Intervention de Christian Demuynck

Réunion du 27 octobre 2009 à 14h30
Service civique — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Christian DemuynckChristian Demuynck, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication :

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, l’histoire du service civique est celle des occasions manquées.

Le service militaire a été supprimé pour des raisons militaires parfaitement légitimes, mais les conséquences de sa disparition au regard de la cohésion et de la mixité sociale n’ont pas été évaluées ni compensées.

La loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national avait pourtant déjà inscrit le principe du volontariat en tant que composante du service national universel. Mais rien n’est venu concrétiser cette idée.

La loi n° 2000-242 du 14 mars 2000 relative aux volontariats civils institués par l’article L. 111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national a introduit de nouvelles formes de volontariat civil avec, pour objectif, de pérenniser les activités d’intérêt général accomplies par les appelés à l’occasion des formes civiles du service national.

Toutefois, aucun cap n’a été donné et le cadrage a été défini de manière très lâche. Rapidement, nous avons donc vu fleurir des volontariats par décret : volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité, volontariat civil à l’aide technique, volontariat de prévention, de sécurité et de défense civile, volontariat international en administration, volontariat international en entreprise, et cela avec autant de statuts différents pour autant de dispositifs !

Sans surprise, ces dispositifs sont restés confidentiels, réservés à quelques connaisseurs déjà présents au cœur du système.

Le rapport de M. Luc Ferry souligne que « le dispositif de volontariat civil, très complexe, voire illisible, est resté confidentiel et méconnu », si bien que « ses effectifs n’ont jamais progressé, se limitant à moins de 2 000 volontaires par an ».

Bref, l’esprit du service national universel a été détourné.

À la suite des émeutes dans les banlieues, la réflexion sur ce thème a cependant été relancée. En 2006, le volontariat associatif était créé : il répondait à un souhait des jeunes de s’engager non pas auprès de l’État, mais dans une association menant des actions d’intérêt général, notamment auprès des plus démunis, ainsi que dans les domaines de la culture, du sport ou de l’éducation. Ce dont on n’avait jamais douté s’est produit : à travers leur engagement associatif, les jeunes ont exprimé le souhait manifeste de s’engager pour la nation. Les sondages menés à la demande de Luc Ferry et dont il fait état dans son rapport ne laissent aucun doute sur ce sujet.

Cependant, il s’agissait encore une fois d’ajouter un nouveau volontariat à d’autres, déjà empilés. Pour placer sous un même fronton tous ces volontariats, le législateur a donc, dans la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, créé le service civil volontaire, qui consiste en un agrément couvrant un ensemble de volontariats dispersés avec un engagement financier de l’État important.

Ce nouveau label aurait pu permettre de redonner une notoriété au volontariat s’il ne s’était pas accompagné de la mise en place de démarches administratives dont la complexité est un défi pour les esprits les plus sagaces : une procédure de double agrément pour le volontariat et pour le service civil a été prévue et la multiplicité des guichets a été maintenue.

En outre, en dépit des souhaits régulièrement exprimés, notamment par notre commission, les moyens n’ont jamais été à la hauteur de l’ambition que l’on pouvait avoir pour le service civil. C’est le constat établi à l’unanimité à la suite des travaux menés en 2009 par la mission commune d’information du Sénat sur la politique en faveur des jeunes, sous la houlette de sa présidente, Mme Raymonde Le Texier, et dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur.

C’est la raison pour laquelle je souhaite rendre hommage à ceux qui œuvrent aujourd’hui pour que le service civique devienne une réalité dans notre société et l’un des outils de la cohésion sociale.

Nous devons d’abord remercier l’auteur de la proposition de loi, M. Yvon Collin, qui, avec les membres de son groupe, le RDSE, a suscité le débat dans cet hémicycle en déposant une proposition de loi que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a jugé extrêmement pertinente. Merci, Yvon Collin, d’avoir donné le coup d’envoi et de continuer à porter avec talent cette proposition.

Saluons également le haut-commissaire à la jeunesse, M. Martin Hirsch, qui a su comprendre l’intérêt de cette initiative parlementaire et la soutenir vigoureusement, notamment grâce à des amendements portant engagement financier de l’État. La discussion du projet de loi de finances permettra à cet égard de constater que l’investissement de l’État est substantiel et que, grâce à cela, le défi du service civique pourra être relevé dès 2010.

Je ne saurais oublier les associations qui œuvrent aujourd’hui pour le service civil, et qui, je peux en témoigner après les auditions auxquelles j’ai procédé, souhaitent s’impliquer fortement dans le service civique.

Mais je tiens également à saluer l’intervention, le 29 septembre dernier, en Avignon, du Président de la République, qui a énoncé un objectif ambitieux pour le service civique : faire en sorte que, à moyen terme, 10 % des membres d’une classe d’âge en bénéficient ; c’est là un objectif auquel la commission de la culture souscrit totalement.

Outre le fait qu’il est largement soutenu, pour quelles raisons ce texte doit-il impérativement être adopté ?

Tout d’abord, le texte proposé s’inscrit dans le code du service national. Le service civique doit ainsi non seulement être une forme du service national, mais aussi en devenir le fer de lance. L’idée, fort simple, est la suivante : pour qui veut aider la nation, un engagement civil et citoyen, soutenu par l’État, est nécessaire.

Pour prendre acte de cette évolution symbolique, la commission a amendé le texte de façon que la cohésion nationale soit un objectif majeur du service national universel et que le service civique mette le cap vers la mixité sociale.

La journée d’appel de préparation à la défense est par ailleurs renommée journée d’appel au service national, dont le contenu sera plus ouvert aux questions de citoyenneté.

Ces apports de la commission s’inspirent notamment des préoccupations exprimées par la mission commune d’information que j’ai évoquée précédemment.

Ensuite, le service civique est non pas un fronton permettant de réunir différents volontariats, mais bel et bien un nouvel édifice qui se substitue à de nombreux dispositifs existants : le volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité, le volontariat civil à l’aide technique, le volontariat de prévention, sécurité et défense civile et le volontariat associatif. Le dispositif va aussi loin que possible dans cette direction, les volontariats à vocation internationale, de nature différente, restant hors du dispositif.

Enfin, le nouveau dispositif unifie les régimes vers le haut, tant en matière de couverture sociale que de reconnaissance du service réalisé dans les établissements d’enseignement supérieur ou de validation des acquis de l’expérience. Aucune condition d’âge n’étant requise, toute la population est concernée, ce qui est positif.

Bien que le texte initial ait été excellent, la commission a encore cherché à l’améliorer par différents moyens, notamment en imposant que le volontaire soit réellement accompagné pendant toute la durée du volontariat. Il devra principalement s’agir d’un accompagnement citoyen, avec une formation sur le long cours et un tuteur permanent. À cet égard, je crois que le Gouvernement devra s’engager à financer également l’accompagnement réalisé par l’organisme d’accueil. Un accueil réel du volontaire et un bilan du volontariat devront aussi être établis, surtout si l’on veut que le dispositif touche les jeunes des milieux les plus défavorisés.

La commission a également prévu d’imposer au volontaire un nombre minimal d’heures d’activité durant la semaine, afin qu’il s’agisse bien d’un véritable engagement au service de la nation et non d’une activité accessoire.

Elle a enfin souhaité qu’une personne publique soit chargée de promouvoir et de piloter le dispositif du service civique. La commission a adopté ce matin un amendement tendant à ce que le pilotage soit confié à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, renommé pour l’occasion « Agence du service civique ».

Je suis ravi que le Sénat soit à l’origine d’une telle initiative. Comme mon collègue Yvon Collin, je ne peux qu’espérer que les apports de tous les groupes nous permettront d’adopter ce texte à l’unanimité.

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