Je vais émettre un avis défavorable et vous en expliquer les raisons précises.
Le Gouvernement a œuvré dans le sens souhaité par les auteurs de l’amendement en faisant voter la loi du 6 août 2012, qui a précisé la définition du harcèlement sexuel, les obligations de l’employeur, ainsi que les missions des services de santé au travail.
Aujourd'hui, le délégué du personnel dispose d’un véritable droit d’alerte.
Consultés sur les mesures de prévention, les CHSCT peuvent aussi proposer eux-mêmes des actions de prévention du harcèlement moral et sexuel. De plus, le refus de l’employeur de mettre en œuvre ces mesures doit être motivé.
Faut-il aller plus loin et généraliser, comme vous le proposez dans cet amendement, les cellules d’écoute ? Je ne le crois pas parce qu’il convient, me semble-t-il, de développer les réponses propres à chaque situation.
Je voudrais vous donner un exemple très précis pour illustrer ma position. Actuellement, nous le savons bien, il faut non seulement prévenir mais aussi accompagner les victimes, démarche dans laquelle l’inspection du travail prend vraiment sa part.
Si je regrette que les remontées m’arrivent souvent tardivement, j’ai obtenu les données chiffrées concernant l’année qui a suivi le vote de la loi de 2012. En 2013, il y a eu 2 143 rappels à la loi, 57 % étaient relatifs à l’obligation pour l’employeur d’agir en vue de prévenir les faits de harcèlement, 26 % concernaient la protection du salarié contre le harcèlement sexuel, 17 % visaient l’absence de sanctions contre des agissements coupables. L’inspection du travail, qui a rendu de nombreux avis, a pris 105 décisions relatives à la suspension ou l’interdiction de recours à l’emploi d’apprentis, par exemple.
Les situations rencontrées par l’inspection du travail sont très diverses. Elles montrent l’intérêt de l’exercice du devoir d’alerte par les délégués de personnel.
Je vais vous donner un exemple très concret, celui d’une entreprise de reprographie de cinquante salariés située à Alfortville qui venait d’être rachetée. Elle illustre l’éventail de réponses proposées par l’Agence nationale d’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, qui peuvent être mises en œuvre dans une situation de ce type.
À l’issue du rachat, les effectifs de l’entreprise ont révélé un vrai déséquilibre entre les hommes et les femmes, les hommes étant surreprésentés. La nouvelle présidente s’est alors trouvée confrontée à un conflit sexiste entre des salariés. Certaines jeunes salariées se plaignaient d’être l’objet de propos particulièrement dégradants de la part de leurs homologues masculins.
L’entreprise a mis en place un éventail d’actions. Outre un rappel des règles de conduite auprès des salariés et une campagne d’affichage sur le thème de la tolérance zéro, la direction a fait preuve de fermeté en procédant au licenciement des deux salariés à l’origine du conflit. Le personnel encadrant a également reçu une formation incitant à ne tolérer aucune incivilité dans chacune des équipes.
Une communication spécifique a permis de diffuser des notes sur le harcèlement dans tous les espaces et de conduire des actions de formation à destination de l’ensemble du personnel encadrant. Les effectifs de l’entreprise ont été rééquilibrés pour parvenir à une certaine parité entre les femmes et les hommes. Dans le cadre d’un travail avec l’ANACT, les fiches de postes ont été refaites. Vous le voyez, c’est un vrai éventail de réponses qui a été mis en place, en lien avec la médecine du travail.
Je pense, contrairement aux auteurs de l’amendement qui proposent de généraliser une cellule d’appui au sein de l’entreprise, que chaque situation demande une réponse spécifique et un appui particulier. Pour ma part, je ne suis pas pour la généralisation.