Je ne reviendrai pas sur ce qu’ont indiqué mes collègues à propos de l’inversion de la hiérarchie des normes et du principe de faveur ; nous aurons l’occasion d’en reparler lors des débats sur l’article 2, dont nous demandons, au travers de cet amendement, la suppression.
Au-delà d’une régression sans précédent des droits sociaux, cet article, en promouvant l’accord d’entreprise, participe d’un mouvement plus vaste, qui cède à la fiction d’une égalité entre les parties au contrat de travail.
Négocier au plus près des salariés reviendrait automatiquement à leur donner plus de pouvoir – c’est ce que vous affirmez, madame la ministre, mais vous n’en apportez jamais la démonstration. Nous pensons, au contraire, que c’est une fiction, qui ne résiste pas à la réalité.
D’une part, les rapports au sein de l’entreprise sont inégalitaires, fondés sur la subordination et, parfois, l’intimidation et le chantage, surtout en période de crise. Les salariés étant placés dans une situation de subordination, la négociation au plus près des travailleurs peut conduire au dumping social.
D’autre part, cette modification de l’architecture du droit du travail inquiète tout autant, je dois le dire, de nombreux chefs d’entreprise. Autoriser les entreprises à négocier au cas par cas les modalités d’application du code du travail, c’est créer un levier pour faire baisser leurs prix. La logique de la concurrence économique contraindra de facto l’ensemble des acteurs à entrer dans une spirale de dumping social, pour préserver leur compétitivité.
Ne l’oublions jamais, les accords de branche, les conventions collectives, quand ils sont respectés par tous les acteurs d’un secteur d’activité, sont la garantie même d’une concurrence saine et loyale. Permettre à un accord d’entreprise d’y déroger, par exemple en majorant les huit premières heures supplémentaires de 10 %, c’est dynamiter tout l’édifice de régulation économique et de protection des salariés.
Enfin, madame la ministre, vous dites, sans en apporter aucune preuve, qu’une plus grande latitude conférée aux employeurs dans la négociation permettrait de créer des emplois. Cela me paraît tout à fait contestable. D'ailleurs, un groupe de chercheurs de l’université Panthéon-Assas vient de révéler qu’une telle latitude supprimerait des emplois !
En résumé, l’article 2 n’est qu’un instrument de mise sous pression des salariés et de dérégulation. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.