Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 21 juin 2016 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 28 et 29 juin 2016

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, le Conseil européen des 28 et 29 juin prochains présente un ordre du jour très chargé, avec des enjeux centraux pour l’Union européenne et pour son avenir à court et moyen termes. Le Sénat a toujours eu une voix qui portait dans ces différents débats. Je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez aujourd’hui encore l’entendre.

Dans le cadre de mon intervention, je me concentrerai sur le Brexit, nos relations avec la Russie et le sommet de l’OTAN.

La semaine à venir est décisive dans l’histoire de la construction européenne. Le référendum sur la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union se déroule dans deux jours et, plus que jamais, le risque de victoire pour ceux qui souhaitent le Brexit est important. Il aura malheureusement fallu attendre presque la semaine dernière et l’insoutenable meurtre de notre collègue Jo Cox pour que la France s’intéresse à la question posée aux Britanniques.

Je le regrette, car de ce vote dépend une partie de l’avenir de l’Union européenne. Peut-on laisser les Britanniques décider seuls du destin de l’Europe ? Je ne le crois pas, d’autant que, depuis de nombreuses années, le désamour des peuples vis-à-vis de l’Europe est profond. Chaque fois qu’il faut trouver un bouc émissaire à nos problèmes, c’est Bruxelles qui est dénoncé.

À force, l’envie d’Europe disparaît. L’Union européenne et ses institutions semblent déconnectées des citoyens et ceux qui dénoncent régulièrement le manque de démocratie doivent être entendus.

Enfin, nos politiques en commun doivent être revues. En particulier, il faut réfléchir à une réelle gouvernance économique de l’euro, afin de crédibiliser notre espace de vie. Finalement, j’oserai dire que « l’Union ne fait plus envie », à tel point que la Suisse, la semaine dernière, a décidé d’annuler sa requête d’adhésion, pourtant vieille de 24 ans !

Il est nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, que les dirigeants européens reprennent la main, écrivent une nouvelle page de notre histoire en prenant en compte les conclusions des différents « accidents » qui jalonnent notre parcours depuis un peu plus de dix ans.

Il est indispensable de se donner un nouvel avenir commun et d’impulser un nouveau souffle à l’Union. En tant que centristes, vous le savez, nous sommes prêts à mettre toute notre énergie dans cette construction.

Nous comptons sur la France et l’Allemagne. De Gaulle et Adenauer, Giscard et Schmidt, Mitterrand et Kohl, Chirac et Schröder, Sarkozy et Merkel ont montré le chemin. Nous attendons maintenant Hollande et Merkel !

Mais, ai-je envie de dire, peu importe si les Britanniques choisissent de sortir ou non de l’Union. Ce serait un coup dur, mais l’essentiel est que ceux qui en sont membres soient convaincus et enthousiastes pour porter un vrai projet politique et économique en commun, celui d’une Europe intégrée et plus fédéraliste. Le mot fait toujours peur – même les centristes hésitaient à le prononcer. Pourtant, quand certains de nos amis politiques parlent de transferts de souveraineté, il s’agit bien de fédéralisme, n’ayons pas peur de le dire. Ne construisons pas une Europe à la carte qui ne serait que l’addition des demandes de chaque État membre.

Le deuxième point que je souhaite aborder dans ce débat concerne nos relations avec la Russie. Il y va du poids diplomatique et du développement économique de l’Union européenne.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, le Sénat a adopté voilà deux semaines une résolution européenne que j’ai eu l’honneur de préparer avec notre collègue Simon Sutour et qui a recueilli l’assentiment de la quasi-unanimité de notre assemblée, avec 301 voix pour et 16 contre.

J’insiste sur ce vote, car il émane d’une chambre du Parlement d’un des États membres les plus importants de l’Union. Je ne souhaite pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’il soit banalisé, voire balayé par les infrastructures communautaires. Nous sommes le premier parlement national parmi les États membres à donner un avis sur cette question. Ce n’est donc vraiment pas négligeable. Et je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que ces sanctions ont coûté 0, 3 % du PIB en 2014 et 0, 4 % du PIB en 2015, soit l’équivalent de ce que va rapporter le plan Juncker s’il réussit.

Cette résolution, équilibrée et réaliste, a pour objectif principal de dénouer la crise ukrainienne le plus rapidement possible, de garantir l’intégrité territoriale de ce pays par la défense des accords de Minsk et d’initier une reprise de relations « normales » avec la Russie.

Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État, et sur le Président de la République pour porter la voix du Sénat sur cette question les 28 et 29 juin. Notre résolution doit vous permettre de guider la position française. Or il semblerait que les ambassadeurs, d’un trait de plume, l’aient déjà mise à la poubelle ! Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que nous représentons le peuple. Et lorsqu’on se moque du peuple, on en arrive au Brexit !

La résolution de cette crise est indispensable pour l’Ukraine, pour la Russie, pour l’Union européenne et pour ses États membres. Aussi, je vous rappelle que le dispositif de la résolution consiste juste en une levée progressive et différenciée des sanctions, sous conditions, dans les domaines économique, politique, diplomatique et individuel. Je pense en particulier aux parlementaires : est-il normal que M. Le Roux soit interdit de séjour en Russie parce que nous interdisons à la présidente du Sénat russe de venir en France ?

Le bon sens voudrait qu’au moins, les 28 et 29 juin, malgré tous les ambassadeurs et les fonctionnaires européens, vous ayez le courage de prendre ces décisions ! Si M. Hollande en faisait la demande, ce serait déjà un signe positif !

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