Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 juin 2016 à 8h40
Audition de M. Jean-Louis Nadal président de la haute autorité pour la transparence de la vie publique

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président :

je vous remercie de la précision de votre exposé, de votre force de conviction et de la qualité de votre argumentation. Vous vous êtes exprimé avec courage, car vous n'ignorez pas que certains d'entre nous se sentent injustement visés par des obligations qui ne résultent pas d'une réelle exposition à un risque mais d'un désir de transparence qui tend à oublier que celle-ci, loin d'être une fin en soi, ce qui en ferait un pur objet de curiosité publique, doit ne rester qu'un moyen de lutte contre la corruption. Or, en matière de corruption, il faut être attentif à localiser les risques. Qu'est-ce que la corruption sinon la rencontre d'un « acheteur » et d'un « vendeur » ? Une rencontre qui s'opère le plus souvent dans la sphère privée et qui ne concerne la sphère publique que pour autant que des marchés publics y sont conclus : c'est donc avant tout aux instances exécutives qu'il faut s'intéresser - Gouvernement, hauts fonctionnaires, exécutifs locaux. Les parlementaires qui, ainsi que vous l'avez souligné, sont honnêtes, ne passent pas de marchés publics ; ils n'ont rien à « vendre ». J'ajoute que la collégialité, dont vous avez dit tous les avantages que la Haute Autorité en retire - indépendance, prévention contre la tentation de céder à des influences extérieures -, est au fondement de la délibération parlementaire. Au Sénat, il faut la voix de 175 sénateurs pour faire une majorité. Pour qui voudrait nous corrompre et acheter notre voix, cela fait beaucoup de monde...

Nous sommes néanmoins sensibles au contexte politique et c'est pourquoi nous nous soumettons à des obligations que l'on n'impose à nul autre citoyen. Nous sommes les seuls dont le revenu d'activité est public, dans les moindres détails ; nous acceptons de rendre publics les revenus qui ont été les nôtres durant les cinq années précédant le début de notre mandat de nouveau parlementaire ; nous rendons également public notre patrimoine. Nous comprenons que c'est la condition permettant de vérifier qu'il n'y a pas enrichissement durant le mandat - même si l'hypothèse est absurde, compte tenu de la nature de nos fonctions de parlementaires et de la manière collégiale dont elles sont exercées, comme je viens de le montrer. Et ce n'est pas une, mais une multitude de déclarations de situation patrimoniale qu'il nous faut livrer, surtout lorsque nous sommes élus locaux. J'ai moi-même dû en rendre une en 2011, au moment de mon élection au Sénat, une autre en 2014, à la création de la Haute Autorité, une autre à la fin de mon mandat de vice-président de conseil général, puis une autre, un mois plus tard, à l'orée de mon mandat de président de conseil départemental... J'ai d'ailleurs eu un petit retard dans la dernière, dont je reconnais que la Haute Autorité m'a excusé sans faire d'histoires. Je vous en sais gré, car j'avoue n'avoir pas mesuré que les trois précédentes ne suffisaient pas.

Vous avez rappelé à juste titre que seule une minorité entache la réputation d'honnêteté des parlementaires. J'irais plus loin encore, car les chiffres que vous avez cités montrent que ce n'est pas même une minorité, mais quelques individualités. Et si nous sommes reconnaissants à votre institution d'avoir fait la preuve de l'honnêteté des parlementaires, il me vient tout de même l'envie d'ajouter : « tout ça pour ça ! ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion