Qu’est-ce qu’un temps de transport normal ? Cette notion mérite examen et, au travers de la jurisprudence existante, nous pouvons affirmer sans trop de difficultés que ce temps est par nature variable, et qu’il faut en revenir aux conditions objectives de chaque région pour en avoir une idée.
Dans un arrêt du mois de mars 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation avait jugé qu’un temps de transport de deux heures pour un cadre francilien utilisant son véhicule personnel était un temps de transport « normal » pour la région d’Île-de-France, où l’importance des déplacements est souvent génératrice d’allongement de la durée de transport. En foi de quoi, ce cadre n’avait pas été déclaré « indemnisable » par son employeur.
Mais dans le même temps, dans bien des secteurs d’activité, les dispositions conventionnelles intègrent d’office une prise en charge financière des frais de transport, reconnaissant alors que ces frais peuvent présenter un caractère suffisamment spécifique pour être remboursés comme tels.
Madame la ministre, vous pourriez sans doute lire avec le plus grand intérêt les dispositions conventionnelles du secteur du bâtiment et des travaux publics qui prévoient, entre autres, une indemnité quotidienne dite de « petits déplacements » et une indemnité dite de « trajet », dont le montant, fixé par les conventions, s’applique donc par nature à l’ensemble des entreprises adhérentes, quelle que soit leur taille…
Autant dire que, là encore, la proposition formulée dans l’article 2, au sein des alinéas 19 à 24, n’est pas recevable. Pourquoi devrait-on négocier – et selon quels critères ? – dans une entreprise donnée, d’une part, la définition du caractère « normal » du temps de transport ou de trajet, et, d’autre part, les modalités de sa prise en compte, alors même que les dispositions conventionnelles le prévoient expressément ?
En lieu et place de nouvelles libertés et protections, nous voilà encore une fois en face d’un nouveau recul social, d’autant plus incompréhensible que la tendance générale de l’économie de notre pays est plutôt à la distanciation grandissante entre lieu de travail et lieu de résidence.
Si certains dans cet hémicycle croient pouvoir redonner du souffle aux entreprises en leur permettant de revenir sur le montant des primes de déplacement ou de la prime de panier, eh bien, il convient qu’ils soient très vite rassurés. Ce n’est pas dans la part du ticket de bus ou de train prise en charge par l’employeur que se trouve la source principale de compétitivité de nos entreprises ! Le croire, c’est se bercer d’illusions, et le faire croire, c’est mensonger !
Là encore, laissons les conventions collectives, cet acquis irréfragable des accords de Matignon de 1936, faire leur œuvre !