N’oublions pas que l’un des objectifs affichés de la proposition de loi est la mixité sociale et culturelle. Je considère que cette réforme sera en partie manquée si nous ne parvenons pas à atteindre cet objectif.
Dans ces conditions, le dispositif ne doit pas être envisagé comme une voie de secours pour les jeunes en situation d’échec scolaire. Comment alors empêcher le glissement vers l’idée que le service civique n’est qu’une expérience de « sous-emploi » pour certains, alors que, pour d’autres, ceux qui ont le privilège de faire des études et, en plus, de pouvoir les interrompre, ce service sera perçu comme un « bénévolat plus-plus » ?
Le service civique doit aussi favoriser et même, il faut bien le dire, souvent initier un véritable brassage social. Il doit être celui qui donne l’occasion « d’aller voir ailleurs » et « avec d’autres ». Les inégalités comme la distance entre les jeunes issus de milieux sociaux économiques différents ne cessent de croître, alors que le lien social passe aussi par le fait de se confronter aux différences. C’était justement l’une des vertus du service militaire que de permettre à chacun de voir et d’appréhender « l’autre » différemment, c’est-à-dire non plus « socialement », comme la société actuelle l’impose trop souvent, mais simplement « humainement ».
Chacun conviendra avec moi que cette mission sera d’autant plus facile à remplir que ce service aura un caractère obligatoire. En tout état de cause, lors d’une seconde étape, il me semble donc indispensable de prévoir une période de formation collective avec les jeunes qui sont sur des lieux de missions différents. On peut aussi réfléchir à la possibilité, déjà proposée, de subordonner l’agrément à l’accueil par les organismes d’au moins trois jeunes au parcours scolaire différent.
Cette nécessité de mobilité géographique, parce qu’elle peut engendrer une série de remises en question salutaires, serait positive dans la construction de notre jeunesse.
Dans cette optique, je souhaite aussi évoquer ici le service civique à l’étranger. En qualité de sénatrice des Français de l’étranger et à l’instar de notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga, qui l’avait bien marqué lors de l’examen du projet de loi relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale, je suis extrêmement sensible à l’enrichissement que ne manquera pas d’apporter un séjour à l’étranger. La proposition de loi prévoit cette possibilité.
Cependant, la simple « possibilité » de percevoir une indemnité supplémentaire est insuffisante. Les frais engendrés ont toutes les chances d’être plus élevés à l’étranger. On en revient alors à l’idéal de mixité sociale, qui s’éloigne encore davantage. L’affectation à l’étranger, s’il n’est pas plus encouragé, ne bénéficiera qu’à « ceux qui savent », c’est-à-dire aux jeunes qui déjà ont la possibilité de partir loin de leur famille, que ce soit dans le cadre d’un séjour linguistique, du programme Erasmus ou du volontariat international en entreprise, le VIE.
Pourquoi d’ailleurs ne pas promouvoir un dispositif européen de service civique permettant aux jeunes de toute l’Europe d’effectuer leur service dans un autre pays ? Ce serait l’assurance d’un brassage, tant social que culturel. Un tel dispositif favoriserait en outre le développement d’une véritable citoyenneté européenne.
La création d’un service civique est très positive. Il serait vraiment dommage de manquer l’occasion qui nous est offerte aujourd’hui. Nous n’avons pas droit à l’erreur. Alors, mettons tout en œuvre afin que ce texte tienne ses promesses et que le service civique soit réellement une occasion unique pour les jeunes de consacrer un moment de leur vie à la société et d’être utiles à cette société qui les stigmatise si souvent !