Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 16 juin 2016 à 21h10
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Article 2

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Madame la ministre, je ne doute pas que vous appréciiez à leur juste valeur les louanges de nos collègues de la droite : je partage les compliments, tout à fait mérités, qu’ils vous ont faits sur vos qualités personnelles, mais j’y vois aussi des louanges sur les orientations proposées par le Gouvernement, ce qui m’inquiète davantage…

Nous connaissons bien l’argumentaire que nos collègues de droite nous ont à nouveau servi sur la confiance aux entreprises et dans le dialogue local, dont on sait qu’elle recouvre d’autres intentions. D’ailleurs, madame la ministre, vous avez pu observer que lorsqu’on ouvre la boîte de Pandore, elle s’ouvre de plus en plus largement ; on peut le redouter ici.

Beaucoup d’arguments ont déjà été invoqués. Il n’est pas temps de les reprendre. Notre collègue Olivier Cadic évoquait le modèle scandinave. J’avais justement donné l’exemple de la Finlande, où les syndicats ont signé un accord de compétitivité dans lequel ils ont souhaité mettre un verrou : celui de la hiérarchie des normes. Il n’y a donc pas de primauté des accords d’entreprise. Le gouvernement finlandais, l’ensemble des syndicats et les sociaux-démocrates faisaient de cette condition une question centrale.

J’insiste sur ce point, car, oui, il faut négocier dans les entreprises. Toutefois, en démocratie, il y a du pouvoir ! Dans les modèles sociaux-démocrates, les salariés ont du pouvoir – c'est d’ailleurs un sujet qui fait culturellement débat dans notre pays. Quand ils prennent des responsabilités, ils peuvent exiger, une fois les efforts fournis, des contreparties en termes d’investissements ou de retours sur bénéfices.

Dans notre pays, les salariés n’ont pas ce pouvoir. Comme on veut de la négociation d’entreprise, j’avais proposé que l’on négocie sur le CICE. En contrepartie de cette aide publique, on pourrait, selon les entreprises, exiger une robotisation de l’investissement, une amélioration des salaires, une réduction de la précarité ou bien encore de la formation.

Que se passera-t-il si on ne prévoit aucun verrou de pouvoir et que l’on fait primer le local sans mettre de puissants garde-fous ? Alors, bien sûr, madame la ministre, vous ne faites pas comme la droite, vous ne remettez pas en cause les 35 heures, vous garantissez la durée légale du travail.

Le débat est le même pour la sécurité sociale. On nous dit toujours que le plus important, c'est de garantir, par la répartition, le socle minimal et que le reste vient en surcroît. Mais, justement, on ne peut pas accepter un droit social réduit au minimum ! C'est tout l’équilibre entre le capital et le travail, entre l’immédiateté et la pérennité, entre le niveau local de l’entreprise, la branche et l’intérêt général du pays, un équilibre que nous avions construit non sans difficulté, après tant de luttes, et qui, d’une certaine façon, se détricote peu à peu.

Pour ma part, avec mon groupe et contre la droite, je voterai contre cet article, mais je veux aussi attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de le réécrire et de négocier.

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