Cet article, passé relativement inaperçu, est néanmoins important, car son adoption pourrait remettre en cause une compétence importante du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT : l’expertise.
Les rapporteurs, qui saluent le « dispositif mis en œuvre par le présent article », oublient un peu vite que les CHSCT, créés en tant que tels par les lois Auroux de 1982, avaient pour vocation de veiller à la sécurité des salariés. Ils ont donc pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale des travailleurs, ainsi qu’à leur sécurité et à l’amélioration des conditions de travail, en particulier pour faciliter l’accès des personnes à l’emploi, et enfin de veiller au respect des prescriptions légales dans ces domaines.
Or, ce qui frappe d’emblée, c’est que cette institution, qui est dotée de la personnalité juridique, ne dispose pas de moyens en dehors des crédits d’heures accordés aux salariés qui en sont membres.
La technicité de ces questions de santé et de sécurité impose de recourir à des compétences élevées, et donc de faire appel à des experts indépendants et agréés par le ministère du travail.
Jusqu’à une décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité du 27 novembre 2015, les frais d’expertise étaient pris en charge par l’employeur, quel que soit le résultat de l’étude. Par ailleurs, la contestation de l’expertise par l’employeur ne suspendait pas cette dernière.
La décision du Conseil constitutionnel sur la QPC précitée, qui faisait suite à un arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2013, a ouvert la porte à un réel recul du droit des salariés en préconisant une révision des règles de suspension de l’expertise en cas de contestation.
Non seulement le projet de loi prévoit d’affirmer ce caractère suspensif de la contestation de l’expertise, mais il va plus loin, me semble-t-il, que le Conseil constitutionnel, en n’obligeant plus l’employeur à prendre en charge les frais d’expertise, même en cas de résultat favorable à l’employeur.
Ainsi, le projet de loi met en péril le recours même à l’expertise. Si le texte était adopté en l’état, le CHSCT, dépourvu de moyens, réduirait sans aucun doute le champ de son contrôle.
Les aggravations du dispositif proposées par la majorité sénatoriale – suspension jusqu’à la décision du juge ou exigence d’une mise en concurrence d’experts – n’arrangeront rien, bien au contraire. C’est la raison pour laquelle les sénatrices et sénateurs du groupe CRC voteront contre cet article.