Intervention de Myriam El Khomri

Réunion du 16 juin 2016 à 10h30
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Article 2

Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord évoquer l’ensemble des amendements dont l’objet est de revenir sur la primauté que le Gouvernement a souhaité donner à l’accord d’entreprise dans un certain nombre de matières relatives au temps de travail.

À entendre certains d’entre vous, nous serions en train d’entériner, au travers de ce projet de loi, le passage d’un état du monde régi par le principe de faveur d’application systématique, à un monde où le principe de faveur aurait complètement disparu.

Je tiens donc, en introduction, à le répéter : rien n’est plus faux, et vous le savez bien. La réalité ne se laisse pas enfermer dans des schémas manichéens. Il faut regarder la réalité en face : cela fait plus de trente ans que, dans notre pays, la question de l’articulation entre l’accord de branche et l’accord d’entreprise se pose. Cela fait également plus de trente ans que la loi réserve un domaine propre à la négociation collective et aux partenaires sociaux. Toutes les lois depuis les lois Auroux sont allées dans ce sens.

Que faisons-nous avec ce projet de loi ?

Avec ce texte, nous consacrons le rôle de la branche. Je l’ai dit hier, je n’oppose pas un niveau à un autre. Nous maintenons au niveau de la branche les éléments sur lesquels il ne doit y avoir aucune concurrence déloyale. Permettez-moi de les rappeler : les salaires minima, les classifications, la fixation de la durée minimale de travail pour les salariés à temps partiel, la mise en place d’un régime d’équivalences, la modulation pluriannuelle. Et je tiens à maintenir cette garantie. C’est pourquoi je suis défavorable aux amendements qui tendent à supprimer cet encadrement de la branche.

Vous le constatez, la branche garde un rôle majeur et même renforcé.

Donner du pouvoir à l’accord d’entreprise, ce n’est pas enlever des droits aux salariés ; c’est renforcer la démocratie sociale, c’est privilégier l’emploi. Ce point a été souligné au sein de cette assemblée. Oui, nos entreprises ont parfois besoin de souplesse, de s’adapter à un changement technologique qui peut être très rapide, à des clients qui demandent plus de réactivité, ou encore à des concurrents à bas coûts qu’il faut surpasser par plus d’investissement, plus de services, plus d’innovation, plus de valeur ajoutée.

Cette compétitivité, elle se construit avec de bonnes relations sociales, avec des collectifs de travail reconnus, avec des parcours professionnels motivants et un vrai déroulement de carrière, mais aussi avec des organisations du travail qui évoluent, qui s’adaptent aux changements.

Je veux donner la possibilité aux acteurs de terrain de le faire. J’ai une conviction, je l’ai exprimée hier : ce n’est pas au niveau de la branche que l’on peut prendre en compte toutes les spécificités de la vie d’une entreprise ; ce n’est pas non plus au chef d’entreprise de décider seul. C’est aux représentants des salariés et au chef d’entreprise de trouver une solution, ensemble par la négociation.

Cela vaut aussi dans les très petites entreprises. Vous avez raison de souligner la faiblesse de la présence syndicale dans ces dernières. C’est pourquoi le projet de loi vise aussi à favoriser le dialogue social dans les TPE, à la fois à travers le mandatement, mais également avec les accords types négociés au niveau des branches.

C’est la bonne voie, au regard de ce qui se passe dans notre pays depuis trente ans. Les accords d’entreprise se développent sans discontinuer depuis 1982 et, à chaque étape, nous donnons plus de marges de manœuvre à l’accord d’entreprise. Chaque fois, les mêmes craintes ont été avancées. Mais qui aujourd’hui voudrait sérieusement revenir sur le forfait jour, la modulation du temps de travail, la liberté de négocier les contingents d’heures supplémentaires ? Je peux à l’inverse vous citer des dizaines et des dizaines d’accords d’entreprise qui ont ajusté ces paramètres, pris en compte les contraintes des salariés comme de l’entreprise et trouvé, par le dialogue, des arrangements efficaces.

Sincèrement, je préfère des négociations à l’échelle de l’entreprise à l’arbitraire du chef d’entreprise ou à la disparition d’entreprises qui n’ont pas su s’adapter à temps. Je ne suis pas naïve, et je n’idéalise par non plus le dialogue social, car je connais les rapports de force qu’il suppose. Vous avez d’ailleurs évoqué à juste titre, lors de vos interventions, des situations particulières que vous avez mises en lumière.

Confier cette responsabilité à la négociation ne peut se faire qu’à la condition de donner de la légitimité aux délégués syndicaux qui signent les accords. C’est pour cela que nous édictons cette règle des accords majoritaires.

Rappelons-nous : voilà dix ans, une organisation syndicale dans une entreprise, parce qu’elle était affiliée à une confédération reconnue représentative quarante ans plus tôt, pouvait signer des accords sans aucune considération de son poids dans l’entreprise !

Un accord majoritaire de syndicats, c’est un sacré verrou, et si ceux-ci devaient céder, un pistolet sur la tempe, alors, concrètement, dans les treize branches où l’on peut signer des accords d’entreprise dérogatoires sur la majoration des heures supplémentaires depuis dix ans, on en aurait des centaines, des milliers. Mais là encore, ce n’est pas le cas ; le nombre de tels accords est très restreint, et dans ces cas précis, les syndicats ont obtenu autre chose en échange, sans aucun dumping social dans les branches. Notre projet, je le répète, est un acte de confiance dans le dialogue social.

Venons-en maintenant aux différents sujets qui ont été abordés.

J’évoquerai tout d’abord la question des 35 heures.

J’ai bien compris, monsieur le rapporteur, vos arguments concernant le décret pour ne pas imposer de durée à titre supplétif. Sincèrement, la ficelle me paraît un peu grosse ! Vous souhaitez repousser la durée légale…

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