Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous en convenons tous, de nombreux jeunes sont en mal de repères et certains – pas assez sans doute ! – manifestent un très fort désir de s’investir pour notre pays.
Dès lors, donner à tous la possibilité de s’engager au service d’un projet collectif d’intérêt général et des valeurs de la République constituerait, pour eux, une occasion très attirante, en même temps que, pour notre société, une grande chance.
La proposition de loi déposée par l’ensemble des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, et qui fera, je le souhaite sincèrement, l’unanimité ce soir dans cet hémicycle, entend ainsi répondre concrètement à ce double besoin : celui de notre jeunesse et celui de notre société.
Dès la suspension du service militaire en 1997, souhaitée par le président Jacques Chirac, s’était posée la question d’un service civil obligatoire de substitution, mais l’option avait été rapidement écartée.
Pourtant, dans l’esprit de nombre de nos concitoyens, la conscription obligatoire, dite universelle, contribuait à la cohésion nationale et au brassage social et culturel. Elle permettait un réel apprentissage de la vie en communauté et une prise de conscience par les jeunes adultes de leur appartenance à une nation, la nation française, et à une communauté politique de citoyens qui partagent non seulement un destin commun, mais également des droits et des devoirs. C’était aussi l’occasion de faire le bilan scolaire et le bilan de santé des jeunes appelés. Ce dispositif présentait donc indéniablement de nombreuses vertus.
Mais notre propos n’est nullement, ici, de verser dans une vaine nostalgie ! Il n’est nullement question de rétablir un quelconque service militaire, mais il faut, si possible, lui trouver un équivalent, un substitut, qui remplisse cette mission de brassage social et ce rôle de véritable creuset républicain pour faire naître le sentiment d’appartenance qui caractérise une nation.
Force est, en effet, de constater qu’une impression de vide a pu s’installer après la suppression du service national, lequel n’a finalement été remplacé que par une journée d’appel de préparation à la défense.
Il aura fallu attendre la très grave « crise des banlieues » de 2005 et la loi pour l’égalité des chances qui s’est ensuivie pour qu’un service civil volontaire soit enfin institué, en 2006. Toutefois, celui-ci a été mal conçu et insuffisamment préparé et, surtout, il est très vite apparu comme une réponse – fausse bonne réponse ! – aux seuls problèmes des banlieues et des quartiers difficiles. Dès lors, il était marqué, voire stigmatisé.
De plus, les divers dispositifs de service civil se sont révélés, à l’usage, trop complexes et peu opérants, si bien qu’ils n’ont absolument pas connu le succès souhaité et attendu. La lourdeur des procédures, la complexité des dispositifs et des financements, l’absence de visibilité du volontariat en ont freiné le développement.
Afin de passer outre ces problèmes pratiques, il était indispensable de les recenser précisément pour tirer les leçons de ce rendez-vous manqué et, surtout, pour envisager l’avenir du service civil sous une nouvelle approche.
C’est la raison pour laquelle le groupe du RDSE et moi-même avons été, le 10 juin 2009, dans le cadre d’une semaine de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, à l’initiative d’un débat sur le service civil volontaire, afin de dresser un bilan de la situation.
Une conclusion s’est très vite imposée : le service civil volontaire n’est pas assez attrayant ni suffisamment adapté pour atteindre ses objectifs. II souffre d’un triple déficit : manque de visibilité, manque de reconnaissance et absence de valorisation de l’expérience ainsi acquise.
Ce débat du 10 juin dernier avait suscité de nombreuses réactions, mais un consensus en faveur de l’institution d’un nouveau dispositif s’était clairement dégagé ; je ne peux d’ailleurs que me réjouir d’une telle convergence. Vous-même, monsieur le haut-commissaire, aviez partagé notre diagnostic et souhaité en faire part au Président de la République et au Premier ministre pour tenter de les convaincre de la nécessité d’agir.
Il y a unanimité de tous les sénateurs et sénatrices, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, et au-delà de tous les clivages politiques, pour convenir que le service civil doit être revu, dépoussiéré, rendu plus visible et plus simple, et même rebaptisé.
Donner à chacun l’occasion de s’engager en faveur de l’intérêt général, tout en affermissant son adhésion aux valeurs républicaines, et, par là même, renforcer la cohésion d’une société française fragilisée : tel est le préalable à son succès.
Ce sont les raisons pour lesquelles j’ai décidé, après des échanges avec mes collègues du RDSE, de déposer le 14 septembre dernier une proposition de loi relative au service civique.
Au nom du rappel symbolique des droits et des devoirs des citoyens, le terme de « service civique » que nous avons retenu traduit au mieux le lien de ce nouveau service avec la citoyenneté, et plus encore avec le « civisme », une valeur si chère à notre groupe, le plus ancien groupe parlementaire de la République.