Je suis opposée au référendum d’entreprise tel qu’il est proposé dans le projet de loi.
J’observe que ce dispositif n’est soutenu que par un très faible nombre d’organisations syndicales. Même l’UNSA, qui est plutôt favorable au texte, tout en soulignant qu’il doit être amélioré, nous a envoyé un tract très détaillé dans lequel on peut lire : « Loi El Khomri, il faut que ça bouge encore ! » et « Référendum : suppression de son utilisation dans la procédure de validation des accords d’entreprise – article 10 ! ». Pourquoi très peu d’organisations syndicales sont favorables à cette méthode ?
Je connais bien évidemment l’argument tendant à nous reprocher de ne pas faire confiance aux salariés au sein de l’entreprise. Je relève cependant que le recours à la technique du référendum est utilisé quand la majorité des syndicats représentant la majorité des salariés n’acceptent pas de signer un accord. Je relève également qu’il suffit que des organisations syndicales représentant seulement 30 % des salariés le demandent pour qu’il soit déclenché. La commission a ajouté la possibilité pour le patron de prendre la même initiative. J’ai bien noté, madame la ministre, et je m’en félicite, que vous n’avez pas retenu cette disposition, d’autant plus dangereuse qu’elle serait décidée par le patron !
Quelle légitimité peut bien avoir une majorité si la minorité peut, à tout moment, décider d’organiser un référendum pour revalider la légitimité de ceux qu’elle représente ?
Dans notre pays – je ne parle pas de la Suisse –, on peut demander l’organisation d’un référendum d’initiative populaire non pas pour poser directement une question, mais pour demander qu’une question soit posée. C’est le Parlement qui décide de soumettre ou non ladite question à référendum. Dans le champ du politique, on s’assure donc toujours que le passage par le tamis majoritaire est consolidé.
On le sait, la conjoncture dans laquelle intervient un vote en entreprise pèse. On le sait aussi, quand, au sein d’une entreprise, un accord pénalise une catégorie particulière et que la majorité n’est pas concernée – ou estime que les efforts demandés ne sont pas considérables –, cette dernière peut imposer à une minorité un alourdissement de sa charge de travail. L’accord recueille ainsi la majorité des suffrages, non parmi les catégories concernées, mais au sein de l’entreprise, prise dans sa globalité.
Je prends l’exemple de Smart, où 53 % à 56 % des personnes consultées ont été favorables à l’accord, un accord que les syndicats – la CFDT et la CGT – ont dénoncé. Chez Smart, 74 % des cadres et des agents techniques étaient favorables à l’accord, contre seulement 39 % des ouvriers. Quand on travaille comme ouvrier sur une chaîne, une augmentation de la durée du travail de dix minutes, d’un quart d’heure ou de vingt minutes n’a pas le même impact que pour un cadre ! Vous voyez bien que la composition du corps électoral peut donner des résultats injustes.