Intervention de Jean Bizet

Réunion du 21 juin 2016 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 28 et 29 juin 2016

Photo de Jean BizetJean Bizet, président de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen sera dominé par les résultats du référendum britannique et, à nouveau, par la crise des migrants. Ce débat préalable est donc particulièrement bienvenu.

À l’approche du référendum britannique, l’Europe retient son souffle. Nous souhaitons le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, mais il appartient au peuple britannique, et à lui seul, d’en décider. Malheureusement, la campagne électorale a été tragiquement endeuillée par le meurtre sauvage de la députée travailliste Jo Cox, soutien du « oui ». Je veux saluer sa mémoire et condamner fermement cet horrible assassinat.

Notre collègue Fabienne Keller, qui suit le dossier depuis plusieurs mois au titre de notre commission, se rendra sur place. Quels que soient les résultats du scrutin, il faudra nécessairement prendre des initiatives. L’Europe ne fonctionne plus, la France ne s’exprime plus. À l’inverse, des forces centrifuges s’exercent.

Pourtant, les grands défis de l’heure appellent plus que jamais des réponses communes. Nous voulons une Europe recentrée sur l’essentiel, soucieuse de subsidiarité et de simplification, une Europe qui affirme sa puissance et son autorité dans un monde aujourd’hui en turbulence. C’est sur ces bases que nous dialoguons avec nos homologues des États fondateurs pour penser et repenser l’Europe de l’après-24 juin.

La crise migratoire demeure d’une tragique actualité. L’Europe doit être à la hauteur de ses valeurs. Le rétablissement durable des frontières intérieures mettrait en cause le principe de libre circulation, qui est l’un des grands acquis de la construction européenne. Il aurait, de surcroît, un coût considérable.

Il faut partager l’exercice de la souveraineté pour assurer le contrôle des frontières extérieures, c’est une évidence. Nous appuyons également la création d’un corps de garde-frontières et de garde-côtes, un projet que nous avions déjà évoqué au Sénat voilà quelques années.

Mais peut-on continuer à admettre que FRONTEX ne puisse accéder au système d’information Schengen ou intervenir dans un pays tiers pourtant candidat à l’adhésion ? Parallèlement, nous voulons un contrôle systématique des entrées et des sorties de l’espace Schengen, un dispositif qui nous paraît incontournable.

L’Union européenne doit mener un combat résolu contre les passeurs. La coopération des pays tiers est aussi indispensable en matière de réadmission et pour agir sur les causes des flux migratoires.

Une mission d’information travaille sur l’accord avec la Turquie. Nous devons être vigilants. A-t-on bien évalué la portée de la libéralisation du régime des visas ? On nous dit que 5 critères resteraient à satisfaire sur les 72 exigés. Or le président turc a d’ores et déjà écarté celui portant sur la révision de la loi de lutte contre le terrorisme. L’Europe doit, je le répète, rester ferme sur ses valeurs. C’est aussi dans la durée que nous attendons des résultats concrets.

Enfin, la Commission européenne a présenté ses recommandations dans le cadre du semestre européen, dont Fabienne Keller et François Marc nous rendent compte régulièrement. Les déficits espagnol et portugais demeurent préoccupants. La Grèce va bénéficier d’une enveloppe de 10, 3 milliards d’euros débloquée par le mécanisme européen de stabilité. Il faut y voir le signe d’une reconnaissance de l’engagement grec sur la voie des réformes, un chemin encore long et difficile sur lequel nos amis grecs ne doivent pas s’arrêter. La situation demeure toutefois fragile. La présidente Michèle André, le rapporteur général Albéric de Montgolfier, notre collègue Simon Sutour et moi-même restons particulièrement vigilants sur ce sujet.

Concernant la France, la Commission souligne l’objectif d’une correction durable du déficit excessif en 2017, celui de pérenniser les mesures de réduction du coût de travail, de réduire les impôts sur la production et le taux nominal de l’impôt sur les sociétés, ou encore de promouvoir les accords d’entreprise en concertation avec les partenaires sociaux. Autant de défis que notre pays devra finir par relever ! Au-delà, on voit bien les trop grandes divergences entre nos économies. C’est aussi le manque d’harmonisation fiscale et sociale qui doit être souligné, un sujet particulièrement délicat qui explique aussi que nos amis d’outre-Rhin commencent à douter de la confiance qu’ils peuvent avoir en notre pays.

Pour finir, je veux évoquer trois sujets d’une grande actualité.

L’Union européenne s’apprête à prolonger les sanctions contre la Russie. Le Sénat a pourtant appelé tout récemment à un allégement progressif et partiel de ces sanctions, en particulier des sanctions économiques, en liant cet allégement à des progrès significatifs et ciblés dans la mise en œuvre des accords de Minsk. Nous invitons le Gouvernement à agir dans le sens préconisé par la résolution du Sénat, relativement équilibrée, qui invite à rétablir un contact et un dialogue avec le partenaire russe.

Deuxième sujet : le président Juncker va demander aux États membres de reconfirmer le mandat de la Commission européenne pour la négociation du traité transatlantique.

Ce projet ne peut être bénéfique que s’il est bien négocié, c’est-à-dire s’il est équilibré. L’Union doit rester ferme sur ses intérêts, en particulier l’ouverture des marchés publics et la protection de ses indications géographiques.

Enfin, dernier sujet que je souhaitais évoquer, le Conseil européen devrait débattre de la coopération avec l’OTAN. Nous demandons, au Sénat, un débat stratégique pour définir une vision à long terme de l’avenir de la politique de sécurité et de défense commune.

Les États de l’Union européenne également membres de l’OTAN doivent veiller, lors du prochain sommet de Varsovie, à la cohérence des stratégies respectives de l’Union et de l’Organisation atlantique. C’est aussi l’un des messages qu’avec quelques collègues, nous avons porté à nos homologues polonais la semaine passée.

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