Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 20 juin 2016 à 14h30
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Article 10

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Cet article comporte deux mesures qui, au final, affaiblissent encore la légitimité des organisations syndicales.

La première concerne la représentativité que doivent avoir les organisations syndicales pour être en position de signer un accord. Dans son texte, le Gouvernement prévoyait qu’un ou plusieurs syndicats représentant 50 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles puissent signer un accord. Nous ne pouvons que regretter la décision de la commission d’abaisser ce seuil à 30 %, laissant les organisations minoritaires en position de valider les accords.

La seconde mesure, c’est la possibilité pour ces mêmes organisations syndicales minoritaires de renforcer leur légitimité en recourant à l’organisation d’un référendum. Apparemment gage de démocratie – la consultation de tous les salariés sur une problématique –, cette mesure s’apparente en réalité à un court-circuitage en règle des organisations majoritaires.

Cela pose la question de votre vision du dialogue social et de la démocratie dans l’entreprise, madame la ministre. Les employeurs organisent une élection professionnelle qui donne une légitimité aux organisations syndicales majoritaires. Pourtant, apparemment, il vous semble normal de passer outre ! Et, là-dessus, vous êtes finalement d’accord avec la majorité sénatoriale et avec une partie du groupe socialiste.

Avec votre mesure, par le biais du référendum, pourraient être validées des choses contraires à l’intérêt des salariés ! Manifestement, les Français ne sont pas dupes de cette manœuvre.

Dans une lettre que j’ai reçue récemment, Sébastien, âgé de quarante ans, se montre très critique à l’égard des consultations de salariés pour ratifier des accords d’entreprise : « Les rares fois où il y a eu des référendums de ce type, c’était avec le pistolet sur la tempe : soit vous acceptez de travailler plus pour gagner moins, soit on licencie. Évidemment, dans ces conditions-là, on peut atteindre la majorité de 50 %. »

Il est tout à fait hypocrite de laisser croire qu’il n’existe pas dans les entreprises un rapport de force défavorable aux salariés, du fait notamment du poids du chômage. C’est hypocrite de nier le lien de subordination !

Où est la démocratie, madame la ministre, quand un référendum est organisé parce qu’un accord n’a pas pu être signé ? Or tout le monde sait que, quand un accord n’est pas signé, c’est parce qu’il est mauvais pour les salariés.

Enfin, quel paradoxe ! Votre loi prétend favoriser le dialogue social en valorisant les syndicats, alors qu’elle les remet en cause.

Cet article 10 est, en réalité, un outil pour faire taire toute résistance afin d’imposer des régressions sociales. Voilà la réalité ! Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne le voterons pas.

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