La distinction que vous faites entre bonne et mauvaise finance n'est pas opérationnelle. En économie, chacun cherche à tirer parti du système existant ; ceux qui innovent sont d'abord mal reçus, et bien souvent les condamnés d'hier seront salués demain, et vice versa. À qui revient-il de tracer la frontière, sinon à l'autorité de la justice ? Je suis de culture libérale, mais je n'ignore pas que notre pays s'est construit autour de son État, à qui appartient le privilège de l'action publique. Or via les lanceurs d'alerte, soutenus par les ONG, il y a une privatisation de l'action publique. Les poursuites sont de la responsabilité de l'État, et plus précisément du parquet, elles ne sauraient être ainsi déléguées à l'initiative individuelle ou associative. Ces constructions légales sont inquiétantes car elles feront peser un soupçon de délit sur chaque innovation. Comment opérer le distinguo entre bon et mauvais comportement ? Entre bonne et mauvaise finance ? Un exemple : les grands exportateurs français sont bien souvent sollicités par les pays acheteurs pour des offsets, c'est-à-dire des contreparties industrielles. La corruption traditionnelle est condamnable, elle nuit d'abord aux entreprises en faussant la concurrence ; mais qui jugera de la validité des demandes d'offset ? Des lanceurs d'alerte dénonceront des concurrents bien placés... Je préférerais que cela reste sous l'autorité du juge.