Intervention de Pierre-Yves Collombat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 juin 2016 à 8h40
Modalités d'inscription sur les listes électorales — Examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat, rapporteur :

L'an dernier, une proposition de loi de Mme Elisabeth Pochon sur la réouverture exceptionnelle des listes électorales a été examinée. Nous avions décidé de refuser la modification de circonstance qu'elle proposait, mais les députés ne nous ont pas suivis. Les textes déposés par Mme Élisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsmann réforment en profondeur les modalités d'inscription sur les listes électorales, mais ils concernent aussi les Français établis hors de France, les ressortissants de l'Union européenne qui votent pour les élections municipales et même la Nouvelle-Calédonie. Sur ce dernier point, vu le contexte, il serait préférable de ne pas apporter de modifications au système actuel de révision des listes électorales.

Les défauts de la procédure actuelle sont connus. L'écart entre les listes communales et le fichier général des électeurs de l'INSEE dépasse souvent 10 %, et parfois atteint même 30 %, ce qui est considérable. Certes, il y a des doubles inscriptions - on hésite toujours à rayer un électeur. Mais il y a aussi beaucoup d'erreurs d'état civil et d'adressage. De plus, dans une société plus mobile, nos modalités d'inscription sur les listes électorales ne sont plus adaptées. L'inscription est annuelle, jusqu'au 31 décembre. Sous réserve de la procédure de l'article L. 30 du code électoral, il peut y avoir un écart entre ceux qui ont pu s'inscrire et ceux qui pourraient le faire. L'an dernier, avec un scrutin en décembre, a bien mis en évidence le problème. Les Français établis hors de France ont la possibilité de faire une double inscription, sur une liste communale et sur une liste consulaire, ce qui a donné lieu à des difficultés lors des dernières élections présidentielles.

Je suis d'accord sur ce diagnostic et sur l'essentiel des remèdes proposés par ces textes. Il s'agit d'abord de la création d'un répertoire électoral unique, tenu par l'Insee, dont les listes électorales communales et consulaires ne seraient qu'une extraction. La deuxième innovation consiste en l'inscription en continu toute l'année sur les listes électorales, jusqu'à trente jours avant un scrutin. Dernière innovation, la suppression de la possibilité de double inscription pour les Français établis hors de France.

Je soutiens ces dispositions. Cela représentera au début une charge supplémentaire pour les communes, mais une fois que la mécanique sera huilée, leur tâche sera facilitée. J'ai examiné ce texte d'un point de vue pratique. L'enjeu est un nettoyage complet des listes, afin d'éviter les discordances entre le registre de l'Insee et les listes électorales et qu'une personne qui devrait être inscrite ne le soit pas et réciproquement. La loi doit entrer en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État au plus tard le 31 décembre 2018. Ce délai me parait trop court : il faut nettoyer les listes, l'Insee devra mettre en place le portail informatique, les communes disposer des logiciels compatibles et, enfin, assurer la formation des agents, ce qui n'est pas si simple. N'oublions pas non plus que le débit Internet n'est pas toujours garanti... Bref, je proposerai de reporter d'un an ce délai butoir.

À l'heure actuelle, les listes électorales sont élaborées sous l'autorité d'une commission administrative présidée par le maire ou par son représentant, et qui comprend un délégué de l'administration désigné par le préfet et d'un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance(TGI). Désormais, le maire établirait et réviserait seul les listes au cours de l'année, informant les intéressés, qui pourront saisir le juge le cas échéant. Trente jours avant le scrutin, le texte prévoit, au sein de chaque commune, une commission de contrôle des décisions d'inscription et de radiation prises par le maire afin de garantir la régularité de la liste électorale communale. Elle serait composée d'un représentant par liste siégeant au conseil municipal, sans représentant du tribunal d'instance ni du préfet. Le maire n'y siègerait pas non plus. Dans certains cas, l'opposition y serait même majoritaire ! En outre, cette commission pourrait saisir le tribunal d'instance des décisions du maire. On imagine aisément les dérives possibles en période électorale... Comme je l'ai indiqué à Mme Pochon et à M. Warsmann, ce mécanisme est une « usine à claques ». Je proposerai un amendement pour rétablir l'équilibre politique au sein de ces commissions, maintenir la présence d'un représentant du TGI et du préfet et permettre au maire d'expliquer ses décisions devant ces commissions. En outre, dans la mesure où l'intéressé pourra toujours saisir lui-même le juge, celles-ci n'auraient plus le pouvoir de saisir le juge ; en revanche elles interviendraient en amont, dans le cadre d'un recours administratif préalable obligatoire, à titre de recours gracieux. Cela devrait éviter de saisir le juge systématiquement. Les maires pourront toujours être poursuivis pour refus d'inscription frauduleux, mais la plupart des litiges ne relèvent pas d'une fraude volontaire mais d'un problème technique lié, par exemple à la fourniture de pièces justificatives. Les requérants devront donc toujours passer par cette commission avant de saisir le juge.

Dernière mesure contestable, la réduction de cinq à deux années consécutives la durée d'inscription au rôle des contributions directes communales exigée pour être reconnu comme contribuable local. Dans la mesure où l'on favorise déjà l'inscription sur les listes, cette mesure est inutile, voire contre-productive.

Globalement, ces textes sont intéressants, au problème de démarrage près, mais il convient de prendre quelques précautions sur le plan pratique.

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