Je ferai deux remarques.
Premièrement, je veux saluer l’érudition sociale de notre rapporteur, qui se réfère à des textes remarquables : les lois Auroux, les lois Aubry, en faisant allusion au temps de travail, même si son interprétation peut parfois prêter à confusion…
Si la consommation d’antidépresseurs a augmenté à l’occasion de l’instauration des 35 heures, monsieur le rapporteur, c’est peut-être surtout dans les rangs de vos propres organisations. En effet, tous vos dirigeants ont dit successivement durant dix ans qu’ils allaient les supprimer, tout en les maintenant. Ce casse-tête a dû être particulièrement douloureux…
Si la loi sur les 35 heures a pu parfois déboucher sur des situations délicates, c’est-à-dire une augmentation du stress au travail pour gagner de la productivité, cela s’est surtout produit – cela rejoint notre débat – dans les entreprises où les accords ont été mal négociés, dans les petites sociétés où l’on a appliqué mécaniquement les accords de branche, sans qu’intervienne le filtre de la négociation sociale, autrement dit les garanties nécessaires.
À l’occasion de ce débat, nous vous adressons une mise en garde : nous savons, du fait de la négociation des accords relatifs aux 35 heures, qu’il existe le risque de délocaliser la négociation dans des secteurs où la présence syndicale et l’habitude de négociation ne sont pas suffisamment avérées. C’est ce que nous voulons signaler, en nous appuyant sur la réalité des situations. Nous ne sommes pas nostalgiques, comme je l’ai entendu dire ; nous voulons être réalistes.
Deuxièmement, j’ai bien compris que ces amendements visent à rechercher un compromis. Ce que je ne comprends pas, en revanche, madame la ministre, c’est comment nous en sommes arrivés là avec la CGT.
La CGT, première organisation syndicale française, en est arrivée aujourd’hui à organiser des actions répétées qui posent des problèmes non seulement pour la vie de notre pays, mais aussi d’ordre social. Comment la discussion a-t-elle pu être menée de façon si aléatoire, si étrange, que nous en soyons parvenus à une telle situation de blocage ?
Quel est l’intérêt pour ce gouvernement, la majorité et pour le pays de maintenir cette situation de tension sociale en refusant de bouger sur l’article 2, sauf à nous démontrer que celui-ci sera déterminant, non seulement pour l’avenir de la négociation collective, ce qui est d’une certaine façon secondaire, mais surtout pour l’emploi et la croissance ? Cette démonstration, vous ne pouvez pas la faire, car la démarche est ici strictement juridique.
Ne devrions-nous pas nous demander s’il ne serait pas temps de passer d’un débat juridique et technique à un véritable débat politique ? Le pays peut-il se payer le luxe d’un tel conflit social ? Pourquoi ce conflit avec la CGT a-t-il lieu ? Quelles erreurs ont-elles été commises, en particulier avec la CGT et Force ouvrière, pour que nous connaissions cette situation ?
La CGT, pour s’engager dans un mouvement de cette nature, sur lequel je ne porterai pas de jugement, n’a pas que de bonnes raisons. Je crains cependant que ses raisons ne soient pas toutes mauvaises.