Un soupçon d’incohérence ne planait-il pas sur un tel assemblage ?
Deuxièmement, vous vous moquez de MM. Zinedine Zidane et Umberto Eco, en demandant pourquoi l’Europe ne serait pas dirigée par des personnalités aussi éminentes. Mais, monsieur Chevènement, vous qui avez étudié l’histoire, pensez-vous vraiment que MM. Chamberlain et Laval, au moment où l’orage menaçait l’Europe, se sont mieux comportés que des amateurs ? Réfléchissez-y !
L’Union européenne nous offre un certain nombre de garde-fous. Je préfère un système collectif, où tout le monde s’assied autour de la table pour prendre des décisions en cas de crise. Regardez ce qui s’est passé pendant la crise de 2008 : heureusement qu’un cadre européen nous a permis de gérer ensemble la crise financière. Comparez avec la situation qui a prévalu en 1929… Regardez ce qui s’est passé lors de la crise géorgienne de l’été 2008 et comparez avec les crises précédentes. Il n’est pas si mal de disposer d’un cadre européen, et vos moqueries me paraissent déplacées car, dans notre histoire, il aurait mieux valu, dans l’intérêt même de la France, que certains individus soient footballeurs !
Enfin, s’agissant du Conseil de sécurité, la France n’a nullement l’intention de partager sa place de membre permanent non plus que la décision en matière nucléaire. Pour autant, nous avons fait des propositions, que les Allemands ont d’ailleurs refusées. Depuis lors, cette question reste pendante.
Aujourd’hui, pour résumer les choses, le Conseil de sécurité intervient dans les affaires politico-militaires, cependant que le G 20, formé voilà quelques années, qui regroupe les grandes puissances développées et en développement, est compétent pour les affaires économiques et politiques. Pour le moment, il faut nous accommoder de cette répartition des rôles, qui n’est pas aussi négative qu’on veut bien l’indiquer.
Je voudrais dire maintenant un mot sur les suites du G 20 et sur les moyens pour notre économie d’éviter d’être prise en tenaille entre, d’une part, les économies à bas salaires et, d’autre part, les effets des dévaluations compétitives du dollar et du yuan.
Monsieur Chevènement, nous sommes aussi conscients que vous de cette situation, et certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont eu raison de dire qu’elle sera au centre de toutes les préoccupations au cours des mois et des années qui viennent.
Il est exclu que nous servions de monnaie de réserve gratuite et d’alibi à une dévaluation compétitive permanente des deux monnaies que j’ai citées. Constituons d’abord une union économique solide, qui nous permettra par la suite de gérer la compétition monétaire.
M. Yves Pozzo di Borgo a soulevé plusieurs questions ayant trait à la politique de défense européenne et à la politique spatiale.
S’agissant de la première, il a rendu hommage au travail de « volontarisme partagé » que j’essaie de mener auprès de nos partenaires, travail qui n’est guère aisé.
Quant à savoir si le futur Haut représentant pour la politique étrangère de l’Union européenne sera compétent sur ces sujets, la réponse est positive : celui-ci étant le représentant du Conseil, il disposera d’autant de prérogatives que le Haut représentant actuel.
Bien entendu, il ne faut pas communautariser les mécanismes militaires. Une négociation est en cours sur ce dossier, mais ce point de vue est partagé.
En matière de politique spatiale, l’article 189 nouveau du traité de Lisbonne traite des mesures nécessaires à l’élaboration d’une politique spatiale européenne, qui peut prendre la forme d’un programme spatial européen.
Les dépenses européennes dans ce domaine représentent approximativement le quart de celles des États-Unis. C’est dire si nous avons du retard à rattraper. Pour autant, notre bilan est loin d’être médiocre puisque nous avons réussi à mener à bien des projets aussi réussis que Galileo et le GMES, ou Global monitoring for environment and security. Je me suis d’ailleurs rendu récemment en Italie, dans une usine du groupe Thales Alenia Space, qui œuvre notamment dans le système Galileo.
Citons aussi le système Musis, ou Multinational space-based imaging system, le futur système militaire d’imagerie spatiale destiné à des missions de surveillance, de reconnaissance et d’observation, actuellement en phase de développement, qui recourra à des satellites d’observation optique et des satellites radars.
Enfin, l’Europe est aussi très active en matière de lanceurs. M. Portelli, me semble-t-il, évoquait tout à l’heure les aspects budgétaires de cette question. Il convient d’être très attentif, mais l’Europe doit disposer des moyens nécessaires pour mener à bien une véritable politique spatiale, pour laquelle elle possède toutes les compétences requises.
M. Billout, quant à lui, critique et le traité de Lisbonne et la politique européenne des États de l’Union. C’est son droit, et je ne le lui dénie aucunement. Pour autant, monsieur le sénateur, avec tout le respect que je vous dois, je ne peux vous laisser dire que le verdict des peuples a été « bafoué » et que « la ratification du traité de Lisbonne aura bien été une parodie de démocratie ».
Je trouve piquant que le parti communiste utilise les mêmes arguments que certains opposants irlandais au traité, qu’il s’agisse des partisans de l’avortement ou de la droite catholique la plus extrême, que les conservateurs britanniques de M. Cameron ou bien de l’extrême droite.