Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 15 juin 2016 à 14h30
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Article 2

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

S’il est bien un domaine dans lequel il faut se garder de négocier à l’échelon de l’entreprise pour valider un accord primant sur tous les autres, c’est bien celui du temps de travail considéré en « équivalence », notion déterminante quant au niveau de rémunération des salariés dans des secteurs assez essentiels de notre économie.

Dans l’état actuel du droit, seuls les accords de branche ou conventions collectives et les décrets en Conseil d’État peuvent motiver la mise en place de tels dispositifs de comptabilisation des heures de travail, une comptabilisation hybride qui dénie au salarié présent sur son poste de travail, mais en inaction temporaire, le droit de faire considérer ce temps de présence comme du temps de travail effectif.

Signe du recul du droit préconisé par la loi, ce qui était jusqu’à présent la règle – le passage par décret en Conseil d’État – devient la disposition supplétive, avec le risque évident d’une moindre qualité des accords.

L’autre problème dans cette affaire, c’est que la France a été condamnée en 2005 par la Cour de justice des Communautés européennes, dans le cadre de l’arrêt Dellas, pour non-respect des règles de plafonnement de la durée hebdomadaire du travail et des périodes minimales de repos dans le secteur des activités hospitalières et médico-sociales. Cela reviendrait à considérer que le temps passé en garde de nuit par un interne en médecine pourrait être calculé en équivalence et non en heures supplémentaires, avec toutes les conséquences que cela implique.

De même, dans une décision de 2006, le Conseil d’État a restreint l’usage de cette formule de travail dans le secteur de l’hôtellerie-restauration où le rythme d’activité est évidemment différent au cours de la journée. Ce n’est pas parce qu’un serveur de café n’a pas de clients vers dix heures du matin qu’il peut vaquer librement à ses occupations ! Bien entendu, dès lors que l’on fait jouer le principe d’équivalence, on transforme en heures normales de présence ce qui pourrait être ailleurs des heures supplémentaires. Ce faisant, on déplace le curseur à partir duquel la rémunération du temps de travail effectif est majorée.

Imaginez maintenant que la durée de référence ne soit plus la durée légale du travail : nous aurons alors des seuils de déclenchement des heures supplémentaires par entreprise, sans compter une source quasi inépuisable de contentieux sociaux et juridiques. Dans ce cadre, la seule réussite de la loi Travail aura été de favoriser le développement de l’activité de nos tribunaux !

Dans cette matière sensible qu’est la définition du temps de travail, il est essentiel de préserver la notion d’intérêt général et de règles applicables à tous.

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