Cet article 2 introduit dans notre histoire une rupture de nos relations sociales. La France, je le rappelle, est le premier pays au monde en termes de couverture conventionnelle ou statutaire. Plus de 90 % des salariés de notre pays sont couverts par une convention collective, contre 60 % en Allemagne.
Notre articulation des niveaux de négociation collective est républicaine. La hiérarchie des normes comporte la loi, les accords nationaux interprofessionnels, les accords de branche et les accords d’entreprise. Votre texte prévoit de remettre en cause cette articulation. Dans certains cas, la branche est contournée. Par exemple, sur les heures supplémentaires, les premières heures payées au-delà de la durée légale sont actuellement payés 25 % de plus et, depuis 2008, par accord de branche étendu, nous pouvons déjà passer à 10 %. Une seule branche, dans le secteur du tourisme et des loisirs, a négocié ce type d’accord, ce qui signifie qu’il n’y a pas de demande en ce sens, y compris du côté patronal.
Avec cet article, la branche n’existe plus. On passe directement à l’entreprise. Situer la négociation non plus au niveau des branches, où les syndicats sont présents, mais dans l’entreprise, où les syndicats sont les plus faibles et les salariés les moins bien représentés, c’est aggraver les inégalités entre les salariés et favoriser le dumping social.
Nous étions très nombreux, à gauche, en 2004, en 2008, à refuser l’inversion de la hiérarchie des normes que vous nous proposez. Je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie et revenir sur ce que j’ai dit hier en présentant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, en citant particulièrement les propos de notre actuel secrétaire d'État aux transports, qui, alors qu’il était dans l’opposition, avait vilipendé les accords d’entreprise et l’inversion de la hiérarchie des normes. D’autres grands ténors du Gouvernement avaient également poussé des cris d’orfraie. Mais cela, c’était avant !