Séance en hémicycle du 27 octobre 2009 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • civique
  • lisbonne
  • l’europe
  • volontaire

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roger Romani.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Simon Sutour, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Monsieur le président, ce rappel au règlement a pour objet l’organisation de nos travaux et en particulier la séance de questions cribles thématiques qui doit avoir lieu à dix-sept heures.

À l’origine, cette séance de questions cribles thématiques devait porter sur la crise, le plan de relance et l’emploi. Or on nous a indiqué, il y a à peine quelques jours, qu’aucun ministre n’était disponible aujourd’hui, à dix-sept heures, pour débattre de ce thème particulièrement important. Pourtant, le secrétaire d’État chargé de l’emploi a déclaré ce matin même, sur les ondes – il a trouvé le temps de le faire ! –, que le nombre de chômeurs s’accroissait et qu’il ne fallait pas s’attendre à une amélioration en 2010. Cela devrait interpeller nos concitoyens !

Il nous paraissait essentiel que la représentation nationale en général, et le Sénat en particulier, puisse débattre de ce sujet. Mais on nous a suggéré, la semaine dernière, que ces questions cribles thématiques portent non plus sur la crise, le plan de relance et l’emploi, mais sur l’immigration. Le hasard a bien fait les choses : en début de semaine, le ministre de l’immigration a annoncé un grand débat sur ce thème.

Au nom de mon groupe, je regrette, monsieur le président, cet état de fait qui nuit au travail de notre assemblée et à son efficacité. §

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je partage tout à fait les propos de M. Sutour concernant la séance de questions cribles thématiques.

Mon intervention porte sur un autre point de l’organisation de nos travaux. Notre président M. Gérard Larcher est absent, mais je suis certaine que ces propos lui seront transmis.

Nous avons appris, vendredi après-midi, que M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, serait auditionné par la commission des lois sur la réforme des collectivités territoriales mercredi, c’est-à-dire demain, à vingt et une heures. La réunion sera ouverte à tous les sénateurs, ce qui est normal, car le Sénat est particulièrement intéressé par la réforme des collectivités territoriales, mais, avec un tel horaire, elle sera peu productive.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Or il s’agit d’une réforme importante, puisque le projet de loi serait scindé en quatre textes.

Comme l’a remarqué mon collègue, il y a beaucoup à dire concernant l’organisation de nos travaux. La présidence du Sénat doit s’en rendre compte, car nous ne pouvons accepter de tels débordements.

En outre, nous avons acté, il y a seulement quinze jours, la création d’une délégation aux collectivités territoriales, au sein de laquelle les groupes sont représentés à la proportionnelle. Apparemment, cette délégation n’est pas saisie de la réforme des collectivités territoriales, ne serait-ce que pour avis. Quel est donc son objet ?

Ces remarques sont peut-être désagréables, mais elles sont partagées, j’en suis sûre, par nombre de sénateurs. §

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen de 29 et 30 octobre 2009.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République et le Premier ministre participeront jeudi et vendredi prochain, les 29 et 30 octobre, à Bruxelles, au Conseil européen. J’aurai l’honneur, avec Bernard Kouchner, de les accompagner.

Cette réunion des chefs d’États et de gouvernements comporte à son ordre du jour des sujets d’une importance particulière pour la France et les Français et je suis heureux de pouvoir en débattre avec vous aujourd’hui.

Puisqu’il a été fait allusion à l’absence de tel ou tel ministre, permettez-moi de vous dire, étant moi-même un ancien parlementaire, combien je regrette que cette séance de contrôle du travail de l’exécutif, à la veille d’un important Conseil européen, soit suivie par aussi peu d’honorables sénateurs.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

C’est l’organisation de l’ordre du jour qui est à revoir !

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je le déplore, car ce sont des sujets qui intéressent tous les Français !

M. Yves Pozzo di Borgo applaudit – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Il faudra le dire au président Gérard Larcher, qui est bien loin d’ici !

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

La préparation du Conseil européen a été l’œuvre du Gouvernement dans son ensemble. La semaine dernière, Christine Lagarde et Jean-Louis Borloo étaient au conseil Ecofin et au conseil Environnement pour préparer les points de l’ordre du jour portant sur la crise économique et le climat. J’ai moi-même représenté le Gouvernement hier, à Luxembourg, au conseil Affaires générales, au cours duquel nous avons examiné les différents sujets qui seront soumis en fin de semaine aux chefs d’États et de gouvernements. Bernard Kouchner était ce matin même à Luxembourg pour la partie « Relations extérieures ».

Au-delà, ce Conseil européen a naturellement été préparé par de nombreux contacts politiques. J’ai ainsi effectué, au cours des dernières semaines, et encore récemment, des déplacements au Luxembourg, en Slovénie, en Italie, en Hongrie, en Pologne et en Espagne, par exemple, pour discuter de l’ensemble de ces sujets avec nos partenaires, suivant en cela l’exemple du Président de la République et du Premier ministre qui, avant la présidence française de l’Union européenne, avaient pris soin de se rendre dans le plus grand nombre possible d’États membres de l’Union.

Dans une Union à vingt-sept, cet effort – un peu chronophage, je dois dire – qui est aussi celui de chacun des membres du Gouvernement, et de chacun de vous, mesdames, messieurs les sénateurs, est indispensable. Chaque relation bilatérale compte.

Je précise que j’étais accompagné, lors de ces déplacements, par un parlementaire, député ou sénateur.

Le Conseil européen de cette semaine intervient un an après la crise financière et au moment où se mettent en place nos institutions, le tout dans un contexte international lourd de défis. Dès lors, il revêt pour nous une importance particulière.

Ma conviction, c’est que l’Europe est à l’aube d’une nouvelle ère. Comme l’a dit le Président de la République, « l’Europe peut faire l’histoire et contribuer à forger le XXIe siècle, au lieu de se contenter de le subir ». C’est exactement la question qui se joue en ce moment : la place de l’Europe dans la gouvernance mondiale. Tout ici est affaire de volonté.

Vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que je commence par un premier rendez-vous, celui des institutions.

J’espère tout d’abord que ce Conseil européen permettra de dégager la voie qui mène à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

Dès juin 2007, le Président de la République a posé avec Angela Merkel les bases du traité de Lisbonne. Cette évolution de l’Europe vers de nouvelles institutions plus efficaces est une nécessité. Mais il importe maintenant de tourner cette page ; il est temps non plus de parler du traité, mais de s’en servir.

Le 2 octobre, le vote sans ambiguïté du peuple irlandais, qui s’est prononcé à plus de 67 % en faveur du traité, a levé la dernière hypothèque politique qui pesait sur la ratification de celui-ci.

Nous savons le rôle qu’ont joué, dans ce résultat, les garanties énoncées au Conseil européen en décembre 2008, sous la présidence française, avant d’être formalisées par le Conseil de juin 2009. C’est un résultat de l’engagement du Président de la République française en faveur de la ratification du traité.

L’Irlande a, depuis, parachevé ce processus en déposant, vendredi dernier, son instrument de ratification à Rome ; la Pologne l’avait imitée une semaine auparavant. Nous attendons maintenant l’achèvement de la procédure en République tchèque.

Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, d’ajouter quelques mots sur ce point.

À la suite du recours déposé à la fin du mois de septembre par un groupe de sénateurs tchèques appartenant à l’ODS, une procédure est actuellement en cours devant la Cour constitutionnelle tchèque qui se réunit aujourd’hui même. Dans le plein respect des pouvoirs du juge tchèque, nous pouvons attendre la conclusion de cette procédure constitutionnelle avec confiance, car la Cour s’est déjà prononcée l’année dernière à l’unanimité de ses juges sur la conformité du traité européen à la constitution tchèque.

Puis il y a les demandes formulées par le président de la République tchèque concernant la charte des droits fondamentaux. La présidence suédoise mène des consultations avec toutes les autorités tchèques en ce moment même : elle dira, lors du Conseil européen, les conclusions qu’elle tire de ses échanges et les solutions qu’elle recommande.

Du point de vue français, nous sommes disposés à rechercher une solution, à la condition que celle-ci ne conduise pas à rouvrir les procédures de ratification.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

Pour la France, il est en effet exclu que le texte du traité, désormais accepté par tous les États membres – soit par la voie parlementaire, soit, en Irlande, par celle du référendum –, puisse être renégocié.

Je rappelle que les deux chambres du parlement tchèque ont voté en faveur du traité et que le gouvernement tchèque est favorable à sa ratification. En décembre 2008, la République tchèque s’est engagée, comme ses vingt-six partenaires, à tout faire pour que le traité entre en vigueur avant la fin de cette année. Cet engagement a même été confirmé en juin 2009, sous la présidence tchèque.

J’ai reçu, jeudi dernier, mon homologue tchèque, qui m’a confirmé que les autorités de son pays feraient tout pour tenir cet engagement.

Alors que nous sommes prêts à rechercher une solution, nous devons également avoir la garantie que le président tchèque signera l’acte de ratification. C’est tout l’objet du travail qui est mené en ce moment par la présidence suédoise.

J’évoquerai à présent la mise en œuvre du traité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nonobstant la situation prévalant à Prague, les travaux préparatoires à la mise en œuvre du traité se sont accélérés après le référendum irlandais. Le traité introduit en effet plusieurs innovations institutionnelles dont les conditions de mise en œuvre doivent être précisées.

Le Conseil européen fera le point sur ces travaux. En particulier, les chefs d’État et de gouvernement approuveront les grandes lignes de ce que sera le « service européen d’action extérieure », le futur service diplomatique européen. Nous en attendons une action extérieure plus efficace et plus cohérente.

Cette cohérence doit d’abord se manifester dans la conduite de l’action diplomatique de l’Union européenne elle-même. Il s’agit ainsi, sous l’autorité du Haut représentant, de mettre en œuvre un meilleur pilotage politique de l’action extérieure et une mobilisation de tous les moyens disponibles au service de nos objectifs politiques. L’action extérieure européenne doit également être cohérente, et c’est au moins aussi capital, avec l’action extérieure des États membres.

Je ne veux plus voir ce qui s’est passé il y a quelques années dans l’ex-Yougoslavie, lorsque l’Union européenne a financé l’aéroport de Sarajevo et que celui-ci a ensuite été inauguré par le secrétaire d’État américain. Je ne veux pas non plus que se reproduisent des situations comme celle que j’ai vécue lorsque j’étais représentant spécial de la France en Afghanistan et au Pakistan et qu’une aide massive était donnée par l’Union européenne au Pakistan sans que cette stratégie – si stratégie il y avait –, ait fait le moins du monde l’objet d’une concertation avec les États qui engageaient des forces de l’autre côté de la montagne en Afghanistan.

Nous devrons donc très vite, dès l’entrée en vigueur du traité, former un embryon de ce service européen d’action extérieure, au service du Haut représentant. Ce service devra puiser ses membres au sein de la Commission, du Secrétariat général du Conseil, mais aussi des vingt-sept États membres. Nous nous y préparons, du côté français, afin de renforcer notre politique d’influence.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

Le Conseil européen de cette semaine ne sera sans doute pas en mesure de décider du paquet de nominations dans les institutions : les membres de la Commission, le président stable du Conseil européen, le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, ou PESC, le Secrétaire général du Conseil.

En tout état de cause et en attendant l’entrée en vigueur définitive du traité, les chefs d’État et de gouvernement pourront confirmer le maintien en fonction de la Commission actuelle, ainsi d’ailleurs que l’actuel Haut représentant pour la PESC. C’est ce qui avait été fait pour la Commission Prodi, par exemple.

Nous sommes donc véritablement dans la dernière ligne droite s’agissant de l’entrée en vigueur de cette boîte à outils nouvelle : nous allons connaître cet automne, j’en suis convaincu, l’achèvement du très long processus institutionnel qui a occupé les quinze ou vingt dernières années, où l’Europe, approximativement depuis la chute du mur de Berlin, n’a cessé, de traité en traité, de référendum en référendum, de courir derrière ses institutions, au risque d’éloigner les citoyens de l’idée de construction européenne.

Cette querelle institutionnelle est désormais, pour l’essentiel, derrière nous. C’est une excellente nouvelle, car il est temps de passer à autre chose, c’est-à-dire aux points fondamentaux, qui concernent directement la vie de 500 millions d’Européens : la sécurité, l’emploi, l’environnement, l’énergie.

Les institutions ne valent en effet que s’il existe une vision et une volonté. La crise économique et financière qui a frappé le monde depuis 2008 montre qu’aucun pays européen pris isolément ne peut faire face seul à une tourmente d’une telle ampleur. À l’inverse, quand l’Union européenne s’unit, comme elle a su le faire lors du récent G20 de Pittsburgh, autour de la France et de l’Allemagne, rejointes par le Royaume-Uni et par l’ensemble des partenaires, elle sait peser et produire des résultats.

(M. Yves Pozzo di Borgo acquiesce.) Je suis frappé aussi par les attentes qui existent en Europe vis-à-vis du couple franco-allemand, vécu comme une force d’impulsion au service de l’Europe.

Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

Je suis frappé de voir à quel point, dans toutes les capitales européennes que j’ai visitées, chacun a désormais conscience du risque que nous courons tous, nous Européens, d’une marginalisation de l’Europe dans un monde multipolaire. §

J’en viens maintenant aux autres points inscrits à l’ordre du jour du Conseil européen. Au-delà des institutions, l’Europe doit en effet agir sur une série de problèmes fondamentaux, dont trois sont inscrits à l’ordre du jour du Conseil : le climat, la crise économique et les migrations

Le climat est l’un des enjeux majeurs de ce Conseil européen, dont le cœur est la préparation de la conférence qui se tiendra à Copenhague du 7 au 18 décembre, soit dans moins de deux mois, et qui ne concernera rien de moins que l’avenir de la planète.

Les objectifs à atteindre sont connus, ils ont été définis par les travaux du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ou GIEC : il s’agit d’obtenir une réduction d’au moins 50 % des émissions mondiales de CO2 en 2050, en prenant 1990 comme année de référence, afin de limiter le réchauffement climatique à moins de deux degrés par rapport à l’ère préindustrielle.

Pour cela, il faut obtenir des engagements chiffrés des pays développés sur des objectifs à moyen terme d’une réduction de 25 % à 40 % de leurs émissions d’ici à 2020, ce qui implique un engagement contraignant des pays développés sur une réduction à moyen terme comparable à l’engagement actuel de l’Union européenne. Il faut également obtenir un engagement des pays émergents sur une déviation chiffrée de leurs émissions à moyen terme.

L’Union européenne peut s’enorgueillir d’avoir pris très tôt le leadership de cette négociation avec l’adoption du paquet « énergie-climat » sous la présidence française. C’est elle qui, la première, a formulé des propositions ambitieuses de réduction de ses émissions de CO2 : 20% d’ici à 2020 et 30 % dans le cas d’un accord international global et satisfaisant.

Cette position de force acquise sous la présidence française doit impérativement être préservée, ce qui implique de nous mettre d’accord au Conseil européen sur une position globale et ambitieuse de négociation, que nous défendrons ensemble à Copenhague.

Les Conseils Ecofin et Environnement de la semaine dernière ont permis d’importantes avancées, mais ils n’ont pas encore apporté toutes les réponses nécessaires ; il revient donc aux chefs d’État et de gouvernement de « fixer la ligne » sur l’ensemble des points.

Permettez-moi, de ce point de vue, de vous dresser très brièvement l’état des lieux sur les quatre grands paramètres de la négociation.

Le point le plus délicat porte sur la contribution financière de l’Union européenne à l’effort international des pays en développement et sur les modalités de calcul de cet effort. Tous les éléments sont sur la table, mais rien n’est acté, qu’il s’agisse de l’évaluation des besoins de financement d’ici à 2020, de la contribution de l’Union à ce financement, de la répartition de cette contribution entre pays de l’Union, mais aussi de la possibilité d’utiliser des financements innovants.

Comme vous le savez, les ministres des finances ne sont pas parvenus à dégager un accord définitif sur ce sujet ; ce sera donc l’un des grands enjeux du Conseil européen des 29 et 30 octobre prochain que d’obtenir un consensus sur ce point.

Le deuxième paramètre porte sur la définition des conditions dans lesquelles nous pourrions accepter de porter notre taux de réduction d’émissions de gaz à effet de serre de 20 % à 30 %. Le Conseil Environnement du 21 octobre dernier nous a permis d’obtenir satisfaction sur la conditionnalité du passage de 20 % à 30 %, si – j’insiste sur ce point – tous les pays développés prennent des engagements comparables aux nôtres.

Troisième paramètre : nous devons pouvoir mettre en œuvre le « mécanisme d’inclusion carbone », autre expression pour la fameuse taxe carbone aux frontières, si certains de nos partenaires internationaux refusaient de jouer le jeu à Copenhague.

Ce mécanisme, destiné à empêcher les « fuites de carbone », fait partie des options retenues par le paquet « énergie-climat » adopté sous la présidence française. Il a été reconnu compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce, et, dans une lettre commune adressée en septembre par le Président de la République et la Chancelière allemande à M. Ban Ki-moon, la France et l’Allemagne ont rappelé leur détermination à en user si cela était nécessaire.

Je rappelle que nous ne pouvons pas accepter de pénaliser nos industriels en leur imposant des obligations supérieures à leurs compétiteurs qui n’en auraient aucune. L’Europe ne sera pas la variable d’ajustement de la négociation sur le climat. Le Conseil Environnement du 21 octobre et le Conseil Affaires générales qui s’est tenu hier à Luxembourg nous ont permis de confirmer que cette option était bien sur la table. Du point de vue français, cela est très important.

Quatrième paramètre : nous devons, et c’est une question plus générale, mieux porter et faire connaître le message politique de l’Union. Je rappelle que l’Union a réussi à Bangkok le tour de force d’être à la fois la plus ambitieuse dans ses propositions sur le climat et celle qui a été le plus mise en accusation publiquement par l’ensemble de ses partenaires.

C’est tout l’enjeu d’une communication efficace et d’une visibilité de notre position de négociation : lorsque le négociateur américain ou le négociateur chinois quitte la salle des négociations, il organise immédiatement une conférence de presse. Qui « incarne » aujourd’hui la position de l’Europe dans cette négociation ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vous cacherai pas que les négociations sont aujourd’hui difficiles, bien sûr au sein de l’Union, mais plus encore avec nos partenaires. Le mois de novembre sera à cet égard décisif ; après Bangkok en octobre, la prochaine session de négociation aura lieu à Barcelone du 2 au 6 novembre. II faudra mettre à profit tous les grands événements pour faire avancer nos positions. Je pense, notamment, au sommet intermédiaire des chefs d’État, que le Président de la République a appelé de ses vœux, à Pittsburgh, mais aussi aux sommets UE-États-Unis du 3 novembre, UE-Inde du 6 novembre, UE-Chine du 30 novembre. Nous avons besoin, pour réussir, d’un engagement renouvelé de l’ensemble des partenaires de la négociation, et ce au plus haut niveau.

Nous sommes encore loin d’un accord, mais l’espoir est permis, car des partenaires importants, comme le Japon ou le Brésil, ont déjà commencé à bouger. Du côté des États-Unis, un vote déterminant du Clean Energy Act est attendu du Sénat avant Copenhague sur les engagements américains de réduction de CO2 en 2020. Les discussions entre démocrates et républicains sont en cours, avec une cristallisation des débats sur le financement du nucléaire, la taxe aux frontières, les avantages accordés aux énergies renouvelables.

J’en viens maintenant à la préparation de la sortie de la crise économique et financière et à la réforme de la supervision financière, qui feront également partie de l’agenda du Conseil européen.

Il faut souligner les bons résultats en matière de supervision financière de la présidence suédoise, laquelle est parvenue à dégager en octobre un accord sur le volet dit « macrofinancier », qui prévoit la création d’un comité européen du risque systémique, chargé de prévenir l’apparition de grands risques systémiques comparables à ceux que le monde a connus en 2007 et en 2008. Le volet « microfinancier », qui programme la transformation des comités de superviseurs en « autorités » dotées de pouvoirs contraignants, est en cours de négociation, avec la perspective d’un accord en décembre.

Nous serons aux côtés de la présidence suédoise pour obtenir, d’ici à la fin de l’année, un accord global sur ces deux volets, afin de respecter les conclusions du Conseil européen de juin dernier, qui prévoyaient que la nouvelle architecture de supervision européenne devrait être pleinement opérationnelle en 2010. Mesdames, messieurs les sénateurs, tel sera le cas.

Enfin, le dernier grand sujet est celui des questions migratoires, qui a déjà été évoqué.

Le Conseil européen avait décidé, en juin dernier, de revenir, lors de sa session d’octobre, sur les réponses apportées à l’urgence migratoire en Méditerranée.

Il s’agit pour nous, comme pour nos partenaires du Sud, d’un sujet tout à fait fondamental. Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile a posé des principes, qui doivent désormais être pleinement mis en œuvre.

Pour reprendre l’expression judicieuse de Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne, il est temps de « passer du Pacte aux actes ». Nous sommes totalement engagés sur ce sujet, et nous attendons de nos partenaires une mobilisation équivalente.

En septembre dernier, lors du conseil « Justice et affaires intérieures », mon collègue Eric Besson a soumis des propositions à ses homologues pour renforcer le rôle de l’Agence européenne aux frontières extérieures, FRONTEX, en Méditerranée. En relais de son action, je travaille moi-même en étroite collaboration avec mes homologues grecs, espagnols, et surtout italiens.

Voilà quelques jours, le Président de la République et le président du Conseil italien ont adressé une lettre commune à la présidence suédoise pour demander que le Conseil européen fixe des orientations concrètes et opérationnelles sur ces sujets.

Les 29 et 30 octobre prochains, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne auront l’occasion de prendre les décisions courageuses qu’impose la lutte contre les filières d’immigration irrégulière. Nous devons rechercher des conclusions de substance, et pas seulement de procédure, au Conseil européen. Le Président Nicolas Sarkozy est déterminé à ce que le Conseil européen ne rate pas ce rendez-vous, car l’Europe ne peut plus attendre. J’ai pu le constater, la situation d’un certain nombre de ces pays montre bien qu’il y a urgence à agir.

Enfin, permettez-moi quelques développements sur la crise du lait.

Comme vous le savez, le Gouvernement a pris l’initiative d’une nouvelle régulation européenne du marché du lait dès le mois de juillet dernier.

Mon collègue Bruno Le Maire a bâti une proposition franco-allemande pour réguler les marchés, et a convaincu vingt et un autres États membres du bien-fondé de cette proposition, garantissant de fait une majorité qualifiée au Conseil.

Sur l’initiative de la France, lors d’une réunion informelle des ministres de l’agriculture qui s’est tenue le 5 octobre dernier, un signal fort des États membres et de la Commission européenne a été envoyé en faveur d’une nouvelle régulation européenne du marché du lait. Le groupe des experts de haut niveau créé à cette occasion et réuni pour la première fois le 13 octobre rendra son rapport en juin prochain.

Lors du conseil « Agriculture » du 19 octobre, vingt-deux États membres ont obtenu de la Commission deux types de mesures.

Premièrement, des mesures supplémentaires vont être mises en place, visant en particulier à améliorer les dispositifs de stockage et à étendre le programme de distribution de lait dans les écoles. Le Conseil de novembre devrait également valider la possibilité, pour les États, de racheter des quotas à titre national et, pour la Commission, de prendre plus facilement des mesures d’urgence, à l’instar de ce qui existe dans d’autres secteurs agricoles.

Deuxièmement, la Commission proposera au conseil « Ecofin » de novembre l’inscription dans le budget pour 2010 d’une enveloppe exceptionnelle de 280 millions d’euros, pour faire écho aux propositions du Parlement européen.

Notre souhait est que la situation préoccupante des producteurs laitiers soit bien à l’ordre du jour du Conseil européen et que les chefs d’État et de gouvernement puissent accélérer les travaux en cours dans un nouveau cadre de régulation pour ce marché. C’est là aussi une priorité du Président de la République.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la lutte contre le changement climatique, la réponse à la crise économique et financière, la préparation à la sortie de crise, les questions migratoires, tels sont les défis que l’Union entend relever.

Le traité de Lisbonne peut et doit nous y aider. Nous souhaitons qu’il entre rapidement en vigueur, c'est-à-dire d’ici à la fin de l’année. Le moment est en effet venu de clore le chapitre institutionnel : l’Union ne peut demeurer durablement dans une phase d’entre-deux. Elle doit aujourd'hui se mettre au travail au service des citoyens européens.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, j’invite les différents orateurs au respect de leur temps de parole ; les trois afficheurs chronomètres installés dans l’hémicycle devraient les aider en cela. Je vous rappelle en effet que nous devons aborder à dix-sept heures précises le point suivant de l’ordre du jour, à savoir des questions cribles thématiques sur l’immigration.

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Monsieur le président, nous ne faisons là qu’imiter les autres parlements nationaux qui limitent, depuis très longtemps, les temps de parole, et pas seulement pour les questions européennes !

À propos de l’observation de M. le secrétaire d’État, je voudrais rappeler à tous nos collègues que nous avons obtenu de haute lutte l’organisation par le Sénat d’un débat préalable au Conseil européen. Nous l’avions demandé depuis longtemps, car un tel débat avait lieu dans tous les autres parlements nationaux. En 2005, après que les Français ont rejeté le référendum, le Premier ministre a estimé nécessaire de prendre un certain nombre de mesures, dont celle-ci. Mes chers collègues, nous devons veiller à étoffer notre présence dans l’hémicycle pour montrer que les questions européennes sont au cœur de nos préoccupations.

Le traité de Lisbonne est le premier point à l’ordre du jour du Conseil européen. Sur ce sujet, comme l’a indiqué M. le secrétaire d'État, l’horizon s’éclaircit et, désormais, tout laisse espérer une entrée en vigueur rapide du nouveau traité.

Certes, le prix à payer sera la promesse d’une nouvelle dérogation aux règles communes, après celles qui sont déjà garanties à l’Irlande et celles qui figurent dans le traité lui-même pour le Royaume-Uni.

On peut bien sûr le regretter et se demander comment la Cour de justice assurera l’unité d’application du droit de l’Union, puisque la Charte des droits fondamentaux ne s’appliquera pas à tous les États membres.

C’est une préoccupation légitime, mais, en même temps, il faut se rendre à l’évidence. L’Europe à vingt-sept, et bientôt plus, ne pourra pas être une Europe uniforme. Elle comportera plusieurs niveaux d’intégration – c’est d’ailleurs déjà le cas aujourd’hui –, et ses avancées reposeront en partie sur des « coopérations spécialisées » entre États membres, pour reprendre une formule chère à notre collègue Pierre Fauchon. Cela ne veut pas dire que nous aurons une Europe « à la carte », mais ce ne sera pas non plus le menu unique à prix fixe.

Je ne suis d’ailleurs pas sûr qu’il faille s’en lamenter. À l’échelon national, nous avons renoncé au jacobinisme ; il serait paradoxal de vouloir le faire triompher à l’échelon européen, où l’exigence d’uniformité paraît encore plus irréaliste.

Et, pour ma part, je préfère une Europe qui avance en ordre dispersé à une Europe immobile en bon ordre.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

L’essentiel, dans la construction européenne, ce n’est pas de respecter en tout point tel ou tel schéma institutionnel préétabli. L’essentiel, c’est que l’Union contribue effectivement à résoudre les problèmes pour lesquels elle est le bon échelon, les problèmes pour lesquels nous la construisons.

Parmi ces problèmes, figurent les grandes questions de politique étrangère, pour lesquelles le traité de Lisbonne nous donne des instruments permettant de favoriser une approche commune.

Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais vous faire part de mon inquiétude à cet égard.

Avec la création d’un Haut représentant pour la politique étrangère de l’Union européenne et d’un service européen d’action extérieure, nous avons essayé de dépasser les conflits de compétence entre la Commission et le Conseil, pour avoir une action extérieure qui soit non seulement plus cohérente et efficace, mais également plus lisible et visible.

Il est préoccupant de voir que le Parlement européen s’emploie à remettre en cause cet équilibre, en voulant s’octroyer dans ce domaine des pouvoirs que les traités ne lui attribuent pas, ce qui n’est d’ailleurs pas la première fois.

Je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d’État, quelle est la position de la France sur ce sujet, et si le Gouvernement va veiller à ce que l’on reste bien dans la lettre et dans l’esprit du traité de Lisbonne.

Je ferme cette parenthèse, car la présidence suédoise a souhaité, à juste titre, que le Conseil européen se concentre non pas sur les questions institutionnelles – vous l’avez dit, cela fait quinze ans que l’on fait de l’institutionnel ! –, mais sur un petit nombre de sujets politiques essentiels.

Le premier est le réchauffement climatique.

Il est certain que la seule chance pour l’Union européenne de se faire entendre à Copenhague, c’est de se présenter unie. Pour cela, le mandat doit être ambitieux, sans être déraisonnable.

Sur le fond, l’Union européenne est peut-être la seule puissance à prendre la mesure exacte des défis. Mais, à elle seule, elle ne pourra obtenir aucun résultat tangible pour la planète.

C’est donc à un équilibre délicat que devra parvenir le Conseil européen, puisque les conseils « Ecofin » et « Environnement » de la semaine dernière n’ont pas réussi à aplanir tous les points encore en discussion.

En premier lieu, l’Union doit conserver son rôle d’aiguillon dans ces négociations. Les vingt-sept États membres se sont d’ores et déjà dotés d’outils contraignants pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le paquet « énergie-climat » fut l’un des succès de la présidence française. Il a démontré la réalité de l’engagement européen, au-delà des déclarations généreuses, et donné à l’Europe une expertise irremplaçable.

Cette position nous conduit naturellement à vouloir un accord ambitieux comprenant des objectifs chiffrés de réduction des émissions. Toutefois, il faut prendre garde à ce que l’ambition européenne, qui découle de l’urgence de la situation, ne soit interprétée comme une position « moralisante » par les autres parties prenantes. La Chine, l’Inde ou la Russie ont des contraintes propres : l’Europe doit montrer qu’elle en est consciente.

En second lieu, le Conseil européen doit absolument réduire les derniers désaccords au sein de l’Union. C’est indispensable si nous voulons que la position européenne s’impose comme la base des négociations pendant les quarante jours précédant Copenhague.

Le seul point d’achoppement véritable concerne le partage de l’effort européen entre les États membres, les États d’Europe centrale et orientale estimant être dans une situation proche des pays émergents.

Le désaccord se cristallise sur la question du financement de l’aide aux pays en développement destinée à les aider à passer à une économie moins « carbonée ».

La Commission européenne juge ainsi que l’effort européen dans le cadre d’un accord à Copenhague pourrait s’élever à 15 milliards d’euros par an jusqu’en 2020 sur un total de 100 milliards d’euros, le solde provenant de financements privés ou publics d’autres États.

La stratégie de négociation pour Copenhague justifie que l’Union ne définisse pas trop précisément le montant exact de son engagement. Mais il est également compréhensible que certains États membres d’Europe orientale souhaitent que la clef de répartition de l’effort financier entre les États membres soit définie avant la conclusion d’un accord.

Il est certain que, pour la Pologne par exemple, une compensation financière devra être prévue, car elle ne sera pas en situation d’assumer strictement sa part, compte tenu de la crise économique et de la proportion du charbon dans sa consommation énergétique.

Sur cette question de la compensation financière, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État, si les États membres d’Europe centrale et orientale pourraient bénéficier sur la période post-2012 des quotas d’émission qui leur ont été alloués dans le cadre du protocole de Kyoto et qui n’auraient pas été utilisés à cette date ? Cette voie de compromis est-elle envisagée ?

La perspective d’un accord à Copenhague nous invite aussi à penser très fort, à défaut d’en parler ouvertement, à la création d’un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, qui pourrait prendre la forme, mais pas uniquement, d’une taxe carbone à la frontière sur les importations.

Sans en faire une arme dans la négociation, cette idée doit dès à présent être discutée pour préparer l’après-Copenhague.

Enfin, préparer l’après-Copenhague, c’est aussi préciser les conditions de la mise en place du marché de quotas de CO2 à partir de 2012. Le paquet « énergie-climat » de 2008 en change profondément les règles, et de nombreuses incertitudes demeurent sur l’organisation future de ce marché. À l’heure actuelle, aucune réglementation ou régulation de ce marché européen n’est prévue.

Or, en cas d’accord à Copenhague, il est fort probable que de tels marchés se développeront à travers le monde. La perspective d’un marché global du carbone pleinement intégré, comme l’appelle de ses vœux le conseil « Environnement » de la semaine dernière, doit nous amener à définir rapidement des standards élevés au niveau européen, afin de ne pas perdre notre exemplarité.

Le projet de loi Waxman, en cours d’examen au Congrès des États-Unis, est à la fois précis et ambitieux. Il serait dommage que l’Europe paraisse en retrait après avoir été précurseur.

Sur cette question de l’organisation du marché du carbone, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer les grandes lignes de la position française ?

Le deuxième sujet essentiel à l’ordre du jour du Conseil européen est la crise économique et financière.

Il est clair que la riposte concertée des États nous a permis d’éviter une nouvelle grande dépression. Cependant, il serait dangereux de commencer trop vite à baisser la garde. Les conséquences de la crise, notamment en termes d’emploi, sont toujours là. Nous risquons donc de compromettre la reprise qui s’amorce si, dès maintenant, il n’est plus question que d’augmenter les prélèvements et de réduire la dette.

C’est pourquoi je me réjouis de voir l’Allemagne s’engager durablement dans une importante baisse d’impôts pour un montant d’ailleurs bien supérieur à celui de la loi TEPA tant décriée. On ne pourra plus dire que l’Allemagne est un « passager clandestin » profitant des efforts de relance des autres.

En réalité, la bonne démarche est de faire chaque chose en son temps : à l’avenir, il faudra utiliser les périodes de croissance pour réduire vraiment les déficits, ce que nous n’avons pas fait dans le passé ; mais, tant que la crise est là, nous devons continuer à la combattre.

Que se passera-t-il si nous nous croyons trop vite tirés d’affaire ? Il paraîtra moins nécessaire, moins urgent, de renforcer la supervision financière. Il paraîtra moins utile d’agir ensemble pour limiter les fluctuations excessives des marchés internationaux. Nous retrouverons alors les causes de la crise, après avoir tant dépensé pour limiter ses conséquences. Si nous voulons éviter la rechute, il faut donc aller jusqu’au bout du traitement.

À mon avis, ce traitement devrait comprendre un effort pour maintenir les fluctuations des grandes monnaies dans des limites raisonnables.

Quand l’euro a été lancé, voilà dix ans, il valait 1, 18 dollar. Deux ans plus tard, il était tombé à 0, 8 dollar. Depuis lors, il est remonté à 1, 5 dollar. Ainsi, nous avons eu une baisse de 40 %, suivie d’une hausse de 90 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

On se demande à quoi servent les négociations commerciales multilatérales portant sur une fraction des droits de douane quand les fluctuations monétaires peuvent affecter à ce point les échanges ! Il n’y a pas de raison que l’Europe accepte passivement d’être la variable d’ajustement des fluctuations monétaires.

En conclusion, je dirai que nous attendons du Conseil européen des réponses concrètes. C’est à partir de là que, petit à petit, nous pourrons réconcilier les Européens avec l’Europe de Bruxelles. Ils sauront alors à quoi sert l’Europe aujourd’hui !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est M. le président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’excuser le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Josselin de Rohan, qui effectue actuellement un déplacement au siège de l’Organisation des Nations unies, à New-York. En tant que vice-président de la commission des affaires étrangères, j’ai donc le privilège de le remplacer aujourd’hui.

Après l’intervention fort intéressante de M. le secrétaire d’État et celle particulièrement étayée de M. le président de la commission des affaires européennes, je vais concentrer mon propos sur deux sujets directement liés aux travaux de la commission des affaires étrangères : d’une part, la ratification et la mise en œuvre du traité de Lisbonne, notamment la mise en place du service européen d’action extérieure ; d’autre part, certains thèmes de politique étrangère et d’actualité.

Après le « oui » irlandais au traité de Lisbonne et la signature du président polonais, celle du président de la République tchèque paraît désormais une question de jours ou de semaines. À cet égard, rendons hommage à l’action du Président Sarkozy, qui a osé dire pendant la campagne électorale qu’il fallait trouver une réponse au problème institutionnel afin de passer véritablement à un stade opérationnel, et qui a su le faire une fois élu.

Cela étant, nous sommes aujourd’hui face à des interrogations.

Le traité de Lisbonne contient des avancées importantes pour rendre l’Europe plus légitime, plus efficace et pour donner aux parlements nationaux ainsi qu’au Comité des régions, dont personne ne parle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

… des pouvoirs supplémentaires afin que vive cette Europe que nous espérons.

Je mentionnerai la création d’un président stable du Conseil européen, qui est nécessaire, celle d’un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui est tout aussi nécessaire, le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée pour une cinquantaine de matières ou encore le renforcement des pouvoirs du Parlement européen et des parlements nationaux ainsi que ceux du Comité des régions. Ainsi, l’Union européenne sera dotée d’un cadre institutionnel rénové lui permettant de fonctionner efficacement dans une Europe élargie à vingt-sept.

Néanmoins, je pense que la mise en application posera problème. C’est pourquoi je me permets de vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur les positions que la France sera appelée à prendre dans cette mise en œuvre opérationnelle.

J’ai personnellement, avec d’autres, défendu le traité de Lisbonne. Pour autant, ce n’est pas me déjuger que de souligner que celui-ci contient certaines zones d’ombre ou d’ambiguïté inhérentes à ce type d’exercice. C’est maintenant qu’il faut apporter des réponses. Le Conseil européen de cette semaine sera donc important.

Quelle sera l’étendue exacte des pouvoirs du président du Conseil européen ? Sera-t-il uniquement un président chairman, comme le souhaitent par exemple les pays du Benelux, ou bien aura-t-il réellement le rôle d’un leader, comme le voudrait la France ? Je souhaite que vous nous confirmiez cette volonté, monsieur le secrétaire d’État.

Qu’en sera-t-il de la présidence tournante du Conseil ? Contrairement à ce que certains pensent, le traité de Lisbonne ne met pas un terme à cette procédure. En effet, elle continuera à s’exercer pour les formations spécialisées du conseil des ministres, à l’exception du conseil « Affaires étrangères ». Pour avoir participé au conseil des ministres de l’agriculture, voilà déjà quelques années, j’en connais l’importance.

Or, le président du Conseil européen, n’étant pas lui-même titulaire d’un mandat national, n’aura pas d’autorité directe sur les ministres chargés de présider les différentes formations spécialisées du Conseil. Il faudra donc prévoir des mécanismes de coordination entre le président du Conseil européen et la présidence en exercice du Conseil pour assurer la cohérence et la continuité de l’action de l’Union. Cette coordination pourrait peut-être s’appuyer sur le conseil « Affaires générales », qui sera détaché à l’avenir du conseil « Affaires étrangères ».

Le partage des tâches entre le président du Conseil européen, le président de la Commission et le Haut représentant en matière de politique étrangère ne sera pas non plus évident. Notre conviction est qu’il sera indispensable de trouver un modus vivendi entre ces différents responsables, afin que chacun exerce la plénitude de ses pouvoirs sans empiéter sur celui des autres. Naturellement, cela dépendra des personnalités qui seront choisies pour exercer ces différentes fonctions.

Toutefois, l’entrée en vigueur différée du traité de Lisbonne soulève des interrogations, étant donné que le mandat de l’actuelle Commission arrive à son terme au 1er novembre et que, en principe, ce sont les règles du traité de Nice qui devraient s’appliquer. Mais sans doute y aura-t-il une prolongation du mandat de l’actuelle Commission. La nomination de ces personnalités risque donc d’être repoussée de quelques mois. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le secrétaire d’État ?

Lors du Conseil européen, les chefs d’État et de gouvernement devraient évoquer en particulier la physionomie du futur service européen d’action extérieure. C’est un point majeur.

Le traité de Lisbonne prévoit en effet la création d’un service européen pour l’action extérieure, placé sous l’autorité du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, composé « de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission, ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux ».

Or, là encore, il existe différentes approches sur les contours de ce service, en particulier selon que l’on se place du point de vue du Conseil, de la Commission européenne ou du Parlement européen.

Ainsi, à titre anecdotique, l’emplacement de ce service n’est pas fixé. Sera-t-il situé dans les locaux de la Commission européenne ou bien dans ceux du Conseil, ou encore à mi-chemin entre les deux ? Cette précision peut paraître anodine, mais, en fait, cela compte beaucoup. Quel sera surtout son périmètre ?

Il semble que la politique européenne de voisinage sera de la compétence du Conseil. Celle-ci est peu connue. Toutefois, grâce au président de la Commission européenne, nous avons rédigé un rapport d’étape sur ce sujet ainsi que sur les différents partenariats, avec l’Europe orientale, par exemple. Il s’agit d’un nouvel axe majeur de la politique de l’Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Souvenons-nous de ce qu’était la politique de voisinage : un plan d’action négocié seulement entre un État et la Commission européenne. Regardons désormais ce qui va se passer avec l’Union de la Méditerranée. À ce propos, quelles que soient les conséquences de Gaza, ne renonçons pas à cet ambitieux projet du Président de la République. Il mérite que nous soyons tous mobilisés.

M. le président invite l’orateur à conclure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Je le répète, la politique de voisinage avec sa dimension méditerranéenne, sa dimension « mer Noire » et sa dimension « Mer baltique » sera un élément majeur de la politique extérieure de l’Union européenne.

Quels transferts seront-ils accordés ? Cela dépendra de la volonté politique. En l’occurrence, nous nous réjouissons que la France ait un rôle majeur à jouer. Cela dépendra aussi de la capacité des hommes qui seront chargés de ces différentes fonctions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

J’aurais voulu évoquer des sujets internationaux tels que l’Afghanistan ou le Pakistan. En commission, monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez dressé un constat remarquable, qui s’est d’ailleurs révélé exact. Ce fut un grand moment.

J’aurais voulu évoquer les grands défis de L’Union européenne et de la mer Baltique.

J’aurais voulu évoquer la situation au Moyen-Orient et le très important rapport de nos éminents collègues, Jean François-Poncet et Monique Cerisier-ben Guiga.

J’aurais voulu évoquer l’Union pour la Méditerranée, et aborder le problème de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Syrie.

Malheureusement, je n’en ai pas le temps.

Je vais donc conclure en me réjouissant que vous ayez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, au moment où le Président de la République engage une grande politique pour répondre aux problèmes de l’agriculture française, que le ministre de l’agriculture a su mobiliser plus de vingt de ses collègues à Bruxelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Je me réjouis que la France, par la voix du secrétaire d’État chargé des affaires européennes, soit totalement en phase avec les attentes du monde agricole auxquelles le Président de la République devrait répondre à l’instant même.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, il n’est pas agréable pour un président de séance d’interrompre les orateurs. Je vous invite donc à nouveau à respecter votre temps de parole afin de permettre à M. le secrétaire d’État de vous faire une réponse argumentée. Je serai en effet dans l’obligation de suspendre la séance un peu avant dix-sept heures.

La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le compte à rebours a commencé. Quarante jours nous séparent désormais de la conférence des Nations unies sur le climat, qui se tiendra à Copenhague du 7 au 18 décembre prochain.

Sur le fond, nous partageons tous la même conviction : nous devons saisir l’occasion de la crise actuelle pour passer à une économie durable à faible émission de CO2, qui stimulera l’activité et sera créatrice d’emplois. Cette transition est d’autant plus nécessaire que le dérèglement climatique, plus rapide que prévu, a déjà commencé à produire ses effets.

Face à cette urgence climatique, nous devons défendre un accord ambitieux qui comporte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les pays industrialisés comme pour les pays en développement, des engagements financiers en faveur de ces derniers, mais aussi un mécanisme de sanctions pour les pays qui ne respecteraient pas leurs engagements.

Il est de la responsabilité de l’Union européenne de tout mettre en œuvre pour éviter un échec de la conférence de Copenhague.

Sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, à quelles conditions les représentants des États membres peuvent-ils trouver un accord, notamment sur la question de la contribution financière de l’Union européenne, pour aider les pays à s’adapter au changement climatique ?

Certes, c’est une bataille difficile que nous engageons, en particulier pour rallier les pays en développement à cette cause. Mais l’Europe a fait la preuve de son engagement en acceptant de réduire d’ici à 2020 ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 20 % par rapport à 1990, et jusqu’à 30 % en cas d’accord international.

S’agissant des voies et moyens pour assurer la transition vers une économie éco-efficiente, la France a fait le choix de la taxation du carbone. Et nous sommes nombreux, mes chers collègues, à souhaiter que soit rapidement mise en place la taxe carbone aux frontières. Notre volontarisme ne doit pas conduire à détruire des emplois dans nos territoires parce que d’autres États ne seraient pas aussi vertueux en matière de rejets de CO2. Il nous faut préserver, voire rétablir, la compétitivité des industries européennes. À cet égard, où en est la réflexion de l’Union européenne sur l’utilisation de cet instrument économique ?

Par ailleurs, il faut agir à d’autres niveaux pour conforter la transition vers une économie durable : la formation, l’éducation et le volet industriel, en encourageant l’utilisation de technologies propres. Dans tous ces domaines, les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle majeur.

Comment comptez-vous agir, monsieur le secrétaire d’État, pour faire prendre en compte, au niveau de l’Union, le potentiel que représentent les collectivités dans la lutte contre le changement climatique ?

Je suis convaincu que le cours des cinquante prochaines années se décidera dans les prochaines semaines ; mais il n’y aura pas de plan B pour la planète si nous échouons collectivement.

Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pourrons régler seuls la question du changement climatique puisque l’Europe représente aujourd’hui 17 % des émissions mondiales de CO2. En outre, nous ne prendrons pas le risque de voir nos industries supporter des contraintes bien plus fortes qu’ailleurs et être pénalisées lourdement dans la compétition internationale.

Chacun doit apporter sa contribution selon ses capacités et son niveau de responsabilités. Mais, à la double peine – pas d’accord et des engagements unilatéraux pénalisants –, la France doit préférer le double dividende : un accord international et une transition environnementale accélérée !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Dans la suite du débat, la parole est à M. Michel Billout.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen se tiendra dans la perspective de la mise en œuvre du traité de Lisbonne. Beaucoup ici s’en satisferont tant il aura fallu d’acharnement pour arriver à ce résultat.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

M. le ministre des affaires étrangères et européennes y voit même un traité qui conduit « à une Europe plus démocratique et plus proche des citoyens ». Curieux traité, pourtant, qui prétend construire la démocratie tout en la piétinant dans son mode d’adoption. Inquiétante Europe qui se construit sans les citoyens, loin de leurs préoccupations.

M. Haenel nous rappelait le rejet du projet de traité constitutionnel européen par les électeurs français et néerlandais en 2005.

Or, loin de respecter le verdict des urnes, les principaux dirigeants européens ont décidé de le contourner en rédigeant une sorte de plagiat du projet de traité. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est un expert en la matière qui décrivait ainsi le traité de Lisbonne, il y a exactement deux ans, jour pour jour : « Si l’on en vient maintenant au contenu, le résultat est que les propositions institutionnelles – les seules qui comptaient pour les conventionnels – se retrouvent intégralement dans le traité de Lisbonne, mais dans un ordre différent, et insérés dans les traités antérieurs.[…] Ainsi l’expression “concurrence libre et non faussée”, qui figurait à l’article 2 du projet, est retirée à la demande du président Sarkozy, mais elle est reprise, à la requête des Britanniques, dans un protocole annexé au traité qui stipule que : “le marché intérieur, tel qu’il est défini à l’article 3 du traité, comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée” […] Quel est l’intérêt de cette subtile manœuvre ? D’abord et avant tout d’échapper à la contrainte du recours au référendum, grâce à la dispersion des articles, et au renoncement au vocabulaire constitutionnel. »

Vous avez certainement reconnu l’analyse de Valéry Giscard d’Estaing, parue dans le quotidien ; et là, malheureusement, il ne s’agit pas d’un roman !

La ratification du traité de Lisbonne aura bien été une parodie de démocratie. Les chefs d’États, M. Sarkozy en tête, ont de concert choisi de passer outre les avis des peuples en ne les consultant pas. Ainsi, seule l’Irlande a invité ses électeurs à s’exprimer, sa constitution imposant cette démarche. Là encore, nous nous souvenons du résultat : les Irlandais ont rejeté le traité de Lisbonne, qui devait donc être caduc le 12 juin 2008.

Pourtant, les chefs d’État et de gouvernement ont de nouveau piétiné cette décision en poursuivant le processus de ratification et en faisant pression sur les Irlandais jusqu’à ce qu’ils revotent, puisqu’ils n’avaient pas fait le bon choix. Ainsi, les Irlandais ont voté une nouvelle fois le 2 octobre dernier pour accepter le traité de Lisbonne.

Les partisans du « oui » peuvent à ce titre remercier les médias et les puissances de l’argent, dont les grands patrons d’Intel et de Ryanair. La diabolisation du « non » et les mensonges sur les risques d’isolement de l’Irlande ont fini par payer.

Conception étrange du référendum où, finalement, nous n’aurions le choix qu’entre « oui » et « oui »…

Ce résultat est aussi la conséquence de bas arrangements en coulisses. Les artisans du traité, pour assurer son adoption, sont allés jusqu’à favoriser les mouvements anti-avortement irlandais. C’est ainsi que l’Union européenne s’implique courageusement pour l’évolution du droit des femmes !

Plus récemment, afin d’arracher la signature du président Klaus, on s’accorde sur une solution pour enterrer les revendications des Allemands expulsés des Sudètes entre 1945 et 1946, en prévoyant la non-application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en République tchèque.

Au regard de ces pratiques, la crise démocratique qui traverse l’Union européenne n’est pas près d’être résolue.

Après le vote prétendument « raisonné » des Irlandais, le Conseil européen est donc, selon la volonté de la présidence suédoise, l’occasion d’accélérer la mise en œuvre du traité en se mettant d’accord, notamment, sur le nom du futur président stable du Conseil européen.

Je n’épiloguerai pas sur ce qui risque d’être un curieux casting pour décerner la couronne à la personnalité la plus européenne. Comme pour le reste, les critères se devront d’êtres souples. Nul doute que l’euro ou l’espace Schengen ne seront plus des symboles très importants. Or, si je ne suis pas un grand admirateur de ce que le député Axel Poniatowski a qualifié de « véritable cœur de l’Union européenne », il me semble qu’une Europe porteuse de paix pourrait être, elle, un symbole fort au moment où devrait se mettre en place le futur service européen d’action extérieure. Aussi, faire le choix d’un président du Conseil européen dont l’action en faveur de la paix dans le monde serait incontestable pourrait être un signe majeur, très positif à l’égard des habitants de notre planète.

Concernant la situation économique et sociale de l’Union, ce Conseil européen sera marqué une fois de plus par la faiblesse de la réponse de l’Union à la crise financière et économique, une réponse essentiellement marquée par l’action individuelle des États, souvent peu cohérente, rarement efficace.

Loin d’une sortie de crise, c’est la prolongation d’une situation économique atone qui se profile, dans laquelle une croissance molle cohabiterait avec un taux de chômage durablement élevé. Le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a déclaré que l’Union européenne ne connaîtrait au cours des dix prochaines années qu’une croissance annuelle moyenne de 1, 5 %, tout au plus.

L’Europe se trouve donc dans une situation économique très difficile : non seulement la croissance ne sera pas au rendez-vous, mais le chômage va progresser et les déficits vont continuer à exploser. Dans ce contexte, la plupart des pays européens n’ont plus la capacité de dégager des marges de manœuvre pour répondre à la situation économique. Le tableau est donc extrêmement sombre pour l’Europe.

Or, pour conduire une véritable politique de sortie de crise, l’Union européenne – nous le disons régulièrement – doit agir au moins sur quatre leviers : un véritable budget avec des recettes propres qui pourraient reposer sur une taxation des mouvements de capitaux spéculatifs ; une véritable politique industrielle fondée avant tout sur la coopération ; une Banque centrale européenne, placée sous le contrôle du pouvoir politique, qui agisse efficacement sur l’utilisation du crédit en faveur de l’emploi et de la recherche ; une BCE qui agisse aussi sur l’équilibre monétaire international. L’Europe ne peut pas durablement s’offrir le luxe d’une monnaie surévaluée par rapport au dollar. La situation est, de ce point de vue aussi, très préoccupante : l’euro n’a jamais été aussi fort, le dollar aussi bas. Cela pénalise très lourdement l’économie européenne.

Enfin, nous avons besoin d’une Europe protectrice de ses citoyens, conduisant une véritable action pour l’amélioration des droits sociaux.

Le traité de Lisbonne, en l’espèce, n’apportera aucune arme à l’Union pour affronter la crise. C’est un outil au service des règles qui ont prévalu jusqu’à maintenant dans la construction européenne, celles de la financiarisation de l’économie et du dogme de la concurrence entre les hommes et les territoires.

La crise laitière en constitue une bonne illustration : c’est une crise mondiale de surproduction qui a entraîné un effondrement des prix payés aux producteurs depuis le printemps dernier. Alors que les producteurs manifestent depuis des semaines, dénonçant des prix du marché inférieurs aux coûts de production et demandant un renforcement des quotas, la réunion extraordinaire des ministres européens de l’agriculture, le 5 octobre dernier, a été « une réunion pour rien ». Il a simplement été décidé de créer une commission qui rendra son rapport en juin prochain. La revendication des organisations de producteurs réclamant un renforcement des quotas de production à la place de leur suppression, programmée pour 2015, n’a pas non plus été satisfaite. La mise en place d’un nouveau système visant à réguler le marché après la disparition des quotas laitiers n’est pas à l’ordre du jour, et nous le déplorons.

De manière plus générale, c’est tout le secteur agricole qui pâtit des conséquences désastreuses du capitalisme. L’Europe poursuit indéfectiblement sa route vers une plus grande libéralisation des échanges agricoles et l’absence d’une véritable politique des prix pour les producteurs.

Comment donner aux citoyens européens le sentiment d’appartenir à une même communauté lorsqu’on soutient une concurrence aussi féroce entre les membres de cette communauté ?

Les institutions européennes doivent au contraire abandonner les mécanismes libéraux en faillite aujourd’hui, au premier rang desquels la libre circulation des capitaux, le pacte de stabilité et la marchandisation de l’ensemble des activités humaines.

Face à la crise, il faut mettre en œuvre un vrai bouclier social à l’échelon européen. Celui-ci doit notamment permettre de s’opposer aux plans de licenciements comme aux délocalisations, d’augmenter les salaires, les minimas sociaux et les pensions. Il faut s’appuyer sur des services publics européens développés, soutenir une politique industrielle créatrice d’emplois de qualité et respectueuse de l’environnement.

À ce sujet, le sommet de Copenhague, en décembre prochain, doit donner une suite au protocole de Kyoto et instaurer ainsi un cadre international de lutte contre le changement climatique. Nous sommes très inquiets face à un possible échec de ce sommet si les États-Unis refusent de s’orienter résolument vers une économie décarbonée, donnant un signe très négatif à l’Inde ou à la Chine.

Or, pour parvenir à un accord suffisamment ambitieux à Copenhague, les pays industrialisés devront prendre des engagements contraignants pour leurs économies. Ils devront également apporter un soutien financier et technologique important aux pays en voie de développement, afin que ceux-ci puissent atteindre leurs propres objectifs, et ce au regard de la responsabilité historique que portent les pays industrialisés.

À ce titre, nous pensons que l’Union européenne doit jouer un rôle essentiel. À l’instar des aides financières, l’Union doit s’engager plus fortement dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle doit s’engager à atteindre l’objectif de 30 % de réduction, tout en créant une taxe carbone à ses frontières pour éviter qu’au dumping social ne s’ajoute le dumping environnemental.

Cependant, combattre sérieusement le réchauffement climatique et préparer une révolution énergétique, c’est avant tout s’attaquer aux logiques de rentabilité qui caractérisent le capitalisme financier mondialisé. Nous devons, par exemple, proscrire tout marché des « droits à polluer » et lutter contre les spéculations qui les accompagnent.

Nous insistons sur la nécessité de politiques publiques fortes pour permettre de réduire les émissions de CO2, par exemple dans le bâtiment ou les transports publics.

Enfin, nous réaffirmons la nécessité de donner un caractère contraignant aux décisions qui pourraient être prises à Copenhague, afin que les paroles puissent enfin se transformer en actes. Parce que le bien commun de l’humanité qu’est notre planète ne peut attendre, nous ne pourrons nous satisfaire d’un simple contrat d’objectifs !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. –M. Pierre Fauchon applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la veille du sommet de Stockholm, la ratification du traité de Lisbonne par la République tchèque, dernier État membre à ne pas avoir encore ratifié ce texte, permettrait à l’Europe de sortir de l’ornière institutionnelle. Ce serait là un événement capital, même si l’opinion publique de notre pays n’en est pas réellement consciente.

Une dynamique vertueuse en entraînant une autre, ne pourrait-on pas imaginer que la sortie de la crise institutionnelle annonce également la sortie de la crise économique ? En ce domaine, les États agissent ; mais le font-ils de manière coordonnée ? L’absence de coopération forte entre les États membres de la zone euro, notamment entre la France et l’Allemagne, constitue un risque pour l’euro lui-même. Des politiques économiques différentes conduisent à des options stratégiques de sortie de crise elles aussi différentes : outre-Rhin, on diminue les prélèvements obligatoires quand, en France, après le plan de relance, l’accompagnement vers la reprise se fera par le lancement d’un grand emprunt.

En matière de finances publiques, n’assiste-t-on pas à un décrochage entre l’Allemagne et la France ? Au cours des années 2010-2011, l’Allemagne, malgré la baisse de sa pression fiscale, devrait en effet connaître un déficit par rapport à son PIB deux fois inférieur à celui de la France. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je vous précise que, à la suite du débat que nous avons eu sur cette question en commission des affaires européennes, j’ai fait vérifier ces chiffres, lesquels m’ont été confirmés par plusieurs économistes.

Alors que les États membres se sont coordonnés pour faire face au choc de la crise dans l’urgence, ils ont accru leur déficit à la demande des institutions financières, dont le Fonds monétaire international. C’est ainsi que vingt des vingt-sept États membres de l’Union sont sous le coup d’une procédure pour déficit excessif de la Commission européenne. Une stratégie commune s’impose donc pour trouver des voies de retour à l’équilibre. À cet égard, nous attendons beaucoup du Conseil européen de Stockholm et des suivants.

Plus globalement, au-delà de l’immédiateté conjoncturelle, le règlement de la question institutionnelle place plus que jamais l’Europe à la croisée des chemins et face à ses responsabilités. Autrement dit, pour reprendre les termes du Président de la République, l’Union voudra-t-elle faire ou subir le XXIe siècle ? Cette question va se poser immédiatement après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, entrée en vigueur que nous espérons.

M. Jacques Blanc vous a déjà posé la question, monsieur le secrétaire d’État : de quel président de l’Union voudrons-nous ? Voudrons-nous d’un simple arbitre ou, au contraire, d’un animateur susceptible d’entraîner l’Europe, comme Jacques Delors en son temps et comme Nicolas Sarkozy plus récemment ? Avec un leadership volontariste, l’Union peut parler d’une voix audible sur l’affaire géorgienne. Sans une telle volonté, c’est la cacophonie. L’action européenne manque alors de crédibilité.

J’ai assisté jeudi dernier à une conférence européenne sur l’architecture de la sécurité européenne. À cette occasion, j’ai constaté que le regard que les Russes portent sur la sécurité européenne est surréaliste. Lorsque j’ai demandé si, à l’instar du conseil OTAN-Russie, on pouvait envisager un conseil Union européenne-Russie – on peut rêver ! –, j’ai eu l’impression de faire figure de Martien. Il est important de s’intéresser au regard que les Russes portent sur la sécurité européenne.

Des questions se posent également concernant le futur Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune. Quel sera son rôle ? Quel sera le contenu du service européen d’action extérieure ?

Le fond de la question est qu’il ne peut y avoir de politique étrangère sans politique de défense. De même qu’elle a permis de relancer l’Europe institutionnelle, la dynamique de la politique française a redonné un coup de fouet à la défense européenne. Le retour de notre pays dans le commandement intégré de l’OTAN rend à nos plaidoyers en faveur de la défense européenne des accents de sincérité. C’est à la suite de cette inflexion qu’a été lancé le processus de Corfou, dont nous espérons qu’il aboutira à des résultats concrets.

Nous voulons une Europe de la défense pour trois raisons.

Premièrement, seule une véritable défense européenne nous permettra de ne pas durablement décrocher en matière militaire face aux États-Unis, dont le budget de la défense s’élève à 680 milliards de dollars, contre 220 milliards d’euros pour le budget européen. À la suite de la crise, le découplage transatlantique s’est cruellement accentué. Il faut l’enrayer.

Deuxièmement, l’Europe de la défense est aussi utile parce que nous avons su développer une approche originale et efficace de la gestion de crise au travers d’une coordination entre chaînes civiles et militaires. Je citerai deux exemples : la Bosnie-Herzégovine et l’opération Atalanta anti-pirates, dont vous avez souhaité faire comprendre l’importance à tous les ambassadeurs européens en les emmenant au large des côtes somaliennes, monsieur le secrétaire d’État. Dans ces deux cas, les actions civiles et militaires européennes ont été menées de concert, ce qui constitue une petite révolution.

Troisièmement – cette raison découle des deux premières –, notre défense, loin d’être faite pour affaiblir l’OTAN, en serait parfaitement complémentaire si elle se faisait une spécialité de la gestion de crise.

Où en sommes-nous en matière de défense européenne ? Comme l’a observé le général Bentégeat, l’Europe a récemment progressé en termes de capacités militaires et de conduite des opérations. Aujourd’hui, nous disposons de cinq quartiers généraux opérationnels. En revanche, la défense européenne n’a pas été dotée des moyens de progresser en matière de capacité. En attendant que la question des rapports entre défense européenne et OTAN soit complètement réglée, la mise en place d’un centre de commandement permanent civilo-militaire pourrait permettre à la défense européenne de faire un grand pas en avant.

Monsieur le secrétaire d’État, notre pays est-il favorable à l’intégration de la défense dans le portefeuille du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune afin que nous puissions bâtir l’architecture de sécurité européenne si indispensable à notre existence et à notre crédibilité internationale ?

La question de la puissance européenne ne se résume pas à celle de la défense. Il ne peut y avoir de puissance sans croissance structurelle. Défense et sécurité, croissance et compétitivité, énergie et climat : tels sont les grands défis auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés. C’est en prenant du recul que l’interdépendance de ces questions apparaît de la façon la plus flagrante.

Pour terminer, je vous propose de prendre de la hauteur, au sens propre du terme, et d’aborder la question de l’Europe de manière un peu originale, mais ô combien fondamentale.

Que nous dit l’Europe vue du ciel, plus précisément vue de l’espace ?

Même si le dossier spatial n’est pas explicitement à l’ordre du jour du prochain Conseil européen, il doit être évoqué ici parce qu’il condense tous les enjeux susmentionnés.

L’espace est devenu un enjeu économique vital pour nous. Face au dumping social de géants comme la Chine, l’Inde ou l’Amérique latine, l’Europe ne maintiendra son rang qu’en misant sur les nouvelles technologies, créatrices de richesses. À cet égard, je ne citerai que l’exemple de la société britannique Avanti, dont la valeur a été multipliée par dix en très peu de temps. La recherche spatiale est devenue essentielle pour le développement des industries de pointe. Des freins céramiques des voitures aux robots pour les opérations du cœur, pas moins de 600 produits issus de la recherche spatiale sont aujourd’hui les moteurs de notre compétitivité.

L’espace est également un enjeu de défense, avec le système d’alerte avancée européen SPIRALE, le démonstrateur satellite Essaim, les précurseurs du renseignement d’origine électromagnétique, ou ROEM.

C’est enfin un enjeu vital en termes de développement durable. C’est en effet grâce à l’espace que nous maîtriserons mieux – c’est Jean-Jacques Dordain, directeur général de l’Agence spatiale européenne, qui me l’a dit hier à Londres, où nous assistions ensemble à une conférence sur l’espace – les énergies renouvelables et que nous serons à même de les exploiter efficacement.

Ce que les spécialistes appellent « la gestion de la grille de puissance » par le biais de l’espace et des énergies renouvelables – l’énergie éolienne et l’énergie solaire – est un élément fondamental de l’indépendance énergétique de l’Europe. Les marges de progression dans ce domaine sont paraît-il considérables. La météorologie est spatiale. Il est donc indispensable de progresser en la matière.

Or, qui prend la mesure de ce qui se joue au-dessus de nos têtes ? Le budget de l’Agence spatiale européenne s’élève à 4, 5 milliards de dollars quand celui de la NASA atteint 17 milliards de dollars. Les chercheurs des deux agences se situent pourtant au même niveau de compétitivité. Ainsi, pour l’exploitation robotique de la planète Mars, pour ne citer que cet exemple, nous sommes à égalité avec les Américains.

Au-delà de la simple question budgétaire – 3 milliards supplémentaires ont été demandés pour la politique spatiale –, le politique semble absent de ce débat, ce que déplorent les chercheurs. Il n’existe pas aujourd’hui d’arène politique où traiter de cette question, notamment de la nécessité de développer l’exploration spatiale. Les techniciens, privés d’impulsion politique, se retrouvent seuls à débattre entre eux. D’autres que nous prendront les décisions si nous ne le faisons pas.

Monsieur le secrétaire d’État, la France ne pourrait-elle pas faire un effort pour que, à l’avenir, le dossier spatial soit régulièrement inscrit à l’ordre du jour des conseils européens ?

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion que nous engageons aujourd’hui est censée concourir à l’élaboration de la position française en vue du prochain Conseil européen qui se tiendra à la fin de cette semaine.

Le Conseil abordera bien évidemment la situation économique de l’Union, mais il examinera également deux autres points essentiels de mon point de vue : d’une part, la préparation de la mise en œuvre du traité de Lisbonne et, d’autre part, la position commune à adopter lors de la Conférence internationale de Copenhague sur la lutte contre le changement climatique.

Ce sont ces deux points que je développerai dans mon intervention, afin d’éclairer le Gouvernement sur la position du groupe socialiste que j’ai l’honneur de représenter aujourd’hui.

C’est un fait, mes chers collègues, l’Union européenne fonctionne au ralenti depuis plusieurs mois. La nouvelle organisation institutionnelle tarde à se mettre en place et le projet européen souffre d’une désaffection citoyenne croissante, comme en témoigne le taux d’abstention – supérieur à 55 % – lors des dernières élections européennes. L’Europe de la dérégulation et de la sécurité a plusieurs longueurs d’avance sur l’Europe des droits sociaux et des libertés. Par ailleurs, l’Europe a toutes les peines du monde à s’imposer sur la scène internationale, faute d’une vision commune. L’Union européenne se doit donc de relever deux défis : la mise en œuvre du traité de Lisbonne et une prise de position en matière de lutte contre le changement climatique.

En ce qui concerne la nouvelle organisation institutionnelle, tout laisse présager une entrée en vigueur prochaine du traité de Lisbonne. L’Irlande et la Pologne ont en effet ratifié ce traité au début du mois d’octobre, et le président tchèque Václav Klaus a laissé entendre la semaine dernière qu’il le signerait prochainement. Il s’agirait là d’un événement dont on ne pourrait bien évidemment que se réjouir.

Néanmoins, cette étape nécessaire, dont nous espérons qu’elle pourra maintenant être rapidement franchie, après une gestation bien laborieuse, ne signifie pas, loin s’en faut, la fin de tous les problèmes. Les États membres de l’Union auront encore, entre autres difficultés, à définir le rôle et les pouvoirs réels du président du Conseil européen, du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et, bien sûr, du président de la Commission. La répartition des responsabilités entre les uns et les autres devra être soigneusement précisée afin d’éviter les redondances, ainsi que d’éventuelles contradictions.

Il s’agira surtout, mes chers collègues, d’établir les nouvelles priorités politiques du projet européen. Cette redéfinition pourrait trouver une traduction concrète dans la nouvelle distribution des portefeuilles des commissaires. Pour remettre à l’honneur la dimension sociale de l’Europe, le groupe socialiste suggère la création d’un poste de commissaire européen spécifiquement chargé des services publics. Il devient en effet urgent de montrer par des actes et des symboles forts que l’Union n’est pas uniquement une Europe de la concurrence et de la dérégulation des marchés.

Dans un autre registre, il serait tout aussi opportun qu’un commissaire ne soit pas en charge à la fois de l’immigration et de la sécurité. Il est en effet pour le moins désolant de voire la question de l’immigration réduite à la seule dimension sécuritaire. Pour illustrer mon propos, permettez-moi de citer ici l’exemple de l’accord en cours de négociation entre l’Europe et la Libye, qui vise, pour l’essentiel, à instituer le renvoi vers la Libye de ses ressortissants ou des migrants qui ont tenté de pénétrer illégalement en Europe en transitant par ce pays. L’Union européenne tend donc à se défausser de sa responsabilité en sous-traitant à d’autres la gestion de l’immigration illégale, oubliant même de prendre en compte la légitimité du droit d’asile. De mon point de vue, le problème ne se réglera pas ainsi.

L’Europe doit sortir de la logique purement défensive dans laquelle elle s’est enfermée. Elle doit arrêter de se penser en forteresse assiégée. Elle doit au contraire s’accepter comme terre d’immigration, plus particulièrement comme terre d’accueil des réfugiés. Il me semble donc qu’une véritable politique en matière d’intégration et de protection des demandeurs d’asile doit être courageusement menée par la prochaine commission.

L’autre défi que le Conseil européen devra relever, mes chers collègues, est la définition d’une position claire sur le changement climatique en vue des négociations internationales qui auront lieu à Copenhague au mois de décembre. Compte tenu de l’enlisement de ce dossier depuis plusieurs mois, on peut dire que la tâche est rude. À six semaines de cette conférence, la position de l’Europe est en effet bien floue.

En décembre dernier, l’Europe a souhaité jouer un rôle de premier plan en votant le paquet « énergie-climat ». Mais de nombreux blocages sont survenus ces derniers mois sur cette question, et notre déception est aujourd’hui à la mesure des ambitions passées.

Certes, me direz-vous, l’Europe avance pas à pas concernant les objectifs à atteindre en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre à long terme. Il est prévu une réduction d’au moins 80 % des émissions à l’horizon 2050 par rapport au niveau de 1990 pour le groupe des pays industrialisés. Cette décision a enfin été prise le 21 octobre par le conseil des ministres de l’environnement de l’Union. Cet objectif est désormais conforme aux recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC. Nous ne pouvons donc que nous satisfaire de cette avancée.

Cependant, dans le détail, le dispositif manque de cohérence. L’Europe en est encore à penser la question de manière arithmétique, en évoquant la réduction des émissions d’ici à 2020 de 10 % dans le secteur des transports aériens et de 20 % dans le secteur maritime par rapport à 2005, là où il conviendrait plutôt de raisonner globalement, en articulant les questions environnementales aux questions sociales et économiques.

S’il est évidemment positif de fixer des objectifs chiffrés, ceux-ci ne sauraient être déconnectés des réalités sociales internes aux nations qui composent l’Union européenne et encore moins des déséquilibres de développement au niveau international.

Chacun le sait, les pays pauvres sont déjà, et seront dans un avenir proche, les premières victimes du changement climatique. Copenhague devra donc prendre en compte l’enjeu fondamental du soutien aux économies les plus fragiles de la planète. La lutte contre le changement climatique ne peut qu’aller de pair avec la lutte contre la pauvreté, comme l’a d’ailleurs souligné la Banque mondiale dans son dernier rapport. S’il est louable de fixer des objectifs de réduction à long terme des émissions de gaz à effets de serre, encore faut-il apporter en complément le soutien financier et technique suffisant aux pays en voie de développement, afin de les aider à prendre part à la lutte mondiale contre le réchauffement climatique. Nous ne sommes pas tous sur le même plan. Il faut, me semble-t-il, le reconnaître si nous voulons avancer en la matière.

Or, que constatons-nous ? Les États membres de l’Union ne parviennent pas à s’accorder sur la contribution financière à apporter aux pays en voie de développement. Ils se refusent à avancer parce que la seule question, assez égoïste, qui les préoccupe en réalité est celle de la répartition de la charge financière entre les uns et les autres.

Pour ma part, je pense que l’Europe doit prendre ses responsabilités. Et quelle meilleure manière d’affirmer son leadership que de proposer une assistance financière et technique significative aux pays en voie de développement ? D’autant que le président des États-Unis n’est toujours pas en mesure aujourd’hui d’afficher une position claire et chiffrée en vue des négociations internationales de Copenhague, ses propositions n’ayant pas reçu à ce jour l’aval du Congrès.

Par conséquent, l’Union européenne a une occasion et peut-être une chance historique d’être la locomotive de ces négociations. À mon sens, il est de son rôle d’établir les conditions adéquates pour que le sommet de Copenhague ne se résume pas à une déclaration de bonnes intentions, mais aboutisse, au contraire, à un accord général sur le fond.

Or, à l’heure où je vous parle, certains dirigeants de l’Union européenne, y compris le Président de la République française, brandissent déjà la menace de surtaxer aux frontières de l’Europe les produits importés des pays peu regardants aux émissions de dioxyde de carbone, ou CO2, en cas d’échec du sommet de Copenhague.

Si un tel projet peut apparaître comme un recours dans les années à venir, il faut dans l’immédiat trouver une méthode moins comminatoire pour parvenir à un accord international à Copenhague.

De ce point de vue, l’Europe a, je le répète, une lourde responsabilité. Pour être entendue, il faut d’abord qu’elle parle d’une seule voix et qu’elle prenne l’initiative de lancer les négociations mondiales avec le souci de l’équilibre des efforts à fournir par les différents acteurs. C’est bien aux pays développés qu’il revient de faire preuve de la générosité suffisante pour sortir les négociations de l’impasse dans laquelle elles risquent de s’enliser. Et c’est à cette condition que l’Europe pourra jouer le rôle qui lui revient dans la nouvelle gouvernance mondiale.

Monsieur le secrétaire d’État, de notre point de vue, c’est ce message que la France doit exprimer à l’occasion du Conseil européen. Et c’est ce même message qu’elle doit délivrer au reste du monde sur ces questions si sensibles pour l’avenir de notre planète.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite intervenir sur deux des six points que le Conseil européen des 29 et 30 octobre a inscrits à son ordre du jour : la mise en place du service diplomatique commun après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et les suites données au G 20.

Évoquons d’abord les problèmes institutionnels liés à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, après que les hérétiques auront tous abjuré leur coupable refus du dogme. Les « non » français et hollandais ont été contournés par un vote au Parlement, faisant bon marché de la volonté populaire et frappant le traité de Lisbonne d’un soupçon d’illégitimité qui le suivra toujours comme un défaut de naissance. En outre, rien n’a été négligé pour convaincre les Irlandais de retourner leur vote. La démocratie européenne est comme le crocodile : cet animal marche, mais seulement en avant ; la marche arrière lui est inconnue.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Le traité de Lisbonne entrant vaille que vaille en vigueur, c’est donc maintenant que les difficultés vont commencer.

Première question, comment s’effectuera la mise en place d’un service diplomatique commun, sous l’autorité d’un haut représentant, lequel n’a pas encore été désigné, pas plus que le futur « président stable » du Conseil européen ?

On discerne d’ores et déjà les conflits de compétences à venir entre ces deux personnalités, d’abord entre elles, et ensuite avec le président de la Commission européenne. Ce dernier entend préserver les compétences qu’il a acquises, comme le commerce, la politique de voisinage ou l’élargissement. Quant au « président stable », il devra conquérir ses pouvoirs, que les textes ne lui donnent pas. Comment le Président de la République entend-il accommoder ce qui est un véritable millefeuille ? Comment pourrait-il imposer une « présidence forte » dès lors que ni l’Allemagne ni le Royaume n’en veulent ? Plutôt qu’un homme politique de second ordre, comme je l’entends dire parfois, pourquoi ne pas opter pour un grand intellectuel, par exemple Umberto Eco ?

M. Yvon Collin sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

M. Jean-Pierre Chevènement. Et si nous recherchons un Français mondialement connu, je n’en vois qu’un : Zinedine Zidane !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Mais revenons au service européen pour l’action extérieure. Le traité de Lisbonne précise que ses compétences « n’affecteront pas la base juridique existante, les responsabilités ni les compétences de chaque État membre en ce qui concerne l’élaboration et la conduite de sa politique étrangère, son service diplomatique national, ses relations avec les pays tiers et sa participation à des organisations internationales, y compris l’appartenance d’un État membre au Conseil de sécurité des Nations unies ».

À la bonne heure ! Nous voilà rassurés. Il m’arrive de lire, par exemple dans la publication d’un think tank comme l’Institut Montaigne, fondation d’Axa, que nous pourrions mettre notre siège permanent du Conseil de sécurité en commun avec l’Allemagne ! J’espère que vous ne l’avez jamais envisagé, monsieur le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Cela dit, que pourra bien faire le service commun pour l’action extérieure ? On s’oriente vers la multiplication de services, de desks, géographiques ou thématiques, qui feront double emploi avec les services des directions générales de la Commission et avec ceux des départements du secrétariat général du Conseil. Le service diplomatique commun passera une notable partie de son temps à « consulter » à la fois le Conseil, la Commission, les États membres et, bien sûr, le Parlement comme le suggère le rapport de M. Elmar Brok. Une cellule dédiée est déjà prévue à cet effet. Le service diplomatique commun pourra faire appel aux moyens du Conseil et de la Commission pour la traduction. Il y a au moins une certitude : l’avenir de la traduction-interprétation est assuré dans la Babel européenne ! C’est l’une des rares bonnes nouvelles dont la Commission peut se targuer par les temps qui courent en matière d’emploi !

Deuxième question, quelle sera la composition du service diplomatique commun ? Il sera, nous dit-on, formé de fonctionnaires issus de la Commission, du Conseil et des diplomaties nationales.

Mais je voudrais vous poser une question : quel sera le régime des primes ? C’est une question essentielle, monsieur le secrétaire d’État. Il est à craindre qu’on ne choisisse l’alignement sur le régime le plus favorisé. Comment donc nos diplomates nationaux, qui, pour avoir choisi de servir l’État n’en sont pas moins hommes et femmes, donc non exempts des faiblesses de l’humaine condition, pourront-ils résister à la longue à l’attrait de gratifications qui doubleront leur salaire pour une heure de TGV ? Y avez-vous réfléchi ? Lorsque j’ai posé la question à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, en commission, il m’a répondu qu’il garderait la haute main sur les nominations.

Ce n’est pourtant pas ce que j’avais cru comprendre. Selon les textes, c’est le haut représentant qui choisira son personnel, en veillant à l’origine fonctionnelle entre le Commission, le Conseil et les services diplomatiques nationaux, à la répartition géographique et à la parité hommes-femmes, tout en préservant la compétence, l’expérience et le niveau des connaissances des intéressés. On lui souhaite bien du plaisir…

Mais si les candidatures sont libres, le ministre des affaires étrangères pourra-t-il encore conserver un pouvoir de nomination qui ne soit pas fictif sur les diplomates relevant de son autorité ?

Monsieur le secrétaire d’État, qui ne voit que les impulsions données à ce service diplomatique commun entreront inévitablement en concurrence avec les orientations fixées à notre diplomatie ? Bref, cette usine à gaz nous garantit conflits et blocages. La paralysie résultera de ce millefeuille d’autorités superposées et de bureaucraties concurrentes.

La création du service européen d’action extérieure est prévue, paraît-il, pour la fin du premier semestre de l’année prochaine. Je ne saurais vous suggérer pour ce service que l’ambition minimale, le format le plus modeste possible et, surtout – c’est cela qui est important –, les primes les plus réduites. Vous vous conformeriez ainsi à l’esprit de la décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe du 30 juin 2009 sur le traité de Lisbonne, qui réfute très clairement l’existence d’un peuple européen et rappelle quelques principes : la légitimité reste dans les États, et l’Union européenne est seulement une organisation internationale qui doit respecter la démocratie de chacune des nations la composant. Ne faites donc pas comme si l’Union européenne pouvait devenir une fédération ; c’est une ambition depuis longtemps dépassée.

Et nous n’avons pas besoin d’une bureaucratie supplémentaire. Son seul effet prévisible serait d’affaiblir la diplomatie de la France, dont M. Bernard Kouchner se flatte qu’elle soit encore la troisième – pourquoi pas la deuxième, d’ailleurs ? – du monde. Il faut bien du mérite à nos diplomates, réduits à la portion congrue par un budget des affaires étrangères toujours plus étriqué, pour parvenir encore à soutenir cette réputation !

J’en viens au deuxième point inscrit à l’ordre du jour du Conseil : les suites données au G 20.

Les recommandations du conseil des ministres de l’économie et des finances, comme la suppression des incitations budgétaires, l’assainissement des finances publiques, la coordination des politiques dans le cadre d’une mise en œuvre cohérente du pacte de stabilité et de croissance, l’accent mis sur les réformes structurelles ou la transmission à la Commission de programmes de stabilité et de convergence avant la fin du mois de janvier 2010, sont tout à fait prématurées et risquent de freiner une reprise qui est seulement à peine amorcée.

Chassez le naturel, il revient au galop ! Nos élites libérales n’ont décidément rien appris et rien oublié. En effet, on ne peut pas à la fois se féliciter de la réactivité des pouvoirs publics, préconiser « des plans agressifs pour doper une reprise durable du marché de l’emploi », comme l’a fait le G 20, et appuyer sur la pédale de frein, à l’instar de M. Joaquín Almunia, commissaire européen pour les affaires économiques et monétaires, et de tous ceux qui proposent un retour rapide à l’application stricte des critères de Maastricht.

Aujourd’hui, rien n’est acquis, à commencer par l’assainissement financier du système bancaire, qui demeure extrêmement frileux dans ses prises de risques. Sans l’intervention des États, l’activité économique se serait effondrée. Les banques qui bénéficient d’un privilège de situation doivent bien évidemment être taxées, à défaut d’être nationalisées.

Sur un plan plus général, les déséquilibres macro-économiques à l’origine de la crise n’ont pas été résorbés, bien au contraire. On a combattu une crise née de l’endettement par un endettement supplémentaire, l’endettement public prenant le relais de l’endettement privé. Tout cela nous laisse entrevoir de nouvelles tensions, de nouvelles crises. D’ailleurs, les tensions sont déjà perceptibles sur le marché des changes, puisque l’euro a dépassé la barre de 1, 50 dollar.

Monsieur le secrétaire d’État, s’il est un sujet qui devrait préoccuper le Conseil européen, c’est bien la prise en étau dont est victime l’Europe, en particulier la zone euro, entre, d’une part, la concurrence des pays à très bas salaires, au premier rang desquels la Chine, et, d’autre part, un dollar que les autorités américaines laissent filer et qui rend les produits américains de plus en plus compétitifs. Pas seulement les produits américains d’ailleurs ; les produits chinois sont également concernés, puisque les Américains ont accepté que les Chinois rétablissent un lien fixe du yuan avec le dollar !

Ainsi, nous sommes confrontés à une stratégie concertée et à une prise en tenailles. J’attends de savoir ce que le Président de la République compte faire pour sortir la France de l’étau dans lequel elle se trouve du fait de l’action conjuguée des politiques économiques menées par tous les gouvernements successifs depuis vingt-cinq ans.

Il faudrait se saisir du problème posé par la réforme du système monétaire international pour inscrire les parités des principales monnaies dans des bandes de fluctuation tolérables, sur le modèle des fourchettes instituées en 1985 par les accords du Louvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le secrétaire d'État, j’abrégerai mon intervention pour céder aux objurgations de M. le président.

Vous devriez nous parler du grand emprunt. Personnellement, je ne suis pas hostile à une telle initiative si le grand emprunt est bien ciblé et s’il privilégie les secteurs d’avenir…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

… qui seront économiquement rentables.

Il y a la mauvaise dette, qui finance des dépenses de fonctionnement, et il y a la bonne dette, qui finance l’investissement économiquement rentable.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

Nous sommes d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Vous allez vous heurter aux frileux, aux ratiocineurs, à la myopie des éternels tenants de l’orthodoxie. Avisez-vous, cependant, que ce sont eux, toutes obédiences confondues, qui nous ont mis dans cette situation.

Rappelons-nous que la dette publique de la France a bondi après la conclusion du traité de Maastricht, passant de 32 % en 1992 à 58 % en 1998. À l’époque nous avions en effet choisi de nous aligner sur le mark et sur des taux d’intérêts excessifs pratiqués par la Bundesbank.

Sachons mener une politique qui corresponde aux intérêts de notre pays. Halte au suivisme : nous n’avons pas la même démographie que l’Allemagne et notre besoin de croissance est supérieur. Il doit y avoir place pour une stratégie nationale au sein de l’Europe, n’en déplaise à M. Trichet.

Pour finir, monsieur le secrétaire d'État, je dois vous avouer que je m’inquiète de l’absence de vue à long terme, ainsi que de l’opportunisme déguisé en pragmatisme qui peut conduire à faire se succéder dans la précipitation des politiques contradictoires en Europe comme au sein du G 20. Nous sentons bien qu’il n’y a pas de réflexion stratégique, à l’échelon européen, sur un nouveau modèle de développement où la planification des investissements à long terme encadrerait la logique des marchés financiers.

Il appartient à la France de ne pas se laisser enfermer au Conseil européen dans des controverses biaisées et prématurées. Nous devons, au contraire, élever le débat au niveau des véritables enjeux, car la crise n’est certainement pas finie. Le temps d’un véritable volontarisme inscrit dans la durée n’est pas derrière nous, mais il est devant nous.

Avez-vous cette véritable volonté politique ?

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour parler du prochain Conseil européen.

Je vous rappelle que le Conseil européen a été introduit dans les institutions européennes au début des années soixante-dix sur l’initiative de Georges Pompidou, alors que la réunion d’une telle instance n’était prévue par aucun traité.

Georges Pompidou avait alors obtenu de ses collègues chefs d’État et de gouvernement qu’une structure, composée des leaders nationaux de l’Europe, s’ajoute à l’ensemble du dispositif.

Ce qui est important, c’est que, aujourd’hui, le Conseil européen figure en bonne place, voire à une place essentielle, dans les différents traités, à commencer par le traité de Lisbonne. Le Conseil européen est en effet le lieu d’impulsion et de conception politique de l’Union. C’est là que l’Union se pense et se construit : lorsque le Conseil européen fonctionne, l’Europe fonctionne ; lorsqu’il est paralysé, elle ne fonctionne pas.

J’insisterai essentiellement sur deux points.

Premier point, le groupe de l’UMP, totalement d’accord avec la politique menée par le Gouvernement, considère qu’il n’a pas à ergoter sur les différents points inscrits à l’ordre du jour du Conseil européen. Approuvant la politique menée, qu’il s’agisse du plan climat, de la politique d’immigration que notre pays essaie d’imposer à l’Union européenne ou de la politique menée depuis un an en matière de lutte contre la crise financière mondiale, il fait confiance au Président de la République, qui représentera dans quelques jours la France au Conseil européen.

Le second point concerne la mise en œuvre du traité de Lisbonne.

Je n’interprète pas de la même façon que certains orateurs précédents les récentes positions de divers États par rapport au traité de Lisbonne.

Le changement de point de vue de l’Irlande est intéressant. Il n’est pas dû à l’exercice d’une terrible pression sur les Irlandais, qui sont des gens beaucoup trop fiers pour changer si vite d’avis ! Il s’explique tout simplement par le fait que le peuple irlandais, face à la crise mondiale, s’est aperçu que son salut viendrait de l’Europe, alors que, voilà un an, il pensait pouvoir s’en sortir seul !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

L’Irlande voulait les subventions de l’Europe sans les politiques communes. Aujourd’hui, tout a changé ! L’Irlande a pris conscience d’une vérité, qui l’a fait changer d’avis : le développement résulte non pas simplement des subventions que l’Europe distribue, mais surtout de la solidarité entre les Européens.

Quant au point de vue du président de la République tchèque, permettez-moi d’émettre un avis de constitutionnaliste.

Il me semble assez étonnant qu’un président de la République, élu par le parlement tchèque et n’ayant aucune légitimité en tant que tel, soit capable de contrer des décisions prises par ce même parlement, seul organe légitime sur le plan constitutionnel pour approuver ou non un traité !

Le président de la République tchèque essaie de retarder une ratification dont il a la responsabilité technique, mais dont il n’a aucunement la responsabilité politique ou constitutionnelle. Le traité de Lisbonne sera donc ratifié tôt ou tard – le plus tôt sera le mieux – par M. Klaus, qu’il le veuille ou non, car il n’a le choix ni sur le plan constitutionnel ni sur le plan politique !

Permettez que je m’arrête quelques minutes sur le traité de Lisbonne.

Ce traité a surtout pour objet d’être efficace après dix années de semi-paralysie imputable au malheureux traité de Nice et au rejet du traité constitutionnel. Le traité de Nice, que nous appliquons depuis 2000, ne nous a pas permis de prendre des décisions efficaces, du fait de règles de majorité trop peu nombreuses et d’une représentation des principaux États qui n’était pas à la hauteur de leur poids démographique et économique réel.

Dans l’actuel traité, les règles de majorité et la représentation des États seront différentes, ce qui est important.

Autre point important – et je ne suis pas d’accord avec ceux qui affirment qu’il s’agit d’un simple copier-coller du traité constitutionnel –, nous avons retiré du traité antérieur, rejeté par plusieurs États, tout ce qui relevait de la théologie et qui ne dépendait ni du droit ni de la politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Nous n’aurons pas à nous poser la question de savoir quelle est la nature juridique de l’Union européenne. L’essentiel, pour nous, est que l’Union européenne existe et qu’elle fonctionne.

Pour nous, le traité de Lisbonne, ce doit être tout le traité, mais que le traité !

Rappelons-nous que ce traité éclaircit les compétences des uns et des autres : celles de l’Union européenne, celles des États, mais aussi les compétences partagées. Cela signifie que l’Union européenne n’aura pas à intervenir dans le domaine qui relève des États et que les États devront laisser l’Union européenne agir dans les domaines qui sont les siens. C’est ainsi que doit être appliqué le traité de Lisbonne.

Ce traité devrait nous permettre d’avancer dans les domaines où l’Europe ne progresse pas suffisamment vite depuis dix ans. Il s’agit ainsi de débloquer toute une série de sujets sur lesquels nous sommes paralysés actuellement. Par exemple, la commission des affaires européennes du Sénat travaille sur l’application du programme de Stockholm, ce qui inclut également le programme antérieur, lequel n’a été mis en œuvre qu’à hauteur de 50 % !

Il s’agit également de sélectionner les priorités, c'est-à-dire de ne pas s’occuper de tout. L’Union européenne ne doit pas traiter de ce qui ne relève pas de ses attributions, mais, en revanche, elle doit explorer intégralement tout ce qui ressortit à son domaine de compétence.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Enfin, il s’agit de donner à l’Europe les moyens de ses politiques publiques. N’oublions pas que l’Europe a pour particularité de reposer sur des bases budgétaires extrêmement étroites.

Si les crises des politiques publiques, comme celle de la politique agricole commune, sont aussi fortes, c’est qu’il n’y a aucune marge de manœuvre financière. Les États se sont mis d’accord pour disposer d’un budget reposant sur des bases si étroites qu’il est impossible à l’Union européenne de travailler correctement.

Appliquer le traité de Lisbonne, c’est aussi être réaliste.

Nous devons avoir en permanence à l’esprit le fait que l’Union est une fédération d’États, qui fonctionne à rebours de tout ce que l’histoire nous a appris. Toutes les fédérations d’États qui se sont construites ont commencé par mettre en commun la monnaie, la diplomatie, la défense. A contrario, depuis cinquante ans, nous mettons en commun ce qui relève de la compétence des États partout ailleurs, et nous n’avons pas encore réussi à obtenir un minimum de diplomatie et de défense communes ! Quant à la monnaie commune, elle n’intéresse que la moitié des États membres, ce qui tout de même paradoxal !

C’est sur ces points que nous devons progresser. C’est ce que la France essaie de faire en avançant sur la voie de la diplomatie, de la défense, de la monnaie. Nous œuvrons pour que la part des États européens relevant de fait de la zone dollar soit toujours moins importante, et que nous nous retrouvions tous dans la zone euro.

Je terminerai mon intervention en évoquant l’importance que le traité de Lisbonne accorde aux parlements nationaux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… et donc à notre assemblée.

Nous devons nous emparer des compétences que le traité de Lisbonne nous donne. §Cela veut dire que nous devrons assurer un suivi beaucoup plus efficace des politiques menées par l’Union européenne que celui que nous avons mis en place jusqu’à présent, faute de moyens et de droits.

Nous devrons exercer également un contrôle plus efficace des compétences de l’Union grâce aux instruments que le traité de Lisbonne nous accorde : suivi des projets de directive ou de règlement, contrôle de la subsidiarité, etc. Cela va jusqu’à la possibilité offerte aux parlements nationaux et à leurs assemblées, ensemble ou séparément, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes sur ces domaines.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles nous n’avons aucun problème à faire confiance au Président de la République pour nous représenter au Conseil européen !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

Mesdames, messieurs les sénateurs, je m’efforcerai de répondre aussi complètement que possible aux nombreuses interrogations qui ont été soulevées fort utilement par tous les orateurs.

Je veux dire au président de la commission des affaires européennes, M. Hubert Haenel, que je comprends son inquiétude à la lecture du rapport d’Elmar Brok sur la sujétion du futur service européen pour l’action extérieure au contrôle du Parlement européen. Ce point a été soulevé également excellemment par M. Jean-Pierre Chevènement.

Les gouvernements sont très vigilants, car il ne s’agit évidemment pas de placer ce futur service diplomatique sous le contrôle du Parlement européen.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

Nous sommes tous d’accord avec la lettre et l’esprit des institutions, que je rappelle : le Haut représentant sera membre du Conseil – il représentera donc les États – et vice-président de la Commission ; à ce titre, il sera donc en contact avec le Parlement européen.

Il devra coordonner l’action extérieure de l’Union, jusque-là dispersée entre les différents commissaires et les représentants de l’Union suivant les domaines – cela va des négociations commerciales à l’aide au développement, en passant par la PESC –, et mener cette action en synergie avec les États.

C’est là une réponse préventive – mais j’y reviendrai à l’argument de l’usine à gaz développé tout à l’heure par M. Chevènement. J’ai trouvé l’image légèrement excessive, car elle correspond mieux, de fait, à la situation actuelle. En effet, c’est aujourd’hui que l’Union européenne souffre de la dispersion de ses compétences. L’Union est incapable, aujourd’hui, de développer une action extérieure cohérente, chaque commissaire menant sa petite politique étrangère dans son coin. Or, le Haut représentant sera chargé de coordonner ces actions, en liaison avec la Commission européenne puisqu’il en est vice-président et, en même temps, pour le compte des États membres. Il garantira donc doublement la cohérence, en coordonnant l’action extérieure de l’Union en synergie avec les États.

Ce travail sera évidemment difficile, mais passionnant, le Haut représentant étant à la jonction des politiques étrangères des États et de l’action de l’Union européenne. Or nous souhaitons précisément que celle-ci soit en phase avec notre action sur le plan national.

S’agissant de la lutte contre le réchauffement climatique et de la compensation financière en faveur des États membres qui disposent de crédits d’émissions non consommés, la question se pose effectivement de savoir si, oui ou non, ces États pourront se prévaloir de ces crédits au-delà de 2012. Ce point fait actuellement l’objet de négociations, monsieur Haenel, et je ne saurais donc le trancher devant vous cet après-midi.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d’État

Par ailleurs, le développement du marché des quotas d’émission de carbone correspond à nos objectifs, puisqu’il était prévu dans le paquet « énergie-climat ». Ce marché est l’un des instruments devant permettre à l’Union européenne de respecter l’objectif de diminution de 20 % des émissions globales de carbone. La France, vous le savez, est l’un des rares pays de l’Union européenne à avoir satisfait, et même dépassé, les objectifs de Kyoto : elle occupe donc une place avantageuse sur ce marché. Pour la suite, s’agissant de la clé de répartition entre les détenteurs de quotas, j’en reviens à la réponse précédente. Nous sommes très attentifs à ce marché, parce qu’il représente aussi l’une des ressources éventuelles pour financer la « décarbonation » de nos économies. Mais, comme je l’ai dit, je ne peux pas répondre aujourd’hui à une question qui porte sur une négociation en cours.

M. Jacques Blanc s’inquiète lui aussi de l’ambiguïté des nouvelles institutions de l’Union européenne. Comment le fonctionnement de la « présidence stable » sera-t-il compatible avec le maintien des présidences tournantes ? Vous avez en partie répondu à cette question en expliquant que la présidence tournante, qui va continuer, s’appliquera aux conseils des ministres techniques et non plus au conseil RELEX, relatif aux affaires internationales, qui relèvera de la compétence du président stable et du Haut représentant.

Vous vous êtes également demandé comment fonctionneraient les relations entre le « président stable », le président de la Commission et le Haut représentant. On peut soit user de l’ironie et parler d’un schéma très compliqué, de millefeuille institutionnel, pour employer les formules toujours très percutantes de M. Chevènement, soit penser, comme M. Portelli, que l’Union européenne est un exemple sans précédent de confédération d’États, dont les membres ont décidé de partager leur souveraineté, exercice par définition difficile. Beaucoup de choses dépendront en effet des décisions qui seront prises dans les semaines qui viennent. Le choix des personnes destinées à occuper les postes de « président stable » et de Haut représentant va colorer profondément les fonctions en question. Aurons-nous un président fort ou bien un simple coordinateur de l’action des chefs d’État ? Les deux options restent possibles, et les chefs d’État devront trancher entre eux ; ils vont d’ailleurs se voir cette semaine à cette fin.

Quant au Haut représentant, me fondant sur le travail interne mené avec Bernard Kouchner au Quai d’Orsay, je ne vous cache pas que le Gouvernement a une vision ambitieuse du futur service européen d’action extérieure. Il y voit un multiplicateur de puissance plutôt qu’un concurrent de notre diplomatie nationale, précisément parce que ce service diplomatique européen permettra de mieux coordonner l’action de l’Union et travaillera en synergie avec les États. De ce point de vue, nous ne fuyons pas nos responsabilités – je vois venir l’argument selon lequel ce serait un pari pascalien – : la réaction frileuse qui consisterait, face à l’apparition d’une nouvelle structure européenne, à conserver nos services diplomatiques tels qu’ils sont, et donc à limiter notre influence au sein de l’Union européenne, serait à mon avis contreproductive. Là encore, la personnalité du Haut représentant, la taille et l’expérience du pays dont il doit être le ressortissant sont des éléments absolument essentiels. Je ne vais pas jouer au jeu des nominations, car ce n’est pas de mon ressort, la décision étant prise par le Président de la République, mais, dans mon esprit, la mission du Haut représentant revêt une importance extrême pour les ambitions de l’Union européenne. J’y vois un démultiplicateur de l’action de notre pays et non pas un obstacle.

L’expérience des crises internationales nous apprend que les Irlandais ne sont pas les seuls à avoir besoin de l’Union européenne pour survivre dans la tourmente du monde. La France, avec ses 65 millions d’habitants, reste une grande puissance, mais elle a aussi besoin des 500 millions d’Européens pour peser dans les grands dossiers en cours de négociation. Ainsi, j’ai participé à la négociation relative à l’implantation du site de recherche sur la fusion thermonucléaire, installé aujourd’hui en France à Cadarache : si nous avions été seuls, nous n’aurions pas obtenu, face aux Japonais, aux Coréens et aux Américains, que cet accélérateur soit construit chez nous. Il n’en a été ainsi que parce que notre dossier pesait du poids de 500 millions d’Européens ; voilà la leçon que je tire de cette expérience. Faisons donc en sorte que notre action se trouve en synergie avec la masse critique que représentent ces 500 millions d’hommes et de femmes et le tiers du PNB de la planète !

Je suis aussi patriote que vous, monsieur Chevènement, mais je suis Européen par intérêt, précisément parce que l’Union européenne joue le rôle de démultiplicateur de la puissance française.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d’État

Nous verrons, monsieur le sénateur ! Mais je vais vous répondre dans un instant.

Quant au périmètre de compétence du Haut représentant et du service européen d’action extérieure, vous avez compris que je défends une option ambitieuse : la politique de voisinage, monsieur Blanc, figure naturellement dans ce périmètre.

Quant à l’Union pour la Méditerranée, l’UPM, un membre de mon cabinet est désormais en charge de ce dossier, en liaison avec les équipes de M. Henri Guaino, car l’enjeu est de taille. Telle est ma conviction depuis que j’ai entendu le discours tenu à Toulon, en février 2007, par celui qui, à l’époque, n’était que candidat à la présidence de la République. Cet enjeu est fondamental parce que l’Afrique va bientôt compter 2 milliards d’habitants. Il est donc impensable que l’Europe ne s’en préoccupe pas. Nous avons par conséquent besoin d’une sorte de « maison commune » rassemblant les Vingt-sept et le monde méditerranéen.

La mise en place de l’UPM est complexe et elle a été parasitée par la crise de Gaza ; mais l’UPM est loin d’être morte. Des projets extrêmement importants doivent être montés, gérés et pilotés, notamment dans le domaine de l’énergie, mais nous travaillons aussi activement sur d’autres sujets. J’espère donc que nous serons très rapidement en mesure de reparler de l’UPM, non pas en termes institutionnels ou de nominations – nous progressons à cet égard –, mais en termes de programmes concrets de développement pour toute la région.

M. Ries a soulevé beaucoup de questions, et je voudrais moi-même lui en poser trois.

Premièrement, monsieur Ries, vous avez critiqué la politique commune de contrôle de l’immigration que nous essayons de mettre en place au niveau européen, notamment par l’harmonisation de nos politiques de délivrance des visas et de protection des côtes. Allez-donc en Grèce : vous verrez comment ce pays est littéralement saturé de clandestins, au point que son équilibre interne est menacé ! La droite n’est pas la seule à le dire, car la Grèce a maintenant un gouvernement de gauche. J’aurais souhaité que vous entendiez les propos tenus hier par le nouveau ministre grec des affaires européennes, un socialiste, sur la situation extrêmement difficile de son pays. L’an dernier, la Grèce a arrêté – c’est bien le mot – 150 000 clandestins, qui proviennent de Turquie et arrivent sur les côtes de la Grèce – la façade maritime, compte tenu des nombreuses îles, est de quelque 13 000 kilomètres – à bord d’embarcations qui coulent à quelques centaines de mètres de la plage, permettant à leurs passagers de se déclarer réfugiés. Toutes ces personnes ne peuvent évidemment pas rester en Grèce et se retrouvent ensuite dans l’espace Schengen. Telle est la réalité !

On peut trouver cette situation normale et dire, comme vous le faites, que l’Europe doit « s’accepter comme une terre d’immigration et d’accueil pour tous les réfugiés ». Dans ce cas, nous sommes loin d’en avoir fini, car il y a des dizaines de millions de candidats. Chaque année, des dizaines, voire des centaines de milliers de clandestins entrent dans l’Union européenne ! La Turquie est malheureusement devenue la porte d’entrée principale pour ces clandestins : ils accèdent à l’espace Schengen soit par voie de terre, soit par voie de mer à partir des côtes turques. Sans parler des clandestins qui arrivent en ce moment à Malte ou sur les côtes italiennes, en provenance de Libye !

La plupart des États membres de l’Union européenne riverains de la Méditerranée sont soumis à une pression qui devient très difficile à assumer. D’où l’idée émise par le Président de la République, en liaison avec M. Berlusconi – mais je peux vous assurer, monsieur Ries, que tous les gouvernements méditerranéens avec lesquels j’ai des discussions partagent ce sentiment d’urgence. Ce n’est pas faire preuve de racisme, d’ostracisme ou de xénophobie que de dire qu’un pays démocratique a le droit de gérer l’immigration au lieu de la subir. Tous les grands pays d’immigration qui sont aussi des démocraties, qu’il s’agisse du Canada, des États-Unis ou de l’Australie, mènent une politique de l’immigration, fondée sur des lois et des règles, et ne se contentent pas de subir la pression migratoire. Pensez-vous qu’il soit raisonnable de dire que l’accord de réadmission signé avec la Libye relève d’une mauvaise idée ? Est-il vraiment raisonnable de refuser l’accord de réadmission avec la Turquie ?

Votre deuxième question portait sur le soutien de l’Union européenne aux pays en voie de développement en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Nous y sommes évidemment favorables ! Vous verrez d’ailleurs, dans le document final qui sera publié à l’issue du Conseil européen, que les crédits prévus vont jusqu’à 100 milliards d’euros, ce qui est loin d’être négligeable ! Mais où trouver cet argent et à qui l’attribuer ? Ne faites-vous aucune différence entre les grands pays émergents qui se cachent derrière les pays en voie de développement et ces pays en voie de développement eux-mêmes qui sont dépourvus de tout ? Les mêmes règles doivent-elles s’appliquer à tous et doit-on transférer l’argent et les technologies de la même façon ? C’est là que la négociation est difficile et qu’il nous appartient d’opérer une distinction, à partir des critères que sont le niveau d’émissions et le PNB : la négociation les prend en compte. L’exercice est difficile, mais ne dites pas à l’avance que nous refusons d’aider les pays en voie de développement.

Enfin, s’agissant de la taxe carbone, vous avez émis le vœu que l’Union européenne adopte une méthode moins comminatoire : mais qu’avez-vous d’autre à proposer ? Vous êtes maire d’une grande ville, monsieur Ries, et vous êtes donc payé pour connaître les problèmes de l’immigration, dont j’ai parlé à l’instant, et ceux du développement. D’une part, nous tenons le discours de la générosité, en aidant au moyen des transferts de technologies et d’argent ; d’autre part, nous brandissons l’arme de dissuasion qui consiste à soumettre tout le monde aux mêmes règles, pour préserver nos entreprises. Sinon, nous risquons d’institutionnaliser le dumping écologique, et nous serons les dindons de cette farce : les émissions de gaz à effet de serre ne diminueront pas et de graves inégalités se développeront.

M. Chevènement, pour lequel j’éprouve une très grande estime, a évoqué dans son intervention le soupçon d’illégitimité qui entacherait le traité de Lisbonne. Monsieur le sénateur, ceux qui ont voté « non » au référendum de 2005 en France, vos anciens amis politiques ou ceux qui sont restés vos amis, représentaient une coalition improbable…

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d’État

Un soupçon d’incohérence ne planait-il pas sur un tel assemblage ?

Deuxièmement, vous vous moquez de MM. Zinedine Zidane et Umberto Eco, en demandant pourquoi l’Europe ne serait pas dirigée par des personnalités aussi éminentes. Mais, monsieur Chevènement, vous qui avez étudié l’histoire, pensez-vous vraiment que MM. Chamberlain et Laval, au moment où l’orage menaçait l’Europe, se sont mieux comportés que des amateurs ? Réfléchissez-y !

L’Union européenne nous offre un certain nombre de garde-fous. Je préfère un système collectif, où tout le monde s’assied autour de la table pour prendre des décisions en cas de crise. Regardez ce qui s’est passé pendant la crise de 2008 : heureusement qu’un cadre européen nous a permis de gérer ensemble la crise financière. Comparez avec la situation qui a prévalu en 1929… Regardez ce qui s’est passé lors de la crise géorgienne de l’été 2008 et comparez avec les crises précédentes. Il n’est pas si mal de disposer d’un cadre européen, et vos moqueries me paraissent déplacées car, dans notre histoire, il aurait mieux valu, dans l’intérêt même de la France, que certains individus soient footballeurs !

Enfin, s’agissant du Conseil de sécurité, la France n’a nullement l’intention de partager sa place de membre permanent non plus que la décision en matière nucléaire. Pour autant, nous avons fait des propositions, que les Allemands ont d’ailleurs refusées. Depuis lors, cette question reste pendante.

Aujourd’hui, pour résumer les choses, le Conseil de sécurité intervient dans les affaires politico-militaires, cependant que le G 20, formé voilà quelques années, qui regroupe les grandes puissances développées et en développement, est compétent pour les affaires économiques et politiques. Pour le moment, il faut nous accommoder de cette répartition des rôles, qui n’est pas aussi négative qu’on veut bien l’indiquer.

Je voudrais dire maintenant un mot sur les suites du G 20 et sur les moyens pour notre économie d’éviter d’être prise en tenaille entre, d’une part, les économies à bas salaires et, d’autre part, les effets des dévaluations compétitives du dollar et du yuan.

Monsieur Chevènement, nous sommes aussi conscients que vous de cette situation, et certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont eu raison de dire qu’elle sera au centre de toutes les préoccupations au cours des mois et des années qui viennent.

Il est exclu que nous servions de monnaie de réserve gratuite et d’alibi à une dévaluation compétitive permanente des deux monnaies que j’ai citées. Constituons d’abord une union économique solide, qui nous permettra par la suite de gérer la compétition monétaire.

M. Yves Pozzo di Borgo a soulevé plusieurs questions ayant trait à la politique de défense européenne et à la politique spatiale.

S’agissant de la première, il a rendu hommage au travail de « volontarisme partagé » que j’essaie de mener auprès de nos partenaires, travail qui n’est guère aisé.

Quant à savoir si le futur Haut représentant pour la politique étrangère de l’Union européenne sera compétent sur ces sujets, la réponse est positive : celui-ci étant le représentant du Conseil, il disposera d’autant de prérogatives que le Haut représentant actuel.

Bien entendu, il ne faut pas communautariser les mécanismes militaires. Une négociation est en cours sur ce dossier, mais ce point de vue est partagé.

En matière de politique spatiale, l’article 189 nouveau du traité de Lisbonne traite des mesures nécessaires à l’élaboration d’une politique spatiale européenne, qui peut prendre la forme d’un programme spatial européen.

Les dépenses européennes dans ce domaine représentent approximativement le quart de celles des États-Unis. C’est dire si nous avons du retard à rattraper. Pour autant, notre bilan est loin d’être médiocre puisque nous avons réussi à mener à bien des projets aussi réussis que Galileo et le GMES, ou Global monitoring for environment and security. Je me suis d’ailleurs rendu récemment en Italie, dans une usine du groupe Thales Alenia Space, qui œuvre notamment dans le système Galileo.

Citons aussi le système Musis, ou Multinational space-based imaging system, le futur système militaire d’imagerie spatiale destiné à des missions de surveillance, de reconnaissance et d’observation, actuellement en phase de développement, qui recourra à des satellites d’observation optique et des satellites radars.

Enfin, l’Europe est aussi très active en matière de lanceurs. M. Portelli, me semble-t-il, évoquait tout à l’heure les aspects budgétaires de cette question. Il convient d’être très attentif, mais l’Europe doit disposer des moyens nécessaires pour mener à bien une véritable politique spatiale, pour laquelle elle possède toutes les compétences requises.

M. Billout, quant à lui, critique et le traité de Lisbonne et la politique européenne des États de l’Union. C’est son droit, et je ne le lui dénie aucunement. Pour autant, monsieur le sénateur, avec tout le respect que je vous dois, je ne peux vous laisser dire que le verdict des peuples a été « bafoué » et que « la ratification du traité de Lisbonne aura bien été une parodie de démocratie ».

Je trouve piquant que le parti communiste utilise les mêmes arguments que certains opposants irlandais au traité, qu’il s’agisse des partisans de l’avortement ou de la droite catholique la plus extrême, que les conservateurs britanniques de M. Cameron ou bien de l’extrême droite.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

Ce qui est encore plus curieux, c’est que vous vous sentiez obligé de voler au secours du président tchèque, Václav Klaus, …

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. …en reprenant à votre compte la référence aux Allemands des Sudètes, ce qui ne manque pas d’étonner, pour qui connaît un tout petit peu l’histoire.

M. Michel Billout s’exclame.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

Enfin, M. Pierre Hérisson, que je remercie de son soutien au nom de la commission de l’économie, s’est interrogé sur la manière d’aider les collectivités territoriales à « entrer » dans l’économie verte. Pour ma part, je leur suggérerai de mieux utiliser les fonds structurels européens et les autres aides budgétaires que l’Europe peut accorder.

La France peut bénéficier chaque année d’au moins 1, 5 milliard d’euros d’aides de la part de l’Union européenne ; aussi, il serait souhaitable que les collectivités territoriales veillent à déposer le plus grand nombre possible de dossiers de financement. C’est pourquoi le Premier ministre et moi-même travaillons actuellement à une politique beaucoup plus active visant à améliorer la consommation par les collectivités des crédits auxquels elles peuvent prétendre. À cette fin, Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, et Sophie Briard-Auconie, eurodéputé, ont été nommés parlementaires en mission. Nous attendons les conclusions de leur travail, qui vous seront soumises.

Au terme de cette séance qui fut fort intéressante, j’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, avoir répondu de manière aussi complète que possible à l’ensemble de vos questions.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’immigration.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été récemment installés à la vue de tous.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le ministre, vous venez d’expulser par charter trois Afghans vers un pays en guerre. Au regard de l’engagement militaire de la France en Afghanistan, ces expulsions sont incohérentes et votre ligne de défense par le droit ne saurait tout justifier.

Nous avons su faire preuve d’humanité dans le passé en trouvant une solution européenne de protection temporaire pour les Kosovars.

Les expulsions auxquelles vous avez procédé, contrairement à vos attentes, n’ont pas rencontré l’adhésion de nos concitoyens. Les Français n’aiment pas qu’on ajoute du malheur au malheur.

Devant cette indignation, vous annoncez un grand débat sur l’identité nationale. Est-ce le signe de convictions profondes ou d’arrière-pensées électoralistes ? Je ne tranche pas. Mais, de toute évidence, il s’agit, devant les problèmes quotidiens de ceux qui font la France, de faire diversion.

Le « zapping politique » fait office de stratégie gouvernementale, surtout lorsque ce gouvernement est en difficulté. Vous affirmez que ces Afghans ont été renvoyés dans des zones sécurisées. Or je constate que, pour le ministère des affaires étrangères, aucune zone n’est sûre et que, sur son site, il est déconseillé aux Français de se rendre en Afghanistan. Ce qui vaut pour les Français ne vaudrait-il pas pour les Afghans ? Non seulement vous contredisez le ministère des affaires étrangères, mais vos services se substituent au Haut Commissariat pour les réfugiés qui, lui, a renoncé à établir une cartographie sécuritaire de l’Afghanistan selon les zones tant l’instabilité est forte dans ce pays.

La France va-t-elle, pour satisfaire les Britanniques, opérer un tri sélectif d’êtres humains en fonction de leur provenance de zones que vos services qualifient de sûres ? En quoi vos services sont-ils habilités à définir les zones sûres et celles qui ne le sont pas en Afghanistan et de quels moyens disposent-ils pour le décider ?

Monsieur le ministre, j’espère sincèrement qu’il n’arrivera rien aux personnes qui ont été reconduites à la frontière, pour elles, d’abord, pour notre conscience collective, ensuite !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Madame la sénatrice, je ne répondrai qu’au volet de votre question relatif à l’Afghanistan. Je reviendrai sur l’identité nationale si une autre question m’est posée à ce sujet.

Pour ce qui concerne les retours forcés en Afghanistan, la situation est simple.

D’abord, en matière d’asile, la France est, sinon le pays le plus généreux au monde, du moins le second après les États-Unis.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Nous sommes le pays le plus généreux en Europe !

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Si les demandes d’asile augmentent, les octrois d’asile progressent également de manière importante. La France n’a donc pas de leçons de générosité à recevoir sur ce sujet !

Par ailleurs, les filières criminelles et mafieuses de l’immigration clandestine sont un fléau qui menace le monde, et l’Europe en particulier. Ces filières très structurées, très professionnalisées, font payer très cher – et pas seulement aux Afghans – la possibilité de venir jusqu’à Calais pour essayer de passer au Royaume-Uni.

J’ajoute que de nombreux autres pays procèdent à des reconduites à la frontière. C’est le cas de la Suède, du Royaume-Uni, de la Belgique, des Pays-Bas ou encore de l’Italie, et cette liste n’est pas exhaustive. Sauf à décider de devenir la cible privilégiée des passeurs, la France ne peut donc pas s’isoler dans un refus de procéder à des reconduites à la frontière.

Avant de décider de reconduire trois personnes à la frontière afghane, nous avons vérifié plusieurs points.

Premièrement, que leur demande d’asile avait été rejetée. Ces trois personnes avaient effectivement été déboutées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, par une juridiction civile, par une juridiction administrative et par la Cour européenne des droits de l’homme.

Deuxièmement, qu’elles avaient refusé un retour volontaire, que 180 autres Afghans ont, pour leur part, accepté depuis le début de l’année.

Troisièmement, qu’elles allaient retourner dans les zones les moins insécurisées ou les plus sûres, c’est-à-dire dans un périmètre de 200 kilomètres autour de Kaboul.

Voilà, madame la sénatrice, comment nous avons agi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le ministre, vous avez sans doute été surpris par le mauvais accueil que cette vilaine opération a eu dans l’opinion publique, une large majorité des Français ayant indiqué qu’elle y était tout à fait opposée.

Vous avez alors « botté en touche », comme on dit au rugby, et vous avez annoncé un grand débat sur l’identité nationale. Vous considérez sans doute qu’il s’agit d’une bonne petite opération politique parce que cela devrait gêner la gauche.

Monsieur le ministre, je vous réponds en toute tranquillité que nous ne sommes absolument pas gênés par ce débat. Vous n’avez pas le monopole de la fierté nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Si ce débat permet d’évoquer les valeurs qui sont les nôtres, de sensibiliser les jeunes – en dépit de la suppression de 16 000 postes d’enseignants, dont la moitié en histoire –, bref, si ce débat permet de progresser, nous serons avec vous.

En revanche, si ce débat vise à fermer la France, à caresser dans le sens du poil la bête jamais endormie…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Veuillez conclure, monsieur Yung. Vous disposez d’une minute : c’est le règlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, si, par ce débat, c’est le nationalisme que vous chercherez à mettre en avant, alors, nous ne serons pas avec vous.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le ministre, le 22 septembre dernier, vous avez détruit les abris de fortune des migrants qui étaient installés à Calais, sur un site appelé « la jungle », et vous vous êtes empressé d’annoncer, avec le Royaume-Uni, l’organisation de retours forcés vers l’Afghanistan, ce pays en guerre qu’ils avaient fui.

Il semble que vous soyez le seul à ignorer que l’Afghanistan est un pays où la sécurité n’est pas assurée !

Je le dis avec force : ces retours sont indignes de notre pays et de ses valeurs, indignes de l’Europe. Je constate d’ailleurs qu’une bonne partie de l’opinion publique y est hostile.

La situation appelle, au contraire, des solutions humaines et durables, notamment en termes d’accès effectif au droit d’asile et de mise en place de structures d’hébergement offrant des conditions d’accueil conformes à la dignité des personnes.

Permettez-moi, à l’occasion de cette séance, de me faire le relais de l’appel européen lancé par France Terre d’asile, qui a déjà recueilli de très nombreuses signatures et dont l’objet est de demander aux États membres de l’Union européenne « la suspension temporaire des renvois forcés vers l’Afghanistan tant que règnent, dans ce pays, le chaos et l’insécurité généralisée, [et] la recherche de solutions immédiates de protection sans porter préjudice à la possibilité de demander l’asile ».

Votre politique est dangereuse, contre-productive, inhumaine, coûteuse et purement idéologique.

À cet égard, le fait de lancer, à la veille des élections régionales, un grand débat sur les valeurs de l’identité nationale masque mal l’échec de la politique du Gouvernement en matière économique et sociale.

J’ajoute qu’un tel débat a des connotations pétainistes

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ne considérez-vous pas que, en ces temps de crise économique, plutôt que d’exacerber les nationalismes, notamment pour flatter l’électorat d’extrême droite, la France et l’Europe auraient tout intérêt à changer de politique en matière d’asile et à instaurer un régime d’asile européen commun plus protecteur et solidaire entre les États membres et le reste du monde ?

Monsieur le ministre, allez-vous contribuer à la suspension de l’application du règlement de Dublin II ?

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Madame la sénatrice, « la jungle » est le nom que les migrants donnaient à un site où régnaient le racket, la violence et l’exploitation.

Je tiens à rappeler que tous les mineurs étrangers isolés – la France se distingue par le fait qu’elle ne reconduit jamais des mineurs étrangers isolés à la frontière – se sont vu proposer une solution d’hébergement dans des centres spécialisés, où ils ont été nourris et logés, c’est l’évidence, mais où, de plus, on leur apprend le français, on les aide à bâtir un projet professionnel. Nous n’avons pas à rougir de ce que nous avons fait.

Quant aux résultats, ils sont clairs. Voilà quelques mois, le Calaisis et la côte accueillaient à peu près 1 500 migrants en situation irrégulière. Selon les estimations des services de police et des associations, ils seraient aujourd’hui entre 150 et 200. De ce point de vue, l’opération qui a été menée a donc été un succès.

Vives exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Nous avons scrupuleusement respecté les accords que nous avons passés avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Les critères auxquels j’ai fait référence dans ma réponse à Mme Khiari sont ceux que nous demande de respecter le HCR. N’ayez donc pas d’inquiétudes de ce point de vue.

J’entends votre demande de moratoire. Mais pourquoi le limitez-vous à l’Afghanistan ? Aujourd’hui, on compte plus de vingt pays en guerre à travers le monde. Est-ce que la Guinée Conakry, le Nigéria, le Pakistan méritent moins d’attention ?

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

M. Éric Besson, ministre. Voulez-vous dire qu’une personne qui entrerait illégalement sur notre territoire et dont la demande d’asile serait rejetée aurait systématiquement le droit de rester en France pour la seule raison qu’il vient d’un pays en guerre ? Si vous dites cela, vous dites que la France est prête à accueillir des dizaines de millions d’étrangers !

Protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous ne sommes pas les seuls pourvoyeurs d’asile !

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

La France et l’Europe ! Cela ne me paraît raisonnable.

Enfin, la référence à 1940 et à Pétain est indigne, mais je comprends que le parti communiste n’ait pas totalement réglé cette question…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le ministre, votre réponse n’est pas appropriée, c’est le moins que l’on puisse dire.

En effet, si l’on fait le lien avec le débat que vous avez si « opportunément » lancé sur les valeurs de l’identité nationale, je ne saurais dire mieux que vous, en 2006, qui définissiez alors ainsi la stratégie du candidat Nicolas Sarkozy : « Trouver des boucs émissaires qui lui permettent, sur un coup médiatique, de capitaliser de futurs suffrages. »

Et vous ajoutiez : « Il se pose en défenseur du peuple face aux étrangers, tous assimilés hâtivement à des délinquants en situation irrégulière. »

Aujourd’hui – autres temps, autres mœurs ! –, comment allez-vous délivrer des « cartes d’identité nationale » en remplacement de la carte nationale d’identité ? Peut-être avec des points, comme le permis…

Ce matin, le Président de la République a honoré la « terre ». Qui d’autre sera honoré ? Les patrons qui mettent la clé sous la porte et placent leur argent dans les paradis fiscaux ? Ou les salariés immigrés qui travaillent sur nos chantiers, qui paient leurs impôts et leurs cotisations ? La réponse à cette question devrait être intéressante ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

On évoque régulièrement, et souvent pour la critiquer, la politique de la France dans le domaine de l’immigration et de l’asile. Mais ce ne sont plus des sujets que nous pouvons aborder à l’échelon strictement national. C’est pourquoi, monsieur le ministre, ma question portera sur le traitement de l’asile politique et de l’immigration au niveau communautaire.

Ces thèmes ont été au cœur de la présidence française de l’Union européenne. Ils ont donné naissance à un symbole fort : le Pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté par le Conseil européen le 16 octobre 2008, sur proposition de la France.

Voilà un texte sur lequel les chefs d’État et de Gouvernement se sont accordés et qui réaffirme la nécessité d’une gestion harmonieuse et efficace des questions liées aux migrations. Cette gestion doit être globale et donc traiter à la fois de l’organisation de la migration légale et de la lutte contre l’immigration illégale. D’ailleurs, je me réjouis que ces questions soient à l’ordre du jour du Conseil européen des 29 et 30 octobre.

Je souhaite donc vous poser les deux questions suivantes. Un an après l’adoption du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, quelles sont les principales mesures qui ont pu être mises en œuvre ou dont l’application a au moins été amorcée ? Quelles dispositions concrètes ont été prises pour favoriser l’intégration dans les États d’accueil et pour renforcer la lutte contre l’immigration clandestine ?

Pour conclure, je ferai une dernière remarque en réaction à votre initiative tendant à l’organisation d’un grand débat sur l’identité nationale : ne serait-il pas opportun de s’interroger plus largement sur les composantes d’une identité européenne ? Autrement dit, pour vous, qu’est-ce qu’être européen aujourd’hui ?

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Monsieur le sénateur, vous avez eu raison d’aborder la dimension européenne de l’action que nous menons, dimension qui effectivement très importante en matière d’immigration et d’asile.

Vous avez également souligné à juste titre que mon prédécesseur, Brice Hortefeux, avait fait adopter par l’ensemble des pays de l’Union européenne, sous présidence française, un Pacte européen sur l’immigration et l’asile, lequel énonce des principes assez simples.

Nous nous trouvons dans un espace de libre circulation, l’espace Schengen. C’est un merveilleux acquis, peut-être l’un des plus beaux de la construction européenne. Mais cet acquis ne peut perdurer que s’il est assorti d’une vraie protection des frontières et d’une harmonisation progressive de nos politiques de l’asile.

Aujourd’hui, l’asile, en Europe, c’est un peu le supermarché : en fonction du pays auquel vous vous adressez, vous avez plus ou moins de chances d’obtenir l’asile. De ce point de vue, la France est, je le répète, particulièrement généreuse.

Il nous faut donc harmoniser cette politique de l’asile. Cela passe notamment – nous militons pour cela à Bruxelles – par la mise en œuvre du bureau d’appui dont le principe avait été arrêté lors de la signature du Pacte européen pour l’immigration et l’asile.

Pour le reste, il est vrai, monsieur le sénateur, que l’identité nationale française a une spécificité en ce que la France est une terre de paysans. Oui, madame Borvo, la France a un rapport à la terre qui est particulier ; il n’y a rien d’indécent à le rappeler ! Relisez Jaurès

Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

, relisez Péguy, relisez Braudel !

Hourvari.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Si ce sont là des noms qui vous font hurler, j’en suis navré pour vous ! En tout cas, ces hommes ont écrit sur le sujet des choses extrêmement intéressantes !

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Vous avez oublié Barrès !

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

M. Eric Besson, ministre. L’identité française ne s’oppose pas à l’identité européenne, mais elle n’est pas pour autant soluble dans cette dernière : il existe bien une spécificité française. Je prendrai un seul exemple pour illustrer mon propos : la laïcité. Nous avons des exigences particulièrement fortes pour ce qui touche à la laïcité, et je crois que tous les Français sont d’accord pour que nous persistions à cet égard.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Tout à l’heure, lorsque nous avons entamé le débat sur le tout prochain Conseil européen, nos collègues socialistes auraient souhaité que nous abordions plutôt le problème de la crise économique et financière.

Pour ma part, je me réjouis qu’une telle discussion ait lieu, car, derrière cette question, il y a en réalité beaucoup de souffrance. C’est pourquoi j’aimerais que, sur un tel sujet, on évite les cris et les invectives. Je regrette à cet égard l’attitude de certains de nos collègues, qui refusent d’écouter ce qui est dit.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, vous avez déclaré à plusieurs reprises dans la presse mener la même politique de l’immigration que celle que j’avais moi-même conduite comme ministre de l’intérieur et que, à l’époque, il est vrai, vous approuviez.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste s’esclaffent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Conduire une politique de l’immigration est une tâche difficile, mais nécessaire, et il n’existe pas de solution idéale. Mais êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à régulariser les étrangers en situation irrégulière, non pas aveuglément, bien sûr, mais sur la base de critères d’intégration, comme je l’ai fait moi-même en 1997 en donnant une suite favorable à 80 000 demandes sur les 140 000 qui étaient présentées ? Vous noterez au passage que je n’ai pas fait preuve de laxisme puisque 60 000 demandes avaient été rejetées.

Si vous appliquez la même politique, monsieur le ministre, pourquoi les ministres de l’intérieur des différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 ont-ils modifié à trois reprises la loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile, la loi RESEDA, que j’avais fait voter en avril 1998 ?

Pourquoi, en particulier, avoir supprimé la clause de régularisation au fil de l’eau, qui permettait d’éviter les régularisations massives ?

Par ailleurs, pourquoi vous fixez-vous des objectifs chiffrés, qui, vous le savez bien, interdisent aux préfets de procéder avec humanité ?

Pourquoi, enfin, vouloir jumeler l’immigration et l’identité nationale, mais pour les opposer, à la veille des élections régionales, alors que l’identité républicaine de la France se définit essentiellement non pas par rapport à l’étranger, mais à travers des valeurs positives de responsabilité, d’humanité et de droit ?

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

M. Eric Besson, ministre. Cher Jean-Pierre Chevènement, c’est pour moi un plaisir de vous répondre…

Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

C’est un plaisir de répondre : jusque-là, il n’y a pas matière à hurler !

En fait, la formule que j’ai employée a été raccourcie, car je ne pense pas que nous menions la même politique. J’ai dit que vous aviez fait du bon travail – j’espère que vous me pardonnerez ces propos ! – et que vous n’étiez pas suivi dans le groupe majoritaire auquel j’appartenais à l’époque, ce qui vous avait exposé à un certain nombre de difficultés.

La période dite des régularisations massives est terminée, d’abord parce que le Pacte européen que j’ai évoqué l’interdit désormais pour les vingt-sept pays de l’Union européenne et ensuite en raison du résultat des régularisations dont vous avez eu la responsabilité aussi bien que de celles auxquelles a procédé le Premier ministre espagnol, M. Zapatero. Celui-ci a d’ailleurs reconnu que, si c’était à refaire, il ne le referait pas parce que cela avait créé un très grand appel d’air.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Autrement dit, nous n’avons désormais pas le droit de procéder à des régularisations massives et, de toute façon, la période actuelle ne s’y prêterait vraiment pas ; je crois même que c’est le contraire de ce qu’il faut faire aujourd’hui.

La France accueille chaque année sur son sol 200 000 étrangers au titre du long séjour, 2 millions au titre du court séjour, et elle accorde la nationalité française à 110 000 étrangers par an. J’ai déjà dit tout à l’heure qu’elle était en outre le pays le plus généreux en matière d’asile.

Cela n’empêche nullement, comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, de procéder à des régularisations. Vous avez évoqué les régularisations au fil de l’eau. L’article 40 de la loi de 2007 permet d’y recourir suivant des critères comme le travail, par exemple.

Pour conclure, je vous poserai une question : pourquoi opposez-vous immigration et identité nationale ?

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

C’est vous qui les opposez !

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

M. Eric Besson, ministre. Nul ne suggère une telle opposition. Le Président de la République a expliqué ce que l’immigration avait apporté à notre pays et affirmé qu’il était à la tête d’une France métissée. Mais il faut mieux intégrer ceux que nous accueillons, ce qui suppose de bien leur expliquer ce que sont nos valeurs communes. L’immigration peut continuer à nous apporter beaucoup à condition que ses acteurs adhèrent à nos valeurs. Je ne vois rien là, monsieur Chevènement, qui puisse choquer le grand républicain que vous êtes.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le ministre, la politique que j’ai menée de 1997 à 2000 avait aussi pour objectif d’élargir les marges de manœuvre d’un gouvernement de gauche, ce qui n’est pas exactement votre ambition !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

J’ajoute que, depuis 1789, l’identité de la France se définit comme une identité républicaine, fondée sur une communauté de citoyens partageant des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Il n’y a pas lieu de revenir constamment sur cette définition, surtout à propos des problèmes posés par l’immigration, sauf à vouloir rouvrir le débat, tranché depuis 1889 par Ernest Renan, sur les deux conceptions de la nation : la conception citoyenne et la conception ethnique.

Il faut essayer de soustraire cette question de l’immigration aux surenchères du débat gauche-droite. C’est ce que j’ai fait, alors que votre politique consiste à faire de la surenchère par rapport au Front national. Elle risque surtout d’aiguiser les faux débats qui peuvent exister entre la droite et la gauche, en favorisant tous les extrêmes : d’un côté, la xénophobie, de l’autre, le « sans-papierisme » aveugle.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le ministre, à la faveur d’une émission radiotélévisée, vous avez annoncé dimanche que vous souhaitiez mettre en place un grand débat sur le thème de l’identité nationale.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

C’est vraiment le moment !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. C’est un sujet de société qui intéresse tous les Français.

Rires et manifestations d’incrédulité sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ce débat ne laissera personne indifférent et il n’évitera ni les polémiques ni les excès. D’après ce que j’ai entendu tout à l’heure dans cet hémicycle et lu ce matin dans la presse, le parti socialiste estime que l’idée fleure le nationalisme.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. Permettez-moi de rappeler la formule du général de Gaulle : « Être patriote, c’est aimer son pays, être nationaliste, c’est détester celui des autres. »

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je ne suis pas nationaliste ; je suis profondément patriote, comme nous tous.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le ministre, vous allez confier le débat public aux préfectures, aux parlementaires que nous sommes, mais aussi à nos homologues européens, en prévoyant d’établir une synthèse au mois de janvier prochain.

Vous avez également proposé que quatre séances de formation à l’instruction civique pour tous les adultes, sur la base du volontariat, soient organisées à partir du mois de janvier 2010 dans deux départements : les Bouches-du-Rhône et le Rhône. Cette expérimentation me semble intéressante.

Ma question est la suivante : pourriez-vous, monsieur le ministre, nous livrer les modalités de la mise en œuvre de ces deux actions que vous souhaitez mener dans les jours qui viennent ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

M. Eric Besson, ministre. Pourquoi ce débat sur l’identité nationale ? Parce que le Président de la République s’était engagé pendant la campagne électorale à proposer aux Français d’ouvrir un grand débat sur nos valeurs

Ah !sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Ce matin, j’étais en Grande-Bretagne…

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

… en compagnie du ministre, travailliste, de l’immigration. Aux journalistes français qui lui ont demandé ce qu’il pensait du débat sur l’identité nationale il a répondu qu’il le jugeait totalement légitime et que les Britanniques, à la demande de Gordon Brown, avaient d’ailleurs engagé le même type de débat : qu’est-ce qu’être britannique en 2009-2010 ? Quelle est la vision moderne de l’identité nationale ? Je suis heureux que de tels propos aient été tenus par un travailliste.

Du Mexique au Cameroun, en passant par l’Algérie et le Mali, tous les peuples sont fiers de leur identité nationale, et ils l’affirment haut et fort. Cette question ne pose apparemment un problème, je ne sais pas pourquoi, qu’à une partie de la représentation nationale.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Pour ce qui concerne la façon dont nous allons travailler, nous proposerons aux préfets et aux sous-préfets, …

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

… mais aussi – et, je l’espère, d’abord – à tous les parlementaires qui voudront bien s’impliquer, d’organiser dans leur département, dans leur sous-préfecture, dans leur circonscription, des débats avec nos concitoyens, avec les associations, avec les forces vives.

Vous avez eu raison de souligner que les Français, eux, se sont déjà engagés dans le débat, et je suis, comme vous, très heureux d’avoir pu le constater hier. Les élites peuvent dire ce qu’elles souhaitent : elles ont le droit et la légitimité pour ce faire ; mais le peuple s’est déjà saisi du débat, qui submerge les radios, les blogs, etc., et a commencé à s’interroger sur ce qui nous relie, ce qui forge une nation, ce qui fait de nous les membres de la même communauté nationale.

Pourquoi voulons-nous vivre ensemble ? Où est notre héritage ? Où sont nos valeurs ? Quel est notre destin commun ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Et tout cela, bien entendu, juste avant des élections…

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

M. Eric Besson, ministre. Nous n’allons tout de même pas rougir d’être capables de discuter ensemble de ce qui fait de nous les membres d’une même famille nationale !

Applaudissementssur les travées de l’UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions.

Les sénateurs de l’UMP sont sereins face à ce débat important, qu’il faut aborder avec beaucoup de calme, mais aussi avec beaucoup de clarté et de simplicité, et non pas de simplisme.

Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cela étant, je comprends parfaitement avec vous que, sur d’autres travées, on soit gêné de devoir répondre à cette question essentielle.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais évoquer la question sensible des mineurs étrangers isolés, et d’abord le problème de l’expertise médicale à laquelle la PAF, la police aux frontières, peut soumettre ceux-ci à leur arrivée en France en cas de doute sur leur âge réel. Sont alors suspects même ceux qui présentent un document d’identité, considéré comme faux, bien entendu…

Les services médico-judiciaires procèdent dans ce cas à des examens cliniques qui, selon le corps médical lui-même, ne peuvent que fournir une estimation très approximative de l’âge d’une personne : la marge d’erreur est de dix-huit mois. Comment admettre que le sort de ces jeunes puisse dépendre exclusivement de ces examens ? De plus, ceux-ci sont souvent pratiqués sans le consentement averti des mineurs eux-mêmes, qui ne bénéficient pas toujours de l’assistance d’un interprète.

Résultat : jusqu’à 60 % des personnes maintenues en zone d’attente se déclarant mineures ont été considérées par la PAF comme étant majeures.

Une telle procédure est indigne de la patrie des droits de l’homme. Tout mineur étranger isolé doit être présumé mineur en danger.

Que deviennent ensuite les mineurs « certifiés conformes » ?

Tout va à peu près bien jusqu’à leur majorité. S’ils ont été repérés, ils sont placés dans un centre d’accueil et scolarisés. Pourtant, une fois majeurs, ils ne sont plus protégés par un statut juridique. Ils se retrouvent sans ressources ni papiers, devenus irréguliers dans le pays où ils espéraient vivre et travailler. Leur avenir étant ainsi hypothéqué, ils deviennent la proie facile de filières criminelles. Ils ne peuvent même plus avoir de contacts avec les éducateurs et les travailleurs sociaux qui, pourtant, les ont suivis jusqu’à la veille de leurs dix-huit ans.

Que comptez vous faire, monsieur le ministre, pour mettre fin à cette situation honteuse, indigne de notre pays ? §

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

M. Eric Besson, ministre. Madame la sénatrice, je suis extrêmement surpris de la tonalité de votre question.

Riressur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

J’ai répondu tout à l’heure à propos de « la jungle », comme l’appelaient les migrants, que la France est l’un des rares pays au monde, l’un des rares pays en Europe à ne jamais reconduire à la frontière les mineurs étrangers isolés.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cela ne vaut que jusqu’à leurs dix-huit ans !

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Je persiste et signe : la France est l’un des rares pays au monde et en Europe à ne jamais reconduire à la frontière les mineurs étrangers isolés, et je serais très heureux que quelqu’un m’apporte la démonstration du contraire !

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Pour autant, devons-nous ignorer que nous faisons face à un afflux de mineurs étrangers isolés, notamment pour les raisons que je viens d’indiquer ? Car, à partir du moment où il est notoire que la France ne les reconduit jamais, il est logique que, pour les filières, pour les passeurs, elle devienne une destination particulièrement recherchée.

Cela étant, la France n’est pas seule à être confrontée à ce phénomène, qui est à ce point devenu un problème européen que l’actuelle présidence suédoise vient de décider d’en faire l’une des priorités de ce qui s’appellera le « programme de Stockholm » et que la future présidence espagnole l’inscrira parmi ses toutes premières priorités.

Oui, vous avez raison, madame la sénatrice, il y a une zone floue : nous accueillons des mineurs qui ont quatorze, quinze, seize ans, et dont la régularisation n’est pas automatique lorsqu’ils atteignent l’âge de dix-huit ans. C’est pourquoi j’ai créé un groupe de travail, auquel participent notamment France Terre d’asile et divers experts, pour étudier cette question.

Pour ce qui est de l’examen médical, madame la sénatrice, contrairement à ce que vous avez suggéré, nos règles et notre jurisprudence veulent que le doute sur l’âge profite toujours au mineur. Lorsque nous sommes dans la marge d’incertitude que vous évoquez, l’intéressé est donc toujours considéré comme mineur.

Je donnerai un exemple de l’application concrète de ce principe aux mineurs extraits de « la jungle » : savez-vous que mon ministère, pour 100 jeunes Afghans isolés, a mobilisé, afin qu’ils soient bien traités et que nous puissions leur proposer un parcours de vie, 700 000 euros ? Vous m’avez bien entendu : pour 100 jeunes Afghans, 700 000 euros ont été débloqués en urgence par mon ministère ! Si ce n’est pas là une preuve irréfragable de la générosité de la France, que vous faut-il ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Claudine Lepage, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Monsieur le ministre, c’est précisément sur le passage de la minorité à la majorité que j’ai insisté, car c’est à ce moment-là que surviennent le plus de problèmes et que ces jeunes, qui ne sont plus protégés, ont tendance à disparaître ou, pour certains, à sombrer dans la criminalité.

S’ils ont suivi un cursus scolaire en France durant un, deux ou trois ans, ils parlent français, ils ont acquis des compétences. Plus que quiconque, ils réunissent donc les conditions pour être naturalisés, ou tout au moins, dans un premier temps, obtenir un permis de séjour.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond, pour le groupe UMP.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Monsieur le ministre, les questions de fond ayant tout naturellement été abordées depuis le début de cette séance, vous me permettrez de vous interroger sur des aspects relatifs à l’organisation et aux moyens.

De ce point de vue, votre ministère présente à mes yeux trois caractéristiques.

Tout d’abord, il est à la fois récent et en pleine évolution. Il a en effet été créé en 2007 seulement et, depuis cette date, votre prédécesseur et vous-même avez su lancer d’importantes réformes de structure, notamment le rattachement de la Cour nationale du droit d’asile au Conseil d’État, la fusion de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et d’une partie de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances. Vous avez en outre procédé à des restructurations immobilières qui ont permis le regroupement de services jusque-là très dispersés.

Je voudrais savoir si ce mouvement de réorganisation et de restructuration est appelé à se poursuivre et quelles sont vos perspectives dans ce domaine.

Ensuite, votre ministère est loin de couvrir tout le champ de l’immigration. En effet, l’ensemble de cette politique intéresse dix ministères, quinze programmes et onze missions budgétaires, soit un total de 3, 6 milliards d’euros, alors que les crédits dont vous disposez en propre ne représentent que 560 millions d’euros, c’est-à-dire 15, 6 % de l’ensemble de ceux qui concourent à la politique générale de l’immigration.

En particulier, on l’oublie trop souvent, le ministère chargé des universités consacre 1, 5 milliard d’euros à l’accueil des étudiants étrangers, et le ministère de la santé 535 millions d’euros à diverses actions sociales et de santé, soit presque autant que tous les crédits dont vous disposez directement. Ne devriez-vous pas, monsieur le ministre, aller plus loin dans le rassemblement de vos moyens ? Nous savons tous que le problème de l’immigration prendra toujours plus d’ampleur dans les années à venir et réclamera une plus grande coordination.

Enfin, monsieur le ministre, quand on examine les politiques et les moyens que le Gouvernement met en œuvre dans ce domaine, quand on sait que 60 000 personnes accèdent chaque année à la nationalité française, …

Manifestations d’impatience sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

M. Pierre Bernard-Reymond. … qu’en 2008 notre pays a accueilli plus de 42 000 demandeurs d’asile, que la même année plus de 100 000 contrats d’accueil et d’intégration ont été signés

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Pourquoi, au moins en matière de communication, semblez-vous plus attiré par la difficulté, le conflictuel et l’impopulaire ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mon cher collègue, vous avez légèrement dépassé votre temps de parole, mais vous n’êtes pas le seul dans ce cas : à gauche aussi, c’est arrivé !

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

M. Eric Besson, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Mon rôle est très simple : j’applique la lettre de mission qui m’a été remise par le Premier ministre et par le Président de la République.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Elle figure sur le site de mon ministère, vous pouvez la consulter, elle est très claire : elle me demande de conduire entre soixante-quinze et quatre-vingts actions, et je dispose pour ce faire de ce que l’on pourrait appeler un tableau de bord.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Il me paraît assez logique pour un ministre de respecter la mission que lui ont confiée le Président de la République et le Premier ministre !

Où en suis-je par rapport à la lettre de mission ?

Concernant les réformes de structure, vous avez bien voulu souligner, et je vous en remercie, l’ampleur du travail déjà accompli. S’agissant d’un ministère de taille réduite – il compte 675 agents –, vous conviendrez que les marges de manœuvre ne sont pas illimitées en matière de productivité.

Nous voulons privilégier deux pistes : la modernisation et la simplification de nos procédures, d’une part, la rationalisation du coût de certaines de nos actions, d’autre part. Je prendrai quelques exemples concrets pour illustrer mon propos.

L’instauration du visa de long séjour valant titre de séjour supprimera des formalités pour 100 000 étrangers qui, jusqu’ici, alors qu’ils avaient déjà demandé leur titre de séjour au consulat, devaient ensuite, lorsqu’ils arrivaient en France, renouveler leur démarche dans une préfecture. Nous ferons donc gagner du temps aux étrangers, mais aussi à nos fonctionnaires, qui pourront se consacrer, par exemple, à l’accès à la nationalité, puisque, vous le savez, nous accusons un certain retard en la matière.

Autre exemple : à Roissy, j’ai testé récemment les nouveaux sas automatiques, dont l’entrée en service améliorera le contrôle de nos frontières tout en simplifiant les formalités pour les passagers volontaires.

Je supprimerai également la double instruction, par les services centraux et par les préfectures, des dossiers de naturalisation : les préfectures seront chargées de l’instruction, le ministère veillant à l’homogénéité, à l’échelon national, des décisions prises.

Enfin, nous avons probablement des marges de progrès dans la délivrance des titres de séjour.

Manifestations d’impatience sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

En revanche, je ne partage pas l’idée selon laquelle mon ministère devrait, à terme, disposer de l’ensemble des moyens budgétaires et humains qui concourent à la politique d’immigration et d’intégration, car c’est un ministère d’état-major.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

M. Eric Besson, ministre. Un certain nombre de ministères, dont le ministère de l’intérieur, mettent divers moyens à notre disposition. Puisque cela fonctionne bien, il n’y a pas de raison d’essayer de les « cumuler », surtout dans une période où nous devons être particulièrement attentifs à l’utilisation de l’argent public.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. Pierre Bernard-Reymond ni aucun de ses collègues du groupe UMP ne souhaitant prendre la parole pour la réplique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Encore heureux : entre les deux intervenants, il y a eu une minute de dépassement !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

… nous avons donc la possibilité, mes chers collègues, d’entendre une huitième et dernière question.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le ministre, mes collègues viennent de rappeler avec justesse le caractère profondément cynique et révoltant de la décision que vous avez prise de renvoyer trois Afghans vers un pays en guerre, les exposant ainsi à des risques certains pour leur vie. (Protestations sur les travées de l ’ UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Et les Anglais, que font-ils ? Et ils ont un gouvernement socialiste !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je vais y venir, mon cher collègue, soyez patient !

Ce renvoi s’est fait au mépris des engagements internationaux de notre pays : convention européenne des droits de l’homme, charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Cette décision mérite que l’on se penche davantage sur la situation du droit d’asile en Europe, plus particulièrement au regard des instruments qui pourraient apporter une réponse digne, humaine et cohérente à cette situation catastrophique.

Or, comme hier la fermeture de Sangatte, l’évacuation de « la jungle » n’a rien réglé : à la recherche d’une protection, les migrants reviennent, et c’est normal. Je me demande d’ailleurs si, en fin de compte, ce n’était pas pour vous un simple coup médiatique, ou bien de la surenchère…

En ma qualité de corapporteur pour la commission des affaires européennes du paquet européen « Asile », je me suis rendue à Calais, où, avec mes collègues, j’ai entendu de nombreux intervenants. Nous avons formulé des propositions. Vous ne nous avez pas entendus.

Permettez-moi de vous rappeler qu’en 2001, lors de la crise des Balkans, l’Europe avait trouvé une solution : grâce à une directive permettant la protection temporaire, nous avions pu accueillir plus de 100 000 réfugiés de cette région. Cette directive obligeait les États à ne pas renvoyer les réfugiés qui fuyaient la guerre, tout comme la France devrait, aujourd’hui, s’engager à ne pas expulser des Afghans vers Kaboul, c'est-à-dire vers un pays en guerre.

Cette protection temporaire ne saurait être efficace si elle ne procédait pas d’une action commune des États européens agissant au titre de la solidarité européenne. On sait que la solution est européenne avant d’être française ! Ce que nous avons été capables de faire ensemble hier pour ceux qui fuyaient la guerre dans les Balkans, nous devons être capables de le faire aujourd’hui pour les Afghans.

Dès lors, allez-vous décider de régler de manière cohérente, concertée, globale et dans la dignité le sort des Afghans ou allez-vous continuer dans la voie du cynisme, du mensonge, en procédant à des expulsions contraires au droit européen et sans tenir le moindre compte des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Madame la sénatrice, pourquoi vous obstinez-vous à ne pas vouloir entendre que la Cour européenne des droits de l’homme, dont je n’ai pas eu le sentiment qu’elle était peu exigeante en matière de respect des droits de l’homme, a validé nos procédures ?

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Pourquoi ne voulez-vous pas entendre que nous appliquons à la lettre les recommandations et les règles du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ? Nous allons même plus loin que ces recommandations.

Tout à l’heure, je l’ai noté, vous n’avez finalement pas contesté le fait que la France ne reconduisait jamais à la frontière les mineurs étrangers isolés et, en cela, vous avez bien fait. §Mais savez-vous que nous allons bien au-delà des recommandations du HCR ? Le HCR dit que l’on peut reconduire un mineur étranger isolé dans son pays d’origine à condition qu’il y bénéficie sur place d’un abri acceptable. La France fait bien plus.

Par ailleurs, je le répète, les moyens que nous consacrons à l’asile sont extrêmement importants. Nous avons évoqué, voilà un instant, le budget du ministère de l’immigration, budget qui s’élève à environ 600 millions d’euros : la moitié est consacrée à l’asile. Nous allons ouvrir des budgets supplémentaires extrêmement importants pour les centres d’accueil des demandeurs d’asile, les CADA.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il y a deux fois plus d’argent pour les reconduites à la frontière !

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

La demande d’asile a augmenté de 20 % depuis le début de l’année 2009, comme en 2008, et l’octroi de l’asile a, lui aussi, sachez-le, augmenté de 20 %.

Ce qui nous sépare peut-être, c’est que nous croyons, nous, à la nécessité de réguler les flux migratoires. La régulation des flux migratoires et l’intégration sont les deux faces d’une même médaille. Si nous voulons bien intégrer en France les étrangers en situation régulière, nous devons lutter contre l’immigration irrégulière. L’asile est une trop noble cause pour qu’il soit détourné. Or nous assistons actuellement en Europe à des procédures qui visent à détourner ce bel héritage qu’est l’asile.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur la Cour européenne, qui condamne assez régulièrement la France, ni sur le HCR et France Terre d’asile, qui ont lancé appel pour une solution différente de la vôtre.

Lors du Conseil européen des 29 et 30 octobre, la France, qui a pesé lourdement dans la mise en place du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, pourrait alors peser de tout son poids pour la mise en œuvre d’un instrument de protection européen spécifique. À situation spécifique, solution spécifique.

La directive de 2001 doit être réactivée d’urgence. Elle a permis d’accueillir les réfugiés des Balkans, elle doit permettre d’accueillir aujourd’hui les Afghans.

Si vous en avez la volonté, vous en avez les moyens. Chaque État membre pris individuellement ou l’ensemble des États membres pris collectivement ont le pouvoir et les outils permettant de reconnaître des protections temporaires ou humanitaires : c’est le texte de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Monsieur le ministre, relisez cette charte et, à long terme, construisons une politique européenne d’asile harmonisée, protectrice, respectueuse des droits humains, qui permette enfin d’instaurer un régime d’asile européen commun, solidaire et qui soit défini, pourquoi pas, de manière « concertée », puisque vous aimez ce terme !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles consacrées au thème de l’immigration.

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinq.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au service civique, présentée par M. Yvon Colin et les membres du groupe du RDSE. (proposition de loi n° 612 rectifié, 2008-2009 ; texte de la commission n° 37 ; rapport n° 36).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous en convenons tous, de nombreux jeunes sont en mal de repères et certains – pas assez sans doute ! – manifestent un très fort désir de s’investir pour notre pays.

Dès lors, donner à tous la possibilité de s’engager au service d’un projet collectif d’intérêt général et des valeurs de la République constituerait, pour eux, une occasion très attirante, en même temps que, pour notre société, une grande chance.

La proposition de loi déposée par l’ensemble des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, et qui fera, je le souhaite sincèrement, l’unanimité ce soir dans cet hémicycle, entend ainsi répondre concrètement à ce double besoin : celui de notre jeunesse et celui de notre société.

Dès la suspension du service militaire en 1997, souhaitée par le président Jacques Chirac, s’était posée la question d’un service civil obligatoire de substitution, mais l’option avait été rapidement écartée.

Pourtant, dans l’esprit de nombre de nos concitoyens, la conscription obligatoire, dite universelle, contribuait à la cohésion nationale et au brassage social et culturel. Elle permettait un réel apprentissage de la vie en communauté et une prise de conscience par les jeunes adultes de leur appartenance à une nation, la nation française, et à une communauté politique de citoyens qui partagent non seulement un destin commun, mais également des droits et des devoirs. C’était aussi l’occasion de faire le bilan scolaire et le bilan de santé des jeunes appelés. Ce dispositif présentait donc indéniablement de nombreuses vertus.

Mais notre propos n’est nullement, ici, de verser dans une vaine nostalgie ! Il n’est nullement question de rétablir un quelconque service militaire, mais il faut, si possible, lui trouver un équivalent, un substitut, qui remplisse cette mission de brassage social et ce rôle de véritable creuset républicain pour faire naître le sentiment d’appartenance qui caractérise une nation.

Force est, en effet, de constater qu’une impression de vide a pu s’installer après la suppression du service national, lequel n’a finalement été remplacé que par une journée d’appel de préparation à la défense.

Il aura fallu attendre la très grave « crise des banlieues » de 2005 et la loi pour l’égalité des chances qui s’est ensuivie pour qu’un service civil volontaire soit enfin institué, en 2006. Toutefois, celui-ci a été mal conçu et insuffisamment préparé et, surtout, il est très vite apparu comme une réponse – fausse bonne réponse ! – aux seuls problèmes des banlieues et des quartiers difficiles. Dès lors, il était marqué, voire stigmatisé.

De plus, les divers dispositifs de service civil se sont révélés, à l’usage, trop complexes et peu opérants, si bien qu’ils n’ont absolument pas connu le succès souhaité et attendu. La lourdeur des procédures, la complexité des dispositifs et des financements, l’absence de visibilité du volontariat en ont freiné le développement.

Afin de passer outre ces problèmes pratiques, il était indispensable de les recenser précisément pour tirer les leçons de ce rendez-vous manqué et, surtout, pour envisager l’avenir du service civil sous une nouvelle approche.

C’est la raison pour laquelle le groupe du RDSE et moi-même avons été, le 10 juin 2009, dans le cadre d’une semaine de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, à l’initiative d’un débat sur le service civil volontaire, afin de dresser un bilan de la situation.

Une conclusion s’est très vite imposée : le service civil volontaire n’est pas assez attrayant ni suffisamment adapté pour atteindre ses objectifs. II souffre d’un triple déficit : manque de visibilité, manque de reconnaissance et absence de valorisation de l’expérience ainsi acquise.

Ce débat du 10 juin dernier avait suscité de nombreuses réactions, mais un consensus en faveur de l’institution d’un nouveau dispositif s’était clairement dégagé ; je ne peux d’ailleurs que me réjouir d’une telle convergence. Vous-même, monsieur le haut-commissaire, aviez partagé notre diagnostic et souhaité en faire part au Président de la République et au Premier ministre pour tenter de les convaincre de la nécessité d’agir.

Il y a unanimité de tous les sénateurs et sénatrices, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, et au-delà de tous les clivages politiques, pour convenir que le service civil doit être revu, dépoussiéré, rendu plus visible et plus simple, et même rebaptisé.

Donner à chacun l’occasion de s’engager en faveur de l’intérêt général, tout en affermissant son adhésion aux valeurs républicaines, et, par là même, renforcer la cohésion d’une société française fragilisée : tel est le préalable à son succès.

Ce sont les raisons pour lesquelles j’ai décidé, après des échanges avec mes collègues du RDSE, de déposer le 14 septembre dernier une proposition de loi relative au service civique.

Au nom du rappel symbolique des droits et des devoirs des citoyens, le terme de « service civique » que nous avons retenu traduit au mieux le lien de ce nouveau service avec la citoyenneté, et plus encore avec le « civisme », une valeur si chère à notre groupe, le plus ancien groupe parlementaire de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Le service civique constituera avant tout l’occasion de faire l’apprentissage ou le réapprentissage du civisme, sans lequel il ne saurait y avoir d’insertion et d’appartenance de l’individu à la société qui l’entoure ; c’est d’ailleurs ce qui fait cruellement défaut à nos sociétés modernes, individualistes et consuméristes.

Avec le service civique, il s’agit ni plus ni moins d’un engagement de l’individu au service du collectif et de l’intérêt général, du jeune au service de la société, du citoyen en formation au service de la nation.

Cette opportunité sera offerte à tous nos jeunes, dès l’âge de seize ans… sans limite d’âge. Si les jeunes sont le premier public visé, ils ne sont pas, dans notre esprit, les seuls concernés. D’ailleurs, à partir de quel âge cesse-t-on d’être jeune ? Le sociologue Pierre Bourdieu n’a-t-il pas écrit un article intitulé : « La jeunesse n’est qu’un mot » ? Et point n’est besoin de dire ici, mes chers collègues, qu’à esprit jeune rien n’est impossible !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Si nous voulons atteindre pleinement l’objectif de brassage et de mixité, il me semble essentiel d’ouvrir au maximum ce service civique. La mixité sociale se doublera alors d’une mixité générationnelle, porteuse de sens, et c’est un aspect qu’il ne faut pas négliger.

Bien sûr, nous souhaitons une participation financière de l’État, la plus importante possible, pour prendre en charge les plus jeunes volontaires, ceux qui sont âgés de moins de vingt-cinq ans notamment, afin d’éviter que le service civique ne soit source, dans le monde de l’emploi, d’une concurrence déloyale. Mais il n’y a pas d’âge limite pour rendre à son pays un peu de ce qu’il a donné ; au demeurant, les seniors peuvent et doivent transmettre aux jeunes générations. Cette rencontre civique doit être recréée, car ce lien entre les générations est fondamental.

La présente proposition de loi vise donc à promouvoir la mixité sous toutes ces formes : de sexe, d’âge, de culture, d’origine, de milieu social. Toutefois, il convient de veiller à ce que le service civique ne devienne pas une « voie de garage », réservée aux seuls jeunes issus des milieux les plus défavorisés, en situation d’échec scolaire ou en difficulté d’insertion professionnelle. Très clairement, c’est un écueil qu’il nous faut éviter.

Monsieur le haut-commissaire, il vous appartiendra de faire en sorte que ce texte s’adresse à tous, à tous les jeunes, comme le souhaitent les auteurs de la proposition de loi. Je le crois profondément, le succès du service civique en dépendra.

Pour les mêmes raisons, liées à objectif fondamental de brassage que nous visons, nous avons également souhaité offrir à des étrangers la possibilité de bénéficier de ce dispositif. Évidemment, les citoyens des États membres de l’Union Européenne seront concernés, mais le seront aussi les étrangers résidant sur notre territoire depuis un certain temps. Sur ce sujet, j’ai déposé un amendement pour revenir à la version originale de notre proposition de loi, à savoir un délai minimum d’un an, et non de trois ans comme le suggère la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Je relève d’ailleurs que ce fut probablement le seul point de désaccord avec M. le rapporteur, dont je salue ici le travail remarquable.

Le débat peut également porter sur le caractère obligatoire ou volontaire du service civique, un débat que nous avons d’ailleurs eu en réunion de groupe.

Actuellement, le service civil est basé sur le volontariat, volontariat que nous avons choisi de conserver dans cette proposition de loi. Même si nombreux sont ceux qui, y compris parmi les signataires de la proposition de loi, défendent la création d’un service civique obligatoire, nous avons opté pour une phase de transition, qui doit nous permettre de procéder à une évaluation précise des besoins, notamment en termes d’organisation pratique et de financement, en vue de laisser ensuite le dispositif monter en puissance pour devenir finalement obligatoire.

Tel est mon souhait, mais j’imagine qu’une majorité parlementaire ne se dégagera pas aujourd'hui dans les deux assemblées pour adopter un service civique obligatoire. C’est pourquoi nous avons pris le parti de proposer un service civique volontaire.

Nous ne voulons pas d’une politique du nombre : nous nous fixons l’objectif raisonnable de 10 000 volontaires environ pour 2010. Si ce chiffre ne pouvait être atteint aussi rapidement que nous en rêvons, nous préférerions faire primer la qualité. Les premiers volontaires doivent être accueillis et pris en charge dans les meilleures conditions possibles, car ils seront les premiers à faire la publicité de ce nouveau dispositif. La réussite de leur accueil et de leur mission est essentielle pour l’avenir de notre nouveau service civique.

Celui-ci doit, en effet, être avant tout attractif et valorisant si nous voulons qu’il trouve un ancrage et se développe jusqu’à devenir, peut-être, un jour, obligatoire.

Pour le rendre le plus attrayant possible, notre proposition de loi le fait bénéficier de toutes les garanties économiques et sociales nécessaires.

Concernant tout d’abord l’engagement de service civique en lui-même, il prendra la forme d’un contrat écrit, mais ne sera pas soumis aux règles du code du travail. C’est pourquoi la proposition de loi décrit très précisément toutes les règles légales auxquelles sera soumis cet engagement, lequel implique droits et devoirs.

Conclu avec un organisme de droit français sans but lucratif ou une personne morale de droit public préalablement agréée, le service civique devra nécessairement porter sur des missions d’intérêt général précisément caractérisées : philanthropiques, éducatives, environnementales, scientifiques, sociales, humanitaires, sportives, familiales ou culturelles. Ces missions doivent absolument être utiles et ne pas devenir uniquement « occupationnelles » ; nous aurions alors complètement raté notre objectif.

L’agrément sera délivré au vu de critères strictement définis pour une durée déterminée par l’État ou une personne morale de droit public désignée à cet effet. L’engagement sera conclu pour une durée de six à vingt-quatre mois et le temps hebdomadaire maximal passé à effectuer les missions est fixé à quarante-huit heures réparties sur six jours au plus.

S’il pourra être effectué en même temps que des études ou une activité professionnelle, le service civique ne doit pas pour autant être considéré comme une distraction d’à peine quelques heures par semaine. La commission de la culture a donc, à juste titre, décidé qu’il devra représenter au moins vingt-quatre heures par semaine en moyenne. C’est une proposition de sagesse et un bon complément à notre dispositif. Par conséquent, je me réjouis de cette précision.

Autre précision importante : le volontaire en service civique ne devra en aucun cas prendre la place d’un salarié ; nous y veillerons. C’est pourquoi nous avons prévu des conditions encadrant le recrutement des volontaires pour limiter au mieux ce risque. Nous souhaitons notamment qu’il soit impossible de recruter un volontaire à un poste qui aurait été occupé moins de six mois auparavant par un salarié.

Quant à l’indemnisation des volontaires, nous l’avons rendue ajustable en fonction des circonstances. Le volontaire engagé à l’étranger ou le volontaire résidant dans un département ou une collectivité d’outre-mer pourra percevoir des indemnités supplémentaires.

Il est évidemment hors de question que les volontaires subissent un préjudice du fait de leur service civique. Ils pourront donc, dans certains cas, recevoir aussi des prestations nécessaires à leur subsistance, leur équipement ou leur logement.

Pour autant, le service civique doit rester un engagement désintéressé au service de la collectivité. C’est pourquoi nous souhaitons que l’indemnité soit plafonnée et que les indemnités complémentaires restent toujours proportionnées aux missions confiées. Par ailleurs, nous ne rejetons pas l’hypothèse d’un plancher, fixé par décret, en dessous duquel le montant de l’indemnité ne pourrait descendre.

J’évoquerai un dernier point concernant l’indemnisation. N’ayant pas le caractère d’un salaire ou d’une rémunération, elle sera non imposable à l’impôt sur le revenu et sera exclue de l’assiette de certaines cotisations sociales. Par ailleurs, elle ne sera pas prise en compte pour la détermination des droits à certaines aides, comme l’aide à la famille, l’allocation personnalisée d’autonomie, le revenu de solidarité active ou encore l’aide personnalisée au logement, par exemple.

Si le versement des indemnités dues aux travailleurs privés d’emploi est suspendu à compter de la signature de l’engagement de service civique, il sera repris au terme de l’engagement ; cela paraît normal. Par ailleurs, il convient de noter qu’un salarié qui rompra son contrat de travail pour souscrire un engagement de service civique conservera ses droits à l’assurance chômage à l’issue de son service.

En matière de temps de congés et de couverture sociale, la proposition de loi pose des règles qui devront être strictement respectées.

Le régime des congés sera fixé par décret, mais nous posons d’ores et déjà le principe selon lequel le volontaire, pendant les congés annuels auquel il aura droit, continuera à percevoir ses indemnités.

Ce qui a trait aux assurances sociales – maladie, maternité, invalidité, décès, vieillesse, etc. – des volontaires est précisément prévu dans le texte proposé par l’article 4 pour la section 5 du chapitre consacré à la définition du service civique qu’il est proposé d’introduire dans le code du service national.

Enfin, le point fondamental et original de cette proposition de loi, destiné à rendre le service civique le plus valorisant possible pour le parcours des volontaires, passera par la reconnaissance et la validation de l’expérience. Il est notamment prévu que le service civique sera valorisé dans les cursus des établissements d’enseignement supérieur et pris en compte au titre de la validation des acquis de l’expérience.

Peu à peu, le service civique doit absolument s’intégrer dans le parcours de tous les jeunes. Tel est, en tout cas, notre souhait.

Suivant le même objectif, l’État délivrera aux volontaires, à la fin de leur mission, une attestation de service civique accompagnée d’un document décrivant les activités exercées et les aptitudes, connaissances et compétences acquises pendant sa durée.

Nous avons par ailleurs jugé opportun de profiter de ce texte pour donner aux activités bénévoles, en dehors du cadre du service civique, une telle reconnaissance. Dans la limite de certaines conditions de durée d’engagement et de formation, une activité bénévole pourra être sanctionnée par une attestation de l’État identique à celle qui sera reçue à l’issue d’un service civique.

Pour contribuer encore à la reconnaissance du service civique, la commission de la culture a même souhaité prévoir dans le dispositif la possibilité pour un salarié ayant un minimum de douze mois d’ancienneté dans une entreprise de prendre un congé spécial afin d’effectuer son service civique.

De manière à offrir de sérieuses perspectives d’insertion, ce service civique sera une période d’apprentissage. Pour cela, les organismes agréés qui recevront les volontaires seront soumis à des obligations de préparation aux missions de formation civique et citoyenne, notamment, avec la mise en place d’un tutorat ; nous y tenons beaucoup, car cela nous paraît très important. L’accompagnement dans la réalisation des missions ainsi que l’aide à la réflexion sur les projets d’avenir du volontaire sont fondamentaux pour la réussite de notre projet.

Aujourd’hui, alors que la crise touche de plein fouet la jeunesse de notre pays, laquelle est déjà à la recherche de repères et en mal de citoyenneté, nous avons, nous législateur, pour devoir d’améliorer un dispositif totalement inadapté, inefficace, inopérant. Les jeunes doivent pouvoir bénéficier de l’expérience extraordinaire que constitue un service que l’on qualifiera désormais de « civique ».

Ce service sera un moment privilégié pour sensibiliser les jeunes à la nation, pour développer leur sens de la citoyenneté, pour parfaire, à travers des actes, leur éducation civique.

L’objectif fondamental est de lutter contre l’individualisme qui engendre incivilités et violences, tout en diluant le sentiment d’appartenance à une collectivité nationale. Selon nous, le service civique doit recréer du lien social.

Toutefois, monsieur le haut-commissaire, il reste beaucoup à faire, j’en suis conscient. Mais nous sommes sur la bonne voie. La communication autour de ce nouveau dispositif sera essentielle à sa réussite. L’idée d’introduire, lors de la future « journée d’appel au service national », une présentation du service civique et une sensibilisation à ses enjeux civiques me semble excellente. On pourrait aussi imaginer, à moyen terme, une information dès le collège ou le lycée.

Je me réjouis que la commission de la culture ait ajouté à notre proposition de loi un dernier article fixant une date limite pour l’entrée en vigueur du dispositif. Je rappelle que le but n’est pas de faire du chiffre ; il est de faire de la qualité, et ce de toute urgence.

J’espère que l’État donnera sa chance à ce texte en accordant rapidement les financements nécessaires à la bonne mise en œuvre du service civique et en publiant plus rapidement qu’à l’accoutumée les décrets d’application indispensables.

Mais souhaitons d’abord que cette proposition de loi reçoive votre assentiment, mes chers collègues, ce dont je ne doute pas, avant que l’Assemblée nationale s’en saisisse à son tour le plus rapidement possible.

Si la procédure parlementaire suit son cours sans à-coups et si les décrets d’application sortent sans tarder, monsieur le haut-commissaire, peut-être verrons-nous ensemble, le 14 juillet 2010, défiler sur les Champs-Élysées la première promotion de jeunes volontaires en service civique. Ce serait un bel outil de promotion et de communication pour que la proposition de loi du groupe du RDSE, adoptée par le Parlement et, je l’espère, à une très large majorité, rencontre auprès des jeunes Français le succès qu’elle mérite.

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l ’ Union centriste, de l ’ UMP et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, l’histoire du service civique est celle des occasions manquées.

Le service militaire a été supprimé pour des raisons militaires parfaitement légitimes, mais les conséquences de sa disparition au regard de la cohésion et de la mixité sociale n’ont pas été évaluées ni compensées.

La loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national avait pourtant déjà inscrit le principe du volontariat en tant que composante du service national universel. Mais rien n’est venu concrétiser cette idée.

La loi n° 2000-242 du 14 mars 2000 relative aux volontariats civils institués par l’article L. 111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national a introduit de nouvelles formes de volontariat civil avec, pour objectif, de pérenniser les activités d’intérêt général accomplies par les appelés à l’occasion des formes civiles du service national.

Toutefois, aucun cap n’a été donné et le cadrage a été défini de manière très lâche. Rapidement, nous avons donc vu fleurir des volontariats par décret : volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité, volontariat civil à l’aide technique, volontariat de prévention, de sécurité et de défense civile, volontariat international en administration, volontariat international en entreprise, et cela avec autant de statuts différents pour autant de dispositifs !

Sans surprise, ces dispositifs sont restés confidentiels, réservés à quelques connaisseurs déjà présents au cœur du système.

Le rapport de M. Luc Ferry souligne que « le dispositif de volontariat civil, très complexe, voire illisible, est resté confidentiel et méconnu », si bien que « ses effectifs n’ont jamais progressé, se limitant à moins de 2 000 volontaires par an ».

Bref, l’esprit du service national universel a été détourné.

À la suite des émeutes dans les banlieues, la réflexion sur ce thème a cependant été relancée. En 2006, le volontariat associatif était créé : il répondait à un souhait des jeunes de s’engager non pas auprès de l’État, mais dans une association menant des actions d’intérêt général, notamment auprès des plus démunis, ainsi que dans les domaines de la culture, du sport ou de l’éducation. Ce dont on n’avait jamais douté s’est produit : à travers leur engagement associatif, les jeunes ont exprimé le souhait manifeste de s’engager pour la nation. Les sondages menés à la demande de Luc Ferry et dont il fait état dans son rapport ne laissent aucun doute sur ce sujet.

Cependant, il s’agissait encore une fois d’ajouter un nouveau volontariat à d’autres, déjà empilés. Pour placer sous un même fronton tous ces volontariats, le législateur a donc, dans la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, créé le service civil volontaire, qui consiste en un agrément couvrant un ensemble de volontariats dispersés avec un engagement financier de l’État important.

Ce nouveau label aurait pu permettre de redonner une notoriété au volontariat s’il ne s’était pas accompagné de la mise en place de démarches administratives dont la complexité est un défi pour les esprits les plus sagaces : une procédure de double agrément pour le volontariat et pour le service civil a été prévue et la multiplicité des guichets a été maintenue.

En outre, en dépit des souhaits régulièrement exprimés, notamment par notre commission, les moyens n’ont jamais été à la hauteur de l’ambition que l’on pouvait avoir pour le service civil. C’est le constat établi à l’unanimité à la suite des travaux menés en 2009 par la mission commune d’information du Sénat sur la politique en faveur des jeunes, sous la houlette de sa présidente, Mme Raymonde Le Texier, et dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur.

C’est la raison pour laquelle je souhaite rendre hommage à ceux qui œuvrent aujourd’hui pour que le service civique devienne une réalité dans notre société et l’un des outils de la cohésion sociale.

Nous devons d’abord remercier l’auteur de la proposition de loi, M. Yvon Collin, qui, avec les membres de son groupe, le RDSE, a suscité le débat dans cet hémicycle en déposant une proposition de loi que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a jugé extrêmement pertinente. Merci, Yvon Collin, d’avoir donné le coup d’envoi et de continuer à porter avec talent cette proposition.

Saluons également le haut-commissaire à la jeunesse, M. Martin Hirsch, qui a su comprendre l’intérêt de cette initiative parlementaire et la soutenir vigoureusement, notamment grâce à des amendements portant engagement financier de l’État. La discussion du projet de loi de finances permettra à cet égard de constater que l’investissement de l’État est substantiel et que, grâce à cela, le défi du service civique pourra être relevé dès 2010.

Je ne saurais oublier les associations qui œuvrent aujourd’hui pour le service civil, et qui, je peux en témoigner après les auditions auxquelles j’ai procédé, souhaitent s’impliquer fortement dans le service civique.

Mais je tiens également à saluer l’intervention, le 29 septembre dernier, en Avignon, du Président de la République, qui a énoncé un objectif ambitieux pour le service civique : faire en sorte que, à moyen terme, 10 % des membres d’une classe d’âge en bénéficient ; c’est là un objectif auquel la commission de la culture souscrit totalement.

Outre le fait qu’il est largement soutenu, pour quelles raisons ce texte doit-il impérativement être adopté ?

Tout d’abord, le texte proposé s’inscrit dans le code du service national. Le service civique doit ainsi non seulement être une forme du service national, mais aussi en devenir le fer de lance. L’idée, fort simple, est la suivante : pour qui veut aider la nation, un engagement civil et citoyen, soutenu par l’État, est nécessaire.

Pour prendre acte de cette évolution symbolique, la commission a amendé le texte de façon que la cohésion nationale soit un objectif majeur du service national universel et que le service civique mette le cap vers la mixité sociale.

La journée d’appel de préparation à la défense est par ailleurs renommée journée d’appel au service national, dont le contenu sera plus ouvert aux questions de citoyenneté.

Ces apports de la commission s’inspirent notamment des préoccupations exprimées par la mission commune d’information que j’ai évoquée précédemment.

Ensuite, le service civique est non pas un fronton permettant de réunir différents volontariats, mais bel et bien un nouvel édifice qui se substitue à de nombreux dispositifs existants : le volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité, le volontariat civil à l’aide technique, le volontariat de prévention, sécurité et défense civile et le volontariat associatif. Le dispositif va aussi loin que possible dans cette direction, les volontariats à vocation internationale, de nature différente, restant hors du dispositif.

Enfin, le nouveau dispositif unifie les régimes vers le haut, tant en matière de couverture sociale que de reconnaissance du service réalisé dans les établissements d’enseignement supérieur ou de validation des acquis de l’expérience. Aucune condition d’âge n’étant requise, toute la population est concernée, ce qui est positif.

Bien que le texte initial ait été excellent, la commission a encore cherché à l’améliorer par différents moyens, notamment en imposant que le volontaire soit réellement accompagné pendant toute la durée du volontariat. Il devra principalement s’agir d’un accompagnement citoyen, avec une formation sur le long cours et un tuteur permanent. À cet égard, je crois que le Gouvernement devra s’engager à financer également l’accompagnement réalisé par l’organisme d’accueil. Un accueil réel du volontaire et un bilan du volontariat devront aussi être établis, surtout si l’on veut que le dispositif touche les jeunes des milieux les plus défavorisés.

La commission a également prévu d’imposer au volontaire un nombre minimal d’heures d’activité durant la semaine, afin qu’il s’agisse bien d’un véritable engagement au service de la nation et non d’une activité accessoire.

Elle a enfin souhaité qu’une personne publique soit chargée de promouvoir et de piloter le dispositif du service civique. La commission a adopté ce matin un amendement tendant à ce que le pilotage soit confié à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, renommé pour l’occasion « Agence du service civique ».

Je suis ravi que le Sénat soit à l’origine d’une telle initiative. Comme mon collègue Yvon Collin, je ne peux qu’espérer que les apports de tous les groupes nous permettront d’adopter ce texte à l’unanimité.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que vous construisez aujourd’hui est appelé à prendre une place essentielle dans notre pays. Il y a ainsi des textes qui marquent parce qu’ils peuvent avoir une influence directe à la fois sur le destin individuel des jeunes et sur le destin collectif d’une nation.

Il s’agit aujourd’hui de créer un cadre nouveau pour assouvir le désir d’engagement, si souvent exprimé, des jeunes ou le déclencher auprès de celles et ceux qui, dépourvus de projets, pourront s’épanouir dans le service civique.

La reconnaissance de la nécessité d’un service civique, nous l’avons constaté lors du débat qui s’est tenu au Sénat le 10 juin dernier, dépasse les clivages politiques, dépasse les remparts générationnels, dépasse les ségrégations sociales. Le service civique doit rassembler, doit mobiliser ; bref, il doit permettre un épanouissement de l’engagement.

Des personnalités de tous horizons en ont demandé la création. Parmi elles figurent d’éminentes figures de l’engagement le plus noble, qui ont su que, à certains moments de notre histoire, engagement rimait avec résistance.

Avec le service civique, engagement pourra résonner avec environnement, solidarité, développement et service de l’autre.

Permettez-moi d’exprimer ma reconnaissance à l’égard de la Haute Assemblée, qui a permis, dans un premier temps, que s’engage le débat et, dans un second temps, que s’écrive un nouveau chapitre de notre code du service national. Le service national, ce sera la possibilité, demain, d’accomplir un service civique en faveur d’une cause noble que pourront choisir ceux qui l’accompliront.

Permettez-moi également d’exprimer ma reconnaissance à l’égard de tous les membres du groupe du RDSE, à l’origine de ce texte, de celles et ceux qui ont participé au débat du 10 juin dernier, du rapporteur, M. Christian Demuynck, et de Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes, qui ont défendu le service civique, et de l’ensemble de celles et ceux qui ont permis, au sein de la commission de la culture, de présenter aujourd’hui en séance publique un texte de très bonne facture. Beaucoup de chemin a été parcouru. Il nous reste à parvenir à bon port, en traduisant ces idées dans les faits.

Je souhaite également exprimer ma reconnaissance vis-à-vis de celles et ceux qui, ces dernières années, ont porté, contre vents et marées, avec des moyens toujours insuffisants, la flamme du service civil. Ils ont fait en sorte que cette flamme, qui a parfois vacillé, ne s’éteigne jamais. Je pense aux associations qui ont engagé des volontaires, aux collectivités territoriales qui y ont cru, aux premiers volontaires qui se sont engagés, à celles et ceux qui se sont réunis au sein de la commission présidée par Luc Ferry pour faire émerger de nouveau un consensus sur le service civique.

Cette flamme du service civil, nous allons aujourd’hui la faire passer au flambeau du service civique. Et nous n’avons pas le droit de décevoir les espoirs, de ne pas saisir les mains qui se tendent, chargées de bonne volonté, de tarir cette soif d’engagement, de ne pas répondre à ces élans de générosité. Ces dernières années, trop de ces élans ont été brisés, beaucoup trop de ceux qu’animaient cette bonne volonté et cette soif d’engagement ont été déçus. Une réponse concrète, à la hauteur des enjeux, doit leur être offerte dans les années qui viennent.

Que pouvons-nous souhaiter ? Que le service civique soit vite débordé par son succès. Nous nous engageons à recruter 10 000 jeunes dans le cadre du service civique en 2010. Nous espérons que davantage encore y prétendront, non pas pour les frustrer de cet engagement, mais pour pouvoir atteindre rapidement l’objectif de 10 % d’une classe d’âge évoqué par le Président de la République, ce qui représente le « seuil critique » pour qu’une génération se familiarise avec le dispositif.

Nous souhaitons que le service civique devienne un réflexe, un atout valorisant et valorisé. Cette proposition de loi ouvre une telle voie puisqu’elle permet aux universités de prendre en compte l’engagement du service civique dans le parcours universitaire et qu’elle en fait un élément de valorisation des acquis de l’expérience.

Nous souhaitons que le service public puisse être apprécié dans ses réalisations. On devra pouvoir dire que, sans le service civique, notre pays se porterait moins bien et que, à l’inverse, grâce au service civique, moins de personnes sont isolées, l’environnement est mieux protégé, tel chantier est plus avancé, les liens avec tels pays du Sud sont consolidés.

Cette proposition de loi porte création du service civique que beaucoup de nos concitoyens appellent de leurs vœux. Vous êtes d’ailleurs nombreux ici à avoir signé, voilà trois ans, l’appel de La Vie pour un service civil obligatoire ; vous êtes également nombreux à avoir associé vos voix à celles de représentants associatifs de la société civile, de grandes figures et de jeunes qui nous font part de leur aspiration à un tel engagement.

Peut-être faudra-t-il aller plus loin. Mais, comme l’a rappelé l’auteur de la proposition de loi lui-même, la qualité devra être au rendez-vous. Il ne faut pas que le service civique soit considéré comme une sorte de formalité qu’on accomplirait sans se soucier d’y donner un sens.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Il faut que les premiers volontaires puissent donner à d’autres l’envie de s’engager aussi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous légiférez aujourd’hui en faveur d’une œuvre durable qui marquera peut-être des générations entières. Combien d’entre nous parlent encore de leur service militaire avec des trémolos dans la voix ! Certains y mettent surtout de la nostalgie, d’autres, de la fierté ; tous, ou presque, expriment le sentiment d’avoir su appartenir à une collectivité. J’espère que des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de nos concitoyens, pourront évoquer, dans les décennies qui viennent, avec encore plus de trémolos, le service civique comme une expérience unique et indispensable de rencontre et de dévouement à l’intérêt général, qui aura influé sur leur parcours et, plus largement, sur leur vie.

Ceux qui auront écrit cette loi pourront dire, comme Horace dans une de ses Odes, Exegi monumentum aere perennius. C’est tout ce que je vous souhaite, mesdames, messieurs les sénateurs, de « bâtir un monument plus durable que l’airain » !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de féliciter nos collègues du groupe RDSE, et tout particulièrement M. Yvon Collin, pour l’opiniâtreté dont ils ont fait preuve à propos de ce service civique.

À la fin de la dernière session parlementaire, ils avaient déjà été à l’origine d’un fort intéressant débat sur cette question en séance publique. Celui-ci avait permis à ma collègue et amie Éliane Assassi de faire part de l’approche de notre groupe à ce sujet.

Tous les groupes s’étant exprimés, il nous semblait alors qu’un vrai travail législatif pouvait s’ouvrir pour mettre au point un service national d’un type réellement nouveau, s’appuyant sur l’aspiration de notre jeunesse à l’engagement et à la reconnaissance.

Malheureusement, nous estimons que ce processus opportun se trouve, à travers l’examen du texte qui nous est soumis, détourné de son objectif. Nous pourrions même dire que la proposition de loi de nos collègues est, d’une certaine façon, victime d’un double hold-up législatif.

Tout d’abord, tout juste déposée par ses auteurs, elle se trouve propulsée au rang de mesure gouvernementale, annoncée par le Président de la République dans le cadre d’un plan pour la jeunesse manquant singulièrement d’ambition.

Ensuite, il ne s’agit pas – et notre étonnement fut grand en le découvrant ! – d’une mesure en faveur de la jeunesse puisqu’elle s’adresse finalement à l’ensemble de la population.

Ainsi, le service civique proposé se transforme, d’une part, en mesure de placement conservatoire des jeunes de seize à dix-huit ans en rupture scolaire et, d’autre part, en un dispositif permettant aux adultes en rupture d’activité professionnelle de se consacrer à des missions d’intérêt général.

Autrement dit, à partir d’une idée généreuse et novatrice censée permettre à tous les jeunes qui le désirent de s’engager au service de la collectivité nationale, nous en arrivons à un texte portant diverses mesures en faveur du volontariat, notamment une nouvelle forme de contrat d’activité qui renforce la précarité de ceux qui, en fin de compte, devront se satisfaire de cette offre.

En effet, cette proposition de loi relative au service civique est en fait, pour partie, une réécriture de la loi relative au volontariat associatif, un dispositif que nous avions combattu et qui, à l’usage, s’est montré incapable d’intéresser autant de personnes qu’espéré. Aussi, pour tenter de le rendre plus attrayant, on en élargit l’accès aux jeunes âgés de moins de dix-huit ans et aux personnes occupant un emploi.

On profite également de cette modification pour « nettoyer » les textes relatifs à diverses autres formes de volontariat et pour réduire les avantages sociaux du volontariat associatif, en supprimant notamment la cotisation aux caisses de retraite complémentaire qui y était liée.

N’est-ce pas d’ailleurs la perspective de réaliser une telle économie qui a permis à cette proposition de loi d’être inscrite à l’ordre du jour de nos travaux ? En effet, chacun le sait ici, l’article 40 de la Constitution précise que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». Or, depuis quelques années, la majorité de notre assemblée a décidé que ces propositions ou amendements ne devaient même plus être examinés s’ils n’avaient franchi le filtre de la commission des finances.

Cette interprétation nous a d’ailleurs été à nouveau opposée à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi puisque deux de nos amendements ont été rejetés par le président de la commission des finances, alors que nous pensions que ceux-ci étaient gagés par l’article 12 de cette proposition de loi, qui a été adopté par la commission de la culture.

Refusant de croire qu’on puisse faire, au sein de notre assemblée, des différences dans la lecture et l’interprétation de notre Constitution, devons-nous en déduire que cette proposition de loi n’engage aucune dépense supplémentaire ? Nous attendons des précisions sur cette question, monsieur le haut-commissaire.

Cependant, notre groupe étant particulièrement favorable à l’initiative législative des parlementaires, nous nous réjouissons malgré tout que cette proposition puisse être débattue, même si nous émettons d’expresses réserves à son endroit.

C’est tout d’abord la dénomination de ce service national telle qu’elle est justifiée dans l’exposé des motifs, qui nous pose problème. Nous ne saurions voir dans ce dispositif la nécessité d’inculquer les valeurs de la République aux citoyens et, en particulier, à ceux qui sont issus des milieux les plus défavorisés. Une telle vision, déjà fort critiquable si elle ne s’adressait qu’à des jeunes, devient insupportable lorsqu’elle s’adresse à toute la population. Ni notre peuple ni sa jeunesse ne méritent une telle approche.

À l’inverse de ces gages de responsabilité citoyenne que d’aucuns croient devoir exiger, nous nous prononçons en faveur d’un véritable service national de solidarité, et non d’un service civique. Nous souhaitons qu’il soit ouvert à tous les jeunes majeurs, mais uniquement à ces jeunes, non pas pour leur inculquer quoi que ce soit, mais pour leur permettre de développer un engagement responsable au service de la solidarité nationale.

Selon notre conception, il ne peut s’agir que d’un service suffisamment intéressant, attrayant et souple dans sa mise en œuvre pour retenir l’attention de tous les jeunes, sans exception. Dès lors, il doit être réellement utile à ceux qui s’y engagent, mais aussi, et surtout, à la nation et à l’ensemble de la population, par les missions exercées. Aussi ce service national doit-il permettre à chaque jeune qui le souhaite d’effectuer de multiples missions, dans de nombreux domaines et sur tout le territoire. Il ne saurait être considéré comme un instrument d’insertion sociale ou professionnelle : de tels objectifs doivent relever d’autres types de dispositifs. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous sommes favorables à la prolongation de la scolarité jusqu’à dix-huit ans.

Il faut par ailleurs que ce service national soit piloté, précisément, au niveau national, avec un guichet unique territorialisé chargé de sa mise en place auprès des services publics et des associations, du développement des offres sur l’ensemble du territoire ainsi que du contrôle de son déroulement, bref, une porte d’accès permettant à chaque jeune de se renseigner et de s’engager.

Il faut aussi, bien sûr, qu’il ouvre droit à toutes les couvertures sociales et qu’il soit reconnu comme un élément de la formation de tout citoyen, pris en compte dans les parcours éducatifs.

Enfin, ce service national que nous appelons de nos vœux ne doit pas constituer un dispositif isolé dans un désert de politiques publiques qui met de côté notre jeunesse. Au contraire, il doit s’inscrire dans un ensemble de mesures favorisant l’autonomie responsable et solidaire de la jeunesse.

C’est à ces conditions que les jeunes se retrouveront majoritairement dans ce dispositif et seront tentés de s’y engager ; c’est à ces conditions que nous ferons naître un véritable service national utile à la nation.

Malheureusement, cela suppose une ambition qui semble aujourd’hui faire défaut aux pouvoirs publics. En mélangeant civisme, volontariat, insertion et engagement, le Gouvernement continue d’empiler de petites mesures catégorielles pour répondre aux multiples attentes de divers intervenants dont les objectifs sont souvent flous et disparates.

Pourtant, en utilisant cette proposition de loi comme base de travail, et en prenant réellement le temps de la rencontre et du débat sur les divers rapports qui ont été réalisés depuis plusieurs années sur cette question, il nous aurait été possible de parvenir à un tout autre texte. Nous ne laisserions alors pas à des décrets et autres règlements le soin d’en définir les conditions de mise en œuvre, comme c’est le cas aujourd’hui.

Ce rendez-vous manqué, nous le devons une nouvelle fois à la précipitation d’un gouvernement et d’un président qui souhaitent que le Parlement légifère toujours plus vite, sur des textes qui, finalement, manquent souvent leur cible ou s’avèrent inapplicables. Nous le savons, à l’heure actuelle, l’important n’est pas de faire, encore moins de bien faire ; l’essentiel est de faire savoir ! C’est ainsi que le piège s’est refermé sur cette proposition de loi. Sans son intégration au « plan jeunes » de Nicolas Sarkozy, elle n’aurait même pas été discutée ; en y étant intégrée, elle a été détournée.

Bien que les 10 000 volontaires associatifs annoncés voilà quatre ans soient devenus quelques centaines dans la réalité, malgré l’engagement des associations et la satisfaction des jeunes qui se sont engagés, on n’hésite pourtant pas aujourd'hui à avancer le chiffre de 70 000 jeunes mobilisés à terme par le service civique grâce à cette proposition de loi. Nous savons pourtant tous qu’en l’état actuel du texte, ils ne seront pas au rendez-vous, à moins, bien sûr, que des pressions ne soient exercées ou que des procédures ne soient instaurées à destination, d’une part, des jeunes qui décrochent, particulièrement ceux qui ont de seize à dix-huit ans et, d’autre part, de tous les adultes englués dans des petits boulots ou bénéficiant du RSA.

Finalement, nous risquons d’avoir plus de volontaires désignés que d’engagés volontaires !

Malgré cette vision pessimiste, nous espérons que nos débats et la navette parlementaire pourront encore améliorer ce texte. Nous proposerons ainsi une série d’amendements en ce sens, même si nous n’avons déposé que ceux qui nous paraissaient essentiels, le temps imparti à nos débats n’étant pas suffisant pour effectuer une réécriture complète du texte, qui nous semblait pourtant nécessaire.

Pour autant, nous ne perdons pas espoir. Nous souhaitons que le Parlement prenne le temps de se pencher sur cette question et parvienne, enfin, à la mise en place d’un véritable service national digne de notre époque et répondant aux enjeux de notre avenir.

En l’état, nous voterons contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, après avoir débattu ici même, la semaine passée, de la réforme du lycée, nous voici réunis autour de la proposition de loi relative au service civique. Ces deux textes concernent notre jeunesse, à laquelle le Sénat a voulu consacrer une mission commune d’information.

La finalité et les objectifs de l’école sont multiples : transmettre des connaissances, préparer à l’exercice d’un métier, mais aussi aider les jeunes à se construire et à devenir des adultes épanouis et responsables qui, chacun à leur place, joueront un rôle dans la société. L’école, c’est aussi le creuset de notre République, à travers la transmission des valeurs auxquelles nous sommes attachés, et qui constituent notre culture commune.

Les centristes prônent une éducation et une culture de l’ouverture, de l’émulation et de l’échange, qui contribuent à construire une identité vivante, à l’opposé du repliement sur soi. Au sortir de l’adolescence, à cette période charnière de la vie des jeunes, quel meilleur dispositif qu’un service civique pour offrir à ces derniers, dans le prolongement de l’école, l’occasion d’un engagement au service des autres ?

Le 22 février 1996, le Président de la République annonçait la suppression du service militaire obligatoire. Chacun s’accorde pour dire que, si une telle décision était légitime, ce passage obligé pour les jeunes hommes avait ses mérites. Facteur de brassage social et culturel, il permettait en effet de faire l’apprentissage de la vie en communauté et de cimenter le sentiment d’appartenance à une même nation.

Voilà pourquoi, quelques années plus tard, est apparue chez certains la volonté de recréer un dispositif qui permettrait de réunir les jeunes autour des valeurs fondatrices de notre société. À cet égard, je me permets de vous rappeler que, dès 2001, les centristes demandaient la création d’un service civique obligatoire et universel de six mois, « concernant les garçons et les filles, qui amènera chacun à donner un moment de sa vie aux autres, aux plus fragiles, sur notre sol ».

Depuis, l’idée a fait son chemin et, à la suite des émeutes de 2005, elle s’est imposée à tous. Le service civil volontaire fut alors instauré par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances. Reposant sur l’engagement dans des associations, ce dispositif permet aujourd’hui aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans d’accomplir une mission d’intérêt général pendant six à neuf mois, pour une rémunération de 600 à 650 euros par mois.

Néanmoins, après trois années d’application du dispositif, le bilan est décevant : à peine plus de 3 000 volontaires ont été recrutés alors que le dispositif devait concerner 50 000 jeunes en 2007. Comment expliquer un chiffre si faible ? Quand on sait que tous les jeunes qui ont bénéficié de cette expérience en sont satisfaits et que, d’après un sondage réalisé en juin 2008, plus de 260 000 d’entre eux, chaque année, seraient prêts à accomplir un service civique de six mois, il paraît évident que ce n’est pas le principe en tant que tel qu’il faut remettre en cause.

La relative inefficacité du service civil volontaire relève plutôt de ses modalités d’application, comme l’a démontré le rapport de Luc Ferry, et comme l’a très bien expliqué tout à l’heure notre collègue Yvon Collin.

Le système souffre notamment d’un réel déficit d’information et de visibilité, ainsi que de la lourdeur, de la complexité et de l’opacité des procédures, aussi bien pour les volontaires que pour les structures d’accueil. De ce fait, les jeunes, qui sont peu sensibilisés à ce nouveau dispositif et n’en ont pas toujours connaissance, passent à côté de cette opportunité et de cette aventure personnelle qui leur est offerte.

Partant de ce constat, notre collègue Yvon Collin a déposé, au nom du groupe RDSE, une proposition de loi dont nous avons à débattre aujourd’hui. La portée philosophique du texte qui nous est soumis est significative. Nous parlons enfin, comme le demandaient les centristes, d’un service « civique » et non plus civil. C’est une première avancée que je tiens à souligner. Ce glissement sémantique met en relief l’objet même du dispositif, qui est de « réaffirmer, voire d’inculquer les valeurs républicaines aux citoyens ou résidents de notre pays ou de l’Union européenne ».

Parmi les valeurs fondatrices de notre République doit figurer, comme je l’ai dit précédemment, l’ouverture aux autres. Or le service civique sera bel et bien l’occasion pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans de s’engager au service des autres. Il s’imposera comme une expérience humaine leur permettant de mieux se connaître eux-mêmes à travers la découverte des autres.

Qui peut nier que l’échange, la confrontation des origines et des expériences soient utiles ? Ce brassage, ce changement d’horizon, couplé avec l’accomplissement d’une activité d’intérêt général, seront profitables aux jeunes, leur donneront l’occasion d’affirmer leur personnalité, de nuancer leurs certitudes et favoriseront ainsi leur entrée dans la vie active ou universitaire. Garçons et filles de dix-huit ans ont besoin, en effet, de sortir du cocon familial, de sentir la diversité de la société et, a fortiori, de briser les barrières qui entourent le ghetto de certains quartiers.

Par ailleurs, force est de constater que nos jeunes peuvent, à l’heure actuelle, souffrir d’un certain manque de repères. Sans être réductrice, je pense qu’il existe une certaine causalité entre le délitement du lien social et le mal-être de notre jeunesse, qui peut prendre parfois des formes dramatiques.

Fondamentalement, la clé d’une société civile dynamique réside dans cette double aspiration à l’épanouissement personnel, au bien-être, et à l’adhésion à des valeurs collectives qui fondent la solidarité. L’un et l’autre sont respectables et nécessaires. L’affirmation de sa propre individualité ne saurait être remise en cause, mais elle ne signifie ni indifférence ni mépris pour les autres. Au contraire, la meilleure façon de réussir sa vie est d’en consacrer une part aux autres. Ainsi s’affirme la double dimension, individuelle et sociale, de chaque homme.

C’est ainsi que le service civique doit être l’occasion de retisser du lien entre des individus d’origines diverses. Facteur de cohésion sociale, il doit permettre l’intégration de tous. En tant qu’outil de lutte contre l’individualisme, le consumérisme et l’exclusion des jeunes, la nécessité d’un service civique prend tout son sens.

Néanmoins, la proposition de loi ne se limite pas à un énoncé de beaux principes philosophiques. Elle fournit aussi un cadre plus satisfaisant au dispositif. Elle prévoit une indemnisation non imposable, dont le montant équivaut à celui que perçoit actuellement un volontaire du service civil, soit 650 euros par mois. Cette somme paraît constituer une juste rémunération, reflet d’un équilibre garantissant au dispositif son esprit. Un tel montant permettra alors à n’importe quel jeune, quelles que soient ses ressources financières, de subvenir à ses besoins le temps de son service. C’est une condition sine qua non de la mixité sociale du dispositif.

L’article 4 établit un cadre juridique. Il définit les structures qui peuvent le proposer – organismes sans but lucratif ou personnes morales de droit public agréées –, et pose les conditions relatives à la personne volontaire ainsi que les régimes d’indemnité et de protection sociale applicables. Comme le souligne Christian Demuynck dans son rapport, ces garde-fous éviteront que le service civique ne devienne une forme de salariat ou de bénévolat déguisé.

Une autre avancée du texte concerne la reconnaissance et la valorisation du service civique. S’inscrivant dans le parcours de formation des jeunes de seize à dix-huit ans, et permettant une validation des acquis de l’expérience, comme cela se fait déjà au Canada, le dispositif est un parfait complément du cursus scolaire. La question de la valorisation de l’engagement est primordiale ; si un jeune fait la démarche de s’engager pour sa nation, celle-ci doit lui accorder en retour une juste reconnaissance.

Enfin, je tiens à le souligner, ce texte permet une unification des différentes formes de volontariat tout en tirant le régime vers le haut.

Si je souligne les avancées nombreuses de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui – et à laquelle, je le sais, monsieur le haut-commissaire, vous avez apporté un large soutien – je regrette toutefois qu’elle ne fasse pas plus profondément évoluer le dispositif.

Mon premier regret est que la dimension européenne, pourtant affirmée dans l’exposé des motifs, ne se traduise pas par des propositions plus concrètes à travers le texte.

D’une part, nous pourrions nous inspirer des dispositifs mis en place dans d’autres pays européens qui sont des modèles de réussite. Ainsi, le service civil volontaire italien parvient à mélanger des jeunes de toutes classes sociales et suscite au moins deux fois plus de candidats qu’il n’y a de projets proposés. Il semblerait pertinent de travailler en collaboration avec ces équipes.

D’autre part, nous pourrions songer à créer un statut européen pour le service civique, qui offrirait aux jeunes de plus larges perspectives de mobilité. La réussite des programmes tels que Erasmus ou Leonardo, ou encore du volontariat international en entreprise, en complément de la validation des acquis de l’expérience, est très encourageante. Ainsi, les structures d’accueil pourraient développer des partenariats et proposer des projets d’intérêt public européen.

Enfin, comme l’a rappelé mon collègue François Zocchetto le 10 juin dernier, lors du débat sur le service civil volontaire, le service civique a vocation à être obligatoire et universel. Il mérite de concerner toute une tranche d’âge qui partage en même temps une même expérience et se constitue ainsi un socle de valeurs communes.

Je le sais, la question reste en suspens, notamment en raison du coût non négligeable d’une telle mesure – de 3 milliards à 5 milliards d’euros, selon les estimations – et de l’état préoccupant de nos finances publiques.

Il est également vrai que, dans la mesure où le contexte économique actuel n’est guère favorable aux jeunes, ceux-ci, faute de s’approprier véritablement le dispositif, pourraient y voir, faute de mieux, une forme d’occupation temporaire en attendant de trouver ce premier travail auquel ils aspirent tous. Ce n’est pas ce que nous souhaitons.

Nous devons imaginer une montée en charge progressive d’un dispositif maîtrisé et qui aura fait ses preuves. Comme l’indique l’exposé des motifs, nous souhaitons une évaluation régulière, qui nous permettra d’apporter les ajustements adéquats à ce dispositif, dans le but, si l’expérimentation est positive, de la généraliser.

En attendant, monsieur le haut-commissaire, tout cela ne fonctionnera que si le service civique fait l’objet d’une promotion volontariste et efficace.

Ayons, en tout cas, de l’ambition pour ce projet, car, comme le disait Léon Gambetta, « il ne suffit pas de décréter des citoyens, il faut en faire ».

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, du RDSE et de l ’ UMP. – Mme Claire-Lise Campion applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je commencerai mon propos en citant Julien Benda, philosophe et écrivain : « Ce sera une des grandes responsabilités de l’État moderne de n’avoir pas maintenu [...] une classe d’hommes, exempts des devoirs civiques, et dont l’ultime fonction eût été d’entretenir le foyer des valeurs non pratiques ».

Nous avons la chance de vivre en France, un pays pétri de valeurs et d’histoire. Pourtant, la jeunesse de notre pays connaît un réel malaise et apparaît souvent sans les repères qui construisent l’homme ou la femme adulte vivant en société. Et puisque l’harmonie de vivre ensemble doit être assurée, c’est à nous, législateur, d’aider notre jeunesse à faire l’apprentissage de la fraternité et du civisme.

Sans doute sommes-nous responsables quand notre jeunesse semble déboussolée. Peut-être avons-nous mal transmis les valeurs que nous avaient enseignées nos anciens.

Quoi qu’il en soit, dans le contexte actuel de crise financière et de crise sociale, notre jeunesse a désespérément besoin de valeurs auxquelles se raccrocher, et qui sont autant de références pour réussir sa vie, pour soi et pour les autres.

Le service militaire obligatoire n’était pas dépourvu d’aspects négatifs, mais une majorité de Français y voyait la possibilité d’une cohésion nationale, d’apprentissage de la vie en communauté et de brassage social. Combien de « copains de régiment » ne sont-ils pas restés copains pour la vie ! Il permettait aux jeunes une prise de conscience, au moment où ils arrivaient à l’âge adulte, de leurs devoirs vis-à-vis de la communauté nationale. Mais la société française a changé, et les moyens de la défense nationale ont évolué. Il fallait en prendre acte.

Au lieu de conserver les aspects positifs du service national, nous avons laissé s’affaiblir l’éducation au civisme et à la citoyenneté. Cela est déploré par tous et il serait temps de remettre les valeurs de la République à l’ordre du jour. Nous avons la chance d’être un pays avec une histoire riche, sachant marier la défense des droits et la grandeur des devoirs des citoyens. Malgré quelques rappels sévères de la Cour européenne des droits de l’homme, nous devons rester le pays des droits de l’homme, et les enfants de notre République doivent se le rappeler, en faisant vivre ces valeurs.

Apprendre à vivre ensemble, filles et garçons, avec la notion de respect réciproque que cela implique, transcender les individualismes, respecter les différences, s’ouvrir aux autres : voilà les fondamentaux de la vie en collectivité. Leur acquisition passe par le développement du civisme, culture première du citoyen, à laquelle il faut donner un élan nouveau.

La République a encore quelque chose à dire. Elle est capable de transmettre ses valeurs. Elle peut continuer de porter un projet collectif qui transcende les barrières de classe, de naissance et d’origine.

Après la famille, c’est à l’État qu’il appartient de tout mettre en œuvre pour faire vivre les valeurs du pacte républicain. C’est à lui d’organiser le cadre qui permettra de réinventer un système capable d’inculquer aux jeunes que le civisme est un devoir et la citoyenneté un droit.

Concernant la terminologie, il faut désormais parler uniquement de « service civique », l’utilisation de l’expression « service civil » qui a été faite par le passé ne recouvrant pas entièrement les enjeux et objectifs d’un service civique. La terminologie joue ici un rôle très important : elle est la première à faire passer le message que nous voulons adresser.

Notre objectif à long terme doit être la création d’un service, civique donc, universel, mixte et obligatoire, qui permettrait un nécessaire brassage social, une confrontation aux différences, pour les jeunes de notre pays, un brassage des cultures qui se mêlent sur notre sol, un apprentissage de la citoyenneté, faite de droits et de devoirs.

Et pourtant, pendant pratiquement dix ans, bien peu a été fait pour remplacer le service militaire et pour permettre le brassage social et culturel de notre jeunesse. Malheureusement, ce ne sont que l’épisode des violences urbaines de l’automne 2005 et l’image négative persistante dont la jeunesse fait parfois l’objet au sein de l’opinion publique qui ont permis l’arrivée de la loi sur l’égalité des chances de mars 2006 et, avec elle, la création du service civil volontaire doté d’un statut officiel.

Mais, aujourd’hui, force est de constater que ce service civil est un échec, ce qui, pour le moment, exclut malheureusement la possibilité de créer un service civique obligatoire. Les conditions de réussite d’un tel engagement ne sont, en effet, pas du tout réunies.

La première de ces conditions est bien entendu le budget qu’il faudrait y consacrer. Je doute que, dans les conditions actuelles, l’État ait les moyens financiers nécessaires. On imagine que la décision de le rendre obligatoire suppose une volonté politique très forte et un important travail en amont. Je suis donc réaliste, même si, pour paraphraser Jean Jaurès, il faut toujours tendre vers l’idéal.

Un service civique, obligatoire ou non, doit être attrayant et valorisant. Il faut une phase de montée en puissance du service civique volontaire. Ce qui a été mis en place en 2004 par le plan Borloo, puis en 2006 par le plan Villepin, ne permet pas cette montée en puissance de manière satisfaisante.

La mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes a permis de faire un bilan de l’existant en matière de service civil, ou civique, selon les cas. Certains de mes collègues, notamment par la voix de Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission, et de la vôtre, monsieur le rapporteur, ont eu l’occasion de tirer les conclusions de ces travaux dans cet hémicycle.

L’ambition de la loi de 2006 était d’atteindre rapidement les 10 000 volontaires, puis d’arriver à 50 000 personnes par an. Pourtant, au cours des quatre années de mise en place de ce service, seuls 3 134 volontaires ont été recrutés sous ce statut. C’est donc un échec, et pas seulement du point de vue quantitatif : ces chiffres ne permettent évidemment pas d’atteindre les objectifs de mixité sociale de toute une classe d’âge, un des principaux enjeux de ce service civil.

Les raisons de cet échec sont parfaitement identifiées.

La première raison, et la plus significative de la politique du Gouvernement, concerne les crédits attribués au service civil volontaire, qui ont été ridiculement bas au regard des enjeux et des objectifs contenus dans la loi de 2006.

En effet, un jeune volontaire reçoit une indemnité mensuelle maximale de 652 euros. Sur cette indemnité, l’État prend à sa charge jusqu’à 90 %, auxquels il faut ajouter les charges sociales, dont l’État prend en charge 95 %, plus une partie des dépenses d’accompagnement. Au total, un volontaire coûte donc en moyenne à l’État 14 232 euros par an.

Au vu de ces chiffres, le budget actuel ne permet même pas le recrutement de 10 000 volontaires par an. On est bien loin des 50 000 initialement annoncés par le Gouvernement !

En 2008, il manquait, dès le premier trimestre, 7 millions d’euros à l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances pour boucler son budget. Celle-ci a donc été contrainte de demander aux structures d’accueil de cesser le recrutement de volontaires associatifs. Un comble pour une mesure qui montrait déjà ses limites !

Comment, dans de telles circonstances, remplir les objectifs, pourtant fondamentaux, du service civil volontaire ? Le Gouvernement avait-t-il vraiment l’ambition de refonder le lien citoyen entre l’individu et la collectivité, d’organiser la rencontre de nos jeunes, le brassage de toute une classe d’âge ? La question mérite d’être posée.

Le nouveau statut proposé aujourd’hui par notre collègue Yvon Collin devrait retenir, avec un peu plus de constance cette fois-ci, l’attention du Gouvernement.

Une autre raison contribue à expliquer le faible nombre de volontaires effectuant leur service civil réside tout simplement dans l’ignorance, par les jeunes, de cette possibilité qui leur était offerte. Le défaut de communication a été fatal au service civil. Ne le connaissent que les jeunes qui font une démarche en ce sens. D’ailleurs, ce sont les associations qui utilisent très majoritairement ce dispositif, à plus de 95 %. Les communes et les établissements publics se partagent le reste. Cela réduit d’autant la diversité des missions et du recrutement des futurs volontaires.

Enfin, concernant l’objectif de mixité sociale, qui était un objectif essentiel du service civil volontaire, il ne semble pas atteint. Bien que toutes les catégories sociales soient représentées, elles ne sont pas mélangées. Les jeunes sont, en l’état, trop isolés dans des dispositifs séparés. Ceux qui sont issus de familles aisées s’engagent plutôt dans le volontariat international, alors que les jeunes venant de milieux défavorisés sont orientés dans des structures locales.

Des jeunes totalement différents ne peuvent donc ni échanger ni s’enrichir mutuellement du vécu de chacun. La mixité sociale était pourtant l’un des principaux enjeux du service civil.

Nous ne pouvons pas nous contenter de la situation que je viens de décrire. Mais, nous ne pouvons pas relancer un nouveau projet sans un minimum de concertation. Nous savons que les associations sont demandeuses d’une amélioration de l’actuel service civil volontaire. Un travail en profondeur doit donc être réalisé avec elles. Une association comme « Unis-Cité » emploie à elle seule chaque année plus de 900 volontaires. Ce sont des associations comme celle-ci, qui connaissent bien les jeunes, mais aussi la forme du service civil actuel qui pourront nous aider à bâtir un service civique, au plus près de leurs besoins et de leurs attentes, et qui permettront de définir un vrai service civique.

Nous devons travailler avec ces acteurs, afin que le service civique ne constitue pas une corvée pour les jeunes de notre pays, mais soit au contraire une superbe opportunité de rencontres, une occasion de se tourner vers les autres et de découvrir des valeurs républicaines, qui pour diverses raisons n’étaient pas encore ancrées dans leur bagage intellectuel.

La proposition de loi de notre collègue Yvon Collin est un pas en avant, une étape nécessaire pour atteindre l’idéal, c’est-à-dire un service civique obligatoire.

Tout le sens du service civique est d’organiser la rencontre entre l’engagement personnel et le service solidaire de la collectivité. Il est de la responsabilité de l’État de permettre à l’individu de s’engager et de lui en fournir les moyens.

En plaçant l’obligation du côté de l’État, et non plus du côté de l’individu, comme c’était le cas avec le service militaire, on rompt également avec la tradition séculaire qui veut que l’engagement citoyen soit subi. Peut-être est-ce la solution pour arriver à un service civique qui soit plus automatique et systématique – j’allais dire naturel –qu’obligatoire.

Cette proposition de loi a l’avantage de regrouper sous un seul format une multitude de dispositifs de volontariat civil. Jusqu’à ce jour, on en recensait en effet une dizaine : volontariat associatif, volontariat civil de cohésion sociale, etc. ; et autant de procédures administratives et de missions, ne répondant pas toujours à l’intérêt général.

Un statut unique permettra, en revanche, un recentrage des missions qui sont confiées aux jeunes et une simplification administrative, tant du côté des structures d’accueil pour leur agrément que du côté des candidats.

Les structures d’accueil pourront ainsi être diversifiées, et si le travail d’information auprès des jeunes est réalisé, le service civique pourra alors remplir son rôle. Ce sera une expérience humaine enrichissante qui viendra compléter leur cursus scolaire et/ou universitaire avant qu’ils entrent dans la vie active, mais ce sera aussi l’occasion d’aider ceux qui ont décroché et sont sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification. Le service civique peut être à la fois un apprentissage de la citoyenneté et un tremplin pour l’insertion professionnelle.

Par ailleurs, le fait de doter le service civique de toutes les garanties économiques et sociales nécessaires permettra au plus grand nombre de profiter de cette nouvelle expérience, en ce qui concerne tant l’indemnisation, ajustable en fonction des circonstances et non imposable, que l’encadrement juridique des termes du contrat.

Enfin, une évaluation du dispositif devrait être prévue, dans deux ou trois ans, afin de réajuster ce qui est décidé aujourd’hui.

Notre jeunesse nous crie son besoin de plus de cohésion, de compréhension, de découverte de la société et du monde. Nous devons lui donner cette chance, nous devons lui offrir l’espoir d’une vie plus sereine où chacun aura appris à vivre non pas à côté de son voisin mais avec lui. C’est à un véritable enjeu de société que nous nous trouvons confrontés aujourd’hui.

Pour finir, il est un élément essentiel sur lequel j’aimerais insister : la mise en œuvre de cette proposition de loi et d’un véritable service civique de qualité et remplissant ses objectifs nécessitent, de la part de l’État, un engagement financier significatif.

Sans cet engagement financier, le service civique est de nouveau condamné à n’être que quelques mots supplémentaires inscrits dans le code du service national. Sur ce point, nous attendons, monsieur le haut-commissaire, vos assurances et vos engagements.

Les débats budgétaires qui approchent nous montreront, de toute façon, quelle importance l’État accorde au renforcement du civisme et de la mixité sociale dans notre pays.

En somme, nous ouvrons le débat en étant plutôt favorables à la proposition de loi de M. Collin. Nous avons vu qu’une quarantaine d’amendements sont à examiner. Il va de soi que nous serons attentifs au sort réservé à ceux qui seront présentés par notre groupe, qui n’ont d’autre prétention que d’enrichir ou préciser le texte. De même, nous regretterions que des amendements viennent vider la proposition de loi de sa substance.

J’espère en tout cas que de notre dialogue sortira une loi qui permettra à la jeunesse de France de partager les valeurs qui constituent le ciment de notre communauté nationale et font rayonner à travers le monde nos idéaux nés des Lumières et de la Révolution française.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE. – Mme Catherine Morin-Desailly, Mlle Sophie Joissains et M. Christian Poncelet applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, parmi toutes les actions que l’on nous promet ces derniers mois en faveur des jeunes, il en est une qui me semble fondamentale et qui doit occuper une place de tout premier plan : la réforme du service civil.

En ce qui nous concerne, lassés par les effets d’annonce, nous avons, avec mes collègues du groupe du RDSE, notamment son président, Yvon Collin, décidé d’aller de l’avant et de nous investir sur ce sujet essentiel pour l’avenir de notre nation.

Ce sont les aspirations et les difficultés des jeunes qui constituent le point de départ de notre réflexion quant à la mise en place d’un service civil entièrement repensé. Il est aujourd'hui vital de recréer du lien social en incitant les jeunes à assouvir un sain désir de donner de leur temps au service des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Ce temps à part dans la vie de chacun doit devenir une occasion privilégiée pour acquérir une éducation civique et citoyenne qui offrira de sérieuses perspectives d’insertion.

Grâce à cela, nous voulons combattre l’individualisme qui n’engendre que du négatif : violence, incivilité, disparition progressive du sentiment d’appartenance à une collectivité nationale.

Aujourd'hui, il existe déjà un dispositif, unanimement jugé inadapté. La lourdeur des procédures, la complexité des financements, l’absence totale de visibilité du service civil volontaire tant auprès des jeunes que de leur entourage, y compris leur entourage professionnel, sont autant de raisons qui l’ont empêché de se développer, comme cela était attendu avec impatience après les graves incidents qui ont agité les banlieues en 2005.

Alors que la crise économique frappe de plein fouet la jeunesse de notre pays, nous avons le devoir d’améliorer ce dispositif. Les jeunes doivent pouvoir bénéficier de l’expérience extraordinaire que constitue un service que l’on qualifiera désormais de « civique ».

Le service civique que nous voulons instaurer avec cette proposition de loi revêtira, nous en sommes convaincus, les caractéristiques nécessaires à son succès.

Tout d’abord, je me réjouis qu’il conserve son caractère volontaire. En l’état actuel des choses, on ne peut envisager de le rendre obligatoire, en raison des contraintes financières et matérielles que cela sous-entend et parce qu’il est pour l’instant l’objet d’une mauvaise presse.

Il sera donc essentiel de développer cette visibilité dont les jeunes ont besoin, afin que le service civique soit reconnu comme étant particulièrement valorisant et épanouissant. Il est indispensable, si l’on veut que le service civique attire les jeunes de notre pays, que cet épanouissement soit absolument éclatant.

L’État doit avoir un rôle incitatif. Considérons qu’il s’agira d’une phase d’expérimentation sur le fondement d’un volontariat fortement valorisé et surtout fortement encouragé.

Le service civique que décrit cette proposition de loi permettra aux jeunes d’assouvir leur goût pour l’engagement et la solidarité en France ou à l’étranger, dans des domaines très variés tels que l’action humanitaire, la coopération, tellement attendues dans un certain nombre de pays, que ce soit en Afrique, en Amérique latine, voire en Asie. Car ce que la France a de meilleur à donner, c’est encore son savoir et ses expériences.

Le service civique serait utile pour un certain nombre de jeunes, alors que le service militaire de la coopération a disparu, et qu’il n’a pas été remplacé de façon efficace par d’autres dispositifs. Il y va de la réputation et de l’image de la France dans un certain nombre de pays.

Coopération, prévention, éducation ou encore défense de l’environnement : le service civique doit inciter les jeunes à acquérir les valeurs fondamentales de notre République.

D’une durée variable de six à vingt-quatre mois, il sera ouvert à toutes les personnes de plus de seize ans et sans limite supérieure d’âge, citoyens européens ou étrangers sous condition de résidence régulière et continue en France. Cette large mixité au sein des volontaires est indispensable pour nous permettre d’atteindre l’objectif de brassage que nous nous fixons.

Ce service pourra s’effectuer dans un cadre institutionnel ou associatif mais l’aspect fondamental, me semble-t-il, réside dans la valorisation du service civique dans le parcours des jeunes, tant dans leur cursus d’enseignement supérieur que dans leur carrière professionnelle par le biais de la validation des acquis de l’expérience, comme cela a été dit à plusieurs reprises.

Par ailleurs, une attestation d’engagement de service civique sera délivrée ainsi qu’un document recensant les activités exercées, les aptitudes, les connaissances et les compétences acquises, y compris pour les bénévoles ayant exercé dans le cadre d’une mission d’intérêt général.

Grâce notamment à la phase de préparation aux missions ainsi qu’à l’accompagnement des volontaires par un tuteur désigné pour assurer une formation citoyenne et faciliter la réflexion sur un projet d’avenir, le service civique que nous proposons remplira pleinement son rôle.

Il sera un moment d’insertion civique autant que d’insertion professionnelle sur le marché du travail ; il favorisera le don de soi à la collectivité et le brassage social. Bref, il sera un vecteur fondamental de la cohésion nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Le service civique doit être le vent frais de l’espérance et de la générosité dont notre société a tellement besoin.

Mes chers collègues, nous avons aujourd’hui l’occasion de faire un grand pas en avant dans notre politique en faveur des jeunes. Le Sénat sera à l’origine de cette excellente initiative et nous ne pouvons que nous en réjouir. Nous n’avons plus qu’à adopter ce texte dans la meilleure version possible – je ne doute pas qu’il sera fortement amélioré par les amendements – et à faire en sorte de sensibiliser nos collègues de l’Assemblée nationale pour qu’ils s’en saisissent le plus rapidement possible. De la rapidité avec laquelle le nouveau dispositif sera mis en place dépendra son succès et le terme de « Chambre Haute », à cette occasion, prendra tout son sens.

Je terminerai par une question : ne faudrait-il pas prévoir un dispositif pour les jeunes ayant eu maille à partir avec la police et la justice afin de les inciter à adhérer au pacte républicain et de favoriser l’avènement de la société harmonieuse et pacifiée dont nous rêvons tous ?

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

J’informe le Sénat que la question orale n° 668 de M. Alain Gournac est retirée de l’ordre du jour de la séance du mardi 3 novembre 2009. Elle est remplacée par la question orale n° 673 de Mme Claudine Lepage.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.