Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 27 octobre 2009 à 14h30
Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Pierre Lellouche, secrétaire d’État :

Par ailleurs, le développement du marché des quotas d’émission de carbone correspond à nos objectifs, puisqu’il était prévu dans le paquet « énergie-climat ». Ce marché est l’un des instruments devant permettre à l’Union européenne de respecter l’objectif de diminution de 20 % des émissions globales de carbone. La France, vous le savez, est l’un des rares pays de l’Union européenne à avoir satisfait, et même dépassé, les objectifs de Kyoto : elle occupe donc une place avantageuse sur ce marché. Pour la suite, s’agissant de la clé de répartition entre les détenteurs de quotas, j’en reviens à la réponse précédente. Nous sommes très attentifs à ce marché, parce qu’il représente aussi l’une des ressources éventuelles pour financer la « décarbonation » de nos économies. Mais, comme je l’ai dit, je ne peux pas répondre aujourd’hui à une question qui porte sur une négociation en cours.

M. Jacques Blanc s’inquiète lui aussi de l’ambiguïté des nouvelles institutions de l’Union européenne. Comment le fonctionnement de la « présidence stable » sera-t-il compatible avec le maintien des présidences tournantes ? Vous avez en partie répondu à cette question en expliquant que la présidence tournante, qui va continuer, s’appliquera aux conseils des ministres techniques et non plus au conseil RELEX, relatif aux affaires internationales, qui relèvera de la compétence du président stable et du Haut représentant.

Vous vous êtes également demandé comment fonctionneraient les relations entre le « président stable », le président de la Commission et le Haut représentant. On peut soit user de l’ironie et parler d’un schéma très compliqué, de millefeuille institutionnel, pour employer les formules toujours très percutantes de M. Chevènement, soit penser, comme M. Portelli, que l’Union européenne est un exemple sans précédent de confédération d’États, dont les membres ont décidé de partager leur souveraineté, exercice par définition difficile. Beaucoup de choses dépendront en effet des décisions qui seront prises dans les semaines qui viennent. Le choix des personnes destinées à occuper les postes de « président stable » et de Haut représentant va colorer profondément les fonctions en question. Aurons-nous un président fort ou bien un simple coordinateur de l’action des chefs d’État ? Les deux options restent possibles, et les chefs d’État devront trancher entre eux ; ils vont d’ailleurs se voir cette semaine à cette fin.

Quant au Haut représentant, me fondant sur le travail interne mené avec Bernard Kouchner au Quai d’Orsay, je ne vous cache pas que le Gouvernement a une vision ambitieuse du futur service européen d’action extérieure. Il y voit un multiplicateur de puissance plutôt qu’un concurrent de notre diplomatie nationale, précisément parce que ce service diplomatique européen permettra de mieux coordonner l’action de l’Union et travaillera en synergie avec les États. De ce point de vue, nous ne fuyons pas nos responsabilités – je vois venir l’argument selon lequel ce serait un pari pascalien – : la réaction frileuse qui consisterait, face à l’apparition d’une nouvelle structure européenne, à conserver nos services diplomatiques tels qu’ils sont, et donc à limiter notre influence au sein de l’Union européenne, serait à mon avis contreproductive. Là encore, la personnalité du Haut représentant, la taille et l’expérience du pays dont il doit être le ressortissant sont des éléments absolument essentiels. Je ne vais pas jouer au jeu des nominations, car ce n’est pas de mon ressort, la décision étant prise par le Président de la République, mais, dans mon esprit, la mission du Haut représentant revêt une importance extrême pour les ambitions de l’Union européenne. J’y vois un démultiplicateur de l’action de notre pays et non pas un obstacle.

L’expérience des crises internationales nous apprend que les Irlandais ne sont pas les seuls à avoir besoin de l’Union européenne pour survivre dans la tourmente du monde. La France, avec ses 65 millions d’habitants, reste une grande puissance, mais elle a aussi besoin des 500 millions d’Européens pour peser dans les grands dossiers en cours de négociation. Ainsi, j’ai participé à la négociation relative à l’implantation du site de recherche sur la fusion thermonucléaire, installé aujourd’hui en France à Cadarache : si nous avions été seuls, nous n’aurions pas obtenu, face aux Japonais, aux Coréens et aux Américains, que cet accélérateur soit construit chez nous. Il n’en a été ainsi que parce que notre dossier pesait du poids de 500 millions d’Européens ; voilà la leçon que je tire de cette expérience. Faisons donc en sorte que notre action se trouve en synergie avec la masse critique que représentent ces 500 millions d’hommes et de femmes et le tiers du PNB de la planète !

Je suis aussi patriote que vous, monsieur Chevènement, mais je suis Européen par intérêt, précisément parce que l’Union européenne joue le rôle de démultiplicateur de la puissance française.

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