Nous verrons, monsieur le sénateur ! Mais je vais vous répondre dans un instant.
Quant au périmètre de compétence du Haut représentant et du service européen d’action extérieure, vous avez compris que je défends une option ambitieuse : la politique de voisinage, monsieur Blanc, figure naturellement dans ce périmètre.
Quant à l’Union pour la Méditerranée, l’UPM, un membre de mon cabinet est désormais en charge de ce dossier, en liaison avec les équipes de M. Henri Guaino, car l’enjeu est de taille. Telle est ma conviction depuis que j’ai entendu le discours tenu à Toulon, en février 2007, par celui qui, à l’époque, n’était que candidat à la présidence de la République. Cet enjeu est fondamental parce que l’Afrique va bientôt compter 2 milliards d’habitants. Il est donc impensable que l’Europe ne s’en préoccupe pas. Nous avons par conséquent besoin d’une sorte de « maison commune » rassemblant les Vingt-sept et le monde méditerranéen.
La mise en place de l’UPM est complexe et elle a été parasitée par la crise de Gaza ; mais l’UPM est loin d’être morte. Des projets extrêmement importants doivent être montés, gérés et pilotés, notamment dans le domaine de l’énergie, mais nous travaillons aussi activement sur d’autres sujets. J’espère donc que nous serons très rapidement en mesure de reparler de l’UPM, non pas en termes institutionnels ou de nominations – nous progressons à cet égard –, mais en termes de programmes concrets de développement pour toute la région.
M. Ries a soulevé beaucoup de questions, et je voudrais moi-même lui en poser trois.
Premièrement, monsieur Ries, vous avez critiqué la politique commune de contrôle de l’immigration que nous essayons de mettre en place au niveau européen, notamment par l’harmonisation de nos politiques de délivrance des visas et de protection des côtes. Allez-donc en Grèce : vous verrez comment ce pays est littéralement saturé de clandestins, au point que son équilibre interne est menacé ! La droite n’est pas la seule à le dire, car la Grèce a maintenant un gouvernement de gauche. J’aurais souhaité que vous entendiez les propos tenus hier par le nouveau ministre grec des affaires européennes, un socialiste, sur la situation extrêmement difficile de son pays. L’an dernier, la Grèce a arrêté – c’est bien le mot – 150 000 clandestins, qui proviennent de Turquie et arrivent sur les côtes de la Grèce – la façade maritime, compte tenu des nombreuses îles, est de quelque 13 000 kilomètres – à bord d’embarcations qui coulent à quelques centaines de mètres de la plage, permettant à leurs passagers de se déclarer réfugiés. Toutes ces personnes ne peuvent évidemment pas rester en Grèce et se retrouvent ensuite dans l’espace Schengen. Telle est la réalité !
On peut trouver cette situation normale et dire, comme vous le faites, que l’Europe doit « s’accepter comme une terre d’immigration et d’accueil pour tous les réfugiés ». Dans ce cas, nous sommes loin d’en avoir fini, car il y a des dizaines de millions de candidats. Chaque année, des dizaines, voire des centaines de milliers de clandestins entrent dans l’Union européenne ! La Turquie est malheureusement devenue la porte d’entrée principale pour ces clandestins : ils accèdent à l’espace Schengen soit par voie de terre, soit par voie de mer à partir des côtes turques. Sans parler des clandestins qui arrivent en ce moment à Malte ou sur les côtes italiennes, en provenance de Libye !
La plupart des États membres de l’Union européenne riverains de la Méditerranée sont soumis à une pression qui devient très difficile à assumer. D’où l’idée émise par le Président de la République, en liaison avec M. Berlusconi – mais je peux vous assurer, monsieur Ries, que tous les gouvernements méditerranéens avec lesquels j’ai des discussions partagent ce sentiment d’urgence. Ce n’est pas faire preuve de racisme, d’ostracisme ou de xénophobie que de dire qu’un pays démocratique a le droit de gérer l’immigration au lieu de la subir. Tous les grands pays d’immigration qui sont aussi des démocraties, qu’il s’agisse du Canada, des États-Unis ou de l’Australie, mènent une politique de l’immigration, fondée sur des lois et des règles, et ne se contentent pas de subir la pression migratoire. Pensez-vous qu’il soit raisonnable de dire que l’accord de réadmission signé avec la Libye relève d’une mauvaise idée ? Est-il vraiment raisonnable de refuser l’accord de réadmission avec la Turquie ?
Votre deuxième question portait sur le soutien de l’Union européenne aux pays en voie de développement en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Nous y sommes évidemment favorables ! Vous verrez d’ailleurs, dans le document final qui sera publié à l’issue du Conseil européen, que les crédits prévus vont jusqu’à 100 milliards d’euros, ce qui est loin d’être négligeable ! Mais où trouver cet argent et à qui l’attribuer ? Ne faites-vous aucune différence entre les grands pays émergents qui se cachent derrière les pays en voie de développement et ces pays en voie de développement eux-mêmes qui sont dépourvus de tout ? Les mêmes règles doivent-elles s’appliquer à tous et doit-on transférer l’argent et les technologies de la même façon ? C’est là que la négociation est difficile et qu’il nous appartient d’opérer une distinction, à partir des critères que sont le niveau d’émissions et le PNB : la négociation les prend en compte. L’exercice est difficile, mais ne dites pas à l’avance que nous refusons d’aider les pays en voie de développement.
Enfin, s’agissant de la taxe carbone, vous avez émis le vœu que l’Union européenne adopte une méthode moins comminatoire : mais qu’avez-vous d’autre à proposer ? Vous êtes maire d’une grande ville, monsieur Ries, et vous êtes donc payé pour connaître les problèmes de l’immigration, dont j’ai parlé à l’instant, et ceux du développement. D’une part, nous tenons le discours de la générosité, en aidant au moyen des transferts de technologies et d’argent ; d’autre part, nous brandissons l’arme de dissuasion qui consiste à soumettre tout le monde aux mêmes règles, pour préserver nos entreprises. Sinon, nous risquons d’institutionnaliser le dumping écologique, et nous serons les dindons de cette farce : les émissions de gaz à effet de serre ne diminueront pas et de graves inégalités se développeront.
M. Chevènement, pour lequel j’éprouve une très grande estime, a évoqué dans son intervention le soupçon d’illégitimité qui entacherait le traité de Lisbonne. Monsieur le sénateur, ceux qui ont voté « non » au référendum de 2005 en France, vos anciens amis politiques ou ceux qui sont restés vos amis, représentaient une coalition improbable…