélèvement qu’elle a le droit, à tout moment, de demander au procureur de la République compétent que ses empreintes génétiques soient effacées du fichier national automatisé des empreintes génétiques suivant la procédure prévue au deuxième alinéa de l’article 706-54 du présent code. Mention de l’information donnée est faite au procès-verbal de la procédure et émargée par la personne sur laquelle est effectué le prélèvement. En cas de refus d’émargement il en est fait mention. »
La parole est à M. Pierre Laurent.
Si je me réfère au débat précédent, l’examen de cet amendement risque de susciter encore des passions.
Je tiens à m’exprimer de nouveau avec force sur la violence et les amalgames qui sont systématiquement faits sur ce point. Dans le droit fil des propos de Laurence Cohen, le groupe CRC est extrêmement clair sur cette question et ne confond pas manifestants et casseurs. Faire comme s’il n’y avait eu que des casseurs dans la rue aujourd’hui est d’une grande violence symbolique. Quand un million de nos concitoyens descendent dans la rue
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.
Cet amendement vise à exclure le fichage systématique des empreintes génétiques des militants syndicaux, d’une part, en supprimant l’automaticité de l’inscription au fichier national automatisé des empreintes génétiques des personnes poursuivies à l’occasion de conflits du travail, d’autre part, en soumettant le prélèvement ADN à l’accord préalable du procureur de la République.
Le fichier national automatisé des empreintes génétiques a été constitué au départ pour les infractions à caractère sexuel. L’utiliser pour demander le prélèvement des empreintes génétiques et le fichage de militants syndicaux est une dérive, qui s’est malheureusement développée.
C’est pourquoi nous reprenons une proposition de l’Observatoire de la discrimination et de la répression syndicales visant à mettre en cause ce durcissement et cette dérive tout à fait inacceptables. De nombreux exemples l’attestent : la condamnation de l’inspectrice du travail de Tefal
Mme Brigitte Gonthier-Maurin opine.
Que ce soit bien clair : il ne s’agit pas pour nous d’accorder une quelconque impunité, comme l’a laissé entendre Jean-Baptiste Lemoyne : il s’agit de faire respecter les libertés publiques fondamentales, notamment le syndicalisme, et de ne pas confondre les syndicalistes avec de grands délinquants qui devraient, eux, être inscrits au fichier national automatisé des empreintes génétiques.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Penchons-nous sur le dispositif législatif proposé. L’exposé des motifs parle de fichage systématique de militants syndicaux, mais le texte de l'amendement ne mentionne pas les militants syndicaux !
En effet, il est question de « personnes participant :
« 1° À un conflit collectif du travail ou à des actions syndicales et revendicatives engagées par des salariés ou agents publics, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans les lieux publics ;
« 2° À un mouvement collectif revendicatif, associatif ou syndical… »
Prenons des exemples concrets. Voilà quelques jours, Joseph Thouvenel, éminent syndicaliste que la commission a auditionné, représentant de la CFTC, s’est fait boxer par les gens de Nuit debout. La photo de son visage tuméfié circule sur les réseaux sociaux. Les auteurs de tels actes devraient-ils avoir droit à l’impunité ? C’est incompréhensible !
Dans l'amendement, il est question de personnes, et non de syndicalistes, qui commettent des actions répréhensibles et qui – c’est précisé – ont parfois été condamnées.
Il est impossible d’assumer une telle disposition devant la société.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il n’est qu’à voir les réactions après qu’un certain nombre de manifestations ont dégénéré du fait de personnes dont je ne connais pas l’origine. On ne peut pas les exonérer de la loi comme cela.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.
L’avis est également défavorable.
Le Gouvernement défend la liberté syndicale et la liberté de manifester, qu’il garantit. Je rappelle à cette occasion qu’il n’y a aucune criminalisation de l’action syndicale dans notre pays et que le Gouvernement souhaite maintenir la sécurité publique, assurer l’ordre public et garantir l’application de la loi. Y compris en ce moment, la volonté du Gouvernement est de garantir le droit de manifester et le droit de grève. Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur le sujet !
Par ailleurs, je rappelle que le fichier national automatisé des empreintes génétiques a été créé et mis en place dans un contexte bien particulier. Il s’agissait de poursuivre des personnes en fonction d’un critère objectif tenant à la nature de l’infraction considérée. Il s’agit de traiter non pas le statut, mais l’infraction, et de poursuivre des personnes sur la base d’infractions constatées.
C’est un critère objectif. Les militants syndicaux ne sont pas plus concernés que d’autres, puisque c’est un critère de fait qui prévaut et non un critère de catégorie ou de personne.
Il existe un principe d’égalité devant la loi, selon lequel, dès lors qu’il y a infraction, toute personne, quelle qu’elle soit, une fois l’infraction constatée, est soumise à la loi et doit se voir infliger les condamnations liées à cette infraction. En aucun cas, certaines personnes, au regard de leur statut, ne sauraient être protégées quand elles auraient commis une infraction de cette nature.
Mme Nicole Bricq opine.
Je tiens à répondre à ce qui vient d’être dit. Il ne s’agit en aucun cas d’impunité pour les auteurs de telle ou telle violence. Il s’agit de savoir si l’on doit inscrire des personnes, en l’occurrence des militants syndicaux, dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques, qui a été créé dans un dessein particulier et dont la charge symbolique est extrêmement forte.
Nous parlons de cas très concrets. On a voulu obliger Xavier Mathieu, militant de Continental que tout le monde connaît, des militants syndicaux qui manifestaient contre la ferme des Mille vaches, un syndicaliste des autoroutes du sud de la France, à donner leurs empreintes génétiques, comme s’il s’agissait de vulgaires criminels. C’est de cela que nous parlons.
C’est une question précise et extrêmement importante pour le respect du syndicalisme dans notre pays. Je regrette que vous ne l’entendiez pas ainsi.
J’avoue ne pas comprendre du tout ce qui est prévu dans cet amendement.
On peut vouloir critiquer globalement le principe des empreintes génétiques et leur conservation, mais comment excuser des violences volontaires, sous prétexte qu’elles ont été commises lors d’un conflit ou d’une action de masse
Mme Anne Emery-Dumas opine.
Ce n’est pas sérieux et je suis très étonné que le groupe CRC formule une telle proposition.
Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Daniel Chasseing rit.
Mme la secrétaire d'État l’a rappelé : ce qui compte, c’est non pas l’intention, mais le fait que l’acte ait été commis et constaté et qu’il y ait donc un délit.
Dans cet amendement, il est fait référence au code de procédure pénale, qui fait lui-même référence à des articles du code pénal : il s’agit de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus ou moins huit jours, d’enlèvements, de séquestrations, de détériorations, de destructions de biens appartenant à autrui, y compris par des substances explosives. Vous ne pouvez pas demander que ceux qui ont commis ces délits soient exemptés du prélèvement biologique. Pourquoi ? Nous parlons là d’actes très graves !
Vous avez le droit de présenter un tel amendement. Vous l’avez dit, il se situe dans la continuité de ce que vous aviez demandé lors de l’examen de la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives, que vous aviez déposée lors de l’affaire Continental. Reste que, quand on commet de si graves délits et que ceux-ci sont constatés, on ne peut pas se soustraire à des prélèvements biologiques. Ce n’est pas possible.
Mme Cécile Cukierman. Il est loin le temps où, dans cet hémicycle, nous votions une proposition de loi pour l’amnistie syndicale qui a été depuis transmise à l’Assemblée nationale et envoyée à la commission des lois saisie au fond. Il s’agissait, nous avait-on dit à l’époque, de lui donner toute sa force et de répondre aux engagements d’un candidat devenu depuis Président de la République.
Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Bien évidemment, chacun peut sombrer dans l’excès et dans la caricature.
Mme Bricq répète depuis hier qu’il faut sortir des postures. C’est le moment ! Avec cet amendement, nous défendons une réalité qui semble parfois déranger, à savoir qu’un certain nombre de militants syndicaux, qui ne se reconnaissent pas dans les exemples concrets qui ont été cités, se voient contraints de se soumettre à un prélèvement ADN et soient inscrits dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques dont nous savons, Pierre Laurent l’a rappelé, qu’il est assimilé le plus souvent à un fichier des délinquants sexuels.
Je regrette ce refus catégorique de discuter.
Si cet amendement était mal rédigé, vous auriez pu nous proposer de le corriger, y compris pour faire un geste en direction du mouvement syndical. Or vous nous opposez un refus catégorique, ce qui est bien dommage.
Là encore, qu’il est loin le temps où la grande gauche rassemblée défendait les cinq de Roanne qui avaient refusé le prélèvement génétique !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Même si l’on respecte les militants syndicaux qui, comme leur nom l’indique, militent pour défendre l’intérêt général, et leur engagement, on ne peut aller jusqu’à les exclure du fichier national automatisé des empreintes génétiques. Il nous faut rester réalistes.
Nous devons faire confiance au travail de la commission et ne pouvons objectivement que nous rallier à l’avis exprimé par le rapporteur.
Mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur le danger auquel nous sommes aujourd’hui exposés, qui est de légiférer dans l’émotion et dans l’urgence. La journée a été extrêmement complexe et de nombreux incidents ont émaillé les manifestations dans la capitale et dans d’autres villes.
On peut comprendre le fondement de l’amendement du groupe CRC. Toutefois, je trouve un peu choquant que nous ne parvenions plus à faire la différence entre l’acte de militer – mon collègue vient de le rappeler – et un acte de délinquance.
L’attention de notre assemblée a été attirée sur ce sujet à la fin de l’après-midi. Nous sommes en train de débattre d’un texte sur le travail, la flexibilité, les droits au travail, mais nous modifions en même temps le droit pénal. Il nous faut donc être extrêmement prudents. Si le droit de grève et le droit de militer sont une chose, basculer dans la délinquance en est une autre. Dans cette matière, les nuances font sens ! Quand il s’agit de délinquance et qu’il y a des victimes, c’est un autre droit qui s’applique.
Je regrette que les membres du groupe CRC ne fassent pas la différence entre ces deux événements. Personnellement, je suivrai l’avis de la commission et voterai contre cet amendement, mais je ne souhaite pas que, dans les prochains débats, nous ayons à chaque fois le même genre de discussion.
J’ai bien conscience que nous sommes à la limite de deux codes différents. Reste que, si le droit social et le droit de grève sont une chose, basculer dans la délinquance en est une autre.
Si des élus locaux, notamment des maires, se comportaient de cette façon, ce ne serait pas accepté. De la part de syndicalistes, cela ne peut pas l’être non plus.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.
Les écologistes comprennent très bien l’intention de nos collègues du groupe CRC de ne pas assimiler les syndicalistes, leurs représentants, les manifestants à différents actes de délinquance très graves et de les empêcher de se retrouver dans le fichier. Prenons une comparaison historique : les gens n’ont pas envie d’être marqués au fer rouge et de subir une telle marque d’indignité.
En même temps, nous sommes sensibles aux arguments de Mme la secrétaire d’État. Ce qui est retenu, c’est non pas une qualité ou une profession, mais une infraction, un acte de violence.
Nous ne vous accompagnerons donc pas jusqu’au bout de votre démarche, chers collègues, car nous ne sommes pas à l’aise avec ce que vous proposez – peut-être s’agit-il d’une maladresse rédactionnelle ? –, même si, dans le fond, nous partageons votre préoccupation de ne pas voir les syndicalistes figurer dans ce fichier.
Par ailleurs, nous souhaitons alerter l’ensemble de nos collègues sur les prélèvements génétiques et les appeler à la plus grande vigilance à cet égard.
Je rappelle que la structure qui échantillonne les prélèvements d’ADN, qui les répertorie et les transforme en fichier numérique est non pas un service public, mais une entreprise privée. Lorsque la loi a été adoptée, il nous avait été dit que ce n’était pas grave, car il s’agissait d’ADN non codant et qu’on ne faisait figurer dans le fichier que l’identité de la personne. Or c’est faux ! Les derniers prix Nobel ont montré que l’ADN non codant est en fait de l’ADN dont on ne sait pas encore ce qu’il code.
Si je tiens à vous alerter aujourd'hui, mes chers collègues, c’est parce que si ces entreprises privées, à qui vous demanderez peut-être un jour d’être un peu plus rentables, vendaient ces données aux services assurantiels, les personnes concernées par des maladies prédictives rencontreraient alors les pires problèmes.
C’est pourquoi nous ne voterons pas non plus contre cet amendement. Nous sommes en effet contre ces prélèvements et leur classement, car, dans notre république aujourd'hui, ils ne sont pas sécurisés.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Godefroy applaudit également.
L'amendement n'est pas adopté.
Chapitre II
Une nouvelle architecture des règles en matière de durée du travail et de congés
(Supprimé)
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 1 rectifié bis est présenté par MM. Karoutchi, Joyandet, Dufaut, Emorine et Cambon, Mme Joissains, M. Magras, Mme Micouleau, MM. Laufoaulu et Cantegrit, Mme Di Folco, MM. Rapin, Houel et Dallier, Mme Duchêne, M. César, Mmes Estrosi Sassone et Des Esgaulx, MM. Pointereau, Husson, Huré, A. Marc, B. Fournier, Savary, Pellevat et Béchu, Mme Canayer, MM. Fouché, Perrin, Raison et Gilles, Mme Deromedi, MM. Grand et G. Bailly, Mme Mélot, M. Bizet, Mme Troendlé, MM. Savin et P. Dominati, Mme Hummel, MM. Vasselle et Masclet, Mme Primas, MM. Vaspart, Fontaine, Chaize, Longuet, Laménie et Houpert, Mme Gruny et MM. P. Leroy et L. Hervé.
L'amendement n° 143 rectifié est présenté par Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Chasseing, de Legge, Dufaut, Frassa et Gremillet, Mme Hummel, MM. Husson, Joyandet et Laménie, Mme Lopez et MM. Magras, Masclet, Mayet, Pellevat, Pointereau, D. Robert, Doligé, Soilihi et Vasselle.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 2 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :
« Art. 81 quater. – I. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu :
« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 dudit code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.
« L’exonération mentionnée au premier alinéa du présent 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ;
« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l’article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ;
« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;
« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;
« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;
« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.
« II. – L’exonération prévue au I s’applique :
« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :
« a) Des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;
« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :
« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail ;
« – pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;
« – pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l’article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d’heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;
« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;
« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.
« III. – Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.
« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article 79 du présent code, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.
« De même, ils ne sont pas applicables :
« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;
« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du même code. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 241-17 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 241 -17. – I. – Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par le même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.
« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa du présent I.
« II. – La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peut dépasser ce montant.
« III. – Le cumul de cette réduction avec l’application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l’application d’une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.
« IV. – Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;
2° L’article L. 241-18 est ainsi rédigé :
« Art. L. 241 -18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.
« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l’article 81 quater du même code.
« III. – Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.
« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.
« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l’article 81 quater du code général des impôts.
« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.
« IV. – Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l’article L. 241-17 du présent code. »
III. – Les I et II ci-dessus sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er janvier 2017.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Joyandet, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié bis.
Il s’agit d’un amendement d’appel, sans rapport direct avec l’ordre du jour.
Par cet amendement, nombre de nos collègues ont souhaité rappeler au Gouvernement que 9 millions de salariés dans notre pays ont bénéficié un temps des heures supplémentaires détaxées. Quatre ans plus tard, ceux qui ne bénéficient plus de ce dispositif le regrettent beaucoup.
Cet amendement vise à évoquer ce sujet, qui fait débat aujourd'hui.
Il est également l’occasion d’apporter la preuve que lorsque Nicolas Sarkozy était Président de la République, on travaillait plus pour gagner plus. Le risque de l’article 2 est que l’on travaille plus pour gagner moins !
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l'amendement n° 143 rectifié.
L'amendement n° 901 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :
« Art. 81 quater. – I. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu :
« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 dudit code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.
« L’exonération mentionnée au premier alinéa du présent 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ;
« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l’article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ;
« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;
« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;
« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;
« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.
« II. – L’exonération prévue au I s’applique :
« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :
« a) Des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;
« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :
« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail ;
« – pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;
« – pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l’article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d’heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;
« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;
« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.
« III. – Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.
« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article 79 du présent code, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.
« De même, ils ne sont pas applicables :
« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;
« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du même code. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 241-17 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 241 -17. – I. – Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par le même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.
« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa du présent I.
« II. – La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération.
« III. – Le cumul de cette réduction avec l’application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l’application d’une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.
« IV. – Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;
2° L’article L. 241-18 est ainsi rédigé :
« Art. L. 241 -18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.
« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l’article 81 quater du même code.
« III. – Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.
« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.
« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l’article 81 quater du code général des impôts.
« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.
« IV. – Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l’article L. 241-17 du présent code. »
III. – Les I et II ci-dessus sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er janvier 2013.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Cet amendement, que nous avions déjà déposé lors de la discussion de la loi de finances, vise à rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires. Nous sommes constants dans notre demande.
Cette mesure, prise lors du quinquennat précédent, répond à une aspiration profonde de la majorité de la population. Supprimée par l’article 3 de la loi de finances rectificative du 16 août 2012, elle constitue pourtant une mesure essentielle pour le pouvoir d’achat et pour la réhabilitation d’une conception positive et valorisante de l’effort. Elle est également de nature à accompagner la croissance alors que nous connaissons une reprise économique qu’il faut encourager par tous les moyens en notre possession. Elle permettrait ainsi de donner un coup de fouet à l’activité des entreprises, ainsi qu’au pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Cet amendement résulte d’une analyse réaliste des besoins de nos entreprises et des Français, qui ont exprimé un ras-le-bol fiscal. Il est de notre devoir de les entendre.
Ces trois amendements ont la vertu indéniable de rappeler le dispositif qui a existé et qui a permis à de nombreux salariés de bénéficier bien des fois d’un véritable treizième mois. Nous regrettons que ce dispositif ait été supprimé d’un trait de plume en 2012.
On le sait, nombre de salariés travaillent 36, 37, voire 38 heures par semaine, soit plus que 35 heures. Ces heures supplémentaires étaient alors majorées et défiscalisées. Ce dispositif avait de nombreuses vertus.
Il est vrai que l’article 2 du texte a été modifié par la commission, qui a souhaité transformer la durée légale en durée de référence, laquelle sera discutée par entreprise ou par branche. Un amendement du groupe Les Républicains, dans le même esprit que les vôtres, tend à prévoir que la rémunération des personnes effectuant régulièrement des heures supplémentaires ne doit pas baisser.
La commission a demandé le retrait de ces amendements, présentés à titre d’appel. L’appel a été entendu, j’espère que la demande de retrait le sera également.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Ce débat sur la défiscalisation des heures supplémentaires revient à chaque fois que le Parlement est amené à débattre du code du travail. Or le Gouvernement ne souhaite absolument pas revenir sur la suppression de la défiscalisation adoptée en 2012, tout simplement parce que la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, votée en 2007, a coûté 5 milliards d’euros aux finances publiques de notre pays, qu’elle a eu les conséquences que l’on sait §– elle en est du moins en partie responsable –, sans pour autant avoir la moindre efficacité sur la croissance…
… et sur l’emploi. Elle a en outre bénéficié le plus à ceux qui gagnaient déjà le plus et moins à ceux qui gagnaient moins à cause de l’effet de proportionnalité.
Il n’est donc absolument pas question pour nous de revenir sur la décision que nous avons prise en 2012 et que nous assumons pleinement, car elle correspond tout à fait à ce que nous souhaitions faire.
L’amendement que j’ai cosigné vise à rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires. Le code du travail est bien sûr indispensable. Pour sa part, la commission a essayé de flexibiliser mais sans précariser.
Je dois dire que les rapporteurs ont réalisé un travail extraordinaire. Ils ont écouté très longuement tous les syndicats, quels qu’ils soient, ce qui est normal. Aider les entreprises afin d’accroître leur compétitivité et de faciliter le commerce, augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs, c’est aussi tout de même pas mal.
La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires a entraîné une diminution de salaire pouvant atteindre parfois 100, voire 200 euros ou plus par mois. Cette mesure était appréciée des salariés, car elle avait entraîné une hausse du pouvoir d’achat importante pour les familles. Je pense en outre qu’elle favorisait l’emploi et qu’elle était très adaptée pour les PME.
Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué la loi TEPA de 2007, dans laquelle figurait cette mesure. Je m’en souviens, car j’ai été l’un des rapporteurs du texte. Cette disposition avait été examinée conjointement par la commission des finances et par la commission des affaires sociales. Nous l’avions alors adoptée avec un certain enthousiasme.
Contrairement à ce que vous affirmez, madame la secrétaire d’État, cette disposition a eu des résultats bien plus positifs que la politique conduite aujourd'hui par le Gouvernement. Compte tenu du taux de chômage dans notre pays et de la situation précaire dans laquelle se trouvent aujourd'hui nombre de salariés, vous êtes donc particulièrement mal placée pour nous donner des leçons en matière de gestion des finances publiques et de politique de l’emploi.
C’est une des raisons pour lesquelles, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous demandez le retrait de l’amendement que j’ai cosigné et de celui qu’a présenté Caroline Cayeux.
Nous l’annonçons dès à présent : nous redéposerons cet amendement lors de l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous reprendrons l’initiative, car il y a une attente forte dans ce pays, notamment de la part des salariés, lesquels ont très mal vécu la disparition de cette disposition.
Permettez-moi d’expliquer les raisons pour lesquelles je m’en tiendrai à l’avis du rapporteur et de la commission. On ne peut pas comparer la situation actuelle et celle de 2007, pour deux raisons.
En premier lieu, en 2007, les 35 heures étaient en vigueur. L’article 2 du projet de loi prévoit aujourd'hui une liberté sur les 35 heures et sur les modalités de rémunération du temps de travail dans l’entreprise, dans le cadre d’accords d’entreprise sur le temps de travail.
Dès lors, soit on consacre les 35 heures, auquel cas il faut sûrement mettre en œuvre la défiscalisation, qui est une mesure en faveur du pouvoir d’achat ; soit, comme le souhaite la commission, on assouplit le temps de travail et on sort des 35 heures, auquel cas la défiscalisation me paraît contradictoire. Je le dis clairement et nettement.
En second lieu, la situation des finances publiques n’a rien à voir aujourd'hui, mais alors rien à voir, avec ce qu’elle était en 2007. La défiscalisation est une dépense fiscale. Or, dans quelques mois, la dette publique tutoiera les 100 % du PIB. Pour redresser la France, il faut selon moi laisser une plus grande liberté à l’entreprise de s’organiser et de signer des accords d’entreprise, voire des accords de branche.
La défiscalisation doit être prise pour ce qu’elle a été : une bonne mesure, certes, mais liée à une conjoncture précise et aux choix du gouvernement de l’époque.
M. Jean-Pierre Leleux applaudit.
Nous voici parvenus à un moment important de notre débat.
Le projet de loi que nous examinons, qui vise à modifier le code du travail, a été adopté par l'Assemblée nationale avec le 49.3, ce qui a posé de nombreuses difficultés. Alors que ce texte nous paraissait assez complet au départ, certains d’entre nous trouvent qu’il a été un peu dénaturé après son passage à l'Assemblée nationale. Il nous arrive ici dans un contexte particulier, on l’a encore vu aujourd'hui, de révolte et de crainte.
J’essaie de tenir un discours très apaisé. La crainte que suscite ce texte tient au fait que certains sur nos travées sont encore dans une logique de lutte des classes. Même si la lutte des classes a fait ses preuves et apporté beaucoup de choses, force est de constater que le monde évolue et que des réformes sont nécessaires. On peut être réformateurs sans se situer obligatoirement du côté du profit, des patrons et contre les ouvriers.
On est réformateurs parce qu’on pense à ceux qui n’ont pas de travail. Certains ici défendent ceux qui ont un emploi, mais on peut aussi penser à ceux qui n’en ont pas. Notre travail est de réformer afin d’amener le plus de gens vers l’emploi, ceux qui sont le plus à plaindre étant les chômeurs et les plus exclus.
C’est pour cela qu’on travaille sur ce projet de loi.
Dans ce contexte particulier, le Sénat a effectué un travail sérieux, approfondi – les rapporteurs l’ont très bien fait –, qui n’a rien de provocant pour ceux qui acceptent mal ce texte.
Nous avons réfléchi à un assouplissement des heures de travail. Nous avons bien veillé à ce qu’il n’y ait pas de perte de salaire pour les gens effectuant des heures supplémentaires. Cela a été dit et sera redit lors de l’examen de l’article 2.
Dans ce contexte, nous pensons que la défiscalisation des heures supplémentaires n’a plus de sens. Dès lors, le groupe de l’UDI-UC suivra les conclusions des rapporteurs et ne votera pas pour cette défiscalisation. Ceux qui le souhaitent pourront de nouveau proposer cette mesure en d’autres temps, mais je pense que, compte tenu du contexte, ce n’est pas le moment aujourd'hui de l’adopter.
Notre collègue Alain Joyandet a dit qu’il s’agissait d’un amendement d’appel et qu’il était nécessaire. Pour ma part, je me rangerai à l’avis du rapporteur, bien sûr.
Madame la secrétaire d’État, je ne sais pas si vous vous êtes rendue dans les entreprises après la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Je peux vous dire que certains ouvriers ont alors perdu entre 100 et 150 euros par mois. Nombre d’entre eux avaient voté pour François Hollande.
Vous dites, madame la secrétaire d’État, que vous ne reviendrez jamais sur cette mesure. Cela me fait penser à cette locution que l’on apprenait en classe de latin : errare humanum est, perseverare diabolicum !
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Sourires.
Je précise que cet amendement, qui a été déposé sur l’initiative de notre excellent collègue Roger Karoutchi, a été cosigné par plus de cinquante sénateurs. Il ne s’agit donc pas d’une initiative individuelle.
Par ailleurs, j’ai pris la précaution d’indiquer qu’il visait à ouvrir un débat sur cette question. Lorsque nous avons envisagé de déposer cet amendement, nous ne connaissions pas exactement le contenu de l’article 2. Il ne sert donc à rien de lier cet amendement à l’article 2.
Mme la secrétaire d’État nous explique que la défiscalisation des heures supplémentaires a coûté 5 milliards d’euros. Mais combien a donc coûté votre million de chômeurs supplémentaires ? §Vous avez fait beaucoup de choses, mis en œuvre les 35 heures, persuadés que la division du temps de travail créerait des emplois. Si c’était vrai, il y aurait beaucoup moins de chômeurs – n’est-ce pas ?
Les entreprises ont besoin de souplesse. Les socialistes parlent de flexisécurité. Or, avec ce texte, vous êtes en train de nous proposer de la flexibilité pour les entreprises sans prévoir de sécurité pour les travailleurs ! §Cessez donc de nous donner des leçons et acceptez qu’on discute de bonne foi de ce qu’on pense être la bonne solution. Nous sommes un certain nombre à penser qu’une augmentation du temps de travail donnera du pouvoir d’achat en plus aux travailleurs tout en offrant de la flexibilité aux entreprises.
Tel est le fruit de l’excellent travail qu’ont effectué nos rapporteurs sur l’article 2, ce qui nous conduit à retirer cet amendement.
De grâce, cessez de nous donner des leçons sur tous les sujets où vous avez échoué chaque fois que vous avez fait quelque chose !
L'amendement n° 1 rectifié bis est retiré.
Madame Cayeux, l'amendement n° 143 rectifié est-il maintenu ?
Je fais évidemment confiance à nos rapporteurs, dont l’avis est cohérent avec le texte. Il s’agit d’offrir de plus grandes possibilités de trouver du travail. À cet effet, les amendements de la commission sont plus percutants.
Dans cet esprit, et dans la droite ligne des interventions de mon collègue Joyandet et du président Retailleau, je retire cet amendement.
L'amendement n° 143 rectifié est retiré.
Monsieur Requier, l'amendement n° 901 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Nous présentons cette requête depuis longtemps, lors de chaque budget, mais me sentant désormais un peu seul
Sourires.
L'amendement n° 901 rectifié est retiré.
L'amendement n° 471 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir un taux de majoration différent uniquement plus favorable. Ce taux ne peut être inférieur à 25 %. »
La parole est à Mme Annie David.
À travers cet amendement, nous souhaitons rétablir le principe de faveur en matière de majoration des heures supplémentaires.
Oui, il est nécessaire de moderniser, de fortifier même notre code du travail, mais cette modernisation ne peut se concevoir que si elle fait progresser le droit du travail. En effet, le code du travail a pour vocation de dire le droit en matière de travail, non pas de renforcer la compétitivité, comme on l’a vu à l’article 1er, ou même de créer de l’emploi.
À cet égard, une étude récente du FMI conclut que « la réglementation du marché du travail n’a pas d’effets statistiquement significatifs sur la compétitivité des entreprises ».
De plus, nous souhaitons maintenir l’effectivité de la majoration des heures supplémentaires au-delà des 35 heures, à un taux qui ne pourra être inférieur à 25 %. Contrairement à ce qu’affirmait Gérard Roche, il y aura donc bien une perte de salaire concernant les heures supplémentaires. En somme, nous souhaitons élargir la dérogation accordée aux routiers à l’ensemble des salariés, tout en revenant sur le plancher des 10 %. La preuve a d'ailleurs été donnée par M. Vidalies.
En effet, il n’est pas suffisant d’affirmer que vous reviendrez sur la majoration des heures supplémentaires et, dans le même temps, de décider un plancher obligatoire de 10 %. Le recul est évident puisque, jusqu’à présent, la norme était une majoration de 25 % assortie de dérogations. Cela est d’autant plus inacceptable que les secteurs consommateurs d’heures supplémentaires sont des secteurs à bas salaires. Pour un salarié payé au SMIC, l’employeur devra débourser moins de 1 euro par heure supplémentaire, une broutille qui le poussera à y recourir au lieu d’embaucher. Quant aux salariés, ils verront leur pouvoir d’achat baisser, mais cela ne semble pas vous choquer outre mesure.
De plus, et cela n’est pas à démontrer, le recours aux heures supplémentaires est un frein à la création d’emplois. Le Président de la République ne rappelait-il pas, il y a peu, que « Quand une entreprise pouvait payer moins cher une heure supplémentaire qu’une heure normale d’un salarié recruté, elle prenait l’heure supplémentaire au détriment de la création d’emploi » ?
Enfin, cette disposition dévalorise également la valeur travail, ce qui est une faute politique et morale pour un gouvernement de gauche !
La gauche et la morale ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Votre position reflète votre constance, puisque vous aviez voté contre la loi portant rénovation de la démocratie sociale en 2008 prévoyant justement le dispositif de majoration compris entre 10 % et 25 %.
À travers votre amendement, vous souhaitez revenir à la situation antérieure à 2008. Pour notre part, nous faisons véritablement confiance au dialogue sur le terrain. Un entrepreneur comme Alain Joyandet affirmant vouloir s’en tenir à 25 % pourra le faire, il n’y a pas de problème. Un accord sera conclu avec ses salariés. D’autres salariés discutant avec leur employeur pourront s’entendre sur un taux de 20 % assorti d’avantages annexes. Les équilibres seront différents d’un secteur à l’autre, d’une entreprise à l’autre, et nous faisons confiance au terrain pour s’organiser.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’avis du Gouvernement est également défavorable. Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer hier, l’objectif de l’article 2 est d’élargir au maximum l’objet de la négociation au niveau de l’entreprise, pour essayer de nouer les compromis les plus larges.
Il existe aujourd'hui la possibilité de fixer des règles au niveau de la branche, une clause de verrouillage pouvant interdire que les accords d’entreprise fixent un taux en deçà de 25 %. Par ailleurs, près d’un quart des 50 plus grandes branches n’ont pas institué de clause de verrouillage, et peu d’accords ont été conclus sur la majoration des heures supplémentaires.
La convention collective de l’audiovisuel, par exemple, a décidé d’un taux de majoration de 10 % pour les 4 premières heures, de 25 % pour les 4 suivantes et de 50 % au-delà. En contrepartie, l’accord prévoit des jours de RTT supplémentaires lorsque la durée hebdomadaire dépasse les 35 heures : 6 jours de RTT pour 36 heures, 11 jours de RTT pour 37 heures, etc.
Cette convention s’inscrit tout à fait dans l’esprit du projet de loi. Il s’agit de laisser le maximum d’espace à la négociation, sauf, bien évidemment, sur les sujets qui relèvent de la branche, comme l’accord sur le temps partiel ou la majoration des heures complémentaires. L’objectif est de faire confiance aux acteurs de terrain pour s’adapter. En outre, l’organisation du travail, du temps de travail sont des éléments structurants du quotidien.
Ce projet de loi ne prévoit pas, bien évidemment, une baisse mécanique des taux de majoration des heures supplémentaires, il offre la possibilité de nouer des compromis. Nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet lors de l’examen des amendements à l’article 2.
Mme Annie David. Madame la ministre, vous ne m’avez pas convaincue. Preuve en a été donnée par Alain Vidalies. Il a suffi que les camionneurs bloquent la France pour qu’on leur affirme qu’ils ne seraient pas concernés par la loi et que leurs heures supplémentaires ne pourraient pas être majorées de moins de 25 %. Quelques camionneurs ont bloqué en partie la France, et ils ont obtenu gain de cause. Aujourd'hui, un million de personnes sont descendues dans la rue et vous ne les entendez toujours pas. Pourtant, elles demandent, entre autres revendications, la même chose que les camionneurs : que leurs heures supplémentaires continuent d’être majorées de 25 %.
Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.
Les transporteurs routiers ont un régime spécifique en matière d’heures d’équivalence et d’heures supplémentaires lié à leur activité, notamment lors de très longs trajets. Nous n’avons pas modifié la loi Travail sur ce point, car ce régime relève d’un décret, dont Alain Vidalies a rappelé la teneur.
Je formulerai trois remarques pour abonder dans le sens de cet amendement.
D’abord, sur le fond, l’époque est-elle à l’augmentation des heures supplémentaires ? L’un de nos collègues nous rappelait qu’il ne fallait pas seulement penser à ceux qui ont du travail, mais également à ceux qui n’en ont pas. Je ne suis pas certain que la généralisation des heures supplémentaires soit le projet que nous devions nous fixer pour lutter contre le chômage.
Ensuite, vous avez beau essayer de nous démontrer le contraire, avec cet article et le suivant, la souplesse que vous évoquez en permanence, la liberté donnée aux acteurs de terrain ne fonctionnera qu’à sens unique, dans le sens de la dégradation. L’engrenage s’étendra à l’ensemble des entreprises d’une même branche et ce sera systématiquement la porte ouverte au moins-disant social. M. le rapporteur affirmait qu’une entreprise qui le souhaiterait pourrait continuer à payer une majoration de 25 %. Cependant, lorsque le tiers des entreprises de son secteur auront passé des accords pour fixer la majoration à 10 %, l’entreprise reviendra devant ses salariés et, pour rester compétitive, leur demandera de revenir sur l’accord et de diminuer la majoration des heures supplémentaires.
Donc, on voit bien que l’engrenage dans lequel vous mettez le doigt sera systématiquement en défaveur des salariés. Le code du travail sert précisément à empêcher de tirer systématiquement vers le bas les droits sociaux et les rémunérations des salariés, en particulier en situation de chômage massif et de pauvreté. Nous devons y être extrêmement vigilants.
C’est cette logique de fragilisation, d’insécurisation généralisée que nous refusons. Nous proposons, au contraire, des mesures de protection, à travers cet amendement et d’autres que nous présenterons par la suite.
Oui, parce que c’est un sujet qui me tient à cœur !
Au fond, sur cette question de la rémunération des heures supplémentaires, il faut s’ouvrir sur la nouvelle économie, les entreprises où il n’y a jamais eu d’heures supplémentaires, par exemple. Après tout, dans le cadre de la négociation, là où il n’y a jamais eu d’heures supplémentaires, si les salariés et le patronat se mettent d’accord pour que celles-ci soient payées avec une majoration de 10 % ou de 15 % et que cela permet de faire plus d’heures supplémentaires, tout le monde est gagnant. Ce n’est pas le sujet.
Ce que je regrette personnellement, madame la ministre, c’est que votre texte n’interdise pas, après avoir effectué des heures supplémentaires majorées à 25 % pendant des années, de revenir à un taux de 10 % contre l’avis des salariés. Si c’est une négociation et que tout le monde est d’accord, soit ! Cependant, il me semble qu’il serait de nature à apaiser la situation de prévoir que, dans des entreprises lambda, les personnes qui touchent depuis 30 ans des heures supplémentaires à 25 % n’ont aucun risque juridique de se voir imposer une diminution du taux. Vous avez évoqué le cas du patron qui souhaite maintenir les heures supplémentaires à 25 %, mais s’il ne veut pas ? C’est une situation qui me choque. Je ne l’accepterais ni pour moi ni pour mes enfants, je ne vois pas pourquoi je l’approuverais dans le projet de loi.
Si le Gouvernement pouvait lever ce doute, je pense que cela réglerait bien des inquiétudes, y compris d'ailleurs dans la rue. Les manifestations font peut-être aussi écho à des craintes qui ne sont pas complètement infondées.
Je souhaite répondre à M. Joyandet.
Vous avez raison d’être choqué, monsieur le sénateur. Le projet de loi ne prévoit pas une baisse mécanique du taux de majoration de 25 % à 10 %. Il rappelle que le taux de majoration est à 25 % pour les quatre premières heures, 50 % au-delà, et que, si et seulement si un accord majoritaire, c'est-à-dire signé par des organisations syndicales représentant 50 % des salariés, le décide – il ne s’agit donc pas d’une décision unilatérale de l’employeur –, il peut être abaissé à 10 %.
Cette possibilité de fixer des taux de majoration à 10 % existe déjà dans de nombreuses branches. Elle n’a pas été mise en œuvre. L’objectif est d’élargir l’objet de la négociation. Il ne s’agit nullement d’une baisse mécanique. Vous nous dites qu’il faut recueillir l’accord des salariés. En tout cas, il faut obtenir l’accord des organisations syndicales représentant 50 % des salariés. Nous sommes donc tout à fait d’accord sur ce point.
Il est légitime d’avoir un questionnement sincère, puisque l’on touche à la question du pouvoir d’achat des salariés. Je tiens à rappeler qu’il ne s’agit pas d’une baisse mécanique, cela reste dans l’objet de la négociation ; c’est une possibilité qui est offerte. C’est déjà le cas aujourd'hui, sauf si la branche l’a verrouillée. Le projet de loi casse simplement le verrou de la branche.
Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.
L'amendement n'est pas adopté.
I. –
Supprimé
II. – Le chapitre unique du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du code du travail est complété par un article L. 3111-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 3111 -3. – À l’exception du chapitre II du titre III ainsi que des titres VI et VII, le présent livre définit les règles d’ordre public, le champ de la négociation collective et les règles supplétives applicables en l’absence d’accord. »
III. – Le titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi rédigé :
« TITRE II
« DURÉE DU TRAVAIL, RÉPARTITION ET AMÉNAGEMENT DES HORAIRES
« CHAPITRE I ER
« Durée et aménagement du travail
« Section 1
« Travail effectif, astreintes et équivalences
« Sous -section 1
« Travail effectif
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121 -1. – La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
« Art. L. 3121 -2. – Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l’article L. 3121-1 sont réunis.
« Art. L. 3121 -3. – Le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail, fait l’objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière.
« Art. L. 3121 -4. – Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.
« Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121 -5. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir une rémunération des temps de restauration et de pause mentionnés à l’article L. 3121-2, même lorsque ceux-ci ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif.
« Art. L. 3121 -6. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche prévoit soit d’accorder des contreparties aux temps d’habillage et de déshabillage mentionnés à l’article L. 3121-3, soit d’assimiler ces temps à du temps de travail effectif.
« Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche prévoit des contreparties lorsque le temps de déplacement professionnel mentionné à l’article L. 3121-4 dépasse le temps normal de trajet.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121 -7. – À défaut d’accords prévus aux articles L. 3121-5 et L. 3121-6 :
« 1° Le contrat de travail peut fixer la rémunération des temps de restauration et de pause ;
« 2° Le contrat de travail prévoit soit d’accorder des contreparties aux temps d’habillage et de déshabillage mentionnés à l’article L. 3121-3, soit d’assimiler ces temps à du temps de travail effectif ;
« 3° Les contreparties prévues au second alinéa de l’article L. 3121-6 sont déterminées par l’employeur après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.
« Sous -section 2
« Astreintes
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121 -8. – Une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.
« La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
« La période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
« Les salariés concernés par des périodes d’astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.
« Art. L. 3121 -9. – Exception faite de la durée d’intervention, la période d’astreinte est prise en compte pour le calcul de la durée minimale de repos quotidien prévue à l’article L. 3131-1 et des durées de repos hebdomadaire prévues aux articles L. 3132-2 et L. 3164-2.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121 -10. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut mettre en place les astreintes. Cette convention ou cet accord fixe le mode d’organisation des astreintes, les modalités d’information et les délais de prévenance des salariés concernés et la compensation sous forme financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121 -11. – À défaut d’accord prévu à l’article L. 3121-10 du présent code :
« 1° Le mode d’organisation des astreintes et leur compensation sont fixés par l’employeur, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent, et après information de l’agent de contrôle de l’inspection du travail ;
« 2° Les modalités d’information des salariés concernés sont fixées par décret en Conseil d’État et la programmation individuelle des périodes d’astreinte est portée à leur connaissance quinze jours à l’avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve qu’ils en soient avertis au moins un jour franc à l’avance.
« Sous -section 3
« Équivalences
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121 -12. – Le régime d’équivalence constitue un mode spécifique de détermination du temps de travail effectif et de sa rémunération pour des professions et des emplois déterminés comportant des périodes d’inaction.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121 -13. – Une convention ou un accord de branche étendu peut instituer une durée du travail équivalente à la durée de référence pour les professions et emplois mentionnés à l’article L. 3121-12.
« Cette convention ou cet accord détermine la rémunération des périodes d’inaction.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121 -14. – À défaut d’accord prévu à l’article L. 3121-13, le régime d’équivalence peut être institué par décret en Conseil d’État.
« Section 2
« Durées maximales de travail
« Sous -section 1
« Temps de pause
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121 -15. – Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121 -16. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut fixer un temps de pause supérieur.
« Sous -section 2
« Durée quotidienne maximale
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121 -17. – La durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf :
« 1° En cas de dérogation accordée par l’autorité administrative dans des conditions déterminées par décret ;
« 2° En cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret ;
« 3° Dans les cas prévus à l’article L. 3121-18.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121 -18. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail effectif, en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures.
« Sous -section 3
« Durées hebdomadaires maximales
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121 -19. – Au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.
« Art. L. 3121 -20. – En cas de circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci, le dépassement de la durée maximale définie à l’article L. 3121-19 peut être autorisé par l’autorité administrative, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures par semaine.
« Art. L. 3121 -21. – La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3121-22 à L. 3121-24.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121 -22. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée hebdomadaire de travail de quarante-quatre heures calculée sur une période de seize semaines consécutives, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée, calculée sur une période de seize semaines, à plus de quarante-six heures.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121 -23. – À défaut d’accord prévu à l’article L. 3121-22, le dépassement de la durée maximale hebdomadaire prévue à l’article L. 3121-21 est autorisé par l’autorité administrative dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, dans la limite d’une durée totale maximale de quarante-six heures.
« Art. L. 3121 -24. – À titre exceptionnel, dans certains secteurs, dans certaines régions ou dans certaines entreprises, le dépassement de la durée maximale de quarante-six heures prévue aux articles L. 3121-22 et L. 3121-23 peut être autorisé pendant des périodes déterminées, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 3121 -25. – Le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s’ils existent, donnent leur avis sur les demandes d’autorisation formulées auprès de l’autorité administrative en application des articles L. 3121-23 et L. 3121-24. Cet avis est transmis à l’agent de contrôle de l’inspection du travail.
« Section 3
« Durée de référence et heures supplémentaires
« Sous -section 1
« Ordre public
« Art. L. 3121 -26. – La durée de référence du travail effectif des salariés à temps complet est fixée par accord collectif.
« Art. L. 3121 -27. – Toute heure accomplie au-delà de la durée de référence hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
« Art. L. 3121 -28. – Les heures supplémentaires se décomptent par semaine.
« Art. L. 3121 -29. – Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.
« Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d’heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée de référence.
« Les heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur équivalent mentionné à l’article L. 3121-27 et celles accomplies dans les cas de travaux urgents énumérés à l’article L. 3132-4 ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires.
« Art. L. 3121 -30. – Dans les entreprises dont la durée collective hebdomadaire de travail est supérieure à la durée mentionnée à l’article L. 3121-34-1, la rémunération mensuelle due au salarié peut être calculée en multipliant la rémunération horaire par les cinquante-deux douzièmes de cette durée hebdomadaire de travail, en tenant compte des majorations de salaire correspondant aux heures supplémentaires accomplies.
« Sous -section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121 -31. – Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer une période de sept jours consécutifs constituant la semaine pour l’application du présent chapitre.
« Art. L. 3121 -32. – I. – Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche :
« 1°A (nouveau) - Fixe la durée de référence du travail effectif des salariés à temps complet ;
« 1° Prévoit le ou les taux de majoration des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée de référence ou de la durée considérée comme équivalente. Ce taux ne peut être inférieur à 10 % ;
« 2° Définit le contingent annuel prévu à l’article L. 3121-29 ;
« 3° Fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévue au même article L. 3121-29. Cette contrepartie obligatoire ne peut être inférieure à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné à l’article L. 3121-29 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.
« Les heures supplémentaires sont accomplies, dans la limite du contingent annuel applicable dans l’entreprise, après information du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.
« Les heures supplémentaires sont accomplies, au-delà du contingent annuel applicable dans l’entreprise, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.
« II. – Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut également :
« 1° Prévoir qu’une contrepartie sous forme de repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent ;
« 2° Prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent.
« III. – Une convention ou un accord d’entreprise peut adapter les conditions et les modalités d’attribution et de prise du repos compensateur de remplacement.
« Art. L. 3121 -33. – Dans les branches d’activité à caractère saisonnier mentionnées à l’article L. 3132-7, une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement conclu en application de l’article L. 1244-2 ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut, dans des conditions déterminées par décret, déroger aux dispositions de la présente section relatives à la détermination des périodes de référence pour le décompte des heures supplémentaires et des repos compensateurs.
« Sous -section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121 -34. – Sauf stipulations contraires dans une convention ou un accord mentionné à l’article L. 3121-31, la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.
« Art. L. 3121 -34 -1 (nouveau). – À défaut d’accord, la durée de référence mentionnée à l’article L. 3121-26 est fixée à trente-neuf heures par semaine.
« Art. L. 3121 -35. – À défaut d’accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée de référence hebdomadaire fixée en application de l’article L. 3121-26 ou, le cas échéant, de l’article L. 3121-34-1, ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
« Art. L. 3121 -36. – Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent peut être mis en place par l’employeur à condition que le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s’ils existent, ne s’y opposent pas.
« L’employeur peut également adapter à l’entreprise les conditions et les modalités d’attribution et de prise du repos compensateur de remplacement après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.
« Art. L. 3121 -37. – À défaut d’accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l’article L. 3121-29 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.
« Art. L. 3121 -38. – À défaut d’accord, un décret détermine le contingent annuel défini à l’article L. 3121-29 ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire sous forme de repos pour toute heure supplémentaire effectuée au-delà de ce contingent.
« Art. L. 3121 -38 -1. – À défaut d’accord, les modalités d’utilisation du contingent annuel d’heures supplémentaires et de son éventuel dépassement donnent lieu au moins une fois par an à la consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.
« Section 4
« Aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, horaires individualisés et récupération des heures perdues
« Sous -section 1
« Aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121 -39. – Lorsqu’est mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures supplémentaires sont décomptées à l’issue de cette période de référence.
« Cette période de référence ne peut dépasser trois ans en cas d’accord collectif et seize semaines en cas de décision unilatérale de l’employeur.
« Si la période de référence est annuelle, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de 1 607 heures.
« Si la période de référence est inférieure ou supérieure à un an, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà d’une durée hebdomadaire moyenne de trente-cinq heures calculée sur la période de référence.
« Art. L. 3121 -40. – Dans les entreprises ayant mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les salariés sont informés dans un délai raisonnable de tout changement dans la répartition de leur durée de travail.
« Art. L. 3121 -41. – La mise en place d’un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine par accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail pour les salariés à temps complet.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121 -42. – En application de l’article L. 3121-39, un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut définir les modalités d’aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine. Il prévoit :
« 1° La période de référence, qui ne peut excéder un an ou, si un accord de branche l’autorise, trois ans ;
« 2° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d’horaires de travail ;
« 3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et des départs en cours de période de référence.
« Lorsque l’accord s’applique aux salariés à temps partiel, il prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail.
« L’accord peut prévoir une limite annuelle inférieure à la durée de référence fixée en application de l’article L. 3121-26 calculée sur l’année pour le décompte des heures supplémentaires.
« Si la période de référence est supérieure à un an, l’accord prévoit une limite hebdomadaire, supérieure à trente-cinq heures, au-delà de laquelle les heures de travail effectuées au cours d’une même semaine constituent en tout état de cause des heures supplémentaires dont la rémunération est payée avec le salaire du mois considéré. Si la période de référence est inférieure ou égale à un an, l’accord peut prévoir cette même limite hebdomadaire. Les heures supplémentaires résultant de l’application du présent alinéa n’entrent pas dans le décompte des heures travaillées opéré à l’issue de la période de référence mentionnée au 1°.
« L’accord peut prévoir que la rémunération mensuelle des salariés est indépendante de l’horaire réel et détermine alors les conditions dans lesquelles cette rémunération est calculée, dans le respect de l’avant-dernier alinéa.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121 -43. – À défaut d’accord mentionné à l’article L. 3121-42, l’employeur peut, dans des conditions fixées par décret, mettre en place une répartition sur plusieurs semaines de la durée du travail, dans la limite de seize semaines pour les entreprises employant moins de cinquante salariés et dans la limite de quatre semaines pour les entreprises de cinquante salariés et plus.
« Art. L. 3121 -44. – Par dérogation à l’article L. 3121-43, dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l’employeur peut mettre en place une répartition de la durée du travail sur plusieurs semaines.
« Art. L. 3121 -45. – À défaut de stipulations dans l’accord mentionné à l’article L. 3121-42, le délai de prévenance des salariés en cas de changement de durée ou d’horaires de travail est fixé à sept jours.
« Sous -section 2
« Horaires individualisés et récupération des heures perdues
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121 -46. – L’employeur peut mettre en place un dispositif d’horaires individualisés permettant un report d’heures d’une semaine à une autre, dans les limites et selon les modalités définies aux articles L. 3121-49 et L. 3121-50, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent. Dans ce cadre, et par dérogation à l’article L. 3121-28, les heures de travail effectuées au cours d’une même semaine au-delà de la durée hebdomadaire conventionnelle ne sont pas considérées comme des heures supplémentaires, pourvu qu’elles résultent d’un libre choix du salarié.
« Dans les entreprises qui ne disposent pas de représentant du personnel, l’inspecteur du travail autorise la mise en place d’horaires individualisés.
« Art. L. 3121 -47. – Les salariés mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l’article L. 5212-13 bénéficient à leur demande, au titre des mesures appropriées prévues à l’article L. 5213-6, d’un aménagement d’horaires individualisés propre à faciliter leur accès à l’emploi, leur exercice professionnel ou le maintien dans leur emploi.
« Les aidants familiaux et les proches d’une personne handicapée bénéficient, dans les mêmes conditions, d’un aménagement d’horaires individualisés propre à faciliter l’accompagnement de cette personne
« Art. L. 3121 -48. – Seules peuvent être récupérées les heures perdues par suite d’une interruption collective du travail résultant :
« 1° De causes accidentelles, d’intempéries ou en cas de force majeure ;
« 2° D’inventaire ;
« 3° Du chômage d’un jour ou de deux jours ouvrables compris entre un jour férié et un jour de repos hebdomadaire ou d’un jour précédant les congés annuels.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121 -49. – Un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut :
« 1° Prévoir les limites et modalités du report d’heures d’une semaine à une autre lorsqu’est mis en place un dispositif d’horaires individualisés en application de l’article L. 3121-46 ;
« 2° Fixer les modalités de récupération des heures perdues dans les cas prévus à l’article L. 3121-48.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121-50. – À défaut d’accord collectif mentionné à l’article L. 3121-49, les limites et modalités du report d’heures en cas de mise en place d’un dispositif d’horaires individualisés et de récupération des heures perdues sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« Section 5
« Conventions de forfait
« Sous -section 1
« Ordre public
« Paragraphe 1
« Dispositions communes
« Art. L. 3121 -51. – La durée du travail peut être forfaitisée en heures ou en jours dans les conditions prévues aux sous-sections 2 et 3 de la présente section.
« Art. L. 3121 -52. – Le forfait en heures est hebdomadaire, mensuel ou annuel. Le forfait en jours est annuel.
« Art. L. 3121 -53. – La forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit.
« Paragraphe 2
« Forfaits en heures
« Art. L. 3121 -54. – Tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.
« Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en heures sur l’année, dans la limite du nombre d’heures fixé en application du 3° du I de l’article L. 3121-62 :
« 1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
« 2° Les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.
« Art. L. 3121 -55. – La rémunération du salarié ayant conclu une convention individuelle de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmentée, le cas échéant, des majorations pour heures supplémentaires prévues aux articles L. 3121-27, L. 3121-32 et L. 3121-35.
« Paragraphe 3
« Forfaits en jours
« Art. L. 3121 -56. – Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l’article L. 3121-62 :
« 1° Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
« 2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
« Art. L. 3121 -57. – Le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire. L’accord entre le salarié et l’employeur est établi par écrit.
« Un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l’employeur détermine le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans qu’il puisse être inférieur à 10 %. Cet avenant est valable pour l’année en cours. Il ne peut être reconduit de manière tacite.
« Art. L. 3121 -58. – L’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
« Art. L. 3121 -59. – Lorsqu’un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause contraire, conventionnelle ou contractuelle, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l’entreprise, et correspondant à sa qualification.
« Art. L. 3121 -60. – Les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives :
« 1° À la durée quotidienne maximale de travail effectif prévue à l’article L. 3121-17 ;
« 2° Aux durées hebdomadaires maximales de travail prévues aux articles L. 3121-19 et L. 3121-21 ;
« 3° À la durée de référence hebdomadaire prévue à l’article L. 3121-26.
« Sous -section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121 -61. – Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
« Art. L. 3121 -62. – I. – L’accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l’année détermine :
« 1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-54 et L. 3121-56 ;
« 2° La période de référence du forfait, qui peut être l’année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
« 3° Le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s’agissant du forfait en jours ;
« 4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
« 5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait.
« II. – L’accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
« 1° Les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
« 2° Les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;
« 3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l’article L. 2242-8.
« L’accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l’année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l’article L. 3121-57. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l’entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.
« L’accord peut également fixer les modalités selon lesquelles le salarié peut, à sa demande et avec l’accord de l’employeur, fractionner son repos quotidien ou hebdomadaire dès lors qu’il choisit de travailler en dehors de son lieu de travail au moyen d’outils numériques. L’accord détermine notamment la durée minimale de repos quotidien et hebdomadaire ne pouvant faire l’objet d’un fractionnement.
« Sous -section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121-63 -A (nouveau). – À défaut d’accord collectif prévu à l’article L. 3121-61, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des conventions individuelles de forfaits en jours et en heures sur l’année peuvent être conclues sous réserve que l’employeur fixe les règles et respecte les garanties prévues aux articles L. 3121-62 et L. 3121-63.
« Art. L. 3121 -63. – I. – À défautde stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l’article L. 3121-62, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :
« 1° L’employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l’employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
« 2° L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
« 3° L’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
« II. – À défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l’article L. 3121-62, les modalités d’exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l’employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l’article L. 2242-8.
« Art. L. 3121 -64. – En cas de renonciation, par le salarié, à des jours de repos en application de l’article L. 3121-57 et à défaut de précision dans l’accord collectif mentionné à l’article L. 3121-62, le nombre maximal de jours travaillés dans l’année est de deux cent trente-cinq.
« Section 6
« Dispositions d’application
« Art. L. 3121 -65. – Des décrets en Conseil d’État déterminent les modalités d’application du présent chapitre pour l’ensemble des branches d’activité ou des professions ou pour une branche ou une profession particulière. Ces décrets fixent notamment :
« 1° La répartition et l’aménagement des horaires de travail ;
« 2° Les conditions de recours aux astreintes ;
« 3° Les dérogations permanentes ou temporaires applicables dans certains cas et pour certains emplois ;
« 4° Les périodes de repos ;
« 5° Les modalités de récupération des heures de travail perdues ;
« 6° Les mesures de contrôle de ces diverses dispositions.
« Ces décrets sont pris et révisés après consultation des organisations d’employeurs et de salariés intéressées et au vu, le cas échéant, des résultats des négociations intervenues entre ces organisations.
« Art. L. 3121 -66. – Il peut être dérogé par convention ou accord collectif étendu ou par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement à celles des dispositions des décrets prévus à l’article L. 3121-65 qui sont relatives à l’aménagement et à la répartition des horaires de travail à l’intérieur de la semaine, aux périodes de repos, aux conditions de recours aux astreintes, ainsi qu’aux modalités de récupération des heures de travail perdues lorsque la loi permet cette récupération.
« En cas de dénonciation ou de non-renouvellement de ces conventions ou accords collectifs, les dispositions de ces décrets auxquelles il avait été dérogé redeviennent applicables.
« Art. L. 3121 -67. – Un décret en Conseil d’État détermine les mesures d’application des articles L. 3121-23 à L. 3121-25.
« Chapitre II
« Travail de nuit
« Section 1
« Ordre public
« Art. L. 3122 -1. – Le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.
« Art. L. 3122 -2. – Tout travail effectué au cours d’une période d’au moins neuf heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures est considéré comme du travail de nuit.
« La période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s’achève au plus tard à 7 heures.
« Art. L. 3122 -3. – Par dérogation à l’article L. 3122-2, pour les activités de production rédactionnelle et industrielle de presse, de radio, de télévision, de production et d’exploitation cinématographiques, de spectacles vivants et de discothèque, la période de travail de nuit est d’au moins sept heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures.
« Art. L. 3122 -4. – Par dérogation à l’article L. 3122-2, pour les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24, la période de travail de nuit, si elle débute après 22 heures, est d’au moins sept heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 7 heures.
« Dans les établissements mentionnés au premier alinéa du présent article, seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler entre 21 heures et minuit. Une entreprise ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour refuser de l’embaucher. Le salarié qui refuse de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. Le refus de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour un salarié ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
« Chacune des heures de travail effectuée durant la période fixée entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit est rémunérée au moins le double de la rémunération normalement due et donne lieu à un repos compensateur équivalent en temps.
« Les articles L. 3122-10 à L. 3122-14 sont applicables aux salariés qui travaillent entre 21 heures et minuit, dès lors qu’ils accomplissent durant cette période le nombre minimal d’heures de travail prévu à l’article L. 3122-5.
« Lorsque, au cours d’une même période de référence mentionnée au 2° de l’article L. 3122-5, le salarié a accompli des heures de travail entre 21 heures et le début de la période de nuit en application des deux premiers alinéas du présent article et des heures de travail de nuit en application de l’article L. 3122-5, les heures sont cumulées pour l’application de l’avant-dernier alinéa du présent article et de l’article L. 3122-5.
« Art. L. 3122 -5. – Le salarié est considéré commetravailleur de nuit dès lors que :
« 1° Soit il accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de travail de nuit quotidiennes ;
« 2° Soit il accomplit, au cours d’une période de référence, un nombre minimal d’heures de travail de nuit au sens de l’article L. 3122-2, dans les conditions prévues aux articles L. 3122-16 et L. 3122-23.
« Art. L. 3122 -6. – La durée quotidienne de travail accomplie par un travailleur de nuit ne peut excéder huit heures, sauf dans les cas prévus à l’article L. 3122-17 ou lorsqu’il est fait application des articles L. 3132-16 à L. 3132-19.
« En outre, en cas de circonstances exceptionnelles, l’inspecteur du travail peut autoriser le dépassement de la durée quotidienne de travail mentionnée au premier alinéa du présent article après consultation des délégués syndicaux et après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 3122 -7. – La durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit, calculée sur une période de seize semaines consécutives, ne peut dépasser quarante heures, sauf dans les cas prévus à l’article L. 3122-18.
« Art. L. 3122 -8. – Le travailleur de nuit bénéficie de contreparties au titre des périodes de travail de nuit pendant lesquelles il est employé, sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale.
« Art. L. 3122 -9. – Pour les activités mentionnées à l’article L. 3122-3, lorsque la durée effective du travail de nuit est inférieure à la durée de référence fixée en application de l’article L. 3121-26, les contreparties mentionnées à l’article L. 3122-8 ne sont pas obligatoirement données sous forme de repos compensateur.
« Art. L. 3122 -10. – Le médecin du travail est consulté, selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État, avant toute décision importante relative à la mise en place ou à la modification de l’organisation du travail de nuit.
« Art. L. 3122 -11. – Tout travailleur de nuit bénéficie d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail dans les conditions mentionnées à l’article L. 4624-1.
« Art. L. 3122 -12. – Lorsque le travail de nuit est incompatible avec des obligations familiales impérieuses, notamment avec la garde d’un enfant ou la prise en charge d’une personne dépendante, le refus du travail de nuit ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement et le travailleur de nuit peut demander son affectation sur un poste de jour.
« Art. L. 3122 -13. – Le travailleur de nuit qui souhaite occuper ou reprendre un poste de jour et le salarié occupant un poste de jour qui souhaite occuper ou reprendre un poste de nuit dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise ont priorité pour l’attribution d’un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent.
« L’employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.
« Art. L. 3122 -14. – Le travailleur de nuit, lorsque son état de santé, constaté par le médecin du travail, l’exige, est transféré à titre définitif ou temporaire sur un poste de jour correspondant à sa qualification et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé.
« L’employeur ne peut prononcer la rupture du contrat de travail du travailleur de nuit du fait de son inaptitude au poste comportant le travail de nuit, au sens des articles L. 3122-1 à L. 3122-5, à moins qu’il ne justifie par écrit soit de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de proposer un poste dans les conditions fixées au premier alinéa du présent article, soit du refus du salarié d’accepter le poste proposé dans ces mêmes conditions.
« Ces dispositions s’appliquent sans préjudice des articles L. 1226-2 à L. 1226-4-3 et L. 1226-10 à L. 1226-12 applicables aux salariés déclarés inaptes à leur emploi ainsi que des articles L. 4624-3 et L. 4624-4.
« Section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3122 -15. – Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut mettre en place, dans une entreprise ou un établissement, le travail de nuit, au sens de l’article L. 3122-5, ou l’étendre à de nouvelles catégories de salariés.
« Cette convention ou cet accord collectif prévoit :
« 1° Les justifications du recours au travail de nuit mentionnées à l’article L. 3122-1 ;
« 2° La définition de la période de travail de nuit, dans les limites mentionnées aux articles L. 3122-2 et L. 3122-3 ;
« 3° Une contrepartie sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ;
« 4° Des mesures destinées à améliorer les conditions de travail des salariés ;
« 5° Des mesures destinées à faciliter, pour ces mêmes salariés, l’articulation de leur activité professionnelle nocturne avec leur vie personnelle et avec l’exercice de responsabilités familiales et sociales, concernant notamment les moyens de transports ;
« 6° Des mesures destinées à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment par l’accès à la formation ;
« 7° L’organisation des temps de pause.
« Art. L. 3122 -16. – En application de l’article L. 3122-5, une convention ou un accord collectif de travail étendu peut fixer le nombre minimal d’heures entraînant la qualification de travailleur de nuit sur une période de référence.
« Art. L. 3122 -17. – Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail prévue à l’article L. 3122-6, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 3122 -18. – Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut, lorsque les caractéristiques propres à l’activité d’un secteur le justifient, prévoir le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail prévue à l’article L. 3122-7, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de quarante-quatre heures sur seize semaines consécutives.
« Art. L. 3122 -19. – Dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24, un accord collectif de branche, de groupe, d’entreprise, d’établissement ou territorial peut prévoir la faculté d’employer des salariés entre 21 heures et minuit.
« Cet accord prévoit notamment, au bénéfice des salariés employés entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit :
« 1° La mise à disposition d’un moyen de transport pris en charge par l’employeur qui permet au salarié de regagner son lieu de résidence ;
« 2° Des mesures destinées à faciliter l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés, en particulier des mesures de compensation des charges liées à la garde d’enfants ;
« 3° La fixation des conditions de prise en compte par l’employeur de l’évolution de la situation personnelle des salariés, en particulier de leur souhait de ne plus travailler après 21 heures. Pour les salariées mentionnées à l’article L. 1225-9, le choix de ne plus travailler entre 21 heures et le début de la période de nuit est d’effet immédiat.
« Section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3122 -20. – À défaut de convention ou d’accord collectif, tout travail accompli entre 21 heures et 6 heures est considéré comme du travail de nuit et, pour les activités mentionnées à l’article L. 3122-3, tout travail accompli entre minuit et 7 heures est considéré comme du travail de nuit.
« Art. L. 3122 -21. – À défaut de convention ou d’accord collectif et à condition que l’employeur ait engagé sérieusement et loyalement des négociations en vue de la conclusion d’un tel accord, les travailleurs peuvent être affectés à des postes de nuit sur autorisation de l’inspecteur du travail accordée notamment après vérification des contreparties qui leur sont accordées au titre de l’obligation définie à l’article L. 3122-8 et de l’existence de temps de pause, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« L’engagement de négociations loyales et sérieuses implique pour l’employeur d’avoir :
« 1° Convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions ;
« 2° Communiqué les informations nécessaires leur permettant de négocier en toute connaissance de cause ;
« 3° Répondu aux éventuelles propositions des organisations syndicales.
« Art. L. 3122 -22. – À défaut de stipulations conventionnelles définissant la période de travail de nuit, l’inspecteur du travail peut autoriser la définition d’une période différente de celle prévue à l’article L. 3122-20, dans le respect de l’article L. 3122-2, après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent, lorsque les caractéristiques particulières de l’activité de l’entreprise le justifient.
« Art. L. 3122 -23. – À défaut de stipulation conventionnelle mentionnée à l’article L. 3122-16, le nombre minimal d’heures entraînant la qualification de travailleur de nuit est fixé à deux cent soixante-dix heures sur une période de référence de douze mois consécutifs.
« Art. L. 3122 -24. – À défaut d’accord, un décret peut fixer la liste des secteurs pour lesquels la durée maximale hebdomadaire de travail est fixée entre quarante et quarante-quatre heures.
« CHAPITRE III
« Travail à temps partiel et travail intermittent
« Section 1
« Travail à temps partiel
« Sous -section 1
« Ordre public
« Paragraphe 1
« Définition
« Art. L. 3123 -1. – Est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail est inférieure :
« 1° À la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou à la durée du travail applicable dans l’établissement ;
« 2° À la durée mensuelle résultant de l’application, durant cette période, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou de la durée du travail applicable dans l’établissement ;
« 3° À la durée de travail annuelle résultant de l’application durant cette période de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou de la durée du travail applicable dans l’établissement.
« Paragraphe 2
« Passage à temps partiel ou à temps complet
« Art. L. 3123 -2. – Le salarié qui en fait la demande peut bénéficier d’une réduction de la durée du travail sous forme d’une ou plusieurs périodes d’au moins une semaine en raison des besoins de sa vie personnelle. Sa durée de travail est fixée dans la limite annuelle prévue au 3° de l’article L. 3123-1.
« Pendant les périodes travaillées, le salarié est occupé selon l’horaire collectif applicable dans l’entreprise ou l’établissement.
« Les dispositions relatives au régime des heures supplémentaires et à la contrepartie obligatoire sous forme de repos s’appliquent aux heures accomplies au cours d’une semaine au-delà de la durée de référence fixée en application de l’article L. 3121-26 ou, en cas d’application d’un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3121-42, aux heures accomplies au-delà des limites fixées par cet accord.
« L’avenant au contrat de travail précise la ou les périodes non travaillées. Il peut également prévoir les modalités de calcul de la rémunération mensualisée indépendamment de l’horaire réel du mois.
« Art. L. 3123 -3. – Les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi d’une durée au moins égale à celle mentionnée au premier alinéa de l’article L. 3123-7 ou un emploi à temps complet et les salariés à temps complet qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps partiel dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise ont priorité pour l’attribution d’un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent ou, si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit, d’un emploi présentant des caractéristiques différentes.
« L’employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.
« Art. L. 3123 -4. – Le refus par un salarié d’accomplir un travail à temps partiel ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.
« Paragraphe 3
« Égalité de traitement avec les salariés à temps plein
« Art. L. 3123 -5. – Le salarié à temps partiel bénéficie des droits reconnus au salarié à temps complet par la loi, les conventions et les accords d’entreprise ou d’établissement sous réserve, en ce qui concerne les droits conventionnels, de modalités spécifiques prévues par une convention ou un accord collectif.
« La période d’essai d’un salarié à temps partiel ne peut avoir une durée calendaire supérieure à celle du salarié à temps complet.
« Compte tenu de la durée de son travail et de son ancienneté dans l’entreprise, la rémunération du salarié à temps partiel est proportionnelle à celle du salarié qui, à qualification égale, occupe à temps complet un emploi équivalent dans l’établissement ou l’entreprise.
« Pour la détermination des droits liés à l’ancienneté, la durée de celle-ci est décomptée pour le salarié à temps partiel comme s’il avait été occupé à temps complet, les périodes non travaillées étant prises en compte en totalité.
« L’indemnité de licenciement et l’indemnité de départ à la retraite du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise sont calculées proportionnellement aux périodes d’emploi accomplies selon l’une et l’autre de ces deux modalités depuis son entrée dans l’entreprise.
« Paragraphe 4
« Contrat de travail
« Art. L. 3123 -6. – Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
« Il mentionne :
« 1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-42, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
« 2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
« 3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
« 4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
« L’avenant au contrat de travail prévu à l’article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.
« Paragraphe 5
« Durée minimale de travail et heures complémentaires
« Art. L. 3123 -7. – Le salarié à temps partiel peut bénéficier d’une durée minimale de travail hebdomadaire déterminée selon les modalités fixées à l’article L. 3123-19.
« Le premier alinéa du présent article n’est pas applicable :
« 1° Aux contrats d’une durée au plus égale à sept jours ;
« 2° Aux contrats à durée déterminée conclus au titre du 1° de l’article L. 1242-2 ;
« 3° Aux contrats de travail temporaire conclus au titre du 1° de l’article L. 1251-6 pour le remplacement d’un salarié absent.
« Une durée de travail inférieure à celle prévue au premier alinéa du présent article peut être fixée à la demande du salarié soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée au même premier alinéa. Cette demande est écrite et motivée.
« Une durée de travail inférieure à celle prévue au premier alinéa, compatible avec ses études, est fixée de droit au bénéfice du salarié âgé de moins de vingt-six ans poursuivant ses études.
« Art. L. 3123 -8. – Chacune des heures complémentaires accomplies donne lieu à une majoration de salaire.
« Art. L. 3123 -9. – Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée du travail mentionnée à l’article L. 3121-34-1, ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.
« Art. L. 3123 -10. – Le refus d’accomplir les heures complémentaires proposées par l’employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. Il en est de même, à l’intérieur de ces limites, lorsque le salarié est informé moins de trois jours avant la date à laquelle les heures complémentaires sont prévues.
« Paragraphe 6
« Répartition de la durée du travail
« Art. L. 3123 -11. – Toute modification de la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois est notifiée au salarié en respectant un délai de prévenance.
« Art. L. 3123 -12. – Lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée de travail, alors que le contrat de travail n’a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.
« Lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon des modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement dès lors que cette modification n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, avec l’accomplissement d’une période d’activité fixée par un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Il en va de même en cas de modification des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le document écrit communiqué au salarié en application du 3° de l’article L. 3123-6.
« Art. L. 3123 -13. – Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines ou pendant la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3121-42 si elle est supérieure, l’horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d’un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé.
« L’horaire modifié est égal à l’horaire antérieurement fixé auquel est ajoutée la différence entre cet horaire et l’horaire moyen réellement accompli.
« Paragraphe 7
« Exercice d’un mandat
« Art. L. 3123 -14. – Le temps de travail mensuel d’un salarié à temps partiel ne peut être réduit de plus d’un tiers par l’utilisation du crédit d’heures auquel il peut prétendre pour l’exercice de mandats qu’il détient au sein d’une entreprise. Le solde éventuel de ce crédit d’heures payées peut être utilisé en dehors des heures de travail de l’intéressé.
« Paragraphe 8
« Information des représentants du personnel
« Art. L. 3123 -15. – Dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise mentionnée à l’article L. 2323-15, l’employeur communique au moins une fois par an au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, s’ils existent, un bilan du travail à temps partiel réalisé dans l’entreprise.
« Il communique également ce bilan aux délégués syndicaux de l’entreprise.
« Art. L. 3123 -16. – L’employeur informe chaque année le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s’ils existent, du nombre de demandes de dérogation individuelle à la durée minimale de travail mentionnée au premier alinéa de l’article L. 3123-7 qui sont accordées sur le fondement des deux derniers alinéas du même article L. 3123-7.
« Sous -section 2
« Champ de la
Supprimé
6° Les articles L. 713-3, L. 713-4, L. 713-5, L. 713-19, L. 714-5, L. 714-6 et L. 714-8 sont abrogés ;
7° Après la seconde occurrence du mot : « article », la fin du I de l’article L. 714-1 est ainsi rédigée : « L. 3131-1 du code du travail. »
IX. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 133-5, à la première phrase du 3° du IV de l’article L. 241-13 et au premier alinéa et à la première phrase du 2° de l’article L. 243-1-3, la référence : « L. 3141-30 » est remplacée par la référence : « L. 3141-32 » ;
2° Au 1° de l’article L. 133-5-1, la référence : « L. 212-4-3 » est remplacée par les références : « L. 3123-6, L. 3123-9 à L. 3123-13, L. 3123-20, L. 3123-24, L. 3123-25, L. 3123-28, L. 3123-31 » ;
3° À la première phrase de l’article L. 241-3-1 et à l’article L. 242-8, la référence : « L. 212-4-2 » est remplacée par la référence : « L. 3123-1 » ;
4° L’article L. 241-18 est ainsi modifié :
a) Au 1° du I, la référence : « L. 3121-11 » est remplacée par les références : « L. 3121-27 à L. 3121-38 » ;
b) Au 2° du même I, la référence : « L. 3121-42 » est remplacée par la référence : « L. 3121-54 » ;
c) Au II, la référence : « à l’article L. 3121-44 » est remplacée par la référence : « au 3° du I de l’article L. 3121-62 » ;
d) Au même II, la référence : « L. 3121-45 » est remplacée par la référence : « L. 3121-57 » ;
e) Au 4° du I, la référence : « L. 3122-4 » est remplacée par la référence : « L. 3121-39 » ;
f) Au 3° du même I, la référence : « du troisième alinéa de l’article L. 3123-7 » est remplacée par la référence : « de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-2 » ;
5° Au deuxième alinéa de l’article L. 242-9, la référence : « au premier alinéa de l’article L. 212-4-3 » est remplacée par la référence : « à l’article L. 3123-6 ».
X. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l’article L. 1321-6, les références : « L. 3122-34 et L. 3122-35 » sont remplacées par les références : « L. 3122-6, L. 3122-7, L. 3122-17, L. 3122-18 et L. 3122-24 » ;
2° Au dernier alinéa de l’article L. 1321-7, les mots : « dispositions de l’article L. 3122-31 » sont remplacés par les références : « articles L. 3122-5, L. 3122-16 et L. 3122-23 » ;
3° À l’article L. 1321-10, la référence : « L. 3121-33 » est remplacée par la référence : « L. 3121-16 » ;
4° L’article L. 1821-8-1 est ainsi modifié :
a) Au 3°, les références : « L. 3122-34 et L. 3122-35 » sont remplacées par les références : « L. 3122-6, L. 3122-7, L. 3122-17, L. 3122-18 et L. 3122-24 » ;
b) Au 4°, la référence : « de l’article L. 3122-31 » est remplacée par les références : « des articles L. 3122-5, L. 3122-16 et L. 3122-23 » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 3312-1, la référence : « de l’article L. 3122-31 » est remplacée par les références : « des articles L. 3122-5, L. 3122-16 et L. 3122-23 » ;
6° À l’article L. 3312-3, la référence : « de l’article L. 3123-16 » est remplacée par les références : « des articles L. 3123-23 et L. 3123-30 » ;
7° À l’article L. 3313-2, les mots : « dispositions des articles L. 3121-42 et L. 3121-43 » sont remplacés par les références : « articles L. 3121-54 et L. 3121-56 » ;
8° L’article L. 4511-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « des articles L. 3121-34 à L. 3121-36 du code du travail relatives aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire du travail » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 3121-19 du code du travail relatives à la durée maximale hebdomadaire de travail et aux dispositions réglementaires du code des transports relatives à la durée quotidienne de travail effectif et à la durée hebdomadaire moyenne de travail » ;
b) La référence : « L. 3122-2 » est remplacée par la référence : « L. 3121-42 » ;
c) À la fin, les mots : « et au plus égale à l’année » sont supprimés ;
9° À l’article L. 5544-1, les références : « L. 3121-1 à L. 3121-37, L. 3121-39, L. 3121-52 à L. 3121-54, L. 3122-1, L. 3122-4 à L. 3122-47, L. 3131-1, L. 3131-2 » sont remplacées par les références : « L. 3121-1 à L. 3121-50, L. 3121-61 et L. 3121-65 à L. 3121-68, L. 3122-1 à L. 3122-24 et L. 3131-1 à L. 3131-3 » ;
10° Le début de l’article L. 5544-3 est ainsi rédigé : « Les dispositions relatives à la période d’astreinte mentionnée aux articles L. 3121-8 à L. 3121-11, L. 3171-1 et L. 3171-3 du code du travail sont applicables aux marins…
le reste sans changement
11° L’article L. 5544-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les références : « L. 3121-22 et L. 3121-24 » sont remplacées par les références : « L. 3121-32, L. 3121-35 et L. 3121-36 » ;
b) À la seconde phrase, la référence : « L. 3121-39 » est remplacée par la référence : « L. 3121-62 » ;
12° À l’article L. 5544-10, la référence : « L. 3123-37 » est remplacée par la référence : « L. 3123-38 » ;
13° À l’article L. 6525-1, les références : « L. 3121-33, L. 3122-29 à L. 3122-45, L. 3131-1 et L. 3131-2 » sont remplacées par les références : « L. 3121-15, L. 3122-1 à L. 3122-24, L. 3131-1 à L. 3131-3 » ;
14° L’article L. 6525-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, la référence : « au premier alinéa de l’article L. 3121-10 » est remplacée par la référence : « à l’article L. 3121-26 » ;
b) À la seconde phrase, la référence : « à l’article L. 3121-22 » est remplacée par les références : « aux articles L. 3121-32 et L. 3121-35 » ;
15° L’article L. 6525-5 est ainsi modifié :
a) La référence : « L. 3122-28 » est supprimée ;
b) Les références : « L. 3123-1, L. 3123-2, L. 3123-5 à L. 3123-8, L. 3123-10, L. 3123-11, L. 3123-14 à L. 3123-23 » sont remplacées par les références : « L. 3123-1 à L. 3123-3, des premier et troisième alinéas de l’article L. 3123-5, des articles L. 3123-6 à L. 3123-11, L. 3123-13, L. 3123-17 à L. 3123-21 et L. 3123-23 à L. 3123-31 ».
XI. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 1225-9, la référence : « L. 3122-31 » est remplacée par la référence : « L. 3122-5 » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 1263-3 est ainsi modifié :
a) La référence : « L. 3121-34 » est remplacée par la référence : « L. 3121-17 » ;
b) La référence : « L. 3121-35 » est remplacée par la référence : « L. 3121-19 » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 1271-5, au 4° de l’article L. 1272-4 et au 5° de l’article L. 1273-5, la référence : « L. 3123-14 » est remplacée par la référence : « L. 3123-6 » ;
3° bis Au deuxième alinéa des articles L. 5132-6 et L. 5132-7, les mots : « fixée à l’article L. 3123-14 » sont remplacés par les mots : « minimale mentionnée à l’article L. 3123-6 » ;
4° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 2323-3, la référence : « L. 3121-11 » est remplacée par les références : « L. 3121-27 à L. 3121-38 » ;
5° Le 5° de l’article L. 2323-17 est ainsi modifié :
a) À la fin du b, la référence : « à l’article L. 3121-11 » est remplacée par les références : « aux articles L. 3121-27 à L. 3121-38 » ;
b) À la fin du d, la référence : « à l’article L. 3123-14-1 » est remplacée par les références : « au premier alinéa de l’article L. 3123-7 et à l’article L. 3123-19 » ;
c) Le e est ainsi modifié :
– la référence : « à l’article L. 3141-13 » est remplacée par les références : « aux articles L. 3141-13 à L. 3141-16 » ;
– la référence : « L. 3122-2 » est remplacée par la référence : « L. 3121-42 » ;
6° Au 2° de l’article L. 1273-3, à la première phrase du 4° de l’article L. 3252-23, au premier alinéa de l’article L.5134-60, au 2° de l’article L. 5134-63, à la fin du dernier alinéa de l’article L. 5221-7 et à la fin du 4° de l’article L. 7122-24, la référence : « L. 3141-30 » est remplacée par la référence : « L. 3141-32 » ;
7° À l’article L. 3132-28, la référence : « L. 3122-46 » est remplacée par la référence : « L. 3121-65 » ;
8° Au dernier alinéa de l’article L. 3134-1, les références : « et L. 3133-2 à L. 3133-12 » sont remplacées par les références : «, L. 3133-2, L. 3133-3 et L. 3133-4 à L. 3133-12 » ;
9° Au second alinéa de l’article L. 3164-4, la référence : « L. 3121-52 » est remplacée par la référence : « L. 3121-65 » ;
10° Au deuxième alinéa de l’article L. 3171-1, la référence : « L. 3122-2 » est remplacée par la référence : « L. 3121-42 » ;
11° À l’article L. 3422-1, les références : « L. 3133-7 à L. 3133-11 » sont remplacées par les références : « L. 3133-7 à L. 3133-9, L. 3133-11 et L. 3133-12 » ;
12° Au premier alinéa du I de l’article L. 5125-1, les références : « L. 3121-10 à L. 3121-36, L. 3122-34 et L. 3122-35 » sont remplacées par les références : « L. 3121-15 à L. 3121-38, L. 3122-6, L. 3122-7, L. 3122-17, L. 3122-18 et L. 3122-24 » ;
13° À la fin du premier alinéa de l’article L. 5134-126, la référence : « L. 3121-10 » est remplacée par la référence : « L. 3121-26 » ;
13° bis (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 6222-25, la référence : « L. 3121-10 » est remplacée par la référence : « L. 3121-26 » et les mots : « et par l’article L. 713-2 du code rural et de la pêche maritime » sont supprimés ;
14°
Supprimé
14° bis Après la référence : « L. 3121-10 », la fin du premier alinéa de l’article L. 6222-25 est supprimée ;
15° Au premier alinéa de l’article L. 6325-10, la référence : « L. 3121-34 » est remplacée par la référence : « L. 3121-17 » et les mots : « et par l’article L. 713-2 du code rural et de la pêche maritime » sont supprimés ;
16° Au premier alinéa de l’article L. 6331-35, les références : « L. 3141-30 et L. 3141-31 » sont remplacées par les références : « L. 3141-32 et L. 3141-33 » ;
17° Le premier alinéa de l’article L. 6343-2 est ainsi modifié :
a) La référence : « L. 3121-10 » est remplacée par la référence : « L. 3121-26 » ;
b) La référence : « L. 3121-34 » est remplacée par la référence : « L. 3121-17 » ;
c) (nouveau) Les mots : « ainsi que par l’article L. 713-2 du code rural et de la pêche maritime » sont supprimés ;
18° À la fin de l’article L. 7213-1, la référence : « L. 3141-21 » est remplacée par la référence : « L. 3141-23 » ;
19° Au 3° de l’article L. 7221-2, la référence : « L. 3141-31 » est remplacée par la référence : « L. 3141-33 ».
XII. – Au II de l’article 43 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, la référence : « L. 3141-22 » est remplacée, deux fois, par la référence : « L. 3141-24 ».
XIII. – Le 2° du IV de l’article 21 de l’ordonnance n° 2012-789 du 31 mai 2012 portant extension et adaptation de certaines dispositions du code rural et de la pêche maritime et d’autres dispositions législatives à Mayotte est ainsi rédigé :
« 2° L’article L. 3121-17 du code du travail et les articles L. 713-13, L. 713-20, L. 713-21, L. 714-1, L. 714-3 et L. 715-1 du code rural et de la pêche maritime sont applicables à Mayotte à compter du 1er janvier 2020. »
XIV (nouveau). – La section 3 du chapitre II du titre II du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° Dans l’intitulé de la section, les mots : « de réduction du » sont remplacés par les mots : « modifiant le » ;
2° À l’article L. 1222-7, le mot : « diminution » est remplacé par le mot : « modification » et les mots : « de réduction de » sont remplacés par les mots : « relatif à » ;
3° À l’article L. 1222-8, les mots : « de réduction de » sont remplacés par les mots : « relatif à » et les mots : « est un licenciement qui ne repose pas sur un motif économique » sont remplacés par les mots : « repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse ».
XV
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous avons déjà eu l’occasion de parler de la hiérarchie des normes. J’ai expliqué que, de mon point de vue, c’était la mise en contradiction entre l’intérêt général et l’intérêt des parties, qui pouvaient conjoncturellement avoir un intérêt divergent de l’intérêt général.
À ce stade du débat parlementaire, compte tenu de la situation du pays, je voudrais revenir sur la nécessité de retirer cet article et de réengager une procédure de négociation avec l’ensemble des partenaires sociaux.
Vous nous dites, madame la ministre, que vous avez confiance dans les partenaires sociaux au niveau des entreprises, notamment dans les syndicalistes. Moi aussi ! Mais pourquoi n’avez-vous pas confiance en eux au niveau national ?
Vous nous dites que vous êtes pour des accords majoritaires au niveau des entreprises. Vous nous avez dit longtemps que votre loi avait l’accord majoritaire des organisations syndicales ou, au moins, des organisations syndicales susceptibles de représenter la majorité des salariés. Force est de constater que tel n’est pas le cas…
… puisque s’y opposent la CGT, Force ouvrière et la CFE-CGC, dont le nouveau président demande l’interruption du débat pour organiser une négociation, en particulier sur cet article 2 considéré comme un article de dumping social. Or la CFE-CGC ne représente pas la tradition hyper-revendicatrice, prétendument non réformiste, qui prévaudrait dans le syndicalisme français ! Il n’y a donc pas de majorité des organisations syndicales favorable à la remise en cause du principe de la hiérarchie des normes !
Je me permets de dire que, historiquement, je ne connais pas un texte du parti socialiste, fut-il présenté par sa majorité la moins « à gauche », qui ait évoqué l’hypothèse que l’on puisse revenir sur ce point.
Tous les textes historiques du parti socialiste et de la gauche sont fondés sur ce principe. En tout cas, quand on élargit le champ de la négociation, ce n’est pas pour remettre en cause des protections antérieures. Or, force est de constater, sur le déclenchement des heures supplémentaires, que cela touche une protection antérieure.
Je conclus, monsieur le président.
Pas de majorité au Parlement, 49.3, pas de majorité dans les organisations syndicales, pas d’adhésion du peuple de notre pays : ce n’est pas le dialogue social, c’est un dialogue de sourds !
MM. Alain Néri, Jean-Pierre Godefroy et Jérôme Durain applaudissent. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Cet article 2 introduit dans notre histoire une rupture de nos relations sociales. La France, je le rappelle, est le premier pays au monde en termes de couverture conventionnelle ou statutaire. Plus de 90 % des salariés de notre pays sont couverts par une convention collective, contre 60 % en Allemagne.
Notre articulation des niveaux de négociation collective est républicaine. La hiérarchie des normes comporte la loi, les accords nationaux interprofessionnels, les accords de branche et les accords d’entreprise. Votre texte prévoit de remettre en cause cette articulation. Dans certains cas, la branche est contournée. Par exemple, sur les heures supplémentaires, les premières heures payées au-delà de la durée légale sont actuellement payés 25 % de plus et, depuis 2008, par accord de branche étendu, nous pouvons déjà passer à 10 %. Une seule branche, dans le secteur du tourisme et des loisirs, a négocié ce type d’accord, ce qui signifie qu’il n’y a pas de demande en ce sens, y compris du côté patronal.
Avec cet article, la branche n’existe plus. On passe directement à l’entreprise. Situer la négociation non plus au niveau des branches, où les syndicats sont présents, mais dans l’entreprise, où les syndicats sont les plus faibles et les salariés les moins bien représentés, c’est aggraver les inégalités entre les salariés et favoriser le dumping social.
Nous étions très nombreux, à gauche, en 2004, en 2008, à refuser l’inversion de la hiérarchie des normes que vous nous proposez. Je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie et revenir sur ce que j’ai dit hier en présentant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, en citant particulièrement les propos de notre actuel secrétaire d'État aux transports, qui, alors qu’il était dans l’opposition, avait vilipendé les accords d’entreprise et l’inversion de la hiérarchie des normes. D’autres grands ténors du Gouvernement avaient également poussé des cris d’orfraie. Mais cela, c’était avant !
Croyez bien que cette inversion des idées est désastreuse pour nombre de celles et ceux qui ont cru en vous, hier, et qui voient bien que vous avez capitulé.
Donc, madame la ministre, j’insiste pour vous demander de stopper les débats au Parlement, de relancer la négociation, avec bien sûr la possibilité, in fine, de retirer cette loi.
Mes chers collègues, je demande à chacun de respecter son temps de parole. C’est une question de respect des autres intervenants.
La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
L’article 2, en inversant la hiérarchie des normes et en remettant en cause le principe de faveur, réunit toutes les conditions pour favoriser un dumping social accru. C’est la meilleure preuve que le Gouvernement se trompe de paradigme, en considérant que c’est en tirant vers le bas les conditions de travail des salariés que l’emploi sera préservé. C’est par ailleurs oublier un peu rapidement que ce que vous nommez « coût du travail » – que vous n’avez de cesse de vilipender – est en réalité un salaire, immédiat ou socialisé, qui maintient une consommation à un niveau acceptable et que, à l’inverse, le coût du capital, toujours plus important, bloque les investissements dans les entreprises et la consommation des ménages en pressurant les salaires.
L’esprit de l’article 2 aggrave encore ce phénomène puisque, en inversant la hiérarchie des normes, ce sont les salariés de toutes les entreprises d’un même secteur qui seront mis en concurrence. Qu’un seul accord désavantageux pour les salariés soit signé, parce que la pression patronale est trop forte, parce que la situation est désespérée, et tous les employeurs concurrents renforceront leur pression sur les organisations de salariés pour qu’elles s’alignent sur les conditions désavantageuses de l’accord dans une course au moins-disant social.
Jusqu’ici, l’accord de branche et la loi étaient là pour éviter ce phénomène. Pourquoi le Front populaire, dont le Gouvernement a tenu à commémorer l’accession au pouvoir, avait-il mis en place ce système ? Tout simplement parce que, plus l’échelle est réduite, plus le lien de subordination employeur-employé s’exprime crûment et plus il est difficile pour les salariés de se défendre. Ce constat est d’autant plus vrai que, en période de chômage de masse, la crainte de se voir remplacé est plus forte du côté des salariés. La loi, de par son cadre global, annihile ce rapport de subordination.
De fait, il est évident que, avec cet article 2, vous accentuerez la précarisation de l’ensemble des salariés, en organisant un dumping social entre les entreprises. Vous achèverez ainsi le processus qui consiste à renforcer le coût du capital vis-à-vis du coût du travail et le lien de subordination en faveur de l’employeur, à permettre l’émergence d’accords défavorables alors même que les syndicats majoritaires y sont opposés et à pressurer l’ensemble des salariés.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que nous ne puissions suivre le Gouvernement sur cet article 2.
L’article 2 représente la substantifique moelle du projet de loi, en prévoyant notamment l’inversion de la hiérarchie des normes et la mise à mal du principe de faveur. Cette logique va fragiliser l’ensemble des salariés, plus particulièrement les femmes, car ce sont elles qui vivent majoritairement des situations précaires et connaissent le plus d’inégalités dans les domaines de l’emploi, des conditions de travail, des salaires, du déroulement de carrière ou de la formation.
Les progrès en matière d’égalité professionnelle ont été obtenus à la suite de luttes menées par les femmes et de l’adoption de certaines lois. Même si le chemin à parcourir reste encore long, comme nous l’avons vu tout au long de nos débats, la loi, accompagnée de sanctions aux contrevenants, a amélioré la situation professionnelle des femmes. Or, avec votre texte, madame la ministre, la loi deviendrait supplétive et s’appliquerait seulement lorsqu’il n’y a pas de disposition au niveau de la branche ou de l’entreprise. Les conséquences en seraient dramatiques.
Si l’on prend la question des temps partiels, que subissent bon nombre de femmes dans de nombreux métiers comme ceux du commerce ou de l’accompagnement à la personne, votre projet de loi va encore aggraver les choses. Et je ne fais pas ici de procès d’intention, je dénonce des faits ! Rappelons-nous, mes chers collègues, que Mme Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des droits des femmes, avait instauré une norme de vingt-quatre heures minimales, sauf dérogation. Or soixante branches ont négocié pour contourner cette loi et, en moyenne, la durée des temps partiels dans ces soixante branches est de dix-sept heures. Avec ce projet de loi, la norme sera le moins-disant et les vingt-quatre heures voulues par cette ministre deviendront dérogation.
C’est parce que nous refusons l’extension de la précarité et de la flexibilité que nous combattons cet article 2 ; c’est parce que nous sommes favorables à la négociation, parce que nous croyons au dialogue social que nous soutenons la hiérarchie des normes, avec principe de faveur et encadrement par la loi. C’est cette vision que nous défendrons à travers nombre des amendements que nous proposerons.
Si le principe de faveur, principe fondamental de l’ordre public social, supporte des dérogations, sa négation pure et simple est contraire au droit constitutionnel au sens large. En ce sens, la dérogation ne saurait devenir la règle.
En effet, plus qu’une simple règle de conflit de normes applicables, le principe de faveur est un principe fondamental qui fait écho au préambule de 1946 et à l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui affirme le « droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ».
Dès lors, c’est tout l’article 2 qui bafoue ce principe ! Pourtant, la jurisprudence du Conseil d’État est claire : l’ordre public social, et à travers lui le principe de faveur, est un principe général du droit qui s’impose à toutes les normes qui lui sont inférieures hiérarchiquement. Ne nous y trompons pas, la décision du Conseil constitutionnel de 2004 lui reconnaît la valeur d’un principe fondamental au sens de l’article 34 de la Constitution. Cela signifie que le législateur, en recourant à une dérogation absolue – ce que fait l’article 2 –, n’exercerait plus sa compétence de détermination des principes fondamentaux du droit du travail. Il court ainsi le risque d’une censure pour incompétence négative, mais, surtout, d’une atteinte à la souveraineté, car la loi est l’expression de la volonté générale.
Cet article va encore plus loin, puisqu’il bafoue ouvertement le principe constitutionnel d’égalité. En effet, au vu des réalités, le développement de la négociation collective d’entreprise contribuera à creuser les inégalités entre salariés. La loi ne sera plus la même pour tous, chaque entreprise bénéficiera d’un droit sur mesure, ce qui constitue une négation de la Déclaration des droits l’homme et du citoyen.
Enfin, et c’est sans doute le plus symptomatique, le passage du texte permettant la dérogation à la loi, devenue simplement supplétive, traduit, de fait, un affaiblissement du rôle de l’État. L’État ne prendra plus en charge la protection des salariés. Avec cet article 2, l’ordre public devient dérogatoire, c’est la négation même de la notion d’ordre public !
En permettant à la négociation d’entreprise de s’affranchir de toute contrainte, conventionnelle ou étatique, l’article 2 est une manifestation inquiétante d’un retour de l’État-gendarme, au mépris de l’État-providence, d’un véritable retour vers le passé. C’est pourquoi tant de nos concitoyens sont aujourd’hui contre ce projet de loi ; ils ont compris les enjeux fondamentaux qui se cachent derrière cet article 2 : inégalité, précarité, vulnérabilité !
L’article 2, disposition importante du projet de loi, vise à faire intervenir de façon significative les accords d’entreprise. Or les accords d’entreprise ont fait l’objet ces derniers temps d’un certain nombre de commentaires peu engageants.
Il y a aujourd’hui 36 000 accords d’entreprise en France ; c’est beaucoup et peu à la fois.
C’est beaucoup, car, par rapport à l’ambition nourrie initialement, en 1982, on s’aperçoit que ces accords touchent une large palette de sujets : les rémunérations, les retraites, le temps de travail, etc. Il faut aussi prendre en compte le fait que tous les syndicats ont signé des accords d’entreprise au fil du temps. L’histoire récente nous apporte donc la garantie qu’il est possible de travailler ensemble dans les entreprises. C’est un point qu’il ne faut pas négliger.
On peut également dire que ce chiffre est modeste compte tenu des ambitions de départ et des possibilités ouvertes par les lois Aubry, la loi de 2004 et d’autres encore.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que chacun, sur un sujet comme celui-là, chemine avec ses motivations, ses déterminants et ses valeurs.
Pour ce qui me concerne, j’ai tendance à penser que, comme lors de la mise en place de la décentralisation en 1982 et de la démocratie sociale, qui avait été initiée à la même époque par les lois Auroux, ce qui est recherché avant tout, c’est l’émancipation : l’émancipation des élus face au préfet, l’émancipation des travailleurs dans l’entreprise, qui sont appelés à œuvrer chacun de leur côté.
Je salue donc les ambitions manifestées par le Gouvernement pour aller plus loin, à travers des outils rénovés, et pour permettre à ces accords d’entreprise de prendre un nouvel élan pour les années qui viennent, au bénéfice des travailleurs.
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance afin d’en terminer avec les prises de parole sur l’article 2.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l’article.
Madame la ministre, votre projet de loi ouvre de nouveaux droits aux personnes dont les parcours sont atypiques et aux plus fragiles.
Personnellement, je m’attache à préciser et à conforter les droits des personnes avec handicap dans le monde du travail. Beaucoup d’entre elles aspirent à être reconnues pour leurs aptitudes et leurs compétences dans ce milieu qui, trop souvent, les rejette.
Les lois votées pour favoriser l’insertion professionnelle sont anciennes.
La loi d’orientation du 30 juin 1975 a instauré une obligation nationale d’intégration sociale.
La loi du 10 juillet 1987 a fixé à 6 % le taux d’emploi de travailleurs handicapés dans les établissements des secteurs privé et public de vingt salariés et plus. Cette loi a aussi donné naissance à l’AGEFIPH, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées.
Enfin, la loi du 11 février 2005 a posé le principe de non-discrimination des personnes handicapées dans l’emploi, en donnant la priorité au travail en milieu ordinaire. Plus globalement, pour aller vers l’intégration, il s’agit de s’assurer de la prise en considération du handicap et de sa compensation dans chaque aspect de la vie sociale.
Après son adoption, moment fort pour la dignité et la reconnaissance des personnes concernées, les années qui ont suivi ont été consacrées à sa mise en œuvre.
Pour ce qui concerne l’emploi et le maintien dans l’emploi, la déception est indéniable. En effet, même si les comportements et les exigences évoluent, il reste compliqué de prendre en compte le handicap de façon transversale, avec des administrations qui travaillent en « silo », sur des secteurs précis. Cependant, pour l’année 2015, le nombre d’insertions dans l’emploi est en hausse de 6 % : Cap emploi a contribué à près de 54 000 recrutements, une personne sur trois étant accompagnée depuis plus de deux ans.
La croissance des maintiens dans l’emploi s’est poursuivie, avec une augmentation de 10 % en un an et de 23 % en deux ans. Toutefois, le taux de chômage des personnes handicapées, qui s’établit à 18 %, reste le double de celui de tout public. Ce sont ainsi 500 000 personnes handicapées qui pointent au chômage, et les mises à l’écart pour inaptitude à l’emploi n’arrangent rien.
Tout en considérant que la loi de 2005 a favorisé le déploiement de leur politique en faveur du handicap, les entreprises de bonne volonté font remonter des difficultés d’application et formulent des préconisations pour y remédier. Ces préconisations sont au cœur des réflexions essentielles pour l’avenir : la santé et la qualité de vie au travail, le vieillissement des salariés, l’accompagnement de la fragilité, la modernisation et l’adaptation des postes de travail.
La barrière qui sépare les travailleurs avec handicap de ceux qui les emploient ou pourraient les employer doit encore être abaissée. La loi Travail que vous portez, madame la ministre, s’honorera d’y avoir apporté une nouvelle brique, par des accords d’entreprise conclus au bénéfice des travailleurs handicapés.
Tel est le sens des amendements que je défendrai au cours de la discussion.
Madame la ministre, je voudrais, sur cet article qui nous plonge au cœur du projet de loi, vous proposer une voie de sortie de crise. Vous avez argué de votre volonté de moderniser le dialogue social et de placer l’entreprise au cœur de la négociation. Reste que nous entendons ici et là s’exprimer des craintes légitimes sur la possibilité que cette inversion des normes soit utilisée à des fins de dumping social.
Comme je l’ai dit hier, il n’y a pas, d’un côté, les bons accords d’entreprise et, de l’autre, des accords de branche qu’il faudrait déverrouiller. Ces deux types d’accord sont indispensables. Avec le code du travail actuel et les branches telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui, on dénombre près de 40 000 accords d’entreprise !
On regarde souvent du côté de l’Italie, qui a bougé, ou de l’Espagne, qui a réformé dans un sens très libéral, mais on ne regarde pas assez ce qui se passe en Allemagne, où tout se fait avec la branche.
Outre-Rhin, la branche est au cœur du dialogue ; elle peut même annuler des accords d’entreprise si ces derniers ne sont pas conformes aux accords de branche. L’Allemagne est certainement le pays où il y a le plus de dialogue social, le plus de consensus.
Vouloir opposer artificiellement l’entreprise à la branche est une erreur. Je proposerai donc un amendement visant à trouver un équilibre inédit entre l’entreprise et la branche.
Le code du travail, c’est une chose très sérieuse qui concerne des dizaines de millions de salariés. Dans une économie mondialisée caractérisée par une concurrence exacerbée et dans laquelle le global sourcing s’exerce au quotidien, nous devons être à la hauteur de l’enjeu et moderniser le dialogue social, mais en ayant aussi l’obsession de sécuriser autant que l’on modernise. La branche est une façon de sécuriser !
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. - M. Jean Desessard applaudit également.
L’article 2 forme en effet la clé de voûte du projet de loi, mais il aura fallu plusieurs semaines et même plusieurs mois de batailles, de mobilisations sociales et de discussions avec les syndicats pour que vous le reconnaissiez, madame la ministre. En effet, dans les premiers temps, on nous opposait que l’inversion de la hiérarchie des normes ne constituait pas le cœur du texte.
La manière dont les choses sont abordées va conduire, selon nous, à la généralisation du moins-disant social. Or les protections contre cette dérive ne sont pas présentes dans le projet de loi, bien au contraire.
Si nous contestons cet article 2, c’est parce qu’il va conduire au développement d’inégalités extrêmement problématiques. Surtout, nous contestons le dogme qui sous-tend tout le projet de loi, à savoir que l’arme de la compétitivité et la baisse du coût du travail vont créer de l’emploi. Nous pensons qu’une politique de gauche est une politique qui sait concilier le progrès social, notamment les hausses de salaire et l’amélioration des conditions de travail, avec le développement économique.
Il me semble que cette logique que vous défendez a déjà échoué. Je rappelle que les 17 milliards d’euros d’allégements de cotisations qui ont été accordés aux entreprises et la suppression progressive du financement des allocations familiales n’ont pas enclenché la moindre dynamique de création d’emploi. En revanche, ces allégements ont dégradé les conditions de financement de la protection sociale. Je n’ai pas le temps de développer ce point, mais, poussée jusqu'à son terme dans ce projet de loi, cette logique dégraderait de manière générale les comptes sociaux.
On nous oppose les exemples européens. Mais voulons-nous faire sortir, comme en Grande-Bretagne, des centaines de milliers de salariés du droit collectif général ? Quand on parle des chiffres du chômage au Royaume-Uni, n’oublions pas qu’il y a 750 000 travailleurs en contrat zéro heure !
Allons-nous promouvoir les jobs payés 1 euro de l’heure, comme en Allemagne, pays où les salaires des femmes sont inférieurs de plus de 25 % à ceux des hommes ?
C’est pourquoi nous avons formulé des propositions qui vont à l’encontre de la logique de l’article 2.
Depuis plusieurs mois, j’ai beaucoup auditionné, écouté, lu, échangé, réfléchi. Cette démarche me conduit aujourd’hui, madame la ministre, à vous apporter mon soutien sur le texte en discussion, ce qui ne m’empêche pas de respecter totalement les opinions contraires, qu’elles émanent de membres de mon groupe ou de collègues siégeant sur d’autres travées.
L’article 2, avec la primauté de l’accord d’entreprise, est au cœur du projet de loi et des réactions les plus virulentes. Je veux souligner qu’il ne s’agit pas là d’une génération spontanée. La primauté de l’accord d’entreprise n’apparaît pas de façon brutale, inattendue ou opportune en ce printemps 2016.
Depuis le début des années quatre-vingt, des accords conclus au niveau de l’entreprise peuvent déroger à la législation ou à la convention de branche dans un sens moins favorable au salarié.
L’ordonnance du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés, relayée par la loi Auroux du 13 novembre de la même année, a consacré, en quelque sorte, un nouveau principe et a constitué une véritable révolution normative.
Avec les lois Delebarre de février 1986 et Séguin de juin 1987, le temps de travail est devenu le domaine privilégié de ces accords.
Vingt ans plus tard, la position commune des partenaires sociaux du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l’approfondissement de la négociation collective marque un accord, improbable, de quatre organisations syndicales – FO, CFDT, CFTC et CFE-CGC – et de trois organisations patronales – MEDEF, CGPME et UPA – en faveur d’un compromis, dans lequel est affirmée la primauté de la négociation d’entreprise sur la négociation de branche.
Madame la ministre, vous réaffirmez l’importance de la négociation collective, en élargissant son champ et en étendant la primauté de l’accord d’entreprise à de nouveaux domaines. Vous affirmez aussi l’existence de trois niveaux : l’ordre public, auquel il ne peut être dérogé ; le champ des négociations collectives ; les dispositions supplétives, qui s’appliquent en l’absence d’accord collectif.
Le projet de loi sécurise l’accord d’entreprise par le fait majoritaire et le renforcement des moyens des syndicats.
L’article 13 réaffirme le rôle de la branche comme régulateur de la concurrence, crée les commissions paritaires permanentes de négociation et d’interprétation et demande un bilan des accords collectifs d’entreprise.
À l’opposé d’une régression sociale – je le pense fortement –, ces dispositions constituent un message de confiance et d’espoir dans l’intelligence, le bon sens, la capacité d’initiative et la volonté de progrès des partenaires sociaux.
L’entreprise, lieu de production de richesses, est un niveau pertinent pour rechercher et mettre en œuvre les compromis qui sont les mieux adaptés, en matière de compétitivité et de protection des salariés, aux problèmes qui se posent à cette échelle de l’activité économique.
Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.
Certains employeurs ne sont pas d’accord avec l’article 2. L’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, par exemple, est très réservée : « L’article 2 stipule que “la primauté de l’accord d’entreprise en matière de durée du travail devient le principe de droit commun”.
« L’UDES émet de fortes réserves, mais souhaite qu’un compromis soit trouvé ». Cela va un peu dans le sens de l’intervention de Martial Bourquin.
« La branche doit conserver son rôle de régulation au sein d’un secteur d’activité. C’est au niveau de la branche que doivent se décider les mesures relatives au temps de travail : temps partiel, majoration des heures supplémentaires, travail de nuit, durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire… »
Ce sont des employeurs qui le disent ! Ils représentent tout de même deux millions de salariés.
D’autres le disent aussi, en effet !
Madame la ministre, pourquoi faites-vous ça ? Vous nous dites que vous êtes à 200 % pour ce texte. Je comprends les premiers 100 % : vous êtes d’accord avec la loi. Les 100 % supplémentaires, c’est donc la plénitude, c’est-à-dire que le texte va nous apporter quelque chose de plus, en tout cas autre chose que le simple fait de croire au projet. Lorsqu’on est à 200 %, c’est qu’il y a une « pêche » nouvelle, une énergie formidable…
Je veux bien reconnaître que vous y croyez et que vous pensez qu’il va y avoir des créations d’emplois du fait de la souplesse installée au niveau de l’entreprise. Moi, je suis plutôt sur la position de Pierre Laurent : la compétitivité de l’entreprise peut signifier un enrichissement des actionnaires et un dumping social à tous les niveaux. Je ne suis pas sûr que cela va créer des emplois.
Mais admettons… Quand est-ce que ça va prendre effet, votre mesure ? Il faut le temps de la mise en route. Ce sera donc après l’élection présidentielle et les élections législatives. Autrement dit, ce n’est pas vous qui allez l’appliquer. Vous introduisez un dispositif que vous n’allez pas contrôler !
M. Jean Desessard. Vous vous fâchez avec toute la gauche ; vous vous fâchez avec les écologistes, alors que vous nous demanderez notre soutien au moment crucial. Comment pourrons-nous vous l’apporter ? Ça ne sera pas possible ! Pourquoi faites-vous ça ? Si c’est pour buter la CGT, quel intérêt y avez-vous ?
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.
Vous allez peut-être gagner, mais qu’allez-vous obtenir au final ? Cela ne va pas créer d’emplois ni permettre à Hollande de dire qu’il en a créé ! Par contre, vous instaurez une pagaille dans la gauche dont on ne sait pas dans quel état elle va sortir !
Pourquoi faites-vous ça ?
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.
Madame la ministre, je crois que c’est de bonne foi que vous nous dites que ce projet de loi va favoriser l’emploi dans ce pays, améliorer les conditions de travail et les salaires de ceux qui en ont un ainsi que le climat social dans l’entreprise. Mais l’entreprise, ce n’est pas uniquement le chef d’entreprise, il y a aussi les salariés.
Pour qu’une entreprise soit compétitive et se développe, elle a besoin d’un climat serein et de relations apaisées. Or, pour cela, il faut discuter dans un cadre qui ne soit pas trop lié à la personnalité du patron et des employés. En effet, il n’est pas facile, dans une petite entreprise, d’affronter le patron. On risque quelques représailles… Ce n’est pas le cas dans toutes les entreprises, mais on pourrait vous en citer beaucoup où les syndicalistes et salariés qui mènent les revendications sont pénalisés dans leur carrière, dans leur emploi et dans leur vie de tous les jours.
Alors, madame la ministre, la seule chose que l’on vous demande, c’est de faire en sorte que l’accord de branche soit l’accord-cadre à l’intérieur duquel sont discutés les accords d’entreprise. C’est ce qui se passe aujourd’hui ! Il est possible de conclure des accords d’entreprise, alors même que c’est la branche qui régule. La preuve en est que les accords d’entreprise sont au nombre de 40 000.
Madame la ministre, ne vous entêtez pas ! N’entrez pas en conflit avec l’ensemble des salariés ! N’allez pas créer un conflit supplémentaire ! Nous sommes là pour apaiser les relations. S’il vous plaît, rouvrez les discussions ! Acceptez de reconnaître que les accords d’entreprise ne pourront pas être en retrait par rapport aux accords de branche, auxquels il faut donner la priorité !
M. Alain Néri. Je suis sûr que, dans cette discussion, nous trouverons une porte de sortie permettant à la gauche de se rassembler, afin qu’ensemble nous puissions faire en sorte que le progrès social avance dans les entreprises, au profit des travailleurs.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC.
On voit bien que l’article 2 est absolument central dans le projet de loi Travail. On peut comprendre pourquoi, puisqu’il s’agit de flexisécurité.
Beaucoup de pays européens ont recours à la flexisécurité. Dans ces pays, les syndicats sont puissants. Or chacun sur les travées de notre assemblée souhaite, je le crois, que les syndicats soient encore plus forts qu’ils ne le sont aujourd’hui. Ce serait intéressant pour les salariés et pour tout le monde, d’ailleurs, d’un point de vue économique.
Au-delà de l’intérêt de permettre la conclusion au niveau d’une entreprise d’accords de proximité qui tiennent compte de la situation à laquelle celle-ci fait face à un moment donné – et même si on peut être d’accord avec cette philosophie –, la difficulté est que cela risque d’entraîner une forme de dumping social si des entreprises du même secteur utilisent cette possibilité. C’est la raison pour laquelle il va falloir trouver une forme d’équilibre gagnant-gagnant.
La flexibilité, c’est la possibilité pour les entreprises de conclure, avec leurs salariés, un accord d’entreprise.
La sécurité pour les salariés, c’est de pouvoir demander l’avis de la branche, afin que chacun puisse ensuite se déterminer en toute connaissance de cause. Pourquoi craindre de demander l’avis de la branche ? Il s’agit simplement de disposer, pour les salariés, d’un droit d’alerte et je dirais même d’un devoir d’alerte.
Il n’y a pas nécessairement d’organisation syndicale dans toutes les entreprises. Certes, le texte prévoit un mandatement – pourquoi pas ? –, qui pourra permettre de renforcer les organisations syndicales. Mais je récuse l’idée qu’il faut casser le verrou de la branche. Il faut au contraire proposer – c’est ce que nous ferons dans un amendement – que la branche soit alertée, informée et qu’elle donne son avis. Au bout du compte, les salariés de l’entreprise pourront prendre leur décision en toute connaissance de cause. Il me semble que cette proposition permettrait de trouver un accord qui satisferait tout le monde et qui serait gagnant-gagnant sur le plan tant économique que social.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.
Ce débat est important, car deux conceptions s’opposent. Ces divergences, qui sont respectables, on les constate également dans le champ syndical.
Je ne prétends pas détenir la vérité. Je veux juste vous dire pourquoi je suis à 200 % en faveur du projet de loi.
Dans une économie mondialisée comme la nôtre, il faut pouvoir s’adapter rapidement. En tant que ministre du travail, je constate que, à travers le travail indépendant ou détaché ou par le biais de l’intérim, le droit du travail est contourné pour permettre une telle adaptation.
Je vois ce mouvement au quotidien.
Je vois aussi l’ensemble des accords qui ont permis d’améliorer la situation de certaines entreprises par le dialogue social. Je suis persuadée que le dialogue social permet de concilier progrès économique et progrès social.
Je ne travaille pas sur ce sujet depuis quatre mois par obstination, mais bien par conviction. Nous avons deux visions, deux conceptions différentes – j’assume parfaitement la mienne –, mais, je le répète, il s’agit non pas d’obstination, mais de détermination et de conviction. Je pense qu’il faut permettre à nos entreprises de mieux répondre à un pic d’activité et de commandes.
Ne nous racontons pas d’histoires : il existe déjà beaucoup de dérogations. Quand j’ai parlé de casser le verrou de la branche, je parlais de la clause de verrouillage des 25 % pour les heures supplémentaires, ainsi qu’elle est nommée depuis la loi de 2004. Il s’agit donc d’une expression technique.
Je n’oppose pas un niveau à un autre. Nous avons véritablement besoin de chacun des niveaux, que ce soit la loi, pour le SMIC et la durée légale du travail, ou les conventions collectives. Il y a aujourd’hui quatre domaines où il est impossible de déroger : les fonds de la formation professionnelle, la prévoyance, les classifications et le SMIC. Le projet de loi ne touche absolument pas à ces principes, qui sont essentiels.
Je comprends l’inquiétude devant les risques de dumping social au niveau de la branche, mais permettez-moi d’apporter des éléments de réponse pour apaiser ces craintes.
La branche, qui est essentielle, est renforcée par le texte, qui lui confie pour la première fois un rôle de régulation de la concurrence, qui institue une commission paritaire permanente et lui donne des rôles nouveaux, notamment en matière de modulation pluriannuelle du temps de travail.
Madame Cohen, vous parliez du temps partiel des femmes. Or vous étiez opposée à l’ANI et à la loi de 2013, qui, sur l’initiative de Michel Sapin, alors ministre du travail, instituaient l’accord sur le temps partiel à vingt-quatre heures. Sachez que nous maintenons cette disposition au niveau de la branche, parce que cela nous semble essentiel. Par ailleurs, demain, les branches seront chargées de faire régulièrement des bilans des accords d’entreprise.
De grâce, n’ayons pas une vision idyllique de la branche. En réalité, le tiers des branches professionnelles n’ont pas négocié depuis plus de vingt ans. C’est la raison pour laquelle nous voulons les restructurer. Aujourd’hui, la direction générale du travail, sous mon autorité, est en train de pousser quarante-deux branches, couvrant 4, 2 millions de salariés qui ont au moins un coefficient inférieur au SMIC, à négocier. Et il ne s’agit pas de petites branches : boulangerie-pâtisserie, bricolage, cafétérias, bureaux d’études techniques, etc.
Si nous voulons les restructurer, c’est justement pour rendre la négociation collective beaucoup plus dynamique. Mais ne faisons pas croire, au moment où nous abordons la question du développement des accords d’entreprise, que la garantie posée par les branches protège un monde idyllique où tout fonctionne parfaitement.
J’entends bien les inquiétudes. C’est la raison pour laquelle la question de la recommandation des branches a fait l’objet d’une discussion. À ce sujet, nous avons souhaité éviter le 49.3 et cherché des voies de compromis, mais cela n’a pas été possible. Nous avons donc dû prendre nos responsabilités.
À aucun moment, je le répète, nous n’avons souhaité mettre la branche de côté au bénéfice exclusif de l’accord d’entreprise. Cela n’est pas la réalité du texte. Simplement, nous voyons bien que les accords d’entreprise se développent de plus en plus, parce qu’ils répondent à un besoin à la fois des entreprises et des salariés. Ce mouvement, qui me paraît inéluctable, a été porté par les partenaires sociaux dès le début, dans de nombreuses positions communes. Tout d’abord, il y a eu celle de 1995, qui a été signée à l’époque par la CFDT, la CFTC et la CGC ; puis il y a eu celle de 2001, signée par FO, la CFDT, la CFTC et la CGC.
Il s’agit donc d’une progression constante et irréversible : il y a eu 35 600 accords d’entreprise, dont 11 450 ratifiés par référendum en 2014. C’est irréversible, parce que nous sommes passés de l’ère industrielle à l’ère des services. Or, en tant que consommateurs, nous avons une part de responsabilité : si le monde du travail évolue, c’est parce que les modes de consommation changent. Voilà pourquoi nous avons besoin de plus de réactivité.
Monsieur Desessard, je viens d’expliquer pourquoi je suis à 100 % pour le projet de loi. Je vais maintenant expliquer pourquoi j’y suis favorable à 200 %.
Sourires.
Deux mouvements de fond traversent notre société : le besoin de proximité et la perte de confiance dans le politique, qui pose un problème démocratique. Les partis et les hommes politiques, ainsi que les organisations syndicales ou les médias n’ont plus la confiance de nos concitoyens.
Il y a une aspiration des salariés à décider sur les sujets les plus structurants, au lieu de s’en remettre à des appareils au-dessus d’eux. C’est l’état d’esprit de notre société.
Considérer que la négociation d’entreprise doit être combattue ou réprouvée, car elle serait synonyme de recul social, c’est discréditer l’engagement syndical et ne pas voir qu’au moins 85 % des accords sont signés par tous les syndicats. Et ces accords ont permis de créer des emplois et d’en sauver des milliers d’autres !
Ce texte encourage donc les accords d’entreprise, avec le verrou essentiel de l’accord majoritaire, qui figurait dans la position commune de 2008. C’est une garantie importante ! Il permet aussi des accords dans les petites entreprises grâce au mandatement syndical. Bien sûr, la relation est déséquilibrée entre un employeur et un salarié, mais lorsque l’on est soutenu, accompagné par le collectif, par une organisation syndicale, l’équilibre est rétabli. Il y a là un changement culturel à promouvoir auprès des organisations patronales, qui voient souvent d’un mauvais œil des personnes extérieures venant d’une unité départementale débarquer dans les entreprises. Or le mandatement syndical concerne un salarié de l’entreprise.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut bien avoir à l’esprit que l’accord STX de Saint-Nazaire en 2014 a permis à cette entreprise d’avoir un carnet de commandes plein jusqu’en 2016. Les salariés ont consenti des efforts, mais ils ont aussi obtenu des contreparties. Il y aurait beaucoup d’autres exemples à citer : Michelin à La Roche-sur-Yon, Peugeot-Citroën à Rennes avec le contrat d’avenir, etc. Tous ces accords ont été obtenus avec des contreparties. Philippe Martinez l’a bien dit hier au sujet de l’accord à la SNCF : les salariés savent très bien ce qui est bon ou pas pour eux.
Reste que je n’ai pas une vision naïve ou béate du dialogue social. J’ai simplement la conviction que le principe majoritaire est une avancée majeure, qui responsabilise à la fois les organisations syndicales et les directions d’entreprise, ce qui est essentiel, l’absence d’accord pouvant constituer un frein à l’organisation du travail. Je suis même persuadée que le développement de la négociation et de cette culture du compromis peut être un formidable outil de revitalisation du syndicalisme.
Sincèrement, j’ai le sentiment que, si les employeurs montrent parfois peu d’appétence pour la négociation, c’est parce qu’ils ont le sentiment que celle-ci est dépourvue d’enjeux significatifs. C’est exactement pour la même raison que les salariés sont aussi peu attentifs au syndicalisme. Pourtant, pouvoir négocier sur ce qui fait le quotidien des salariés, sur l’organisation du travail, ce que prévoit l’article 2, est, à mes yeux, essentiel et structurant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons entre nous des divergences de projets.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Pour ma part, je n’oppose pas un étage à un autre. Je pense simplement que nous devons continuer dans cette voie. J’ai rencontré l’ensemble des organisations syndicales et j’écoute leurs propositions, car je suis toujours disposée à apporter des améliorations à ce texte. Néanmoins, je refuse catégoriquement d’en dénaturer la philosophie. Je le répète, il s’agit non pas d’obstination, mais de conviction et de détermination.
Applaudissementssur certaines travées du groupe socialiste et républicain.
Mes chers collègues, nous avons examiné 40 amendements au cours de la journée ; il en reste 841.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 15 juin 2016, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (n° 610, 2015-2016) ;
Rapport de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 661, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 662, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 15 juin 2016, à zéro heure trente-cinq.