La nouvelle architecture des règles que vous proposez en matière de durée du travail et de congés, madame la ministre, loin de simplifier notre droit du travail, va le complexifier, rendre plus difficiles les contrôles et alimenter l’inflation jurisprudentielle.
La structuration en trois niveaux de cette nouvelle architecture, avec primauté donnée à l’accord d’entreprise, aboutira de fait à un recul des protections dont bénéficient les salariés.
Le « champ de la négociation collective » occupe désormais une place centrale. Il donne la priorité à l’accord d’entreprise, qui l’emporte sur l’accord de branche et le code du travail. Ce dernier n’existe qu’« à défaut » d’un accord d’entreprise.
Quant aux « dispositions supplétives », elles seront réécrites d’ici à 2019. Elles reprendront sans doute une grande partie des dispositions du code du travail actuel, mais s’appliqueront uniquement quand il n’y aura pas d’accord d’entreprise ou, à défaut, d’accord de branche. Il y a là, on le voit, une inversion des valeurs.
Cette nouvelle architecture et l’extension de la négociation dérogatoire ouvrent la porte à l’explosion des inégalités entre salariés et à l’éparpillement des normes sociales. Comment les salariés, y compris ceux qui évoluent au sein d’une même branche, et les inspecteurs du travail pourront-ils s’y retrouver dans un tel maquis de normes ? Comment pourra-t-on éviter l’écueil d’un recul des droits des salariés, sous l’effet de leur mise en concurrence ?
Il faut ajouter que l’étape suivante à l’accord d’entreprise, c’est la négociation individuelle du contrat de travail et du salaire avec le patron. C’est ce vers quoi nous conduit cet article 2.
Nous avons ici l’illustration d’une perversion du principe de subsidiarité, qui nie la réalité des rapports de force au sein des entreprises. En matière de droit du travail, plus que partout ailleurs, se vérifie en effet le principe qui veut que, « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».
En sacrifiant la loi au nom du dialogue social, c’est en réalité le droit des salariés que vous sacrifiez.