Il y a une aspiration des salariés à décider sur les sujets les plus structurants, au lieu de s’en remettre à des appareils au-dessus d’eux. C’est l’état d’esprit de notre société.
Considérer que la négociation d’entreprise doit être combattue ou réprouvée, car elle serait synonyme de recul social, c’est discréditer l’engagement syndical et ne pas voir qu’au moins 85 % des accords sont signés par tous les syndicats. Et ces accords ont permis de créer des emplois et d’en sauver des milliers d’autres !
Ce texte encourage donc les accords d’entreprise, avec le verrou essentiel de l’accord majoritaire, qui figurait dans la position commune de 2008. C’est une garantie importante ! Il permet aussi des accords dans les petites entreprises grâce au mandatement syndical. Bien sûr, la relation est déséquilibrée entre un employeur et un salarié, mais lorsque l’on est soutenu, accompagné par le collectif, par une organisation syndicale, l’équilibre est rétabli. Il y a là un changement culturel à promouvoir auprès des organisations patronales, qui voient souvent d’un mauvais œil des personnes extérieures venant d’une unité départementale débarquer dans les entreprises. Or le mandatement syndical concerne un salarié de l’entreprise.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut bien avoir à l’esprit que l’accord STX de Saint-Nazaire en 2014 a permis à cette entreprise d’avoir un carnet de commandes plein jusqu’en 2016. Les salariés ont consenti des efforts, mais ils ont aussi obtenu des contreparties. Il y aurait beaucoup d’autres exemples à citer : Michelin à La Roche-sur-Yon, Peugeot-Citroën à Rennes avec le contrat d’avenir, etc. Tous ces accords ont été obtenus avec des contreparties. Philippe Martinez l’a bien dit hier au sujet de l’accord à la SNCF : les salariés savent très bien ce qui est bon ou pas pour eux.
Reste que je n’ai pas une vision naïve ou béate du dialogue social. J’ai simplement la conviction que le principe majoritaire est une avancée majeure, qui responsabilise à la fois les organisations syndicales et les directions d’entreprise, ce qui est essentiel, l’absence d’accord pouvant constituer un frein à l’organisation du travail. Je suis même persuadée que le développement de la négociation et de cette culture du compromis peut être un formidable outil de revitalisation du syndicalisme.
Sincèrement, j’ai le sentiment que, si les employeurs montrent parfois peu d’appétence pour la négociation, c’est parce qu’ils ont le sentiment que celle-ci est dépourvue d’enjeux significatifs. C’est exactement pour la même raison que les salariés sont aussi peu attentifs au syndicalisme. Pourtant, pouvoir négocier sur ce qui fait le quotidien des salariés, sur l’organisation du travail, ce que prévoit l’article 2, est, à mes yeux, essentiel et structurant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons entre nous des divergences de projets.